Prier…[1] l’amour, seule force
pour avoir raison de tout ce qui dans l’existence humaine nous amène à
désespérer, de tout et de nous-mêmes ; mais l’amour est donné autant en
mouvement qu’en son « objet ». L’objet qui se refuse et qui se dérobe,
qui ne le vit pas au martyre parfois ? pas seulement à l’adolescence… mais
l’objet qui se donne peut quand même donner à qui l’aime et l’attend et le veut,
la sensation cruelle de se dérober ou de remettre à plus tard. Toute la leçon
du Cantique, et toute la leçon du noli me tangere. L’Abbé JAUD, chroniqueur des saints, assimile sans discussion
Marie-Madeleine à la Marie sœur de Marthe. C’est souvent mon mouvement, mais ce
n’est pas certain, me semble-t-il, selon les évangiles. La certitude est en
tout cas ce que rapporte Jean en témoignage de la Résurrection. Il
n’a pu le savoir que directement de la sainte femme, quoiqu’elle ait – selon le
texte – couru annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur et
voilà ce qu’il m’a dit ». Mais elle
ne leur rapporte pas, semble-t-il, ce dialogue avec le Christ, elle ne donne
que le fait. Femme pourquoi pleures-tu ? - On a enlevé le Seigneur,
mon Maître, et je ne sais pas où on l’a mis. – Femme, pourquoi pleures-tu ?
Jésus reprend l’interpellation d’un des
anges, et précise… Qui cherches-tu ? – Si c’est toi qui l’as emporté,
dis-moi où tu l’as mis, et moi, j’irai le reprendre. Transporter à elle seule un cadavre … Jésus, ressuscité,
méconnaissable à vue humaine. Reconnaissable à ce qu’Il dit ou fait (les
disciples se rendant à Emmaüs). Dialogue universel, ou plutôt de chaque vivant
avec Dieu, quoiqu’enseigné pour nous par l’aventure d’une autre que nous. Parabole
du Cantique, justesse psychologique
de la dialectique absence-présence et toujours ce qui est fondamental (et
fondateur) en amour : la surprise d’être exaucé. Je veux chercher
celui que mon cœur aime… je l’ai cherché, je ne l’ai pas trouvé ! …
Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? Marie-Madeleine
au jardinier, l’anonyme amante aux vigiles, et cette dernière, davantage de « chance » :
à peine les avais-je dépassé, j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai
saisi, je ne le lâcherai pas. Livre de
mon adolescence, avant même les Chansons de Billitis… j’ai commencé par la contemplation amoureuse et par la légèreté du
désir qui ne se connaît pas, qui s’émeut et s’oublie dans la beauté. J’ai dialogué
toute ma vie avec la beauté – des formules et peut-être la vie pas uniquement
spirituelle, de mn cher Dom MEUGNIOT – puis je suis passé à un autre stade,
sans doute ni supérieur ni inférieur, j’ai vécu que la beauté fascinant est
prédatrice et qu’elle empêche de considérer et même de voir ce qu’est la beauté. Progressivement,
je sais qu’elle est mouvement et non statue, qu’elle est plus spirituelle que
formelle. Elle émane plus qu’elle n’est, elle participe de quelque chose qui est
plus qu’elle, elle désigne autre qu’elle, mais elle fait commencer. Je découvre
peu à peu des personnes et je m’en réjouis, ce n’est plus du tout de l’ordre de
la prédation…. Comme par un festin, je serai rassasié ; la joie sur
les lèvres, je dirai ta louange. Marie-Madeleine
a été sauvée, pardonnée. Ma contemplation est appel, ce matin, et toujours. Elle
restait là dehors, à pleurer devant le tombeau.
L’énigme
contemporaine – et puissamment politique – d’Israël en tant qu’Etat c’est bien
que ses ressortissants, et donc ses dirigeants, censément de religion et de foi
juives, descendants de ceux qui nous ont décisivement transmis des livres et
une expérience spirituelle décisive, qui ont été de véritables gardiens du
trésor de Dieu dans l’humanité, ne prennent pas à cœur cette responsabilité,
cette paternité spirituelles, et n’en tirent pas l’imagination des vraies
solutions. Car sans doute c’est en eux que réside la réponse d’amour et d’intelligence
aux circonstances, aux difficultés, aux engrenages de l’Histoire. Celle-ci peut
être sainte. Les massacres perpétrés par Josué et par les Maccabés, et
cependant tout se préparait et se continuait par eux. Et ces parentés évidentes
entre nous tous, dès que nous entrons en prière. Apparemment sans texte, mais
ne reprenons-nous pas toujours le psalmiste ? et même le Christ en croix :
pourquoi m’as-tu abandonné ? Ces enfants, tués ou orphelins, à l’artillerie
de marine sur les quais du port de Gaza. Ora pro nobis. Pardonne-leur,
Père, ils ne savent pas ce qu’ils font.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire