La lune couchée depuis une grande heure, la
pleine, un oiseau maintenant. Prier…[1] les liturgies de la Semaine Sainte en
camp scout, glacial et fervent, chaleureux, une tranquillité ambiante de
mutuelle affection fraternelle, des virilités s’affirmant par notre discpline
et même nos jeux, nos marches, jambes nues, béret sur le crâne, front et
regard, vent pluie grand air tout le temps de huit jours…, le bougonnement et
l’ouverture d’esprit des aînés, je fus le petit puis le chef, la solitude et
l’accueil du prêtre en paroisse locale, nous apprenant un autre sacerdoce que
celui des « bons Pères », eschatologie de ces temps. Au très présent,
les textes que nous croyions prendre au pied de la lettre, que nous recevions
avec piété. Mon vieil âge me donne maintenant un autre sens pour les recevoir
encore, mais la racine date de ce temps-là. J’ai eu la grâce d’être façonné à
presque tout, quelqu’ingénu que cela ait finalement produit… Jean sait nous
parler d’amour et d’amour humainement. Il en sut d’expérience vécue quelque
chose, quoique toute relation, dans nos vies de précaires comme naguère dans ce
groupe d’itinérants et de lumineux qu’étaient à la suite du Christ les
disciples, soit difficile à « voir » du dehors. La respiration est un
soulèvement, un murmure. Jean, Marie-Madeleine, Dieu incarné, fait homme. Le
baiser de Judas aussi, était un baiser. Sa réaction chiffre dérisoirement le
prix de sa future trahison. Le patron des comptables ? Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents
pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? Le Christ pour les pharisiens voulant sa
« peau » en valut donc dix fois moins… et Judas n’a pas marchandé, il
n’a pas même avancé son prix, sa propre évaluation, il n’a pas fait valoir ce
qu’il savait, lui, du Sauveur ? Laisse-la ! Il fallait qu’elle garde
ce parfum pour le jour de mon ensevelissement. Des pauvres, vous en aurez
toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Le mot est rude, fataliste, orgueilleux,
comment Jésus nous le donne-t-il à comprendre, recevoir ? Jésus se sait et
nous sait. Les deux précarités, la pauvreté affligeant une partie de l’humanité
et faisant tester l’autre plus par elle-même que par ceux qui en sont malades
parfois à mourir… le Christ qui humainement ne dure pas, sauf sous les espèces
renouvelées par nous, dans la foi et par la liturgie, du pain et du vin. Le
geste de Marie condamne son frère et fait se dévoiler Judas. La contemplatrice
de la première venue du Christ chez eux est la dernière à l’avoir vue mettre,
de corps, au tombeau. La première aussi à Le rencontrer ressuscité (REMBRANDT
pour Lazare puis pour elle). Elle se prépare à la suite. Elle annonce à
Jésus l’effroyable et si proche futur : elle versa le parfum sur les
pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux. Le fantasme masculin et de toute enfance puisque l’amant de la première
fois en est comme un nouveau-né : la chevelure. Marie
était belle, forcément… ce qui pourtat importe peu, la prière et notre regard
d’âme, seuls, reçoivent et discernent la beauté. L’expérience humaine de l’amour montre si
bien l’évanescence quotidienne des beautés les plus conformes aux canons et à
la mode reçus, et tout autant le rayonnement dont le visage banal peut soudain
devenir indéfbnissablement et alors durablement, capable… L’âme s’atteint du
regardant et de la
regardée. Propagation
de la foi, rayonnement de la tombe, de toute tombe… la maison fut remplie
par l’odeur du parfum. Mais d’annonce de
la Résurrection, point. Au contraire, Lazare va être renvoyé à la mort et Jésus
est embaumé par prétérition. C’est l’Ecriture qui rappelle, promet
l’aboutissement. Tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les
captifs de leur prison et de leur cachot ceux qui habitent les ténèbres… Espère
le Seigneur, sois fort et prends courage, espère le Seigneur. La
Semaine Sainte
résume en un seul sacrement faisant gerbe de tous les autres, ceux de toute vie
humaine qu’elle les demande, les reçoive ou n’en sache plus rien ou rien
encore… celles et ceux qui quittent l’Eglise de leur baptême parce que les
gens, le clergé, l’enseignement les scandalisent, ne les accompagnent plus. Or,
les objets de scandale, qui n’en voit, rencontre, en éprouve ? sont bien
secondaires, et pas substantiels. Ce qui l’est se cherche, se trouve, s’obtient
dans les sacrements. La
Semaine Sainte en donne l’unité : l’espérance. Laquelle,
jamais n’est jamais solitaire. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, le discernement et l’accueil à l’arrivée… de
qui aurai-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie : devant
qui tremblerai ?
Je
reviens au détail du texte. C’est d’un repas qu’il s’agit, Lazare bien vivant,
Marthe au même office qu’à chaque fois. Seul changement, l’irruption de la
prophétie, celle que la contemplatrice, sans en être pleinement consciente,
proclame. L’économie recommandée a posteriori par le traître n’est pas pour une
cause de société, mais, selon le Maître, pour la célébration d’un sacrement,
une mise au tombeau. Il fallait
qu’elle garde ce parfum pour le jour de mon ensevelissement. L’exégèse et les traductions dont je ne suis
pas capable font-elles ou non ressortir qu’il n’y pas de conditionnel passé.
Donc, ce que dit le Christ s’applique au vécu du moment. A ce repas chez les
siens, il est déjà à ensevelir… celui qu’il a humainement ressuscité peut
entendre son thaumaturge préparer sa propre mort.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire