07
heures 47 + Les naufrages… nos amis B., mon tapir et les siens… une bonne
partie de l’humanité (la meilleure parce que la vraie et la consciente) : handicaps, injustices, malchances, je ne sais pas
les noms, mais je souffre intensément de ce que souffrent ces autres, proches,
fréquentés physiquement et mentalement, ou visités en pensée… et nous, mes
aimées et moi, nos efforts, nos craintes, et ce à quoi nous sommes exposés…
cette fragilité de nous et des autres… plus j’avance, non en âge, mais en
l’existence humaine, la mienne, celle des autres, plus j’éprouve que la seule
force vraie, efficace est bien l’amour. Par quel miracle prospère-t-il ?
nous est-il donné ? c’est le miracle de la vie, la vie dans sa globalité,
ses cohésions et cohérences, c’est la Création … je ne sais pas bien le dire ni
l’écrire. Je le ressens, et c’est le même mouvement que celui de prier :
demander et remercier sont le même geste, et la même posture d’âme. On ne peut
demander sans espérance ni expérience déjà du don. – Les disciples, le cercle
proche du Christ, la foule des suivants, cette sorte de cortège inorganisé mais
si dense qui « monte » à Jérusalem, est terrorisé. Exactement nous,
notre monde actuellement. Terrorisés par l’évidence que les puissants du moment
veulent « la peau du Christ », confirmés dans cette terreur par les
détails que leur donne Jésus, vivant Sa mort et notre rédemption depuis Sa
naissance humaine et en pleine conscience d’homme. Jésus marchait devant eux ; ils étaient saisis de
frayeur, et ceux qui suivaient étaient aussi dans la crainte. [1] C’est pourtant un peuple, et nous en faisons
partie, familier des psaumes et de l’espérance : et nous ton peuple,
le troupeau que tu conduis, sans fin nous pourrons te rendre grâce et d’âge en âge
proclamer ta louange… Ton bras est fort : épargne ceux qui doivent mourir…
Que nous vienne bientôt ta tendresse, car nous sommes à bout de force !
09
heures 44 + Interruption ? emmener Marguerite à l’école. Hier soir, en
rentrant de sa gymnastique à Vannes (beauté de deux adolescentes s’entraînant à
la roue, l’une avant, l’autre arrière, sur poutre et qualité de leur
enseignante), question : il est
à quelle hauteur, le ciel ? Les
handicaps ou le regard sur soi-même au physique : Myriam B. la couleur de
sa peau qu’elle juge trop mate. Je commente pour épouse et fille, chacun a sa
difficulté (avec soi-même, certes, mais objectivement ? je le crois de
moins en moins : nous sommes chacun tellement valables), mon dos
évidemment, mais s’il avait été droit et parfait, j’aurais été un Adonis, donc
puant. Répliques : ma chère femme, mais tu es puant même sans être Adonis.
Notre fille, c’est qui, Adonis ? Je réponds. Elle enchaîne : il n’y
a pas de beauté masculine dans le monde. –
Encore un naufrage qui en fait apprendre un autre, bien plus vaste encore :
ce couple de jeunes Russes, nationaux du Kazakhstan, persécutés là-bas et
refusés d’asile chez nous. Une ordonnance de la Cour nationale du droit d’asile
rendue sans contradiction, des appels difficiles et non suspensifs, la superficialité
du premier crible en recevabilité à la Cour européenne des droits de l’homme :
j’en sais quelque chose. Non seulement, chez nous et en Europe, guère de
compassion, mais plus objectivement, l’Etat de droit ? Là est un vrai
naufrage quand augmente, comme ces années-ci, la conscience humaine des
solidarités nécessaires face à tant de catastrophes naturelles et humanitaires.
Mais aussi des signes de résurgence possible : la prise de conscience de l’obsolescence
des partis sinon des systèmes politiques, au moins chez nous, mais dans toute l’Europe
méridionale et orientale, le slave et le gréco-romain… la création artistique
et littéraire : ces assises internationales du roman, organisées par Le
Monde et la Villa Gillet à Lyon, l’entretien avec Kenzaburô Oe, Nobel japonais en 1994, un frère à découvrir. Octogénaire, écrivant depuis l’âge
22 ans (mon journal commencé à mes 21 ans). Pour avancer dans la vie, l’écriture
est finalement le seul chemin que je connaisse. Il y a trois jours, je titrai
quelque chose à approfondir : à la recherche d’un livre, le mien, et voici qu’Oe a publié en 2009 : Adieu,
mon livre [2]. Et dit aujourd’hui :
j’essaie de réfléchir sur ce qu’est la dignité de l’homme.
Je
reviens à l’autel du matin. Le livre constamment actuel, car toujours proposé
en langage contemporain, ce qui n’a rien de littéral, mais signifie et fait
éprouver que la lectio divina, parce qu’elle est dialogue d’âme à âme, Dieu et
l’homme : la Bible en chacun de ses livres. Et sans doute, s’il
n’est pas récité en posture figée, mais prié : le Coran, même si pour le chrétien, il n’est qu’un
seuil indiquant qu’il y a beaucoup de portes vers le divin tandis que la Bible, après avoir tant dit la promesse et l’attente,
les confirme et donne raison à l’homme dans toutes ses nostalgies et intuitions,
dans ses vagabondages et ses immobilismes. Dieu parmi nous et à notre portée,
au point que nous avons pu Le crucifier. L’Incarnation, et quotidiennement l’Esprit
Saint. – Ecoute la prière de tes serviteurs, selon ta bienveillance à l’égard
de ton peuple. Et tous, sur la terre, le sauront : tu es « le
Seigneur », le Dieu des siècles !
Prière splendide du Siracide : rends témoignage à tes créatures des
premiers jours, réveille les prophéties faites en ton nom… que tes prophètes
soient reconnus dignes de foi.
Jésus ne rassure pas les
siens, au contraire : il se mit à leur dire ce qu’il
allait lui arriver. Jésus est le plus
important, détaillé, décisif de Ses prophètes. Réaction des Douze, typée par les fils de Zébédée… « Donne-nous de
siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ». Qu’ont-ils donc compris ? peut-être l’essentiel,
le dénouement : il ressuscitera,
mais sans rien retenir des étapes. Jésus les y ramène : la coupe que
je vais boire, vous la boirez, et vous serez baptisés du baptême d ans lequel
je vais être plongé, et ne leur garantit
rien quant à ce qu’ils demandent et que doit leur accordé ce martyre dont ils s’estiment
capables et qui va leur être infligé. Houvari des autres disciples et Jésus
calme Sa troupe : celui qui veut être premier parmi vous sera l’esclave
de tous. Le centre, c’est Lui, simplement
et logiquement parce qu’Il est le Rédempteur et Sauveur. Le Fils de l’homme
n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon
pour la multitude. – C’est le dernier mot
avant la prière de la mort, avant la prière du changement, du passage au Dieu
des siècles.
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