Retour
en enfance parce que ma chère femme et leur petite maîtresse, notre fille, ne
sont pas là ? un ou l’une de nos chiens se remet à ronger tout livre qu’il
peut atteindre, il ou elle choisit bien : documents diplomatiques français
1949, Pléiade de TOLSTOÏ, Guerre et
paix. Etre atteint par des pertes matérielles, les objets (mes deux
stylos Dupont coup sur coup, les meubles, les incendies, les déménagements). La
vieillesse, je n’en suis conscient et elle ne me gêne que par instants, quand
je me « vois », le visage en gros plan sur la vitre du TGV qui part
vers Le Mans, le changement de train et Strasbourg, dans les lunettes de soleil
d’une Alizée, sauveteur diplômée à la plage Benoît de La Baule. J’admire
intensément mon beau-père qui ne peut plus converser que du regard, même sa
main gauche est devenue impraticable : il ne déprime pourtant pas, il
sourit, il acquiesce, c’est de nous tous celui qui vraiment ne vieillit pas.
Mon pays, notre pays ne sait pas son âge, ne sait pas cumuler ses âges, ses
chances, ses populations, ses époques. Il est traité en enfant par ceux qui lui
sont imposés, faute qu’il se connaisse lui-même : pédagogie et
célébrations, pourtant chacun de nous a une idée – le plus souvent très juste –
sur ce que nous sommes et sur ce qu’il y a lieu de faire. Chacun, sauf ceux qui
nous dirigent, ce qui les aveugle, leur fait perdre bon sens et réflexe,
liberté de penser et de vouloir est cette fonction de dirigeant qu’ils aiment
tant et qui les pervertit presqu’aussitôt acquise, nos rois de droit divin
étaient assujettis à leur conscience et rendaient sans cesse compte à Dieu et à
leurs héritiers, ils n’étaient propriétaires de rien. Nos dirigeants
d’entreprise et de politique n’ont aucun censeur que les catastrophes qu’ils
engendrent, prétentieusement.
Lorsqu’on apprit au palais du roi que
l’armée syrienne avait pris position en Ephraïm, le roi et son peuple furent
secoués comme les arbres de la forêt sont secoués par le vent. Prier… [1] le proto-évangéliste
qu’est Isaïe rapporte du Seigneur l’exacte affirmation de Jésus à ses
disciples : si vous ne tenez pas à moi, vous ne pouvez pas tenir. L’ambiance est pourtant à la catastrophe, au
temps d’Acaz, roi de Juda, qui provoque
par son curieux mélange d’incrédulité, d’indocilité mais aussi de foi, les
prophéties les plus précises et parlantes pour nous… un vent qui souffle du
désert a brisé les vaisseaux de Tarsis. Les contemporains du Christ ne sont pas à
une enseigne différente : malheureuse es-tu, Corazine !malheureuse
es-tu, Bethsaïde ! … et toi, Capharnaüm, seras-tu donc élevée jusqu’au
ciel ? Non, tu descendras jusqu’au séjour des morts… c’est pourtant là que Jésus, hébergé par la belle-mère de
Simon-Pierre ? habite en général. Dieu
se révèle en
ses palais, vraie citadelle. Comparaisons
fortes, admonestations sévères, images actuelles : voici que des rois
s’étaient ligués, ils avançaient tous ensemble ; ils ont vu, et soudain
stupéfaits, pris de panique, ils ont fui. Enjeu,
la conversion, tous à pied d‘égalité. La peur, la cécité, la dépendance de nos
sensations et paysages d’âme, des circonstances aussi, nos habits d’humains, de
vivants, de précaires. Reconnaître le miracle qu’est notre existence, qu’est
notre vie, et prier, adorer. Je suis démuni, je suis une de ses villes : Jésus
se mit à faire des reproches aux villes où avaient eu lieu la plupart de ses
miracles, parce qu’elles ne s’étaient pas converties. Pierre marchant sur les aux à l’appel du Christ, et qui prend peur :
sauve-moi, Seigneur. Confiance, ta foi t’a sauvé… Homme de peu de foi… Le
Christ et nous, notre foi, notre condition, nos évanescences, nos attachements.
Prier…
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