10 heures 13 + Grisaille et vent.
C’est pourtant le printemps, bourgeons et vivacité d’une
nature démarrant par le minuscule mais le vert.
Bulle d’indiction du jubilé
extraordinaire de la Miséricorde du Pape François : « dans le cadre
de cette Année Sainte extraordinaire où nous sommes invités
à vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le
Père répand sur nous depuis toujours. Au cours de ce Jubilé,
laissons-nous surprendre par Dieu. Il ne se lasse jamais
d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime
et qu’il veut partager sa vie avec nous. L’Eglise ressent
fortement l’urgence d’annoncer la miséricorde de Dieu.
Elle
sait
que sa mission première est de faire entrer tout un chacun
dans le grand mystère de la miséricorde de Dieu, en
contemplant le visage du Christ. Du cœur de la Trinité, du
plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse
le grand fleuve de la miséricorde. Cette source ne sera jamais
épuisée pour tous ceux qui s’en approcheront. Chaque fois
qu’on en aura besoin, on pourra y accéder, parce que la
miséricorde de Dieu est sans fin. Autant la profondeur du
mystère renfermé est insondable, autant la richesse qui en
découle est inépuisable.
Nous
voulons
vivre cette Année Jubilaire à la lumière de la parole du
Seigneur : Miséricordieux comme le Père. : « Soyez
miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,
36). C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de
joie et de paix. »
J’ai du mal à entrer dans cette
invitation. Quiconque croit en Dieu, de quelque obédience
religieuse qu’il soit, quelle que soit sa référence
scripturaire, du seul fait que Dieu existe pour lui, selon
son cœur, son espérance, sa compréhension de l’univers et de
la vie… croit
d’abord, surtout et finalement en Sa miséricorde. La
miséricorde divine, la grande et dernière chance de l’homme.
De Lui vers nous, aucun doute. En revanche, faisons-nous
rejaillir sur autrui ? sur notre prochain – et Dieu sait
bien ces temps-ci combien je suis entouré de besoins, de
nécessités, d’urgences, ceux d’autrui, ceux que la
Providence me confie pour mon souci, et mon angoisse, et nos
propres nécessités. Nous sommes à u ;ne époque d’urgence et
d’appels à la charité. Le vacarme des cœurs et des
détresses. Thomas, jumeau de qui ? que de fantasmes et de
suppositions à ce sujet. Mais l’incrédule par excellence ?
non, absolument pas. [1]
Non, car les autres disciples, eux aussi, ont refusé de
croire les femmes, et ils ont eu besoin de cette invite du
Christ : quelque chose à manger… les esprits n’ont pas de
chair… Thomas sans doute a conditionné son adhésion, mais
pas au Christ, aux autres. Il est exceptionnellement
gratifié. Jésus « revient », exprès pour lui. Alors que les portes étaient
verrouillées, il était là au milieu d’eux. Le dialogue est
personnel, quoique public, au vu et au su de tous, de Jean
particulièrement qui conclut son évangile sur la profession
de foi de Thomas, la nôtre, car il nous faut – souvent – du
tangible et du solide. Avance ton doigt ici, et vois
mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté. C’est intense. Thomas
avait mis Dieu au défi, c’est le Christ à son tour qui
parlant le même langage spirituel que lui, pratiquant la
même dialectique, le met au défi. Avec un pari en forme
d’ordre : cesse d’être incrédule, sois croyant. Thomas rend les armes et
s’effondre : mon Seigneur et mon Dieu ! On ne peut davantage et
plus précisément reconnaître Dieu devant soi…
17 heures 39 + La messe seul et au
dernier rang, puisque ma princesse, décidément « crevarde »
depuis mardi dernier, a préféré garder le lit. Cinq
baptêmes, dont celui de Chloé G. Sa mère rencontrée vendredi
à qui j’avais demandé si ses filles ensemble reçoivent Prions en Eglise,
junior m’avait répondu par la négative et que
pour Emma, « ce n’est pas son truc » : pas d’allusion alors
au baptême de la cadette. Que vont vivre ces nouveaux
baptisés ? les parents conditionnement ?peut-être au début
et encore. Je vois bien que Marguerite a un fond de
connaissances religieuses mais son goût pour la messe
dominicale est à éclipse, a-t-elle une expérience de Dieu en
elle ? ce qui est décisif pour l’intériorisation. Je ne sais
pas. Ce que je sais depuis longtemps ou toujours, c’est que
notre foi est une grâce. Pour moi, la grâce d’y être
maintenu. Et pour elle, que Dieu, le Christ, se manifeste
intimement à elle, selon elle, selon ses dimensions de vie,
mais Lui-même en Personne. Je dis cela bien mal, mais
intensément, je le demande, comme je demande l'entrée de ma
chère femme en bonheur, quelles que soient nos
circonstances..
Prêche comme le plus souvent sans
relief ni chaleur. Les textes précédant l’évangile que je
n’avais pas encore lu avant de partir, me surprennent. Le
succès extraordinaire qu’est le commencement de l’Eglise. A Jérusalem, par les mains des
Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient
dans le peuple. Tous les croyants, d’un même cœur, se tenaient
sous le portique de Salomon. Personne d’autre n’osait se
joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge. Un ferment, un centre, un
respect. Le rayonnement qu’avec une grande habileté
littéraire, Luc ne présente que selon les effets, la cause –
l’Esprit Saint – a été dite d’emblée par le récit de la
Pentecôte. L’effet : de plus en plus, des foules
d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachaient au
Seigneur. Formule
complexe. Jésus à ses Apôtres après la Résurrection, et
souvent, plus encore pendant Son ministère public aux prises
avec les pharisiens et autres détracteurs, lie le manque de
foi à la méchanceté, à la dureté de cœur. Il s’est gardé
d’une telle analyse vis-à-vis de Thomas, dont Il sait
l’attachement. Foi et attachement : une adhésion nominale,
de connaissance, de confiance, puis un débordement du cœur,
une option de vie, un comportement totalisant. Retour aux
foules : les guérisons qu’on ne qualifie plus même de
miracle, ce devient la norme, un fleuve humain, un
déferlement de la foi et de la misère tout ensemble,
l’humanité : ainsi au passage de Pierre, son ombre
couvrirait l’un ou l’autre. On allait jusqu’à sortir les
malades sur les place… la foule accourait aussi des villes
voisines de Jérusalem… et tous étaient guéris. Et Jean, assigné à
Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus, énonce ce qu’est la
communion en situation avec l’ensemble de la communauté
chrétienne naissante : moi, Jean, votre frère,
partageant avec vous la détresse, la royauté et la
persévérance en Jésus… et
d’entreprendre, sur ordre, de rédiger son Apocalypse.
Ineffaçablement, mon propre séjour dans l’île et ma montée
quotidienne à mi-pente du port vers la « chora », coiffée
d’un monastère, sommet de l’Egée, ma montée à la grotte où
ce fut écrit, où se fendit le rocher, légèreté et surtout
transparence du ciel grec au niveau presque de nos pas,
l’air enveloppant de suavité nos silhouettes dans le soleil
levant. J’écris nous : j’étais seul, mais c’est le
pèlerinage de tout le vivant, des Eglises auxquelles
s’adressait le disciple que Jésus aimait, quand je passai
(en Mai-Juin 1983 du tourisme, d’un amour de quelques années
parmi d’autres mais qui s’arrêta au retour de l’île et du
moment que nous y avions vécu, le pèlerinage de la vie quand
lui est proposé presque sans gravité, le spirituel, puis le
choix. Peu après, dans une autre île, Samothrace,
l’autobiographie de Thérèse, édition d’avant sa
canonisation, cadeau de mon arrière-grand-mère à ma
grand-mère maternelle. Et entretemps Athos. Carrière et vie
amoureuse très aisées, mais première étape que Dieu se donna
en moi, me faisant sortir de l’inconscience et de
l’insouciance qui étaient miennes depuis qu’avaient cessé
chagrins d’amour et
interrogation sur une vocation religieuse. – Du fond de
notre église paroissiale, j’accompagnais de prière et de
vœux les baptisés debout, sérieux, silhouettes de dos
faisant face au prêtre en blanc et à l’autel à retable.
Quatre filles et un garçon, celui-ci nettement plus jeune
qu’elles, au prénom magnifique, celui du directeur de
conscience du roi David : Nathan. Pas loin de mon banc, une
autre solitude : une jeune femme à l’évident recueillement.
Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le
Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour toujours ; je
détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Jean, jeune pécheur
d’un lac de Palestine, désormais passeur d’une civilisation
à l’autre, d’un monothéisme à un autre, d’une gnose à …
notre vie quotidienne.
[1] - Actes des Apôtres V 12 à 16 ; psaume CXVIII ; Apocalypse de Jean I 9 à 19 passim ; évangile selon saint Jean XX 19 à 31
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