Sœur dominicaine et martyre
J ulia, dans le siècle Stanisława, Rodzińska, naît le 16 mars 1899 a Nawojowa (diocèse
de Tarnów, au sud de la Pologne). Elle était la deuxième d'une famille de
cinq enfants. Ses parents étaient très pieux : son père Michel était
organiste à l'église du village ; à 8 ans elle perdit sa mère. La
famille était très proche des religieuses du Tiers-Ordre dominicain de
Tarnobrzeg-Wielowieś ou probablement Nawojowa dont la mère Stanisława
Leniart avait fondé le couvent du village. Elles tenaient une école, une
infirmerie et catéchisaient les enfants du secteur.
Elle devint orpheline à l'âge de dix ans et fut recueillie avec sa
petite sœur Janine au couvent. Pendant l'occupation austro-allemande, à
dix-sept ans, elle entra comme postulante au couvent de Nawojowa, puis fit
sa profession, sous le nom de sœur Marie-Julie, à Cracovie, partie de
l'ancienne Pologne autrichienne qui venait de se réunir à la nouvelle
République polonaise.
Elle continua ses études pédagogiques à Poznań. La Pologne
renaissait de ses cendres, et les sœurs fondaient ou renforçaient les
communautés dominicaines du pays réunifié. Elles fondèrent un orphelinat à
Wilno qui avait été au centre d'un conflit polono-lithuanien, ainsi qu'à
Rava Ruska près de Lvov.
Julia prononça ses vœux définitifs en 1924 et fut surnommée la mère
des orphelins ; elle organisait des écoles et des colonies de vacances
pour les enfants défavorisés. Elle avait une dévotion particulière pour le
rosaire, qui est à la base de la spiritualité dominicaine.
En 1934, elle était supérieure de l’orphelinat de Wilno. Elle
recueillait des enfants de différentes origines, et les autorités de la
ville lui furent reconnaissantes.
En septembre 1939, lorsque la Pologne fut envahie, Wilno (désormais
Vilnius) passa aux Soviétiques. Julia dut fermer l'école et continua en
secret à donner des cours de religion, et de polonais, langue désormais
interdite. Lorsque les Allemands prirent la région, elle continua ses activités
clandestines.
En juillet 1943, sœur Julia fut arrêtée par la Gestapo et détenue à
la prison de Lukiszki à Wilno. Elle y fut gardée une année en strict
isolement, dans un petit bloc de ciment où elle ne pouvait pas bouger. Les
sœurs emprisonnées étaient torturées physiquement et psychologiquement, et
un grand nombre de prisonniers étaient exécutés. En juillet 1944, sœur
Julia fut transférée au camp de concentration de Stutthof, près de Gdańsk.
Le voyage dura plusieurs jours, dans un wagon à bestiaux, avec des malades
et des mourants. Les sœurs furent violées à l’arrivée dans le camp. Sœur
Julia fut placée dans le secteur juif du camp avec le numéro 40992 tatoué
sur son bras. Il était prévu d’exterminer rapidement les déportés de cette
section. Mais cela prit du temps parce que de nouveaux trains de juifs
arrivaient sans cesse.
La faim, la torture, la terreur, le labeur épuisant et le sadisme
des gardiens constituaient la routine quotidienne. Les femmes les plus
fragiles étaient sélectionnées chaque jour pour mourir gazées. Quoique la
plupart des détenues de sa baraque fussent juives, issues de toute
l’Europe, sœur Julia organisait avec elles une prière commune quotidienne.
Les survivantes ont évoqué son courage, sa prière, son espérance et sa
générosité. Elle partageait ses maigres aliments avec les prisonnières. Ces
dernières lui demandaient d’intervenir en cas de conflits entre elles. Ewa
Hoff, une femme juive qui survécut au camp a écrit de Julia : « Elle était noble, désireuse d’aider,
bonne. Dans le camp, où toute pitié était totalement oubliée, elle servait
avec miséricorde ». Quand elle priait, sœur Julia restait à
genoux et ne se levait pas à l’entrée des gardiens dans les baraques, ce
qui les déconcertait. Ayant appris un jour que le mari de l’une des
prisonnières, qui se trouvait dans une autre section du camp, voulait se
suicider, sœur Julia réussit à plusieurs reprises à lui faire passer des
lettres, pour le convaincre de ne pas perdre espoir. Au bout du compte, il
survécut au camp et à la guerre.
En novembre 1944, on clôtura un secteur du camp pour les malades
atteints de typhoïde, et sœur Julia se porta volontaire pour les rejoindre.
Au milieu des corps putrides et affamés, elle apporta espoir et charité.
Elle réussit à tirer d’un amas de corps destinés à la crémation une femme
qui était encore en vie. Cette femme survécut et a rendu hommage au service
de sœur Julia.
À la libération du camp, le 30 janvier 1945, il y avait dans le
secteur juif 6922 femmes agonisantes ;
sœur Julia était parmi elles.
Elle meurt de la typhoïde le 20 février 1945.
Julia (Stanisława) Rodzińska a été béatifiée le 13 juin 1999 par saint Jean-Paul II
(Karol Józef Wojtyła, 1978-2005),
lors de son septième voyage apostolique en Pologne, avec 108 martyrs
victimes des persécutions nazies du 1939 à 1945.
Sources principales : cite-catholique.org ; martyretsaint.com (« Rév. x gpm
»).
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