Hier
et avant-hier, d’une église à une autre dans notre ensemble paroissial. Une merveille
affective et un fort support spirituel que cette transhumance en début de nuit.
Jeudi-Saint, un édifice d’une vingtaine
d’années, avec un pignon séparé, comme un pylône nu de béton pour les cloches
et leur silence commencé, depuis une entrée la plus simple, presque surbaissée un
envol de colombe par un chœur où la croix n’est que lumière multicolore sans
figuration, à la
cistercienne. Vendred-Saint, le plafond en bois, planches de
bateau, voûtes très simples, la barque retournée (Corée du sud), un autel de
bois doré, le fond aussi. La même petite foule, on se reconnaît d’un soir à l’autre,
repères et joie, plusieurs femmes enceintes, des marmousets se manifestant et
circulant avec constance, hier, un écho du Lamma sabacthani, pas deux ans,
marchant à peine, miniature humaine, un tout petit garçon appelle et
ré-appelle, où t’es, Papa ? Notre recteur, laborieux, encore jeune,
célébrant mieux qu’il ne lit une homélie ou n‘en abrège une autre. Humanité
toujours saisissante quand l’homme votif et consacré respire la piété, la
constance, la dévotion au devoir d’état, et a ses moments de prenante
inspiration ou de banale routine. La fidélité n’est pas un mythe. Elle constitue
pour les autres et pour soi, elle fonde, ell a raison du temps et de toute médiocrité
d’instant. L’unisson pour les impropères en français : réponds-Moi, ô
mon peuple ! La réponse est aujourd’hui,
le silence, apparemment toutes portes et issues fermées. La France vit
exactement cette parabole de sa fin terrestre et historique, le champ de ruines
de ses partis, devenus les coquilles vides des querelles pour ambitions
présidentielles. Syndrome de Sigmarigen (transfert de force des gouvernants de
Vichy en Souabe allemande), moins il y a de pouvoir, plus y a d’appétit pour exercer
ce qu’il en reste, et s’en parer... Syndrome grec : le désespoir d’une
nation, il est vrai que depuis 1995, les Français sont presque les seuls en
Europe à ne pas bouger, hormis la manif. pour tous qui n’est pas un printemps français et n’a pu s’organiser en mouvement
politique, sui generis, d’un autre ordre… elle demande encore à être analysée,
elle se dissoudrait dans un immense élan national consensuel du genre de la
Libération ou de l’occupation française à tout restaurer quand l’autorité du
général de GAULLE ne fut plus seulement morale, mais instituée par la
Constitution de 1958.
Parabole
nationale, parabole liturgique, déploiement de la nappe d’autel pour la
distribution des saintes espèces, après la vénération de la croix, hier soir…
le Christ en linceul. Paradoxal esseulement en fin de liturgie du signe de la
présence réelle, quelques lumignons verts éteints, le ciboire moderne et beau,
un autel d’encoignure, le grand tableau naïf du voyant de Sainte-Anne ou de
quelques saints et pieux paysans, début XVIIème, en chapeau. On s’en occupe,
assure notre recteur revenu à sa tenue de ville (clercy-man). Dehors, dans la
nuit, le long d’une route qui fait grand’rue pour ce village passage entre
golfe et lac… où les terres semblent flotter et où l’eau, à la nudité sinistre
se plante de poteaux électriques faisant croire à une inondation passagère, alors
que tout est pérenne et silence dès qu’on sort de ce village pour aller au nôtre,
ambiance alors à l’énigme policière après quelque crime glauque…
On
ne sait plus rien – le Samedi-Saint – sinon qu’il y a un endroit et un temps où
tout est mort. Où l’on dépose les morts, où l’on s’en va. Mais il faut rester,
au contraire, venir, et revenir, durer. Aujourd’hui, la prière sans texte. J’irai
me « confesser » sans avoir la conscience précise de fautes
particulières, sinon qu tout « cloche » et que je pourrais – dois être
« mieux » pour mes aimées, pour moi-même aussi. Pour Dieu qui attend
davantage mon écoute, ma modestie, ma disponibilité. Linceul… voile à tendre au
souffle de l’Esprit saint.
Mon
livre, dans les circonstances exactes maintenant, en politique, que celles dont
partait l’écriture de ma fiction, se joue aujourd’hui. Regardant et voyant -
coincidence ? ou apport ? quand on continue de vivre tout en devant écrire… ma
partie : une mémoire réfléchie, initialement expérience par le sexe – pulsion et communion – , de la rencontre, avec pour perspective un peu discoureuse et
abstraite, l’ aller au spirituel, au politique, au mouvement voulu et non subi,
va maintenant trouver sa structure et l’objet de son parcours, dans l’enfant et
l’éducation de tout et de tous par la
vie. L’enfant refusé naguère, l’enfant obtenu miraculeusement
sans que j’ai encore accompli le vœu qui m’avait été inspiré pour le demander,
en un brouillard indistinct mais qu’avait appelé l’intervention ablative.
Seigneur,
que Votre silence soit notre repère et notre chemin, que Votre mort sans fin
soit notre reconnaissance d’humilité, de désespérance, de vide s’il n’y a Vous.
Seigneur, que Votre séjour tout humain au tombeau soit l’inventaire, forcé par
Votre tendresse et Votre compassion, de nos faiblesses et de notre besoin de
Vous. Seigneur, faites-nous attendre en liturgie comme en parousie Votre
résurrection, laissez-nous comprendre le vide qui précéda Votre œuvre de création
et de rédemption, et qui depuis Votre incarnation n’a jamais cessé et ne cessera
jamais d’être habité, illuminé, rempli par Vos promesses et Votre présence. Apprenez-nous à être généreux, dans cette attente, dans ce silence, à Vous servir comme Vous le
méritez, à donner sans compter, à combattre sans souci des blessures, à
travailler sans chercher le repos, à nous dépenser sans attendre d’autre
récompense que celle de savoir que nous faisons Votre sainte volonté, et veuillez bénir, tous ceux, toutes celles,
vivants et morts, avec qui, selon nos vies, j’ai dit, grâce à l’éducation et
aux amitiés que Vous m’avez prodiguées, cette prière-là. Vibrante de départ
pour l’action et que maintenant au soir de ma vie, je dépose en murmure à Vos
pieds, assis à côté de Marie-Madeleine. Ils ont percé mes mains et mes
pieds, ils ont compté tous mes os… Ô bon et très doux Jésus, prosterné à genoux
en Votre présence, je Vous prie et Vous conjure de daigner graver en mon coeur
de vifs sentiments de foi, d’espérance et de charité. Donnez-moi plus, emportez-moi, comme
Vous êtes et où Vous êtes, aujourd’hui au réel comme en liturgie. Eau du côté
du Christ, lave-moi. Passion du Christ, enivre moi. Amen, alleluia.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire