Au
terme de l'octave pascale - toute la semaine n'est considérée que comme un
seul jour célébrant « la fête des fêtes » (saint Augustin) -, le deuxième
dimanche de Pâques inaugure l'octave de dimanches qui mène jusqu'à la
Pentecôte, comme aussi un jour unique de fête, un « grand dimanche » (saint
Athanase) d'allégresse, manifestée par la flamme du cierge pascal qui brûle
près de l'ambon.
Le
dimanche de la Divine Miséricorde a porté de nombreux noms :
*
Ce fut le dimanche in
albis (« en blanc ») car, ce jour-là, les baptisés de Pâques
revêtent pour la dernière fois le vêtement blanc de leur naissance
nouvelle.
*
Ce fut le dimanche de Quasimodo, du premier mot latin de l'antienne
d'ouverture de la messe : « Comme
des enfants nouveau-nés ont soif du lait qui les nourrit, soyez avides du
lait pur de la Parole, afin qu'il vous fasse grandir pour le salut,
alléluia ! »
*
Et, depuis le 30 avril 2000, le pape Jean-Paul II a demandé qu'il soit fêté
comme le « dimanche de la Divine Miséricorde », selon la
demande faite par le Christ à sœur Faustine Kowalska, canonisée ce jour-là
: « Je désire qu'il y ait une fête de la
Miséricorde. Je veux que cette image que tu peindras avec un pinceau, soit
solennellement bénie le premier dimanche après Pâques, ce dimanche doit
être la fête de la Miséricorde » (1931).
La
liturgie y résonne encore tout entière de l'alléluia pascal, cette
acclamation de la liturgie hébraïque qui loue joyeusement le Seigneur et
retentit, dans l'Apocalypse, comme le chant des rachetés par le sang de
l'Agneau. Et toutes les lectures concourent à « raviver dans les cœurs le
mystère pascal » (prière après la communion).
Le
psaume 117 est repris comme un chant de victoire et, plus encore, comme un
rappel de la mort-résurrection du Christ :
« La
pierre rejetée des bâtisseurs est devenue la tête d'angle...
Voici le jour que fit
le Seigneur : qu'il soit pour nous jour de fête et de joie ! »
(Ps 117 -118-, 22-24)
Mais
la célébration de ce dimanche est dominée par la figure de l'apôtre Thomas
et l'expérience du Ressuscité qu'il connut « huit jours plus tard »
(Jean 21, 26). À travers Thomas, c'est à tous ses disciples que le Seigneur
apporte sa paix et qu'il demande :
«
Cesse d'être
incrédule, sois croyant » (Jean 21, 27). Par-delà l'apôtre
Thomas, c'est à nous que s'adresse directement cette béatitude, la dernière
de l'Évangile : « Heureux
ceux qui croient sans avoir vu ! » (Jean 21, 29)
«
L'incrédulité de Thomas vient
au secours de notre foi », chante l'hymne de l'office de la
Résurrection. Ainsi la première lecture, tirée du livre des Actes des
Apôtres qui, pendant tout le temps pascal, relate les débuts de l'Église,
décrit la première communauté de Jérusalem, ceux qui déjà sont rassemblés
au nom du Seigneur et croient sans l'avoir vu. Fondés sur la Parole,
l'amour fraternel et l'Eucharistie, ils représentent l'archétype de toute
communauté chrétienne, la communion réalisée de tous ceux qui se sont
reconnus frères dans le frère aîné et, en lui, fils d'un même Père. N'y
a-t-il pas déjà là une anticipation du bonheur céleste ouvert par la
Résurrection du Christ ?
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Homélie de saint Jean-Paul II
pour la canonisation de Sr Maria Faustyna Kowalska
(Dimanche 30 avril 2000)
«
Confitemini
Domino quoniam bonus, quoniam in saeculum misericordia eius
»,
«
Rendez grâce au Seigneur, car
il est bon, car éternel est son amour ! » (Ps 118, 1). C'est ce
que chante l'Église en l'Octave de Pâques, recueillant presque des lèvres
du Christ ces paroles du Psaume ; des lèvres du Christ ressuscité, qui dans
le Cénacle, apporte la grande annonce de la Miséricorde divine et en confie
le ministère aux apôtres : « Paix à vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie
[...] Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils
leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus
» (Jn 20, 21-23). Avant de prononcer ces paroles, Jésus montre ses mains et
son côté. C'est-à-dire qu'il montre les blessures de la Passion, en
particulier la blessure du cœur, source d'où jaillit la grande vague de
miséricorde qui se déverse sur l'humanité. De ce cœur, Sœur Faustyna
Kowalska, la bienheureuse que dorénavant nous appellerons sainte, verra
partir deux faisceaux de lumière qui illuminent le monde. « Les deux rayons,
lui expliqua un jour Jésus lui-même, représentent le sang et l'eau »
(Journal, Librairie éditrice vaticane, p. 132).
Sang et eau
!
La
pensée s'envole vers le témoignage de l'évangéliste Jean, qui, lorsqu'un
soldat sur le Calvaire frappa de sa lance le côté du Christ, en vit sortir
« du sang et de l'eau » (cf. Jn 19, 34). Et si le sang évoque le sacrifice
de la croix et le don eucharistique, l'eau, dans la symbolique de Jean,
rappelle non seulement le Baptême, mais également le don de l'Esprit Saint
(cf. Jn 3, 5 ; 4, 14 ; 7, 37-39). À travers le cœur du Christ crucifié, la
miséricorde divine atteint les hommes : « Ma Fille, dis que je suis l'Amour et la
Miséricorde en personne », demandera Jésus à Sœur Faustyna
(Journal, 374). Cette miséricorde, le Christ la diffuse sur l'humanité à
travers l'envoi de l'Esprit qui, dans la Trinité, est la Personne-Amour. Et
la miséricorde n'est-elle pas le « second nom » de l'amour (cf. Dives in misericordia,
n. 7), saisi dans son aspect le plus profond et le plus tendre, dans son
aptitude à se charger de chaque besoin, en particulier dans son immense
capacité de pardon ? Aujourd'hui, ma joie est véritablement grande de
proposer à toute l'Église, qui est presque un don de Dieu pour notre temps,
la vie et le témoignage de Sœur Faustyna Kowalska. La Divine Providence a
voulu que la vie de cette humble fille de la Pologne soit totalement liée à
l'histoire du vingtième siècle, le siècle que nous venons de quitter.
C'est, en effet, entre la Première et la Seconde Guerre mondiale que le
Christ lui a confié son message de miséricorde. Ceux qui se souviennent,
qui furent témoins et qui prirent part aux événements de ces années et des
atroces souffrances qui en découlèrent pour des millions d'hommes, savent
bien combien le message de la miséricorde était nécessaire. Jésus dit à
Sœur Faustyna : « L'humanité
n'aura de paix que lorsqu'elle s'adressera avec confiance à la Divine
Miséricorde » (Journal, p. 132). À travers l'œuvre de la
religieuse polonaise, ce message s'est lié à jamais au vingtième siècle,
dernier du second millénaire et pont vers le troisième millénaire. Il ne
s'agit pas d'un message nouveau, mais on peut le considérer comme un don
d'illumination particulière, qui nous aide à revivre plus intensément
l'Évangile de Pâques, pour l'offrir comme un rayon de lumière aux hommes et
aux femmes de notre temps.
Que nous
apporteront les années qui s'ouvrent à nous ?
Quel
sera l'avenir de l'homme sur la terre ? Nous ne pouvons pas le savoir. Il
est toutefois certain qu'à côté de nouveaux progrès ne manqueront pas,
malheureusement, les expériences douloureuses. Mais la lumière de la
Miséricorde divine, que le Seigneur a presque voulu remettre au monde à travers
le charisme de Sœur Faustyna, illuminera le chemin des hommes du troisième
millénaire. Comme les Apôtres autrefois, il est toutefois nécessaire que
l'humanité d'aujourd'hui accueille elle aussi dans le cénacle de l'histoire
le Christ ressuscité, qui montre les blessures de sa crucifixion et répète
: Paix à vous ! Il faut que l'humanité se laisse atteindre et imprégner par
l'Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C'est l'Esprit qui guérit les
blessures du cœur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui
nous divisent entre nous, restitue la joie de l'amour du Père et celle de
l'unité fraternelle.
Il est
alors important que nous recevions entièrement le message qui provient de
la Parole de Dieu en ce deuxième Dimanche de Pâques, qui dorénavant, dans
toute l'Église, prendra le nom de « Dimanche de la Miséricorde
divine ».
Dans
les diverses lectures, la liturgie semble désigner le chemin de la
miséricorde qui, tandis qu'elle reconstruit le rapport de chacun avec Dieu,
suscite également parmi les hommes de nouveaux rapports de solidarité
fraternelle. Le Christ nous a enseigné que l'homme non seulement reçoit
et expérimente la miséricorde de Dieu, mais aussi qu'il est appelé à
faire miséricorde aux autres : « Bienheureux les
miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde (Mt 5,
7) » (Dives in
misericordia, n. 14). Il nous a ensuite indiqué les multiples
voies de la miséricorde, qui ne pardonne pas seulement les péchés, mais
répond également à toutes les nécessités de l'homme. Jésus s'incline sur
toute forme de pauvreté humaine, matérielle et spirituelle. Son message de
miséricorde continue de nous atteindre à travers le geste de ses mains
tendues vers l'homme qui souffre. C'est ainsi que l'a vu et l'a annoncé aux
hommes de tous les continents Sœur Faustyna, qui, cachée dans son couvent
de Łagiewniki, à Cracovie, a fait de son existence un chant à la
miséricorde : Misericordias
Domini in aeternum cantabo.
La
canonisation de Soeur Faustyna revêt une éloquence particulière : à travers cet acte, j'entends transmettre
aujourd'hui ce message au nouveau millénaire. Je le transmets à tous les
hommes afin qu'ils apprennent à connaître toujours mieux le véritable
visage de Dieu et le véritable visage de leurs frères. L'amour de Dieu et
l'amour des frères sont en effet indissociables, comme nous l'a rappelé la
première Épître de Jean : « Nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu à ce que
nous aimons Dieu et que nous pratiquons ses commandements »
(5, 2). L'Apôtre nous rappelle ici à la vérité de l'amour, nous montrant
dans l'observance des commandements la mesure et le critère. Il n'est pas
facile, en effet, d'aimer d'un amour profond, fait de don authentique de
soi. Cet amour ne s'apprend qu'à l'école de Dieu, à la chaleur de sa
charité. En fixant le regard sur Lui, en nous syntonisant sur son cœur de
Père, nous devenons capables de regarder nos frères avec des yeux nouveaux,
dans une attitude de gratuité et de partage, de générosité et de pardon.
Tout cela est la miséricorde ! Dans la mesure où l'humanité saura apprendre
le secret de ce regard miséricordieux, la description idéale de la première
lecture se révèle être une perspective réalisable : « La multitude des croyants n'avait qu'un
cœur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre
eux tout était commun » (Ac 4, 32). Ici, la miséricorde du cœur
est devenue également un style de rapports, un projet de communauté, un
partage de biens. Ici ont fleuri les « œuvres de miséricorde » spirituelles et corporelles.
Ici, la miséricorde est devenue une façon concrète d'être le « prochain » des frères les
plus indigents.
Sœur
Faustyna Kowalska a écrit dans son journal : « J'éprouve
une douleur atroce, lorsque j'observe les souffrances du prochain. Toutes
les souffrances du prochain se répercutent dans mon cœur ; je porte dans
mon cœur leurs angoisses, de sorte qu'elles m'anéantissent également
physiquement. Je voudrais que toutes les douleurs retombent sur moi, pour
soulager mon prochain » (Journal, p. 365). Voilà à quel point
de partage conduit l'amour lorsqu'il se mesure à l'amour de Dieu ! C'est de
cet amour que l'humanité d'aujourd'hui doit s'inspirer pour affronter la
crise de sens, les défis des besoins les plus divers, en particulier
l'exigence de sauvegarder la dignité de chaque personne humaine. Le message
de la Divine Miséricorde est ainsi, de façon implicite, également un
message sur la valeur de chaque homme. Chaque personne est précieuse aux
yeux de Dieu, le Christ a donné sa vie pour chacun, le Père fait don à tous
de son Esprit et offre l'accès à son intimité.
Ce message
réconfortant s'adresse en
particulier à celui qui, touché par une épreuve particulièrement dure ou
écrasé par le poids des péchés commis, a perdu toute confiance dans la vie
et est tenté de céder au désespoir. C'est à lui que se présente le visage
doux du Christ, c'est sur lui qu'arrivent ces rayons qui partent de son
cœur et qui illuminent, réchauffent, indiquent le chemin et diffusent
l'espérance. Combien d'âmes a déjà réconforté l'invocation : « Jésus, j'ai confiance en Toi »,
que la Providence a suggérée à Sœur Faustyna ! Cet acte simple d'abandon à
Jésus dissipe les nuages les plus épais et fait pénétrer un rayon de
lumière dans la vie de chacun.
Misericordia Domini in aeternum cantabo (Ps 88 [89], 2). À
la voix de la Très sainte Vierge Marie, la « Mère de la miséricorde »,
à la voix de cette nouvelle sainte, qui dans la Jérusalem céleste chante la
miséricorde avec tous les amis de Dieu, nous unissons nous aussi, Église en
pèlerinage, notre voix. Et toi, Faustyna, don de Dieu à notre temps, don de
la terre de Pologne à toute l'Église, obtiens-nous de percevoir la
profondeur de la Miséricorde divine, aide-nous à en faire l'expérience
vivante et à en témoigner à nos frères. Que ton message de lumière et
d'espérance se diffuse dans le monde entier, pousse les pécheurs à la
conversion, dissipe les rivalités et les haines, incite les hommes et les
nations à la pratique de la fraternité. Aujourd'hui, en tournant le regard
avec toi vers le visage du Christ ressuscité, nous faisons nôtre ta prière
d'abandon confiant et nous disons avec une ferme espérance : « Jésus, j'ai confiance en Toi ! »
Sources Vives n° 91 ; www.vatican.va - Copyright © Libreria Editrice
Vaticana
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