Vendredi Saint . 18 Avril 2014
Prier…
hier soir, la pensée me venait que la dernière Cène a aussi une exceptionnalité en ce
qu’elle est le seul repas que Jésus prenne avec ses disciples sans être invité « chez
les autres ». Lui et ses disciples se sont organisés entre eux et l’Eucharistie,
de portée universelle, s’institue d’abord à huis-clos, dans le recueillement le
plus dense. Aujourd’hui, l’office le plus dépouillé. [1] Textes doloristes,
difficiles, au moins pour moi et sans doute pour notre époque, la souffrance
sinon l mal subi (ou causé, mais par autrui ?) comme chemin d’accès à Dieu
t au salut. Celui-ci octroyé à proportion de ce que nous subissons ? A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il
sera comblé… Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les
souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu
pour tous ceux qui lii obéissent, la cause du salut éternel. Le Christ « à la redresse » ?
Dieu perfectible dans sa version humaine ? Parce qu’il s’est soumis en tout, il a été
exaucé. Ces difficultés mènent à une
avancée dans le mystère. En posant d’autres questions : la liberté de Jésus
homme… et à quoi Il la consacre par une obéissance libre à son Père. Et en nous
conduisant à l’essence de ntre salut, qui n’est pas selon nos proportions, « mérite »
ou souffrances, mais selon le Christ uniquement : nous éions tous
errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a
fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. Même le sens de ce que subit le Christ apparaît mieux : parce
qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les
multitudes, il se chargera de leurs péchés. La
souffrance a alors un sens, un seul, celui de nous approcher du Christ et en
subissant-recevant, nous aussi, de la souffrance, nous pouvons vivr et reveboir
de L’accompagner un peu dans Son incarnation et dans Son œuvre de rédemption. La
souffrance a alors moins de mystère – celle que subit et accepte le Fils à
notre place et en notre nom, quoique ce soit, factuellement, selon les
évangiles, nous qui la lui infligeons – que le péché. L’inexpplicable n’est pas
la souffrance, ni même le mal : concept, abstraction, mais le péché : œuvre de
liberté commise par la créature tant aimée, mais libre, vis-à-vis de son
Créateur, face à Lui, contre Lui. Le péché, figuré entre autres par le
mouvement d’Eve puis d’Adam, mais ensuite détaillé dans l’ensemble de l’Ancien
Testament, et souvent caractérisé par le Christ, dans le Nouveau, a comme
antithèse et antidote la tentation et la prière ultime de Jésus à Gethsémani. Jean,
seul des apôtres, à avoir tout suivi, n’est que factuel. Le mystique est celui
qui rapporte les propos tenus par le Christ, son testament, à la Cène. L’historien, le
journaliste, celui qui nous donne le plus le verbatim des échanges et dialogues du Vendredi-Saint, est le même homme, encore
si jeune, certainement très aimant, mais dont la contemplation personnelle et
celle dont il nous transmet les éléments « en direct » est dépouilllé
de toute émotivité. Dans sa version, Pierre, renégat, ne se repend pas, ne
pleure pas : nous le savons par d’autres. Il y a une sorte de mécanique
infernale. Le cri du Christ avant de mourir, la question à son Père l’ayant
abandonné selon toute apparence ne sont pas non plus dans cette version. Des
points décisifs, factuels, sont donnés et uniquement par Jean : Jésus,
portant lui-même sa croix… Femme, voici
ton fils… Voici ta mère… Les deux piliers
de l’Eglise, l’Eucharistie et Marie. Vérifier si Jean ne serait pas le seul à affirmer
la primauté de Pierre… troisième pilier, celui-là tout humain. Et enfin un
des soldats avec sa lance lui perça le côté, et aussitôt il en sortit du sang
et de l’eau. Ce qui permet à Jean d’authentifier
l’ensemble de son récit. Celui qui a vu rend témoignage, afin que vous
croyiez vous aussi. Son témoignage est véridique et le Seigneur sait qu’il dit
vrai.
[1] - Isaïe LII 13 à LIII 12 ; psaume XXXI ; lettre aux Hébreux IV
14 à 16 & V 7 à 9 ; évangile selon saint Jean XVIII 1 à XIX 42
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