Il y a quelques jours, la circulation automobile était
difficile dans les rues de Troyes à cause de la manifestation des agriculteurs
qui revendiquaient la prise en compte de leurs intérêts. Le respect du droit de
manifester est un signe de démocratie. La manifestation, même si elle crée
quelques embarras pour ceux qui ne sont pas directement concernés par le
problème, est un appel pour ceux-ci à ne pas rester étrangers aux problèmes de
leurs frères, à prendre conscience que nous sommes dépendants les uns des
autres, que la base de la relation sociale c’est une solidarité mutuelle qui
nous fait élargir notre horizon les uns aux autres plutôt que de rester
confinés à nos seuls intérêts. Bien-sûr il n’est pas toujours facile de faire
la différence entre l’expression d’un mal être, d’un mal vivre qui ne peut
laisser tranquilles ceux qui en sont les spectateurs quelquefois forcés et les
requêtes corporatistes centrées exclusivement sur elles-mêmes et imposées à tous
les autres. La solidarité est une invitation permanente et un apprentissage
permanent dans notre société qui n’est jamais à l’abri d’une régression
individualiste.
UNE CONSCIENCE EN
ÉVEIL
Ce qui rendait la situation un peu particulière, le jour de
la manifestation, pour un automobiliste en arrêt forcé au milieu d’un embarras
d’ engins agricoles, c’est qu’il pouvait, pendant qu’il attendait, entendre à
la radio l’évocation des massacres dans les rues de Bangui, en Centrafrique.
Cette coïncidence était un rappel, sans doute fortuit, mais non moins important,
que la solidarité constitutive du vivre ensemble ne s’arrête pas aux frontières
de notre univers et qu’aujourd’hui elle ne saurait être qu’ouverte au-delà de
toute frontière. Autrement dit, nous sommes tous concernés, provoqués, y
compris les agriculteurs qui manifestent dans nos rues, par la situation
tragique que vivent des peuples ailleurs. Ceci ne doit pas nous dissuader de
faire appel à la solidarité des autres, mais doit aussi nous aider à ramener nos
problèmes à leur juste dimension, à éviter les pièges corporatistes et
individualistes qui guettent beaucoup de nos réactions, et à garder toujours
une conscience en éveil face aux tragédies qui assombrissent notre univers.
UN ENGAGEMENT
VIS-A-VIS DE L’AUTRE
Le message de Noël n’est rien d’autre qu’un appel universel à
l’attention à l’autre, à l’accueil de l’autre, au respect de l’autre, à la
sympathie pour l’autre, toutes attitudes qui font que l’étranger devient un
frère dont je partage les peines et avec qui je construis l’harmonie et la paix. La réponse à cet
appel ne se limite pas à une posture bienveillante et fraternelle, elle conduit
à un engagement vis-à-vis de l’autre, un engagement qui élargit notre
communauté humaine, qui nous rend proches de ce qui arrive à nos frères même
lointains. Quand on est dans le bonheur, ce n’est pas facile de sortir de soi
et d’avoir pour ceux qui sont en difficulté plus qu’une pensée émue. Quand on
est soi-même dans le malheur, ce n’est pas facile de penser à autre chose qu’à
son malheur, sinon pour en rendre responsables les autres hommes et même Dieu.
Noël, c’est l’évènement voulu par Dieu pour dire aux hommes qu’il s’intéresse à
eux, pour les rapprocher de lui et les rapprocher les uns des autres. La
présence des bergers d’Israël et des mages d’Orient devant la crèche atteste
que le Christ est venu pour tous les hommes sans distinction de race, de
langue, de culture, d’âge et de condition. Il se sent concerné par le malheur
et le mal de tous, et nous nous invite à l’être à notre tour, en sortant de nos
univers étriqués, en passant les frontières de nos replis sur nous-mêmes.
LE CŒUR UNIVERSEL DE
DIEU
Noël est la manifestation du cœur universel de Dieu, un cœur
universel qui accorde du prix à chacun en particulier. Mais il ne s’agit pas
seulement de le dire, il s’agit aussi de passer aux actes. Dieu l’a fait :
son Fils est venu dans le monde, « sans revendiquer le rang qui l’égalait
à Dieu », il a pris la condition des hommes et est allé jusqu’à mourir
pour que tous aient la vie.
Noël nous invite à traduire cette attitude à notre mesure. En
ce Noël 2013, soyons inventifs de gestes qui font tomber les barrières autour
de nous, faisons-nous proches par l’accueil, la main tendue, le cœur ouvert, de
ceux dont nous sommes loin non seulement par la géographie, mais aussi par la
culture, les idées, la conception de la vie, soyons ensemble des acteurs de
fraternité.
+Marc STENGER
Evêque de Troyes
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