En allant
tout à l’heure à la messe, me suis pris à me formuler : je me laisse aller
à mon livre qui s’écrit avant même que je sache l’écrire et m’y mette. – Et maintenant
que je recopie Pascal V., laisser venir et se faire ce livre qui me
viendra et m'englobe… ce livre comme une marche, comme un pélerinage et avec un
accompagnant…
Prier… textes
si connus, le sacrifice d’Abraham, une des multiples naissances de l’alliance
Dieu-homme désormais sur épreuve après que la première ait été création à la
ressemblance, à l’image, donc sans dialectique d’alliance ni de rachat. Celle
ouverte par la foi d’Abraham n’est nullement celle d’une rédemption : elle
est l’aventure d’une promesse de fécondité et d’un certain pays. Pays qui n’a
aucune des propriétés qu’il aura pour les Israëlites sortant d’Egypte,
fécondité qui est celle d’Abraham représentant – lui chronologiquement le
premier – un nouvel Adam. Le texte donne aussi la parabole de la Trinité, le
sacrifice du fils, l’intervention de l’ange ou de l’esprit, le bélier-hostie,
le père. Une des trois versions de la Transfiguration, Jean seul à ne pas
donner la sienne alors qu’il eût été le seul à la décrire de première main,
Marc tenant la plume pour Pierre. Notre recteur, messe des familles,
préparation à la première communion, évocation des confirmants, prêche le texte
selon les éléments du la liturgie du baptême qu’il recèle : la lumière, le
rayonnement, l’annonce de la mort et de la résurrection. Je reprends le mot à
mot en ce début d’après-midi et sans aller aux autres synoptiques. [1]Ni les circonstances ni
le contexte ne sont indifférents : l’interdiction finale (comme ils descendaient de la montagne, il leur
défendit de raconter à personne ce qu’ils avaient vu) a un précédent, six jours auparavant à la suite de la profession de
foi de Pierre [2] …
(alors il leur enjoignit sévèrement de ne parler de lui à personne) la première annonce de la Passion qui va d’ailleurs
provoquer une sorte de profession de Pierre en sens contraire : Passe
derrière moi, Satan ! a déjà eu lieu
et la seconde qui semble un commentaire par le Christ de ce que les trois
disciples viennent de voir, est du même ordre. Plus Jésus se révèle comme le
Christ, plus les disciples sont invités à ne pas se méprendre… il commença
de leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup souffrir, être rejeté
par les anciens, les grands-prêtres et les scribes, être mis à mort et, après
trois jours, ressusciter [3] Perplexité des disciples qui obéiront (ils
gardèrent la recommandation, tout ne se demandant entre eux ce que signifiait « ressusciter
d’entre les morts ») mais posent aussitôt
une question : pourquoi les scribes disent-ils qu’Elie doit venir d’abord ?
Or… ils viennent de voir Elie aux côtés
de leur Maître. Et alors que Jésus a exhorté précédemment, la foule en même
temps que ses disciples, chacun : si
quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa
croix et qu’il me suive [4] voici qu’il prend avec lui Pierre, Jacques
et Jean, et les emmène seuls, à l’écart, sur une haute montagne. Ce qu’ils vont voir, avec une voix donnant
le sceau de l’authentification : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ;
écoutez-le, répétition non plus directe
mais erga omnes de ce qu’il s’était fait
entendre lors du baptême au Jourdain [5]… ce qu’ils voient est
la seule apparition du Christ en majesté que nous aient jamais rapportée les
Ecritures. Jésus, ressuscité, n’est plus reconnaissable que selon l’esprit,
mais il reste incarné et même son apparence est physiquement banale, même si
ses conditions d’arrivé et de départ à la vue de ses disciples au Cénacle, sur
la route d’Emmaüs, au bord du lac ou sur la montagne en Galilée sont
extraordinaires. Jésus transfiguré est indescriptible : il fut
transfiguré devant eux, mais comment ?
en quoi ? Matthieu en dit un peu plus : son visage resplendit
comme le soleil [6], et surtout Luc, décrivant véritablement le
processus : et pendant qu’il priait, l’aspect de son visage changea [7]. Accord des trois évangélistes : ses
vêtements devinrent d’une blancheur fulgurante… ses vêtements devinrent
resplendissants, d’une telle blancheur qu’aucun foulon sur terre ne peut
blanchir de la sorte… ses vêtements devinrent éblouissants comme la lumière… Les vêtements, seuls véritablement
accessibles au regard humain. Le linceul, seul accessible, après la
Résurrection… Elie et Moïse n’apparaissent
ou ne surviennent qu’ensuite, comme appelés par la Transfiguration, ordre d’apparition
différent selon les synoptiques et les disciples ne poseront de question que
sur Elie. Pierre, comme si souvent, prend la parole mais n’obtient pas de
réponse de son Maître, que de Dieu, le Dieu de Moïse, de la sortie d’Egypte et
de la sortie des eaux du Jourdain, la nuée, la voix… laquelle semble faire disparaître la vision. C’est
celle-ci qui a fait s’écrier de bonheur et de bien-être l’Apôtre qui en perd
aussitôt le sens, tant leur frayeur était grande. Coup sur coup, la séquence sidérante – au sens actuel du terme –
continue : nuée, voix, commentaire de Jésus, de nouveau seul avec eux. Sens pour nous, pour moi ? C’est Jésus
qui emmène sans préavis mais selon une préparation déjà longue, en
enseignements et en événements, ses disciples, les mêmes que pour L’accompagner
dans sa prière d’agonie au jardin des Oliviers [8]. Assoupissement des
disciples, pourtant choisis ad hoc. Les tentes… les disciples, Pierre, ne prévoient
rien pour eux-mêmes. L’extraordinaire est commenté par Jésus Lui-même, toujours
objet et sujet, prophète et acteur. Abraham se laisse mener de bout en bout.
Jésus, priant, est maître de tout, et notamment de Son apparence. Commentaire de
Paul : le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité,
il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous, resserrant encore, s’il est possible, le lien entre mort et
résurrection, celles du Christ, les nôtres, la mienne, demain ou après-demain
peut-être. Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur, moi, dont tu brisas les
chaînes ? je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce !
[1] - Genèse XXII 1 à 18 ; psaume CXVI ; Paul aux Romains VIII 31 à
34 ; évangile selon saint Marc IX 2 à 10
[2] - Marc VIII 29.30
[3] - ibid. VIII 31
[4] - ibid. VIII 34
[5] - ibid. I 11
[6] - Matthieu XVII 2
[7] - Luc IX 29
[8] - Matthieu XXVI 37 ; Marc XIV 33 ; Luc et Jean ne mentionnent pas cette prière
de l’agonie spirituelle ni donc cette compagnie si lacunaire
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