Joie anticipée
de la prière, impasses et mains vides, pas même demander, m’approcher seulement,
regarder et écouter. A qui l’on a
beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on
réclamera davantage. Il me semble que
« l’on » me donne bien plus que par le passé et pendant les périodes de gloire
amoureuse, professionnelle, relationnelle, éditoriale. L’ « on » peut me
réclamer donc davantage. Je ne sais quoi sinon que cela « passe » par la prière
et l’écoute de Dieu, de ma vocation hic et nunc, de mon dévouement à tout ce qui
m’incombe de circonstances, de mariage, de paternité, en affection, en
politique, en transmission, dévouement encore plus organisé, mais surtout
intérieurement oblatif et aimant. Je sens cependant qu’il y a plus à donner
encore et que je recevrai à proportion pour simplement avoir à donner. Je suis,
nous sommes pas tant de passage, que passage nous-mêmes ; parabole du maître de
retour et de ce que faisaient les serviteurs et intendants en son absence. [1].
Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que
le Fils de l’homme viendra. Parabole du
voleur et de celui qui s’attend à sa tentative. Question de Pierre, question de
l’Eglise : s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? Jésus ne répond pas directement et donne une
autre parabole. Manière divine la plus fréquente, au moins dans mon expérience,
les réponses sont apparemment très éloignées de la question. Pourtant à terme,
elles nous comblent, sont justes et même justifient la question, la nôtre était
un peu à côté, dans notre intérêt-même elle est reprise, et nous le sentons.
Vous avez maintenant obéi de tout votre cœur à l’enseignement de base auquel
Dieu vous a soumis. Vous avez été libérés du péché, vous êtes devenus les
esclaves de la justice.
Images fortes de l’esclavage surtout pour les
correspondants de Paul, pour nous celle de l’addiction, mais à travers le monde
tous les esclavages et la manière dont nous nous empêtrons dans nos vies. Je me
suis empêtré. Vous n’êtes plus sujets de la Loi, vous êtes sujets de la
grâce de Dieu. Dychotomie que suggère
Paul, que je ressens de puis des années, dont il a la piste, il y a nous sans
que nous puissions nous situer existentiellement autrement et plus précisément
qu’en Dieu, notre âme. Le corps nous est confié, nous sommes plus que lui. Nous
appartient-il ? oui, en termes de responsabilité, le sanctifier, l’embellir, le
faire servir, mais il ne faut pas que le péché règne dans votre corps mortel
et vous fasse obéir à ses désirs. Expérience de la tentation, de la possible
et si proche « sortie de piste »… et comme un oiseau, nous avons échappé au
filet du chasseur ; le filet s’est rompu, nous avons échappé.
Hier soir, sur
Arte à 22 heures 35, de Karim Miské : Juifs et musulmans, si loin, si
proches. Deux épisodes : les origines (610-721), puis la place de
l’autre (721-1789). Mardi en huit : la séparation (1789-1945) et la guerre des
mémoires (1945-2013). C’est extrêmement intelligent et délicat. D’abord le choix
d’une illustration continue, purement graphique, defiction, belle, les
aquarelles de Jean-Jacques Prunès. Ce sont, point par point de la chronologie,
des interventions en trois-quatre phrases d’une succession de
connaisseurs-experts-univrsitaires, femmes, hommes, juifs et musulmans, c’est
clair, le plus souvent concordant : Michael Mumisa (Cambridge), Tudor Parfitt
(Ecole des études orientales et africaines de Londres), Kamal Hachkar, Raphaël
Draï (IEP Aix-en-Provence). J’apprends factuellement la dialectique des
relations entre les premiers musulmans, naissant spirituellement dans les plus
polythéistes des tribus arabes, et leur entourage juif et dans une moindre
mesure chrétien. J’apprends les origines (khalifat d’Omar) du modèle de la
relation avec les autres religions, l’apparition à au moins deux reprises
éclatantes de juifs convertis à l’Islam et lui donnant les racines scripturaires
et la mémoire de l’lensemble de l’histoire sainte de l’humanité (de ce côté-ci
urope et Méditerranée, de notre monde, car l’Inde, l’Extrême-Orient sont
complètement d’une autre mythologie, d’une autre relation de l’homme avec le
mystère de l’existence). Rôle aussi des juifs comme administrateurs et
militaires pour compte des musulmans auxquels ils se sont ralliés.. Je suis
confirmé dans l’importance de l’Andalousie et surtout – éblouissant – dans une
mise en perspective, grâce au passé, de ce que nous vivons actuellement, en
Europe au moins. Le balancier et le déplacement des centres névralgiques et de
gravité de l’Histoire. Très probablement, l’heure de l’Europe, pendant cinq
siècles, se termine, comme il y eut Damas puis Bagdad, comme il y eut l’empire
ottoman. L’Espagne de a « reconquête » est la matrice des extrêmismes
d’aujourd’hui et le débat sur les racines chrétiennes de l’Europe plus par
exclusion que par construction a son origine – non rappelée pendant ces
discussions récurrentes depuis quinze ans quand nous rédigeons nos tentatives de
Constitution pour l’Europe – dans les tolérances-intolérances bannissements et
conversions de force pendant cinq-six siècles en Andalousie. Evidemment, les
croisades. Un spasme hors continuité historique, telles qu’elles sont brièvement
évoquées. Mes racines familiales andalouses et notre ancêtre éponyme, j’ai même
son prénom, à la 1ère croisade. Spirituellement, au début de son
itinéraire de chef, Mahomet est à l’aise dans le judaïsme et a toutes raisons et
toute logique de se faire reconnaître par les juifs et rabbins du Hedjaz comme
un prophète de plus. J’appernds aussi que la Kaaba serait l’œuvre drAbraham et
d’smaël, que le sacrifice du père des croyants, ordonné puis miraculeusement
empêché par Dieu, n’était pas d’Isaac, mais d’Ismaël, selon les musulmans. Aussi
que le Temple de Jérusalem est bâti sur le lieu de ce sacrifice. La tonalité de
ce qui a déjà été projeté et donne grande envie de la suite et plus encore d’un
livre rédigé à plusieurs mains dans cet esprit et avec cette ambition, est
qu’initialement à chaque étape historique les conquérants arabo-musulmans sont
accueillis avec faveur ; ils libèrent d’un système politique généralement
oppresseur des minorités qui deviennent donc des auxiliaires. Le Monde
télévision explique utilement la gestation
d’un projet qui a dû bifurquer à plusieurs reprises pour des raisons pratiques
mais pas financières (budget de près de deux millions d’euros), et l’on est
passé d’un documentaire à un film d’animation. Pour le moment, malgré une
première option de la chaine publique marocaine, il semble que cela ne soit pas
diffusé dans le monde arabe. Sur ce modèle, j‘aimerais un récit de l’Europe, un
aveu de ses impasses et de ses fiascos. L’espérance a besoin de l’échec : elle
est un dépassement, elle s’inscrit dans l’histoire, c’est valable pour nos
parcours et nos vies à chacun, comme pour les grandes évolutions-révolutions
collectives.
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