La bourrasque
devient quotidienne à la même heure, la pluie fait hésiter, la
nuit, l’amour presque toujours se fait ets e défait par le
détail. Avant-hier, le poisson rouge : Tropique, rapatrié de
Strasbourg, nous divise, transfert en douce pour surprendre
mes aimées, mais hier, toilette de l’aquarium et une
demi-heure de travail ensemble. – L’unisson des générations :
Marlène Jobert, ex-sylphide, partenaire de Lino Ventura et de
Charles Bronson et tant d’autres, aux heures de grande écoute
hier soir pour présenter les baisers du soleil :
écrit de mémoire pour ses filles, ignorant tout de l’actrice
puis de la conteuse de l’enfance, il n’y a plus ni grâce, ni
taches de rousseur, ni silhouette, tout est lourdeur, les yeux
sont dissymétriques, l’enchantement fut-il jamais ? mais il y
a la voix et une certaine naïveté, bien plus qu’un résidu de
fraicheur… Pierre Daix n’est plus, les nouvelles
littéraires. La gauche
avait de l’esprit et de la plume quand il y avait le parti
communiste. La tension des années 1960 autant parce qu’il y
avait de Gaulle, les tensions européennes, les porteurs de
pancarte outre-mer et de valises en traversée de Paris, que
parce que les hebdomadaires n’avaient qu’une fonction : notre
vie collective animée, forte, fondée, discuteuse, critique,
puissante.
La tempête tombe,
prier pour que la grâce surmonte tout. Que l’Avent soit
attente. [1]
Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais. Et qui sommes-nous ? quelle
est cette grâce qui nous fait dialoguer avec Dieu ? Seigneur,
je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis
ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je
tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un
enfant, comme un petit enfant contre sa mère. C’est l’humilité, simple
conscience acceptée de ce que nous sommes, qui nous rend
attentifs, réceptifs et donc en chemin. Ayez assez
d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que
chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des
autres, recommandation
d’expérience de Paul… si
l’on s’encourage dans l’amour, si l’on est en communion dans
l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié… et conseil pratique du
Christ : tu seras heureux parce qu’ils n’ont rien à te
rendre. Bonheur de Dieu
dans sa Création, puisque nous n’avons rien à Lui rendre, qu’à
offrir son Fils tel que Celui-ci se livra à nous dans son
Incarnation. Dieu sans vis-à-vis que l’homme, des
pauvres, des estropiés, des boîteux, des aveugles. – Le vent a repris, la
végétation, nos arbrisseaux murmurant, un oiseau passant, la
respiration de tout se retient. Jésus, une énième fois, chez
un chef des pharisiens pour y prendre son repas. Paradoxe constant, puisque
ce sont eux qu’Il charge le plus. Ces pharisiens : nous !
moi ! Tant à faire et à être pour correspondre à ce que Dieu
attend de nous, de moi afin que les uns les autres… afin que
les autres…
Hier
Submergé. Ce que
je vis, ce dont je suis gros, ce que j’échange, recevant et
tentant de répondre et d’accompagner. Ce que ce soir diffuse
la télévision. La géopolitique de l’Afrique de l’Ouest. Au
cœur de tout, ou simple passant dans la vie, la « fête » de
mémoire aujourd’hui, les textes de l’Eglise, aussi forts (un
texte de funérailles, un dialogue avec les parents demandant
le baptême de leur enfant) que ces poèmes tibétains et de
l’Egypte pharaonique, forts littérairement mais étant bien
autres que cette apparence, cette vêture. – Talentueuse,
énergique, si jeune et décidée, s’expliquant bien et dont les
deux premiers romans dont je suis imbibé ces jours-ci me
passionnent autant pour ce qu’ils présagent d’un œuvre que
pour ce qu’ils disent d’une personnalité, interrogations
dormant en moi en véritable roman d’un récit qu’on donne en
outil de rencontre. Mais, à quelques minutes de mes
précédentes émotions et pensées, le voici lui, dont se détache
notre chien que nous lui avions confié ainsi qu’à sa femme et
à leurs filles, courant vers moi… Ravagé de visage, victime
torturée de maldonnes médicales faute d’appareillages
correctement posés et dosés devant par moment morphinomane
pour implorer quand il se dégage la présence de corps, de
désir d’une épouse qui – il me l’apprend – se dérobe depuis
vingt-deux ans. L’amour et le martyre ont ceci de commun que
c’est la durée qui les fait. – Notre fille tandis que nous
nous absorbons dans Le
dernier métro monte me prier de redescendre dans
sa chambre. Conversation autant que prière du soir, mais elle
dessine et danse d’une main si grâcieuse et tellement
évocatrice l’allée vers l’escalier intérieur, chacune des
marches descendues puis les pas dans le couloir jusqu’à sa
chambre que je suis ému de tant d’art, même si ce n’était
notre fille, ma fille. Ce matin, il allait me falloir aller
seul à la messe. La fatigue des mille kilomètres. Je dis à mes
aimées mon regret, puis suis à partir, et la voici, légère,
elfe. Du curé de Megève, attachant et ingénieux en homélies,
elle avait il y a près de trois ans discerné le proche
avenir : il fait trop son intelligent et ce matin, de notre
recteur, pieux et saint en célébrant s’il en est, elle dit, au
moment de l’élévation : il a l’air lassé. Ce qui m’a permis de lui
murmurer : tu sais, célébrer la messe tous les jours de toute
une vie, cela demande la foi. J’aurais dû ajouter : cela
suppose surtout d’en recevoir beaucoup. – Le silence de la
nuit est maintenant. Réplique de Bourvil à la question du
bonheur : si je n’étais pas heureux, je serai vraiment
exigeant, et parmi
plusieurs, cette notation d’Alexandra N. : respirer me
donnait droit d’espérer (page
40 de son manuscrit), ou bien : le bonheur est à portée
de main pour ecux qui savent attendre (p. 58), pouvoir ne
serait-ce que me projeter dans le futur (p. 59). Qu’elle ne sache
pas qui sont Romain Gary ou Emile Ajar ou quel éditeur est
Bernard de Fallois ? n’importe pas vraiment pas. Elle
m’apprend que j’en sais encore moins jusqu’à elle je
confondais Nefertiti et Nefertari. – Les cauchemars éveillés :
je calme celui de notre fille, le corps mort de son
grand-père, le visage et le sourire de celui-ci submergeront
et animeront tout d’ici peu tandis que le mari de l’autre soir
de celle qui fut l’adolescente sous les saules, aux rives de
ces étangs franciliens, niant toute existence autre que la
sienne : çà ne m’intéresse pas, continue de me glacer. Comme
la descente d’avion de notre président, arrivé en Alberta : ne
pas apprendre à descendre la coupée d’un avion si nativement
on ne l’a jamais su ! Laurent Delahousse, émule masculin de
Claire Chazal, le « normalise » dans son mauvais goût
vestimentare, lui aussi la chemise blanche et le costume noir
pour le JT… Marguerite si sensible aux lunettes et au
maintien, à tout d’Eva Joly, m’apprend que Ségolène Royal,
imitant sciemment son ex. se teint maintenant les cheveux en
noir : notre fille le déplore, elle a su à mesure mes votes.
Les deux chemins de l’éternité : les vertus dites théologales,
l’enfance d’un enfant quand d’heure en heure depuis bientôt
dix ans… Les rencontres qui tournent court, ainsi deux ans de
correspondance internet presque quotidienne rendue possible
par le pacte implicite de ne jamais se rencontrer autrement…
ou la main que je laissais par le griffon de mon adresse
courriel et qui n’est pas saisie… ou celle d’il y cinquante
ans moins un an qui me dépêche son fils mais ne veut pas
correspondre… ou … ou … l’humanité qui partout tâtonne, les
guerres et haines sont nos apparences. Il y a tant de
compréhensions, de pardons possibles : ce soir, prier en en
nous endormant. – On ne trompe ni Dieu ni son enfant ni qui
l’on aime. Ceux/celle qui ne vivent pas leur capacité de
fraternité, quel air respirent-ils, quelle eau les
désaltèrera ? Et notre pays qui lache la rampe parce que les
causes et drames n’ont plus la vérité d’une guerre d’Algérie
avec ses chantres : Beauvoir, de Gaulle, Sartre. Il n’y a que
les morts par violence, Rémi Fraisse. Les politiques français
ne savent pas que même un pays émasculé peut faire naître des
Ian Palach. Prier pour ceux qui meurent ainsi, l’anonyme de
Ouagadougou ce matin. Et ce soignant français au front d’Ebola en Sierra Leone.
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