04 heures 52 + La « preuve » est faite de ma diminution, au moins physique. Plus de sexe, aucune force de travail passées sept heures le soir. Organiser ma vie en en tenant compte. Aimer sans le sexe, c’est possible, puisque nous le vivons et que nos défis sont autres, ils sont de nous aimer encore davantage et que les mutuelles patiences soient sans doute un perfectionnement de chacun, surtout le mien : notre fille autant que ma chère femme m’y appellent. Dérèglement tel d’ailleurs que j’ai confondu cinq heures, ce qui était déjà tôt, avec quatre heures. De fait, je viens de me lever à quatre heures et demi…
Chaque
matin, la grâce, l’espérance. Et maintenant que je
l’écris, l’espérance bien
concrète, et même la prière – que
votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, que
votre règne arrive –
pour que ces affaiblissements soient
passagers et palliés : la résurrection dans nos vies, les
renouveaux et
les re-départs. Même si chaque soir me fait sombrer dans
la semi-inconscience,
tombant de sommeil et d’inertie sur ce clavier, ne pouvant
avancer même d’un
mot, dans mes écrits et devoirs du jour, quand celui-ci a
passé… est en train
de passer. Souvent au lit avant mes aimées, celle-ci
terminant ensemble une
séquence de télévision, César hier avec Stéphane Bern.
Faire-part
et remerciements pour le décès de son mari, la belle-sœur
de mon cher aîné, dont
j’ai été passagèrement et discrètement amoureux, répond à
mes condoléances
évoquant ces antériorités : le
passé bien sûr… mais le présent n’est-il pas plus important.
Non, il est d’un autre
ordre. Le passé nous
est un viatique, un socle comme il peut être aussi un
terrible fardeau. Mon
expérience à nouveau – hier – avec mon cher Denis M. : son
impuissance sur
le présent, son désarroi donc et sa sensation de solitude
alors même qu’il est
entouré, soigné avec
habileté et
affection, tient en grande partie à la perte
périodiquement de sa mémoire
immédiate, donc de tous repères en lieu et temps (la date
du jour, l’habitude
de sa chambre), tandis que du passé il garde la certitude
d’avoir à en rejeter
presque tout car il n’a presque jamais pu faire ce qu’il
aurait aimé faire.
Résultat d’ailleurs de déplorables gestion des ressources
humaines dans
l’Eglise de France, au moins antan… et ces appellations
pour les « maisons »
de « supérieur » : le responsable ou l’administrateur ou
le
gestionnaire. Maisons de retraite, collèges religieux,
etc… Montherlant… ce
moine ne disant pas : abbé, mais supérieur… les
supérieurs… A
Saint-Jean-de-Passy, collège diocésain à Paris où je ne
restai qu'à mes quatre-cinq
ans, on disait « supin »… (d’ailleurs, en la personne de
l’Abbé
Dussoulier que j’ai dû entrevoir une ou deux fois, mais
qu’on savait par
rumeur, il était chaleureux, bienveillant et sans doute
tout à fait indiqué
pour animer notre ensemble enseignés et enseignants). Je
ne pourrai vivre le
présent sans me projeter, et ces deux élans, sereins,
grâce à Dieu, ne me sont
possibles que par un passé personnel avec lequel je suis
entièrement d’accord
et pour lequel je rends grâce constamment. Passé qui
d’ailleurs coincide avec
une longue période pour notre pays de réussite et
d’équilibre.
Notre
pays… je crois maintenant et avec précision qu’il va s’en
sortir, mais sans que
ses dirigeants politiques et d’entreprises y soient pour
grand-chose, au
contraire. La débrouille générale, notamment dans la jeune
génération, pour la
plupart des carrières professionnelles, des exercices de
métier, est une
invention non encore décrite pour ses aspects positifs (le
négatif étant connu :
l’absence, la perte, le déni de solidarité et du jeu
« collectif ») :
elle est une remise à leur juste place de nos dirigeants
et un jugement
terrible sur eux, celui de leur incapacité ou de leur
égoïsme. Ils sont exogènes, car le plus souvent introduits
dans l’entreprise, seulement au moment
de la diriger (phénomène relativement récent mais qui est
une des causes de
notre perte tandis que l’Allemagne discerne dans le rang
ceux qui continueront
la direction…) Les déboires français ne sont pas des
incapacités nationales mais
des intoxications dogmatiques et des erreurs stratégiques.
Tandis que tout le
quinquennat peut désormais s’analyser en un tentaculaire
gouvernement de
déréglementation et une improvisation occulte, subordonnée
à on ne sait qui… la
« carte » de nos « territoires » dessinée puis imposée en
douce, sans referendum, sans consultation pour obéir à
qui ? et faire
quelles économies … des économies sur la démocratie et la
participation !
… la mise à mort du fleuron mondial de la médecine
française : le Val de
Grâce, centre de recherches, comme à la place de la
sidérurgie un centre de
recherches sur la sidérurgie ! L’antidote, c’est nous. Ce
sont les
reprises d’entreprises et d’actifs par des salariés, par
quelque cadre trouvant
un peu de capital. Le vrai ministre du redressement
industriel et productif, le
ministre réel de l’économie aujourd’hui, ce sont nos
tribunaux de commerce… une
économie, des procédures s’inventent sur le tas,
pratiquement… je le ressens et
découvre jour après jour. Sans doute, la litanie
quotidienne des redressements
judiciaires et des licenciements de masse (le vocabulaire
à la chinoise, au
sens du mensonge et des apparences truquées de la
légalité : celui de PSA
avant-hier matin), mais aussi ces re-départs.
Prier…
si j’ai réellement quelque chose à transmettre, que les
forces me soient
données de l’accomplir, d’en être digne…, quelque
témoignage à donner et à
laisser… de notre pays tel qu’il est en profondeur et peut
être et veut être…
de la psychologie vécue de ma foi, la foi que Dieu
maintient en moi depuis ma
naissance, et je l’espère jusqu’au dernier souffle de
cette existence, de ce
mode d’existence humaine, si beau parce que si dépendant.
La dépendance nous
donne la vérité de l’amour, d’aimer et d’être aimé.
Dépendance de Dieu,
dépendance vis-à-vis de ma chère femme et de notre fille,
gratification par
tout geste ou attention d’autrui. Les autres sont
l’enseignement de la vie et
la connaissance de nous-mêmes. Plus il y a de limites,
plus il y a de vérité,
de réalisme et donc de fécondité.
Prier…
le plus âgé de nos chiens à mes pieds, la rumeur des
autres, la nuit totale,
sans lune ni étoile, elle-même endormie en elle-même,
imposant un silence qui
est d’une douceur, d’une disponibilité intenses. Prier…
l’apocalypse certes, l’accomplissement de la colère de
Dieu [1] mais toute épreuve que
nous subissons a ces
deux marques, ce sens : la fin, l’aboutissement sont
garantis et accomplis
par Dieu pour notre bonheur, et l’épreuve en elle-même,
légère ou terrible, l’écoulement-même
du temps avec cette conscience à tout âge de notre
existence des limites caractérisant
nos jeunesses et nos vieillesses, sont le lieu de nos
témoignages, de nos
persévérances de notre amour pour Dieu et pour nos
semblables, proches, intimes
ou inconnus. Pas un cheveu de votre tête ne sera
perdu. C’est par votre
persévérance que vous obtiendrez la vie. … Mettez-vous dans
la tête que vous n’avez
pas à vous soucier de préparer votre défense. Moi-même, je
vous inspirerai un
langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne
pourront opposer ni
résistance ni contradiction. Certes, les
flammes de Rouen réduisant en cendres Jeanne d’Arc dont il
a été dit qu’elle
croyait rester finalement indemne, certes l’horreur des
prisons, des
exterminations et des massacres quand aucune issue n’est
prévisible ni
envisageable… pourquoi d’ailleurs l’Eglise n’inaugurerait
pas une « procédure »
de canonisation immédiate et en masse pour tous ces
martyrs d’Irak et de Syrie.
On relèvera les noms ensuite, on fera les monuments, mais
quelle proclamation
au monde en même temps qu’une réelle saisine
internationale pour ces mises à
mort plus même en raison de la race ou de la politique,
mais simplement pour
une foi, une identité, une persévérance millénaires. Vous
serez livrés,…
ils feront mettre à mort certains d’entre vous… Mais, le Seigneur a fait connaître sa
victoire et révélé sa justice
aux nations ; il s’est rappelé sa fidélité, son amour. Prier tout ce jour qui vient.
Hier
06
heures 55 + Réponse de Fallois à trois heures ce
matin… Produire mes livres,
aller de l’avant. Un rien me gratifie. Un rien ? non,
parce que c’est
signe. Prier aussi et surtout. Mutuelle présence. Et
plaire à mes deux aimées.
. . .
Saint-Joachim, la maison
diocésaine de retraite pour nos prêtres âgés ou
handicapés, 10 heures
30 à 15 heures + Denis ne sait ni la date du jour ni
où il se trouve mais me
reconnaît, analyse bien les photos. Après le déjeuner
ensemble, et un peu de
texte avec deux de ses confrères, promenade dans le
parc aux arbres sans doute
tricentenaires, le fauteuil roulant qu’il ne quitte
guère, la hantise que nous
ne nous retrouvions pas. Puis de retour dans sa
chambre, la prostration
mentale, un dire qui est cohérent pour exprimer la
détresse d’une solitude
tous azimuts.
Je suis perdu, tout
seul, sans rien. Pour le moment, c’est le vide. Je ne
fais plus le lien entre
ce que j’ai fait hier, avant-hier et maintenant, ce
matin, avant la nuit, c’est
le vide. Je n’ai plus rien, que ce que j’ai sur moi, et
je vais me lever deux
nuits, ainsi… Je ne sais même pas à qui m’adresser. Tandis que je tente de lui faire la lecture… je
ne suis pas ce que
vos dites, je suis dans mes pensées. A
quoi pensez-vous ? A ce que je vais faire, à ce
que je vais devenir,
je suis dans le grand vide en ce moment… Je suis inutile
parce que j’ai dépassé
l^’age de 82 ans. Je lui avais demandé
à table quel est son
meilleur souvenir, il avait éludé, demandé le temps de
la réflexion sans s’intéresser
à la question, je n’avais pas chercher à l’entrainer
par mon propre dire :
les quelques très mauvais souvenirs que je garde mais
la floraison, la foison
des bons, des magnifiques moments de tous ordres. Je
ne referais rien de ce
que j’ai fait. Dans les choses que j’ai faites, je
rejette presque tout. Qu’est-ce que vous
ne rejetez pas ? ce
n’est pas le moment d’y réfléchir. – Je retranscris
ces mots avec respect et dans la prière, c’est tout
autre que triste. C’est le
risque de l’humanité, c’est a contrario la preuve que
l’esprit, l’Esprit Saint
sont décisifs. Qu’est-ce que la souffrance mentale ?
Les intermittences. Il
n’a pu revenir à terre, au présent qu’à la vue de ma
chère femme, venant me
reprendre après son temps d’enseignement, les prénoms
lui étant tout à fait
présents. Interrogation inutile ? sa foi, la piété qui
demeure, sont-elles
une aide ? il ne les mentionne pas, en disserte encore
moins. Il a d’ailleurs
toujours été explicatif du fond, jamais démonstratif
de lui-même,
C’est
dans cette ambiance qu’avant le déjeuner et après la
messe, toujours si
émouvante – ces rangs de fauteuils roulants, derrière
deux-trois lignes de prêtres
à la tête et aux mains pour la plupart tremblantes,
mais aubes et étoles – je regarde-écoute
le pape François s’adressant au Parlement européen.
Présentation désastreuse
(comme en audience générale sur la place Saint-Pierre,
il y a un mois, regardée
déjà ici). Lecture, les yeux baissés, pas même le
« prompteur » (orthographe)
offert par les Américains à JC, de Gaulle apprenait
par cœur, pouvait donc
rencontrer les regards ou en donner la sensation, et à
la force du texte s’ajoutait,
la décuplant, la performance personnelle de mémoire et
de présence. Pas même le
cadeau à la France
et à l’Histoire de l’original en français. C’est de
l’italien, et c’est l’Europe
vue de l’extérieur. Paul VI au Mont-Cassin avait
admirablement suggéré les
structures plus encore que la mission à notre cher
Vieux Monde. Maintenant, c’est
une Europe priée de se changer, mais l’Eglise
elle-même n’a-t-elle pas à faire
en elle-même et pour sa propre mission une telle
investigation,, sa mûe et sa réinvention ?. Ce n’est
pas dit. Ce n’est d’ailleurs
jamais dit : l’échange entre le monde et l’Eglise, à
égalité de péché, d’humanité
et de devoir. Mais je reconnais que les formules
fortes et neuves abondent. Cependant,
quel texte du Vatican depuis que les sites
informatiques permettent de les lire
en remontant jusqu’à Léon XIII, n’est pas excellent.
Je crains que ce qui est
déjà présenté comme une « visite-éclair », quatre
heures, n’ait pas d’impact.
Il me semble, mais c’est bon, que les voyages en
ambiance d’Islam et de
stratégie, l’Albanie il y a peu, la Turquie
bientôt, sont plus soignés, plus vivants.
Un
numéro de La Croix, celui de la
veille, m’apprend la mort
d’Emile Poulat. Je n’ai fait que l’entrevoir à un
colloque sur la sainteté à
Vannes. Excellent et posé. Couple très uni à table, je
n’ai appris qu’ensuite
sa fécondité et aussi son parcours initialement
sacerdotal. Le papier rappelle
son œuvre considérable. Une œuvre qui correspond
exactement au point où se
trouve l’Eglise de France, et dont j’ai essayé
d’écrire au cardinal Barbarin,
comment je le ressens.
. . . à la
piscine, Aquagolfe de notre
village, 18 heures 40 + Route de
retour de Saint-André tout à
l’heure avec notre fille, puis maintenant de chez nous
pour arriver ici… je dis
la visite du Pape à Strasbourg. Marguerite me demande
s’il a dit la messe,
s’est recueillie dans la cathédrale que nous aimons en
trinité et fréquentons à
égalité avec la paroisse de son baptême. Réponse :
non. Elle se
scandalise, c’est un prêtre d’abord, il doit dire la
messe et aller prier. La
politique, certes, mais ce n’est pas un président de
chrétienté, c’est un
chrétien et il doit faire attention aux gens. Je ne
lui donne pas tort. Mais
lui résume le message de ce matin, et lui explique que
Jean Paul II, lui, avait
alors fait toute une visite en France, au moins de
l’Est. Et qui n’était pas
politique : réunion avec les prêtres d’Alsace, les
évêques de Lorraine. Elle
ne voit pas pourquoi le pape, la chrétienté feraient
de la politique. Je lui dis
le message de ce matin : s’occuper des peuples
fragiles et des personnes
fragiles, ce qui requiert force et tendresse. Cela et
le diagnostic d’une
Europe fatiguée et vieillie, n’a jamais été dit, alors
que c’est vérité et
programme. C’est Marguerite qui a le mot : final et
juste. L’Europe, c’est
une famille.
. . . à la
maison, 22 heures +
Rendez-vous avec HLG, à la date que je souhaitais :
Mauritanie et Afrique.
J’attends JPJ. Nausée à la piscine. Voir, derrière la
vitre, le long des bassins
défiler les baigneurs adultes, après les perles
sautillantes des enfants et de
la génération, ou un peu en dessous, de Marguerite,
m’a donné la nausée. C’est
la première fois que j’éprouve une répulsion pour ces
exhibitions surtout des
hommes, même quand objectivement, même souvent
disproportionnés, ils ne sont
pas adipeux, quant aux femmes, les fois précédentes,
deux ou trois à peu près… et
d’autres, souvent filles et mères, avec une chair
spongieuse énorme et ne
signifiant plus rien que de la matière. Je le dis,
comme nous nous asseyons
pour dîner. Marguerite rapporte – les vagues
arrivantes croisant celles
sortantes, aux douche – ces contrastes chez les hommes
pour… l’un énorme, l’autre
rien, à croire que c’est une femme. J’acquiesce,
tandis qu’Edith m’interdit du
regard… cette information de notre fille, bien
supérieure à la nôtre, en tout
cas à la mienne jusqu’à mes vingt-vingt-cinq ans, je
la crois salubre. Au lieu
de découvrir la beauté et la tendresse, de pratiquer
le dialogue, de le
commencer sans savoir l’envers qui est laideur et
autisme, elle saura le prix
et l’exceptionnalité de ses rencontres. Je le souhaite
pour elle, mais je le
crois. C’est une génération sage.
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[1]
- Apocalypse de Jean XV 1 à 4 ; psaume XCVIII ;
évangile selon
saint Luc XXI 12 à 19
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