Quelques jours avant sa mort,
Hermann HESSE correspond avec Gertrude von LE FORT sur la
grâce adjuvante. Expérience encore ce matin, à nos réveils
décalés puis ensemble, de l’impuissance vécue et installée,
du bilan avéré et lucide d’une faiblesse physique qui peut
atteindre le mental, sourdent une disponibilité, une
sensibilité fine et totale à la visitation de l’amour.
Celui-ci, sans manifestation forte, se ressent et je ne sais
ni me l’exprimer ni en remercier. Hier, en fin de matinée,
ce fut aussi ainsi, après du choc et de la querelle : des
contraventions et pertes de points signifiées pour excès de
vitesse, pas dix kilomètres. – Oui, impuissance, faiblesse,
limitations de toutes sortes, alourdissement d’une
conscience qui s’accable et il en arrive (production
mécanique ? creuset et lit de la grâce, plutôt) une
plénitude qui est autre qu’un réconfort ou qu’une reprise de
confiance et d’optimisme : cette reprise n’aurait pas
d’objet et j’ai trop de précédents dans ma vie pour ne pas
savoir que la probabilité des impasses et des
inaboutissements de mes projets ou de mes souhaits est plus
forte que le succès et l’ordalie. Je crois que c’est la
grâce qui ne raisonne pas. Ce n’est pas même la certitude de
n’être pas seul, je n’en prends conscience que par déduction
et sans doute pour en faire acte de reconnaissance. A mesure
que les forces et le temps, l’énergie me sont mesurées,
foisonnent, grandissent, se forment des projets à la mesure
des devoirs que je me crois de témoigner, transmettre,
raisonner, comprendre par écrit et communiquer, sans avoir
vraaiment encore commencé. C’est évidemment incompatible, au
moins physiquement, surtout si je considère la somme de mes
inédits et mes incapacités à produire du vendable, de même
que quelles que soient les passions et les consécrations de
moi-même à des missions qui me furent confiées ou qui me
paraissaient aller d’elles-mêmes car l’intérêt d’un pays ne
s’enferme pas dans les instructions reçues par ses agents ou
dans leur position d’organigramme…, je n’y ai rien gagné pas
même la pérennisation d’une carrière bien moyenne. Mais j’ai
gagné d’être heureux et fier de ce que j’ai vécu, fait même
si aucun soleil ne l’a fait écrire par de grandes ombres ou
un puissant contre-jour révélant tout. Lecture qui m’est
donnée et dont je seraui incapable par moi, qui d’ailleurs
ne se tiendrait pas d’elle-même. C’est l’intuition du
Siracide – qui m’a frappé avant-hier matin et qui est
tellement explicative, quasi-universellement – tout va par deux, l’un correspond à
l’autre, Il n’a rien fait de défectueux, Il a confirmé
l’excellence d’une chose par l’autre. Des sentiments, des
situations intimes, des circonstances astreignantes en
fortes oppositions se résolvent différemment, se considèrent
l’une par l’autre. Le péché et la grâce, la mort et la
résurrection du Sauveur en sont évidemment les meilleures
« illustrations ». Ainsi l’un n’est pas un commencement ou
une solitude qui génèrerait du plusieurs, du deux, etc… la
trinité et la structure divine (si je puis simplifier ainsi
l’impensable et pourtant ce qu’il y a de plus pleinement
existant). L’un est un produit, un aboutissement. Je le vis
dans le couple qu’il nous a été donné de former. En cela,
nous sommes à l’image de Dieu, à sa ressemblance et
prospérons en Lui. D’ailleurs, Jean l’évangéliste le dit
bien : à quoi reconnaissons-nous que … ?
Programme et bilan de vie,
étonnant, magnifique, si juste psychologiquement [1] :
quand j’étais encore
jeune et que je n’avais pas erré çà et là, aux yeux de tous
j’ai cherché la Sagesse dans ma prière…. J’ai levé mes mains
vers le ciel, j’ai déploré de la connaître si mal. J’ai dirigé
mon âme vers elle, c’est dans la pureté que je l’ai trouvée.
Avec elle, dès le commencement, j’ai trouvé l’intelligence,
c’est pourquoi je ne serai jamais abandonné. Vers le ciel, mais
l’enracinement en terre, les comparaisons du Christ mettent
le plus souvent en valeur la terre et sa fécondité. Il eut
faim (hier et le figuier), c’est terrestre, tandis que les
cieux sont le Royaume préparé et auquel nous aspirons
d’intuition autant que de de foi. Eloge et prosopopée de la
Sagesse, le féminin dans les énoncés et écrits portant et
structurant, précisant notre foi est subtil, mais bien plus
caractérisé que le masculin, celui-ci ests ambiant, banal,
ne tranche pas. Les femmes dans l’évangile sont
spirituellement décisives, et elles furent matériellement
aussi pour le peu de confort dont purent bénéficier Jésus et
sa troupe. Femmes des pays dits en voie de développement,
l’Afrique tout spécialement, femmes de l’Islam, femmes de la
Bible qui, au contraire de l’avatar de nos parités
hommes-femmes, ne se poussent pas du collet en ambition
individuelle forcenée les caricaturant en hommes, médiocres
s’il n’y avait parfois la tromperie d’une beauté ou d’un
sex-appeal, au contraire elles « jouent collectif » et ne
vivent que pour le bien commun : Judith, Esther, la Vierge
Marie à Cana. La Sagesse, maîtresse de vie, mystère de toute
beauté quand elle est intérieure.
Jésus, terrestre, nous connaissant
de nature, intimement, Jésus l’un de nous, le Fils de
l’homme, est maître de rhétorique. Le « gratin »
intellectuel, religieux, politique de l‘époque (que des
hommes d’ailleurs, y a-t-il eu une femme dans les évangiles
pour questionner le Christ à faux ou à combiner Sa mort ?
non) réduit par Celui qui les fascine et les complexe : par quelle autorité fais-tu cela ? Ou
alors qui t’a donné autorité pour le faire ? – Je vais vous
poser une seule question. Répondez-moi et je vous dirai par
quelle autorité je fais cela : le baptême de Jean venait-il du
ciel ou des hommes ? Répondez-moi. Conciliabules : si
nous disons, « du ciel », il va dire, pourquoi n’avez-vous pas
cru à sa parole ? Mais allons-nous dire « des hommes » ? … Ils
répondent donc à Jésus : « nous ne savons pas ». Même la logique est
vaincue par la logique, la raison n’aboutit pas alors
qu’elle était proche d’éclairer, puisqu’en rendant les armes
elle appelait la foi, la disponibilité intérieure. Les
autres ne constataient pas les miracles et le bienfait ainsi
opéré par des guérisons inhabituelles, ils ne voulaient que
le mode opératoire. Le regard à côté. Comme Jésus allait
et venait dans le Temple. Il y est de plus en plus
à mesure que vient Son heure. Je ne peux prier, croire, me
soutenir et donc avancer, être heureux malgré les emm… que
par Lui. Il eut faim… il allait et venait… il ne
laissait personne transporter quoi que ce soit à travers le
Temple… Jésus s’arrête
et dit : « Appelez-le »… Jésus lui dit… Jésus les appela… il se
mit à leur dire ce qui allait lui arriver… Jésus les regarde et dit…
[1] - Ben Sirac le sage LI 12 à 20 ; psaume XIX ; évangile selon saint Marc XI 27 à 33
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