fondateur de :
« Ordo Fratrum
Prædicatorum »
Ordre des Frères prêcheurs : les Dominicains
Dominique de
Guzman naît
aux alentours de 1170 au château de Caleruega près de Silos en
Vieille-Castille, de Félix de Guzman et Jeanne d'Asa qui sera béatifiée par
l'Église. L'enfant reçoit le nom de Dominique en l'honneur du saint abbé de
l'abbaye voisine de Silos, mort un siècle auparavant.
Devenu de bonne heure chanoine d'Osma, Dominique accompagne son
évêque Diego dans ses voyages. Il se rend à plusieurs reprises en Languedoc
et constate les dégâts causés par l'hérésie cathare. À Rome, où Diego et
Dominique viennent demander à Innocent III (Lotario dei Conti di Segni, 1198-1216) d'approuver l'inspiration qu'ils
avaient eue d'aller évangéliser les Cumans d'Ukraine, ils reçoivent l'ordre
du pape d'assister les cisterciens qui tentent en vain de rechristianiser
les albigeois.
Dès 1206, Dominique fonde à Prouille un monastère destiné à
accueillir les jeunes filles tentées par les « maisons des parfaites » et qui constituera le noyau des
futures dominicaines. À la mort de son évêque, Dominique prend la tête de
la mission et, assuré du concours de quelques prêtres instruits, développe
une œuvre de prédication et de pénitence. Ensemble, ils organisent des
débats contradictoires avec les cathares qui durent parfois plusieurs
jours, s'imposent une vie austère qui contraste avec le faste des légats
pontificaux. L'apostolat de Dominique parmi les Cathares et les Albigeois
échoue. Mais le jeune ordre reçoit l'approbation de l'évêque de Toulouse,
puis celle d'Innocent III (Lotario
dei Conti di Segni, 1198-1216) que Dominique va trouver à Rome où avait lieu
le IVe concile du Latran.
À la mort d'Innocent III en 1216, son successeur, Honorius III
(Cencio Savelli, 1216-1227) confirme le nouvel institut et le premier
couvent s'ouvre à Rome. En 1219, Dominique prêche le Carême à Toulouse,
puis part à Paris afin d'installer un couvent de ses religieux rue
Saint-Jacques, d'où leur surnom de « Jacobins ».
Dominique retourne en Italie et se fixe à Bologne. C'est là qu'il
quitte sa demeure terrestre pour la rencontre avec Dieu, le 6 août 1221.
Le
3 juillet 1234 le pape Grégoire IX (Ugolino dei Conti di Segni,
1227-1241) le canonise
et fait lever son corps de terre afin de l'exposer à la vénération des
fidèles.
L'effort intellectuel que Dominique demandait
à ses frères porte bientôt ses fruits. À sa mort, on dénombrait à peine 25
docteurs en théologie dans toute l'Europe ; cinquante ans après, l'ordre en
comptait environ 700... Bien que n'ayant jamais été aussi populaire que
saint François d'Assise, il était vénéré dans toute l'Italie, en Espagne et
dans le sud de la France.
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
3 février 2010
Saint Dominique Guzman
Chers frères et sœurs,
La semaine dernière, j'ai
présenté la figure lumineuse de François d'Assise et aujourd'hui, je
voudrais vous parler d'un autre saint qui, à la même époque, a apporté une
contribution fondamentale au renouveau de l'Eglise de son temps. Il s'agit
de saint Dominique, le fondateur de l'Ordre des prêcheurs, connus également
sous le nom de Frères dominicains.
Son successeur à la tête
de l'Ordre, le bienheureux Jourdain de Saxe, offre un portrait complet de
saint Dominique dans le texte d'une célèbre prière: « Enflammé par le zèle
de Dieu et par l'ardeur surnaturelle, par ta charité sans fin et la ferveur
de ton esprit véhément, tu t'es consacré tout entier par le vœu de la
pauvreté perpétuelle à l'observance apostolique et à la prédication
évangélique ». C'est précisément ce trait fondamental du témoignage de
Dominique qui est souligné: il parlait toujours avec Dieu et de Dieu.
Dans la vie des saints, l'amour pour le Seigneur et pour le prochain, la
recherche de la gloire de Dieu et du salut des âmes vont toujours de pair.
Dominique est né en
Espagne, à Caleruega, aux alentours de 1170. Il appartenait à une noble
famille de la Vieille Castille et, soutenu par un oncle prêtre, il fut
formé dans une célèbre école de Palencia. Il se distingua immédiatement par
son intérêt pour l'étude de l'Ecriture Sainte et par son amour envers les
pauvres, au point de vendre ses livres, qui à l'époque représentaient un
bien d'une grande valeur, pour venir en aide, grâce à l'argent
qu'il en tira, aux victimes d'une famine.
Ordonné prêtre, il fut élu
chanoine du chapitre de la cathédrale de son diocèse d'origine, Osma. Même
si cette nomination pouvait représenter pour lui un motif de prestige dans
l'Eglise et dans la société, il ne l'interpréta pas comme un privilège
personnel, ni comme le début d'une brillante carrière ecclésiastique, mais
comme un service à rendre avec dévouement et humilité. La tentation de la
carrière n'est-elle pas une tentation dont ne sont pas même exempts ceux
qui ont un rôle d'animation et de gouvernement dans l'Eglise? C'est ce que
je rappelais, il y a quelques mois, à l'occasion de la consécration de
plusieurs évêques: « Ne recherchons pas le pouvoir, le prestige,
l'estime pour nous-mêmes... Nous savons que dans la société civile, et
souvent, même dans l'Eglise, les affaires souffrent du fait que beaucoup de
personnes, auxquelles a été confiée une responsabilité, œuvrent pour
elles-mêmes et non pas pour la communauté » ( Homélie
lors de la chapelle papale pour l'ordination épiscopale de cinq prélats, 12
septembre 2009, cf. ORLF n. 37 du 15 septembre 2009).
L'évêque d'Osma, qui se
nommait Diego, un véritable pasteur zélé, remarqua très tôt les qualités
spirituelles de Dominique, et voulut bénéficier de sa collaboration. Ils
allèrent ensemble en Europe du nord, pour accomplir des missions
diplomatiques qui leur avaient été confiées par le roi de Castille. En
voyageant, Dominique se rendit compte de deux immenses défis pour l'Eglise
de son temps: l'existence de peuples pas encore évangélisés, aux frontières
nord du continent européen et le déchirement religieux qui affaiblissait la
vie chrétienne dans le sud de la France, où l'action de certains groupes
hérétiques créait des troubles et éloignait de la vérité de la foi.
L'action missionnaire envers ceux qui ne connaissaient pas la lumière de
l'Evangile et l'œuvre de réévangélisation des communautés chrétiennes
devinrent ainsi les objectifs apostoliques que Dominique se proposa de
poursuivre. Ce fut le Pape, auprès duquel l'évêque Diego et Dominique se
rendirent pour lui demander conseil, qui demanda à ce dernier de se
consacrer à prêcher aux Albigeois, un groupe hérétique qui soutenait une
conception dualiste de la réalité, c'est-à-dire à travers deux principes
créateurs également puissants, le Bien et le Mal. Ce groupe, par conséquent
méprisait la matière comme provenant du principe du mal, refusant également
le mariage, allant jusqu'à nier l'incarnation du Christ, les sacrements
dans lesquels le Seigneur nous « touche » à travers la matière et la
résurrection des corps. Les Albigeois privilégiaient la vie pauvre et
austère, – dans ce sens, il étaient également exemplaires – et ils
critiquaient la richesse du clergé de l'époque. Dominique accepta avec
enthousiasme cette mission, qu'il réalisa précisément à travers l'exemple
de son existence pauvre et austère, à travers la prédication de l'Evangile
et les débats publics. Il consacra le reste de sa vie à cette mission de prêcher
la Bonne Nouvelle. Ses fils devaient réaliser également les autres rêves de
saint Dominique: la mission ad gentes, c'est-à-dire à ceux qui ne
connaissaient pas encore Jésus, et la mission à ceux qui vivaient dans les
villes, surtout les villes universitaires, où les nouvelles tendances
intellectuelles étaient un défi pour la foi des personnes cultivées.
Ce grand saint nous
rappelle que dans le cœur de l'Eglise doit toujours brûler un feu
missionnaire, qui incite sans cesse à apporter la première annonce de
l'Evangile et, là où cela est nécessaire, une nouvelle évangélisation: en
effet, le Christ est le bien le plus précieux que les hommes et les femmes
de chaque époque et de chaque lieu ont le droit de connaître et d'aimer! Il
est réconfortant de voir que dans l'Eglise d'aujourd'hui également il
existe tant de personnes – pasteurs et fidèles laïcs, membres d'antiques
ordres religieux et de nouveaux mouvements ecclésiaux – qui donnent leur
vie avec joie pour cet idéal suprême: annoncer et témoigner de l'Evangile!
A Dominique Guzman
s'associèrent ensuite d'autres hommes, attirés par sa même aspiration. De
cette manière, progressivement, à partir de la première fondation de
Toulouse, fut créé l'ordre des prêcheurs. Dominique, en effet, en pleine
obéissance aux directives des Papes de son temps, Innocent III et
Honorius III, adopta l'antique Règle de saint Augustin, l'adaptant aux
exigences de vie apostolique, qui le conduisaient, ainsi que ses
compagnons, à prêcher en se déplaçant d'un lieu à l'autre, mais en revenant
ensuite dans leurs propres couvents, lieux d'étude, de prière et de vie
communautaire. Dominique voulut souligner de manière particulière deux
valeurs considérées indispensables pour le succès de la mission
évangélisatrice: la vie communautaire dans la pauvreté et l'étude.
Dominique et les frères
prêcheurs se présentaient tout d'abord comme mendiants, c'est-à-dire sans
de grandes propriétés foncières à administrer. Cet élément les rendait plus
disponibles à l'étude et à la prédication itinérante et constituait un
témoignage concret pour les personnes. Le gouvernement interne des couvents
et des provinces dominicaines s'organisa sur le système des chapitres, qui
élisaient leurs propres supérieurs, ensuite confirmés par les supérieurs
majeurs; une organisation qui stimulait donc la vie fraternelle et la
responsabilité de tous les membres de la communauté, en exigeant de fortes
convictions personnelles. Le choix de ce système naissait précisément du
fait que les dominicains, en tant que prêcheurs de la vérité de Dieu,
devaient être cohérents avec ce qu'ils annonçaient. La vérité étudiée et
partagée dans la charité avec les frères est le fondement le plus profond
de la joie. Le bienheureux Jourdain de Saxe dit à propos de saint
Dominique: « Il accueillait chaque homme dans le grand sein de la charité
et, étant donné qu'il aimait chacun, tous l'aimaient. Il s'était fait pour
règle personnelle de se réjouir avec les personnes heureuses et de pleurer
avec ceux qui pleuraient » (Libellus de principiis Ordinis Praedicatorum
autore Iordano de Saxonia, ed. H.C. Scheeben, [Monumenta Historica
Sancti Patris Nostri Domiici, Romae, 1935]).
En second lieu, Dominique,
par un geste courageux, voulut que ses disciples reçoivent une solide
formation théologique, il n'hésita pas à les envoyer dans les universités
de son temps, même si un grand nombre d'ecclésiastiques regardaient avec
défiance ces institutions culturelles. Les Constitutions de l'Ordre des
prêcheurs accordent une grande importance à l'étude comme préparation à
l'apostolat. Dominique voulut que ses frères s'y consacrent sans compter,
avec diligence et piété; une étude fondée sur l'âme de tout savoir
théologique, c'est-à-dire sur l'Ecriture Sainte, et respectueuse des
questions posées à la raison. Le développement de la culture impose à ceux
qui accomplissent le ministère de la Parole, aux différents niveaux, d'être
bien préparés. Il exhorte donc tous, pasteurs et laïcs, à cultiver cette «
dimension culturelle » de la foi, afin que la beauté de la vérité chrétienne
puisse être mieux comprise et que la foi puisse être vraiment nourrie,
renforcée et aussi défendue. En cette Année
sacerdotale, j'invite les séminaristes et les prêtres à estimer la
valeur spirituelle de l'étude. La qualité du ministère sacerdotal dépend
aussi de la générosité avec laquelle on s'applique à l'étude des
vérités révélées.
Dominique, qui voulut
fonder un Ordre religieux de prêcheurs-théologiens, nous rappelle que la
théologie a une dimension spirituelle et pastorale, qui enrichit l'âme et
la vie. Les prêtres, les personnes consacrées, ainsi que tous les fidèles,
peuvent trouver une profonde « joie intérieure » dans la contemplation de
la beauté de la vérité qui vient de Dieu, une vérité toujours actuelle et
toujours vivante. La devise des frères prêcheurs – contemplata aliis
tradere – nous aide à découvrir, ensuite, un élan pastoral dans l'étude
contemplative de cette vérité, du fait de l'exigence de transmettre aux autres
le fruit de notre propre contemplation.
Lorsque Dominique mourut
en 1221, à Bologne, la ville qui l'a choisi comme patron, son œuvre avait
déjà rencontré un grand succès. L'Ordre des prêcheurs, avec l'appui du
Saint-Siège, s'était répandu dans de nombreux pays d'Europe, au bénéfice de
l'Eglise tout entière. Dominique fut canonisé en 1234, et c'est lui-même
qui, par sa sainteté, nous indique deux moyens indispensables afin que
l'action apostolique soit incisive. Tout d'abord la dévotion mariale, qu'il
cultiva avec tendresse et qu'il laissa comme héritage précieux à ses fils
spirituels, qui dans l'histoire de l'Eglise ont eu le grand mérite de
diffuser la prière du saint Rosaire, si chère au peuple chrétien et si
riche de valeurs évangéliques, une véritable école de foi et de piété. En
second lieu, Dominique, qui s'occupa de plusieurs monastères féminins en
France et à Rome, crut jusqu'au bout à la valeur de la prière
d'intercession pour le succès du travail apostolique. Ce n'est qu'au
Paradis que nous comprendrons combien la prière des religieuses
contemplatives accompagne efficacement l'action apostolique! A chacune
d'elles, j'adresse ma pensée reconnaissante et affectueuse.
Chers frères et sœurs, la
vie de Dominique Guzman nous engage tous à être fervents dans la prière,
courageux à vivre la foi, profondément amoureux de Jésus Christ. Par son
intercession, nous demandons à Dieu d'enrichir toujours l'Eglise
d'authentiques prédicateurs de l'Evangile.
* * *
J’accueille avec joie les pèlerins francophones particulièrement les
élèves et les professeurs des collèges Fénelon et du Sacré-Cœur, et ceux de
l’Institut Saint Dominique, de Rome. Que Notre Dame du Rosaire, patronne le
l’Ordre Dominicain, vous aide à découvrir la présence du Christ dans votre
vie et à le suivre généreusement chaque jour. Que Dieu vous bénisse!
©
Copyright 2010 - Libreria Editrice Vaticana
Sources principales : missionet.fr ; vativan.va (« Rév. x gpm »).
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BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
3 février 2010
Saint Dominique Guzman
Chers frères et sœurs,
La semaine dernière, j'ai
présenté la figure lumineuse de François d'Assise et aujourd'hui, je
voudrais vous parler d'un autre saint qui, à la même époque, a apporté une
contribution fondamentale au renouveau de l'Eglise de son temps. Il s'agit de
saint Dominique, le fondateur de l'Ordre des prêcheurs, connus également sous
le nom de Frères dominicains.
Son successeur à la tête de
l'Ordre, le bienheureux Jourdain de Saxe, offre un portrait complet de saint
Dominique dans le texte d'une célèbre prière: « Enflammé par le zèle de Dieu
et par l'ardeur surnaturelle, par ta charité sans fin et la ferveur de ton
esprit véhément, tu t'es consacré tout entier par le vœu de la pauvreté
perpétuelle à l'observance apostolique et à la prédication évangélique ».
C'est précisément ce trait fondamental du témoignage de Dominique qui est
souligné: il parlait toujours avec Dieu et de Dieu. Dans la vie
des saints, l'amour pour le Seigneur et pour le prochain, la recherche de la
gloire de Dieu et du salut des âmes vont toujours de pair.
Dominique est né en Espagne,
à Caleruega, aux alentours de 1170. Il appartenait à une noble famille de la
Vieille Castille et, soutenu par un oncle prêtre, il fut formé dans une
célèbre école de Palencia. Il se distingua immédiatement par son intérêt pour
l'étude de l'Ecriture Sainte et par son amour envers les pauvres, au point de
vendre ses livres, qui à l'époque représentaient un bien d'une grande valeur,
pour venir en aide, grâce à l'argent qu'il en tira, aux victimes
d'une famine.
Ordonné prêtre, il fut élu
chanoine du chapitre de la cathédrale de son diocèse d'origine, Osma. Même si
cette nomination pouvait représenter pour lui un motif de prestige dans
l'Eglise et dans la société, il ne l'interpréta pas comme un privilège
personnel, ni comme le début d'une brillante carrière ecclésiastique, mais
comme un service à rendre avec dévouement et humilité. La tentation de la
carrière n'est-elle pas une tentation dont ne sont pas même exempts ceux qui
ont un rôle d'animation et de gouvernement dans l'Eglise? C'est ce que je
rappelais, il y a quelques mois, à l'occasion de la consécration de plusieurs
évêques: « Ne recherchons pas le pouvoir, le prestige, l'estime pour
nous-mêmes... Nous savons que dans la société civile, et souvent, même dans
l'Eglise, les affaires souffrent du fait que beaucoup de personnes,
auxquelles a été confiée une responsabilité, œuvrent pour elles-mêmes et non
pas pour la communauté » ( Homélie
lors de la chapelle papale pour l'ordination épiscopale de cinq prélats, 12
septembre 2009, cf. ORLF n. 37 du 15 septembre 2009).
L'évêque d'Osma, qui se
nommait Diego, un véritable pasteur zélé, remarqua très tôt les qualités
spirituelles de Dominique, et voulut bénéficier de sa collaboration. Ils
allèrent ensemble en Europe du nord, pour accomplir des missions
diplomatiques qui leur avaient été confiées par le roi de Castille. En
voyageant, Dominique se rendit compte de deux immenses défis pour l'Eglise de
son temps: l'existence de peuples pas encore évangélisés, aux frontières nord
du continent européen et le déchirement religieux qui affaiblissait la vie
chrétienne dans le sud de la France, où l'action de certains groupes
hérétiques créait des troubles et éloignait de la vérité de la foi. L'action
missionnaire envers ceux qui ne connaissaient pas la lumière de l'Evangile et
l'œuvre de réévangélisation des communautés chrétiennes devinrent ainsi les
objectifs apostoliques que Dominique se proposa de poursuivre. Ce fut le
Pape, auprès duquel l'évêque Diego et Dominique se rendirent pour lui
demander conseil, qui demanda à ce dernier de se consacrer à prêcher aux
Albigeois, un groupe hérétique qui soutenait une conception dualiste de la
réalité, c'est-à-dire à travers deux principes créateurs également puissants,
le Bien et le Mal. Ce groupe, par conséquent méprisait la matière comme
provenant du principe du mal, refusant également le mariage, allant jusqu'à
nier l'incarnation du Christ, les sacrements dans lesquels le Seigneur nous «
touche » à travers la matière et la résurrection des corps. Les Albigeois
privilégiaient la vie pauvre et austère, – dans ce sens, il étaient également
exemplaires – et ils critiquaient la richesse du clergé de l'époque.
Dominique accepta avec enthousiasme cette mission, qu'il réalisa précisément
à travers l'exemple de son existence pauvre et austère, à travers la
prédication de l'Evangile et les débats publics. Il consacra le reste de sa
vie à cette mission de prêcher la Bonne Nouvelle. Ses fils devaient réaliser
également les autres rêves de saint Dominique: la mission ad gentes, c'est-à-dire
à ceux qui ne connaissaient pas encore Jésus, et la mission à ceux qui
vivaient dans les villes, surtout les villes universitaires, où les nouvelles
tendances intellectuelles étaient un défi pour la foi des personnes
cultivées.
Ce grand saint nous rappelle
que dans le cœur de l'Eglise doit toujours brûler un feu missionnaire, qui
incite sans cesse à apporter la première annonce de l'Evangile et, là où cela
est nécessaire, une nouvelle évangélisation: en effet, le Christ est le bien
le plus précieux que les hommes et les femmes de chaque époque et de chaque
lieu ont le droit de connaître et d'aimer! Il est réconfortant de voir que
dans l'Eglise d'aujourd'hui également il existe tant de personnes – pasteurs
et fidèles laïcs, membres d'antiques ordres religieux et de nouveaux
mouvements ecclésiaux – qui donnent leur vie avec joie pour cet idéal
suprême: annoncer et témoigner de l'Evangile!
A Dominique Guzman
s'associèrent ensuite d'autres hommes, attirés par sa même aspiration. De
cette manière, progressivement, à partir de la première fondation de
Toulouse, fut créé l'ordre des prêcheurs. Dominique, en effet, en pleine
obéissance aux directives des Papes de son temps, Innocent III et
Honorius III, adopta l'antique Règle de saint Augustin, l'adaptant aux
exigences de vie apostolique, qui le conduisaient, ainsi que ses compagnons,
à prêcher en se déplaçant d'un lieu à l'autre, mais en revenant ensuite dans
leurs propres couvents, lieux d'étude, de prière et de vie communautaire.
Dominique voulut souligner de manière particulière deux valeurs considérées
indispensables pour le succès de la mission évangélisatrice: la vie
communautaire dans la pauvreté et l'étude.
Dominique et les frères
prêcheurs se présentaient tout d'abord comme mendiants, c'est-à-dire sans de
grandes propriétés foncières à administrer. Cet élément les rendait plus
disponibles à l'étude et à la prédication itinérante et constituait un
témoignage concret pour les personnes. Le gouvernement interne des couvents
et des provinces dominicaines s'organisa sur le système des chapitres, qui
élisaient leurs propres supérieurs, ensuite confirmés par les supérieurs
majeurs; une organisation qui stimulait donc la vie fraternelle et la
responsabilité de tous les membres de la communauté, en exigeant de fortes
convictions personnelles. Le choix de ce système naissait précisément du fait
que les dominicains, en tant que prêcheurs de la vérité de Dieu, devaient
être cohérents avec ce qu'ils annonçaient. La vérité étudiée et partagée dans
la charité avec les frères est le fondement le plus profond de la joie. Le bienheureux
Jourdain de Saxe dit à propos de saint Dominique: « Il accueillait chaque
homme dans le grand sein de la charité et, étant donné qu'il aimait chacun,
tous l'aimaient. Il s'était fait pour règle personnelle de se réjouir avec
les personnes heureuses et de pleurer avec ceux qui pleuraient » (Libellus
de principiis Ordinis Praedicatorum autore Iordano de Saxonia, ed. H.C.
Scheeben, [Monumenta Historica Sancti Patris Nostri Domiici, Romae,
1935]).
En second lieu, Dominique,
par un geste courageux, voulut que ses disciples reçoivent une solide
formation théologique, il n'hésita pas à les envoyer dans les universités de
son temps, même si un grand nombre d'ecclésiastiques regardaient avec
défiance ces institutions culturelles. Les Constitutions de l'Ordre des
prêcheurs accordent une grande importance à l'étude comme préparation à
l'apostolat. Dominique voulut que ses frères s'y consacrent sans compter,
avec diligence et piété; une étude fondée sur l'âme de tout savoir
théologique, c'est-à-dire sur l'Ecriture Sainte, et respectueuse des
questions posées à la raison. Le développement de la culture impose à ceux
qui accomplissent le ministère de la Parole, aux différents niveaux, d'être
bien préparés. Il exhorte donc tous, pasteurs et laïcs, à cultiver cette «
dimension culturelle » de la foi, afin que la beauté de la vérité chrétienne
puisse être mieux comprise et que la foi puisse être vraiment nourrie,
renforcée et aussi défendue. En cette Année sacerdotale,
j'invite les séminaristes et les prêtres à estimer la valeur spirituelle de
l'étude. La qualité du ministère sacerdotal dépend aussi de la générosité
avec laquelle on s'applique à l'étude des vérités révélées.
Dominique, qui voulut fonder
un Ordre religieux de prêcheurs-théologiens, nous rappelle que la théologie a
une dimension spirituelle et pastorale, qui enrichit l'âme et la vie. Les
prêtres, les personnes consacrées, ainsi que tous les fidèles, peuvent
trouver une profonde « joie intérieure » dans la contemplation de la beauté
de la vérité qui vient de Dieu, une vérité toujours actuelle et toujours
vivante. La devise des frères prêcheurs – contemplata aliis tradere –
nous aide à découvrir, ensuite, un élan pastoral dans l'étude contemplative
de cette vérité, du fait de l'exigence de transmettre aux autres le fruit de
notre propre contemplation.
Lorsque Dominique mourut en
1221, à Bologne, la ville qui l'a choisi comme patron, son œuvre avait déjà
rencontré un grand succès. L'Ordre des prêcheurs, avec l'appui du
Saint-Siège, s'était répandu dans de nombreux pays d'Europe, au bénéfice de
l'Eglise tout entière. Dominique fut canonisé en 1234, et c'est lui-même qui,
par sa sainteté, nous indique deux moyens indispensables afin que l'action
apostolique soit incisive. Tout d'abord la dévotion mariale, qu'il cultiva
avec tendresse et qu'il laissa comme héritage précieux à ses fils spirituels,
qui dans l'histoire de l'Eglise ont eu le grand mérite de diffuser la prière
du saint Rosaire, si chère au peuple chrétien et si riche de valeurs
évangéliques, une véritable école de foi et de piété. En second lieu,
Dominique, qui s'occupa de plusieurs monastères féminins en France et à Rome,
crut jusqu'au bout à la valeur de la prière d'intercession pour le succès du
travail apostolique. Ce n'est qu'au Paradis que nous comprendrons combien la
prière des religieuses contemplatives accompagne efficacement l'action
apostolique! A chacune d'elles, j'adresse ma pensée reconnaissante et
affectueuse.
Chers frères et sœurs, la
vie de Dominique Guzman nous engage tous à être fervents dans la prière,
courageux à vivre la foi, profondément amoureux de Jésus Christ. Par son
intercession, nous demandons à Dieu d'enrichir toujours l'Eglise
d'authentiques prédicateurs de l'Evangile.
* * *
J’accueille avec joie les pèlerins francophones particulièrement les
élèves et les professeurs des collèges Fénelon et du Sacré-Cœur, et ceux de
l’Institut Saint Dominique, de Rome. Que Notre Dame du Rosaire, patronne le
l’Ordre Dominicain, vous aide à découvrir la présence du Christ dans votre
vie et à le suivre généreusement chaque jour. Que Dieu vous bénisse!
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Copyright 2010 - Libreria Editrice Vaticana
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