Ce soir
La messe dite
« anticipée » tout à l’heure à Sainte-Anne : la chapelle bleue
pour le baptême de notre fille. Joie, et nous y allons en trinité : ma
chère femme de plus en plus mal à l’aise dans notre attache bretonne à la messe
paroissiale, les visages, le peu de charité et de considération qu’elle y lit,
notre recteur, et ainsi de suite… ce qu’elle ressent comme un
contre-témoignage. Marguerite, presque toujours seule servante d’assemblée pour
un effectif théorique de quatre, maintient sa fidélité, moyennant quelque
dispense que je lui accorde quand l’horaire est trop matinal. Prier… (messe du
jour et non celle du premier dimanche de Carême) : si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu
désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans
les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Le même Isaïe qui inscrit dans les mémoires populaires ce qui va
caractériser l’avènement du Christ, Son incarnation : ce que vous
venez d’entendre, voici que cela se réalise à présent…Luminescence et rayonnement du juste parce qu’il reflète fidèlement,
intensément celui du Christ sauveur annonçant que le Royaume des cieux est tout
proche. … Alors nous sommes comblés, les
premiers, pas seulement les délivrés, les libérés, les guéris, mais nous… Le
Seigneur sera toujours ton guide. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme
une source où les eaux ne manquent jamais. Et
voici ce que je ressens si fort : tu rebâtiras les ruines anciennes,
tu restaureras les fondations séculaires [1]. La vocation de Lévi-Matthieu. Le regard du
Christ, cette sorte de choix et de soulèvement total d’une personne, happée par
Sa main divine. L’appel proprement est si lapidaire et obéi sans dialogue ni
discussion : les disciples du Baptiste, pêcheurs sur le lac, quatre en
quelques minutes, et maintenant. Jésus sortit et remarqua un publicain du
nom de Lévi assis au bureau des impôts. Il lui dit :
« Suis-moi ». Abandonnant tout, l’homme se leva, et il le suivait. Paradoxalement, il Le suit jusques chez
lui puisqu’il donna pour Jésus une grande réception dans sa maison. Abandonner, se lever, suivre. Les degrés de
la volonté et l’acte suprême : suivre. Vocation cependant très
caractérisée : ce n’est pas l’appel d’auxiliaires, désormais je ferai de
vous des pêcheurs d’hommes, mais un appel personnel et public à la conversion. Je
ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se
convertissent. Pas de mission, mais une
prise en mains, une leçon de conversion particulière, en intimité d’un homme
avec le Seigneur. Et aussitôt la célébration, la louange…
Hier en fin d'après-midi
. . . l’Oeuvre
Notre-Dame, jouxtant le palais Rohan sur la place du transept sud de la
cathédrale. Exposition sur Strasbourg, ou plutôt sur la cathédrale vers
1200-1220. Histoire passionnante, et passionnée, d’une dialectique dont je ne
savais rien : le mouvement intense au plan culturel, et peut-être
spirituel (à vérifier selon les dates pour le martyrologe : en TAULER
serait-il contemporain ?ce serait trop « beau »). Les
constructeurs et reconstructeurs de la cathédrale ont du mal à passer du roman
à autre chose, à innover par rapport au roman. L’évêque du moment, un certain
Henri II de quelque chose, qui détient le pouvoir temporel et travaille pour
l’Empereur et qui commence de subir la poussée des bourgeois et marchands
s’établissant en contre-pouvoir, entend parler d’une révolution en Ile de
France. De fait, la novation appelée « gothique » et
« tédesque » pour les Italiens, est née à Sens et aussitôt reprise à
Noyon, à Laon. Confirmation totale de nos « camps de Compiègne », les
fûtaies parfaites (hêtraies immenses et claires) des forêts royales ont inspiré
la croisée d’ogives : son berceau à Morienval… Un architecte francilien
est appelé à Strasbourg : il va y appliquer la croisée d’ogive, les
arcs-boutants, alléger tout le support des murs, ce qui va permettre les
fenêtres. On lui doit l’extraordinaire colonne à l’intérieur du transept sud,
dite échelle de Jacob et à l’extérieur le portail sud. Cette révolution – une
percée de la culture et de la civilisation françaises (dite à son
origine : l’œuvre française) – va gagner l’Allemagne et l’outre-Rhin par
Strasbourg. Mouvement strictement inverse de ce que l’on suppose une emprise
germanique. C’est l’émancipation. La sculpture suit, mais autrement :
Byzance, les enluminures d’une part mais l’orfèvrerie, la statuaire redécouvrent
le corps humain par quelques trésors grecs et de l’antiquité romaine : le
plissé, qui produira les deux figures de l’Eglise et de la Synagogue.
L’exposition présente sans doute les sculptures originales. Des reconstitutions
sont expliquées selon des gravures sur cuivre du milieu du XVIIème siècle. Le
spirituel y trouve sa part : les tympans de petite taille pour la
dormition de la Vierge puis son couronnement sont habitées par des personnages
vêtues à la grecque. C’est à Strasbourg au portail sud que pour la première
fois apparaissent ces deux thèmes devenus dogmatiques. Il y a le parfait
équilibre médiéval entre les les âges et les prophètes. Le moment dure peu,
l’exposition ou bien le cours normal du musée montre des sculptures
postérieures lourdes et méchantes ne ménageant pas les autorités cléricales de
l’époque : évêques, pape. Un Africain noir aussi. La suite et la fin sont
la présentation de vitraux que l’on peut admirer à loisir. Le verre peint, les
couleurs intangibles, le sertissage. – Un chien admirable, Marguerite
passionnée par une femme dessinant à main levée et très vive des visages de
pierre, un Moïse avant le chien. Et toujours dans la nuit venue, le cuivre
rouge de la cathédrale éclairée au plus seyant de sa pierre.
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