Hier
soir, le plus grand chagrin de ma vie. La réaction, la posture immédiate de
notre trésor : et où est Vanille ?
– Il a été tué, il est mort, mon trésor – Ne pas pleurer, surtout ne pas
pleurer, être joyeux, continuer, ne pas pleurer. Un enfant atrophie son affectivité ? il s’y force pour ne pas
mourir de douleur, de chagrin, de cette amputation décisive qu’est la mort de
qui l’on aime, et l’innocence absolue de l’animal, plus encore sa vulnérabilité
et son préjugé de proximité bienveillante, quand il est de la famille. Malheur
à celui par qui… et pourtant miséricorde et compassion universels… le pauvre
type qui, au fusil, a tué trois de nos chiens, à bout portant, à pas cent
mètres de notre maison … Vie qui est la nôtre : aimer rend responsable, je
ne peux déserter de rien. Il n’y a pas d’alternative à l’amour. Haine ou ou indifférence
ne sont que néant.
Je
prie par ce que je vis et ce que nous vivons. Quant à notre pays, il n’a jamais
été aussi mal gouverné depuis les catastrophiques années 30 quand les
gouvernements étaient une commission parlementaire aux manettes pour six mois
de palabres. Aujourd’hui, le pays est déjà exproprié de ses actifs, de ses
acquis, de son expérience de lui-même, est maintenant exproprié des chances que
lui donne parfois la
conjoncture. Ajoutant l’incitation à la haine en son sein
comme entre tous acteurs politiques, l’opposition offre un modèle aussi
désespérant que le vide brouillon des pouvoirs publics auxquels en son temps,
elle n’avait rien apporté… cette opposition dogmatique et copieuse du pire chez
ses chefs et bien-pensante chez ses adeptes est encore plus minable que le
gouvernement : syndrome de Sigmaringen pour celui-ci, querelles constantes
de cheffaillons auto-proclamés pour l’autre. Pleure, ô pays bien aimé !
Je
tremble pour nous et je ne peux qu’envelopper de mon pauvre amour celles qui me
sont confiées. Expérience quotidienne de l’impuissance en tout, sinon compatir
et aimer. Essayer, tenter de protéger, d’édifier. Guetter d’où vient, peut
venir la lumière… Oui, j’ai vu, et je
rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu.[1] Jésus, Dieu fait homme, l’inconnu, même pour
son cousin qui avait été sensible à sa venue quoique chacun soit encore en
gestation. Une connaissance de Dieu, une identification de Celui-ci qui ne peut
nous être donnée que par Lui-même. Je ne le connaissais pas… Je ne le
connaissais pas. L’inspiration et le
signe. Déchiffrement de nos propres circonstances. L’événement : voici
l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. Le mal, c’est le péché et nous sommes pécheurs, malfaisants pour
autruio, pour nous-mêmes, pour toute la création. Mystère
que nous soyons ainsi nuisibles, face à Dieu. Sommes-nous lucides si nous
péchons, si aveugles pour que nous péchions ? je ne sais, c’est la question
de ma vie spirituelle, mais elle ne m’obsède pas, elle est presque
intellectuelle, elle ests en faut hors sujet, et hors vie spirituelle :
celle-ci ne peut être que consentement vécu et prié à la présence de Dieu en
moi. Nos limites, mes limites, qu’y pouvons-nous sinon courir dans les bras de
Qui nous en délivre. Ce qu’il nous appartient d’être et de faire, c’est d’aimer
et cela suppose de nous donner. Ce qui est sans cesse à refaire et à reprendre
tant nos mouvements, nos regards et nos actions sont repliés vers nous-mêmes,
nous projetons sans cesse sur la création et sur autrui notre petitesse. Lorsque
le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à Lui parce que nous Le
verrons tel qu’il est. Et voici l’anticipation :
le Précurseur désigne et identifie, authentifie Celui qui vient. Dès
maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas
encore clairement. Ma détresse et mon
souci de qui j’aime a la dimension-même de l’espérance qui m’est donnée,
celle-ci d’autant plus grande que je ne vois rien. De loin en loin, ces
mois-ci, quelques pépites et étincelles de lumière par la parole ou le geste de
qui j’aime, par la constance de vie et d‘intensité de vie, que je peux croire
bonheur de vivre, celle de notre fille. Du moins y a-t-il une dialectique… tandis
que ces enterrés-vifs dans le désert d’une affectivité qui n’a plus ni sujet ni
objet, alors le désespoir n’est plus même un manque et n’a aucun mot. Deux ou
trois visages me sont ici présents, et ce que je sais ou ce qu’ils me disent de
leur existence en parcours et en l’état. Lassitude somnambulique des inassouvis
qui n’ont pu que vieillir sans avoir apparemment avancé et qui croient n’avoir
jamais rien reçu ?. Dieu veuille nous bénir : pays et humains
amputés, atrophiés mais encore assez vivants pour recevoir si advenait… alors,
à la vue de quelques-uns dont la foi est consciente car Dieu leur donne la grâce
de la maintenir en eux…il y a cela que « placarde » l’Apôtre … puisque
vous savez que Dieu est juste (qu’en
pense et qu’en vit notre fille ? elle n’a pas récriminé hier soir, nous
avons prié pour notre chien comme pour ma belle-mère, comme pour ma chère
femme, le monde et nous-mêmes faisant un dans notre peu de paroles et notre
très humble récitation) reconnaissez
aussi que tout homme qui vit selon la justice de Dieu est vraiment né de Lui. La Genèse, non plus le récit et la parabole, non plus l’explication, non plus un
commencement imagé mais d’autant plus mystérieux, simple et si incommensurable…
mais la réalité quotidienne pour chacun de nous : vraiment né de Lui.
Me
relisant pour relever les fautes de « frappe », j’ai envie d'écrire ce que je sais :
nous sommes sauvés parce que nous nous aimons les uns les autres. Sauvés de
nous-mêmes, des circonstances, enlevés de nos impasses, débarrassés de nos
lourdeurs. Oui, Seigneur, je crois, nous croyons. Si douloureuse soit la
souffrance et la mort imposées à deux innocences, notre animal et la petite
fille, grandissant en âge et en sagesse, si forte déjà, lucide, aimante, enfant
pourtant et primesautière… qui s’était attaché à ce rejeton d’une chienne si
affectionnée et qu’on nous a empoissonné. Oui, Seigneur, je te prie, nous Te prions,
nous Vous prions.
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