La journée d’affilée, sans répit. Ces deux
fois deux heures d’enseignement, la première dans une ambiance que je sens de
sympathie sinon de capacité intellectuelle : c’est la formation artistique
à laquelle je suis le seul enseignant à apporter une substance littéraire et de
regard sur la vie contemporaine. La seconde éprouvante, la propension au rire
diffus sans motif dicible et le suivi constant de jeux ou de messages d’écran,
le cours n’étant qu’une des occupations mentales de ces personnages que je ne
peux qualifier ni nommer que selon leur patronymes mais nullement selon un
statut quelconque d’élève, d’étudiant… point commun, une part de l’école d’aujourd’hui
qui contrairement à ce que « dégoise » sur France-Infos. un
philosophe dont le nom m’échappe,n’est pas du tout le massacre de toute envie et
de toute curiosité dans la jeune génération : elle est au contraire la
dernière chance d’amener à la lecture, au regard sur l’actualité et à l’appropriation
de quelques legs mentaux des jeunes pas inintéressants mais imperméables
totalement à des contenus, dont ils ne savent pas même faire le constat d’inutilité
ou d’obsolescence. La critique longtemps explicite de siècle en siècle n’est
plus faite aujourd’hui – dans ce segment avec lequel je suis aux prises depuis
trois mois, et dont je ne sais s’il constitue une exception relative ou un bon
exemple pour l’une de nos strates sociales actuelle – n’est plus passivité et
complet retrait. C’est aussi fascinant (et débilitant) que le cotoiement d’un
auto-didacte : puits de science et fatras, autiste par inaptitude aux
structures, aux chronologies, aux hiérarchies et aussi à la relativité, une
récitation permanente sans écoute, de solutions pour tout. Et pourtant, dans
ces rencontres plusieurs fois par semaine ou dans cette fratrie par alliance,
des interstices : il y a de l’intelligence, il y a de l’amour, il y a
certainement un chemin, une jonction, je ne les trouve pas encore. Je chemine
sur une ligne de crête, celle du préjugé favorable à maintenir. Et avec tous,
ainsi avec notre fille, ma femme, autrui en général, me mettre à la place de l’autre.
Alors presque tout change.
« Mise
en bière » ce soir de notre cher vieux « gros Sacha ». D’abord
les jours et nuits d’assèchement, peut-être vingt-quatre heures pour que le froid
ou la simple température ambiante s’installe à jamais, puis vient la rigidité,
vient ensuite l’odeur et ce soir, c’est une chair gonflée et détruite qui ‘est
laissé manipuler une dernière fois. La religion chrétienne n’est ni une
philosophie ni des déductions de vieux textes. Elle est de la plus grande
audace et dans le détail : la résurrection des morts n’est pas une vie
autre ou une transposition, elle est la résurrection de la chair, l’éternité du
vivant dans ce qu’à sa naissance il avait de plus précaire et à quoi il
retourne un moment. Oui, je crois… c’est du même ordre que la « présence
réelle ». On ne reçoit pas – dans l’Eucharistie – Jésus dans son cœur :
abstraction… on mange Sa chair et l’on boit Son sang. Comme je voudrais que
fidèles et célébrant, après la messe, au lieu des bavardages ou des fuites
depuis le seuil du monument qu’on appelle aussi église, s’agenouillent et
demeurent, digèrent au sens propre.
Maintenant,
les vacances. Me mettre tranquillement et dans la foi à tenter cette ordalie
avec tout ce que je dois commettre en écrits et démarches. Nous sommes en France
et dans l’Europe actuelle au comble de l’imprévisible, et aux prises avec les
plus mauvais démons. Prier donc… providence et/ou chance, que Luc ait existé,
sans lui ni les « évangiles de l’enfance » ni les débuts historiques
de l’entreprise. La généalogie du Christ, l’établir et la rappeler est un rite.
Par adoption, Jésus porte le nom d’un adultère. Matthieu [1]apporte moins que la
Genèse, le sens vient de celle-ci : une généalogie de l’attente et non de
l’héritage, une hérédité par anticipation, c’est l’humanité entière qui de
génération s’imprègne de son salut et y participe. Le sceptre royal n’échappera pas à Juda, ni le bâton
de commandement à sa descendance, jusqu’à ce que vienne celui à qui le pouvoir
appartient, à qui les peuples obéiront. … En lui, que soient bénies toutes les
familles de la terre.
La lune haute
mais incomplète, des nuages de brume et d’humidité, le silence totale, les deux
rumeurs : la comtoise, la télévision lointaine. Et bientôt le souffle de
ma chère femme. Sommeil de celles/ceux que j’ai aimés, vies des mes ascendants, inconnue
de mes descendants, communion avec qui m’accueille, prière pour celles/ceux
qui me refusent.
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