Témoigner par analogie
Communiquer pour communier
Mon envoi du matin, dont je n’ai pas encore
recherché la première date, est un fragment de journal. Il est de plus en plus intimiste par
un ramassement soit de notes de la veille, sans relation avec les textes de la
messe du jour – ceux-ci étant pourtant le principal –, soit du résumé des
circonstances déterminant mon « état d’âme » au moment de monter à
l’autel.
soir
du vendredi 3 janvier 2014
Il s’assortit aussi de pièces jointes,
écrits politiques et critiques des démarches dans notre pays ou de notre pays,
regards et suggestions pour notre monde et pour l’Eglise catholique romaine que
je reconnais pour mienne, mais qui est une société humaine avec en son sein les
volontés de puissance et les tendances à l’endogamie. Je communique enfin ce
que je reçois, religieux ou politiques et qui me touche, mention particulière
pour l’Islam, tellement frère. Et encore des compositions anciennes,
littéraires et autres.
C’est envoi était initialement un partage
avec ma femme, que nous soyons éloignés l’un de l’autre par des habitats
différents ou que seulement les horaires de lever et la disposition de nos
ordinateurs respectifs appellent la communication pour la communion. Partage
d’une lecture libre des textes de la messe du jour, en première activité de la
journée, quelles que soient nos sensibilités, notre foi, nos croyances, nos
aboulies et inconstances.
Ce dont je veux témoigner, c’est que ces
lectures, surtout quand elles amènent à prier ou à prendre conscience de la
possibilité de prier, nous prennent où nous sommes, tels que nous sommes, dans
le moment précis, personnel et particulier de notre vie. Ce n’est pas un
commentaire à l’avance ou professionnel, c’est celui d’une intelligence tâchant
de nourrir une âme triste ou de situer humblement une âme enthousiaste, c’est
celui d’une inspiration, imprévisible avant de monter à cet autel. Chaque jour
ou presque, elle fait s’opérer une rencontre étonnante pour moi (et qui peut
l’être pour d’autres, selon chacun, d’où cet envoi…) : un état d’âme, une
récapitulation des astreintes de toute existence humaine avec les attaches, les
obsessions, les affections, le ressenti des responsabilités sont accueillis et
confirmés, en constat et en moyen de fécondite ou d’émancipation, par des
écrits séculaires, déjà priés et médités par des générations et des
personnalités modestes ou illustres, sans nombre. La prière peut commencer ou s’arrêter
là : le secours et le sens ont été donnés.
Depuis que j’ai entrepris cette
communication pour la communion, avec ma femme, puis avec des rencontres de
hasard, ou des familiarités collectives d’enseignant, de colloques, de
camaraderies d’enfance, des adresses aussi de grandes notorités ou d’étrangers
qui acceptent ou qui ne refusent pas cette apparition régulière à leur écran…
j’ai cru rejoindre ce que j’aimerais recevoir : pas forcément en retour ni
la pareille, quelle qu’en soit l’expression, mais l’expérience d’autres… mr
sortant de moi-même ou me confirmant ce que je ne peux a priori ni en besoin ni
en souhait. Peut-être des diversités de confiances en une transcendance
minimale, en ce qui paraît des concidences entre le particulier, le personnel
et l’universel. Car la réalité du vivant quand il se communique, une fois venu
au monde, est certainement cette universalité d’appels et de réceptions, de
dialogues sans scenarii, sans propos, sans textes. Parfoiss, j’en reçois explicitement.
Il y a aussi, davantage provoqués mais involontairement, lors d’interruptions
forcées, notamment à cause d’incidents informatiques ou de l’inaccessibilité
temporaire de mon « carnet » d’adresses viruelles, des messages
venant aux nouvelles. Des signaux et balises. Il y a enfin des mots chaleureux,
des vœux et des pensées compassionnelles quand je témoigne du précipice que je
longe mais que d’autres longent aussi.
Ce qui est personnel, même crû, il me
semble que cela peut servir à soi, quand nous le retenons, l’apprivoisons, à
autrui quand nous lui disons combien le fond et le fonds sont communs. J’en
entends par bribes presque chaque jour, sans liminaire.
Une journée sans recueillement sur la ligne
de départ pour la course, une semaine dont le dimanche n’est que légalement
chômée (et par par tous… ces gens de mon village, sortant de la boulangerie,
quand sonnent les cloches et qui tournent le dos à l’église dont ils frôlent
les murs pour s’en éloigner), une année où Noël graille et se dédouble en minuit
d’un millésime à un autre ? Ce n’est pas la foi qui m’étonne, mais le
fonctionnement de celles et ceux qui n’en ont aucune. Mais qui n’en a
aucune ?
Ma proposition, cette proposition ne sont
que parmi d’autres. La vie en donne tant, que son apparence soit heureuse,
malheureuse, fortuite, lourde ou effleurante.
matin
du mardi7 janvier 2014
à chacune et chacun des
destinataires de l’envoi quotidien d’une lecture personnelle des textes de la
messe du jour dans l’Eglise catholique
Toute ma vie – jusqu’à présent du moins,
car le juste peut devenir méchant à l’article-même de sa mort et le méchant se
convertir – j’ai été pieux mais souvent tiraillé entre mes comportements de
fortune et une foi qui n’a évolué que comme mon corps ou mes capacités
intellectuelles. Assistance heureuse à la messe dès ma petite enfance, pratique
de ce qui s’appelait « l’action de grâces » après la communion,
lecture de la Bible
en désordre dès mon adolescence (initiations poétique et érotique,
apprentissage d’une intense cohérence, lecture de Jean d’affilée à mes vingt
ans sous un baobab sénégalais, puis de nouveau à mes quarante ans dans la
grotte de l’Apocalypse à Patmos, l’autobiographie de Thérèse de Lisieux lue à
Samothrace cernée par la tempête égéenne, deux fois une lecture partagée et
intégrale en cent semaines, notée à mesure). Foi reçue, s’il en est. Ni
cherchée ni acquise. Quand commencèrent mes notes quotidiennes ? vite
transmises à ma chère femme d’une autre manière de croire et prier que la
mienne mais certainement encore plus vraie, personnelle, parfois douloureuse,
toujours aimante. Nos deux ordinateurs à quelques mètres l’un de l’autre, mais
le décalage de l’éveil, l’ouverture de nos messageries, plus discontinue de sa
part. De quand date la communication à un, puis quelques tiers ?
J’aime lire. J’aimerais recevoir chaque
jour – précisément sur les textes que je cherche à appliquer – d’autrui,
d’inconnus ou de personnes chères la suggestion de leur propre manière de
comprendre ou de prier. Evidemment pudeur, discrétion, incapacité ou peur
d’écrire sont des remparts. Je les comprends. Une ligne ou une parole proposent
parfois bien davantage par une vérité et une exceptionnalité que n’ont pas les
flots et déversements. Les recueils commodes donnant les textes de l’Eglise ne
sont pas cette communion – les méditations adjacentes sont, par force
(l’imprimeur, la poste), composées à l’avance et probablement à la
queue-leu-leu en quelques heures pour un mois entier (que me pardonne la
rédaction trop souriante en photo. de Prions
en Eglise et avec laquelle j’aurai aimé une relation) : c’est un outil
de partage, pas le partage. La présence mutuelle est au présent, dans
l’instant. En objet, en temps, ce qui dit bien la foi éprouvée ensemble. Reçue
de nouveau.
Voilà, la genèse de cet envoi. Je n’ai
pas bien compté. Probablement deux cents jusqu’à cette Pentecôte. Nous
repartons – je n’ai pas encore compté – probablement à quelques cinquante. Par
construction, l’augmentation de notre nombre ne se fera que par des nouveaux
venus, et peut-être quelques revenants. Pentecôte
2012 – dimanche 27 Mai
voici les présentations
successives de cet envoi quotidien
que j’avais déjà envisagées
mais sans les diffuser, pensant préciser et ajouter…
Chaque matin – parfois en retard dans la
journée ou avec des interruptions dûes aux aléas informatiques – vous recevez
un message de moi. Vous êtes environ deux cent, mais je vous ai rencontrés
chacun par hasard, d’enfance, de fratrie ou seulement par correspondance. Vous
ne faites pas partie d’une « liste » transférée. A volonté, vous
pouvez ne plus me recevoir.
Ces messages sont de vie, ils ont une
évolution : pas une explication de textes par quelqu’un de consacré,
vivant en communauté ou pas, préparant à l’avance quelque édition périodique
des textes de la liturgie catholique quotidienne. Un moment de vie, au lever,
récapitulant forcément la journée de la veille et déjà habitée par le programme
du jour. L’instant d’avant le recueillement qui ne peut s’écrire ni ne se
dire : la prière.
Pas volontairement, c’est parfois
impudique parce qu’indiscret vis-à-vis de moi-même, donc quelque chose d’imposé
peut-être ou narcissique. Pièces jointes souvent : un témoignage reçu, une
note de lecture, une réflexion politique ou des photos. Ma femme, initialement
première destinataire, et notre fille sont présentes. Parfois, je suis long
parce qu’enthousiaste – de ce que je vis ou du texte – et trop souvent, je ne
me relis pas : fautes de saisie fréquentes que je vous demande d’excuser.
Dans la foi et pour la prière, nous
sommes tous « amateurs », religieux éprouvés, enfants à la veille de
recevoir un sacrement décisif, femme ou homme en dépression, en déshérence,
responsable politique ou d’une entreprise ou d’un diocèse, croyants en Dieu
unique mais selon une révélation reçue différemment (nos frères musulmans,
juifs). Je ne suis pas non plus écrivain, quoique j’écrive beaucoup. Ce que
vous recevez n’est donc qu’un bout de papier poussé de mon coin de table vers
vous, avec timidité et souvent avec hésitation selon ce que je viens de vivre
et d’avouer, aussi elliptiquement que possible.
mardi 20 Décembre 2011
Comment le dire, l’écrire, maintenant que
c’est vécu, que c’est devenu pour moi et pour chacun de ceux et celles qui
reçoivent le courriel circulaire – destinataires masqués par discrétion pour
eux – une habitude, une structure. Pour moi, souvent, c’est la seule d’un jour
échevelé, sans consistance, sans œuvre ou le point de lucidité dans une
ambiance d’excitation, de joie, de dépression. Pour ceux qui reçoivent cet
envoi, je ne sais que peu. Ce qui m’est parfois adressé en retour, pas toujours
des mêmes. Une phrase, un mot ont touché. Lesquels ? Beaucoup plus
évocateurs, les rejets et les refus. Le plus souvent mal articulés :
l’encombrement des messageries et le temps perdu à trier pour supprimer, cela
me vient (je ne dis plus que c’est un paradoxe) de professionnels et des
dévôts : plate-bandes sur lesquelles je marche ? harrassement d’une monotonie
d’exercices que n’irriguent plus étonnement ou foi – je caricature, suppose et
ne sais… ou de personnes rencontrées à quelque sainte occasion que je crus
fraternelle. Ma fratrie de chair et sang manifeste – à deux exceptions tandis
que le peuple des neveux et nièces est plus accueillant – que l’enfance et
l’éducation ensemble donnent les uns sur les autres les préjugés du droit, de
la hiérarchie et surtout de la connaissance intime d’autrui, ou bien le partage
d’émotions ou de réflexions paraît impudique ou exhibitionniste. Je le
comprends – de tous – car initialement internet
me répugna presque : envoyer certes, mais recevoir, être pénétré, violé…
s’afficher, par adresse électronique, disposé à cela ?
De toute ma vie, je n’ai jamais fait
l’expérience personnelle de l’absence de foi, quelle que soit la dénomination
qui puisse se donner à l’incroyance, à l’agnosticisme, au désespoir ou à
l’indifférence. La distraction vis-à-vis de Dieu (et des autres) tant est
forte, multiforme notre carapace autiste, je l’éprouve sans cesse : ce n’est pas l’absence de foi, c’est le peu
de prière.
Foi et prière sont toujours allées de
soi, aussi loin que je me souvienne. La lecture de la Bible, pratiquée avec
bonheur à ma toute première adolescence, dans une ambiance créée par une
instruction religieuse – sans doute bien faite et attrayante, remuante – dès
mon tout jeune âge. Une interrogation sur une éventuelle vocation religieuse
et/ou sacerdotale me fit chercher dans la prière et la lecture spirituelle –
pas seulement la fréquentation de la
Bible chrétienne, c’est-à-dire en deux Testaments – une
orientation de vie. Recherche de l’état auquel j’étais appelé, qui est devenu
ces années-ci appel à fructifier, à répondre de ce qui m’est confié.
Responsabilité de mes aimées en couple et en famille, mais aussi responsabilité
vis-à-vis de celles et ceux qui reçoivent ce message quotidien.
Lecture quotidienne, non préparée, non
destinée à être publiée, communiquée, même partagée, lecture personnelle au
saut du lit, à l’ouverture de l’écritoire, commencement. Destinataire – quand
fut le premier matin ? même question pour la Genèse
– ma femme, avant notre mariage, que nous habitions le même lieu ou que nous
soyons séparés puisque nous avons d’abord eu chacun notre résidence. Aujourd’hui
encore quoique nos ordinateurs soient physiquement distants de pas trois
mètres. Je précède l’envoi erga omnes
d’un courriel de salutation amoureuse. Je suis humain, marié, bientôt
septuagénaire, j’écris à notre fille – de maintenant six ans – le journal de sa
conception puis de sa petite enfance, elle le recevra édité – vierge de toute
lecture par un tiers – quand je sentirai qu’elle est prête (désireuse ?)
pour les premiers volumes. Prière de toujours, écriture de presque toujours,
communication fréquente.
En mentionnant la destination à ma chère
femme, j’ai étendu la diffusion à quelques-uns, explicitement, puis l’anonymat
des destinataires, y compris de l’unique réceptrice initiale devint nécessaire.
Aucun envoi n’a été ni ne sera en liste reçue d’ailleurs. Chaque nom évoque un
visage, parfois une histoire. Peu dans ma famille de sang, des étudiants, des
rencontres dans le métro., dans la rue, dans des lieux publics, des hasards,
des religieux – quand même – des politiques, deux anciens ministres du général
de Gaulle, des musulmans, sans doute des juifs, des gens de grande réussite et
d’autres très simples de société et de culture.
Je n’ai aucun but. Cette lecture
quotidienne – dont je n’ai pas encore cherché les premiers écrits en
chronologie quoique le journal intime que je tiens depuis 1964 témoigne de la
place de la Bible
et de la prière dans ma vie – est un acte. Si je le produis à d’autres, c’est
que j’aimerai le recevoir d’autres. Non pas des effusions ou des études ou des
commentaires écrits d’avance, à la suite l’un de l’autre, sans le poids et les
circonstances de chaque jour à son commencement selon nos calendriers et nos
horloges, pas des recueils apologétiques ou des prières composées. Seulement,
quelques minutes de vie – entre Dieu et d’autres que je rassemble dans la
prière surgissant de la lecture – et le bouquet naturellement puisqu’il m’a été
intimement offert, que je n’aurai pas su le composer, le voir de moi-même… peut
aller à d’autres.
Immaculée conception – 2010
En amours adolescents et ne vit-on pas
ainsi toute l’existence humaine, même (sinon surtout) en couple, consacré par
le mariage ? j’ai toujours guetté en l’autre le signe… de même que, par
profession autant que par amour de mon pays, j’ai guetté (et suscité de plus en
plus systématiquement) l’image portée de la France à l’étranger, et souvent chez mes
compatriotes… de même depuis une vingtaine d’années, je guette (et provoque, de
plus en plus) l’aveu de Dieu chez ceux que je rencontre ou celles dont j’ai la
responsabilité, ma chère femme, notre fille (mariage le 18 Juin 2004 et
naissance le 22 Novembre 2004, comme le général de Gaulle à dix minutes et cent
quatre ans près).
dimanche 6
Février 2011 – l’évangile du sel et de la lumière
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