Mercredi 31 Décembre 2014
Conviction
de plus en plus forte qu’il n’est de pire malheur pour soi et plus encore pour
les autres nous entourant ou nous attendant, que la sécheresse, que la perte ou
que l’inexistence du sens difficile à nommer mais reconnaissable entre tous :
l’affectivité, la manifestation de tendresse, de compassion, de disponibilité,
d’écoute, les bras qui s’ouvrent, enserrent, protègent, accueillent. Ceux qui
en sont dépourvus ou qui momentanément ne l’ont pas, ne l’ont plus sont sans
doute dans la pire souffrance, ne pas avoir ce sens, ne pas l’exercer est pire
que l’amnésie, en apparence tout fonctionne mais plus rien n’a de sens ni d’âme.
Quelqu’un qui ne sait pas manifester d’amour à qui l’aime ou à qui en attend,
est sans doute encore plus en demande intime d’amour, de tendresse, de
considération, d’estime en propre. Je l’avais vécu, je le vis intensément ces
jours-ci. Abondance de cas, d’inconscience totale. Je les dirai ailleurs. Mais
par notre fille, éperdue hier soir, j’en sais les ravages, et par ma chère
femme, j’en sais la genèse ordinaire. Pour d’autres comme hier soir, je ne vois
que le résultat : une pauvreté qui fait pitié, comme toute armure, peur du
plein air, peur de la surrection de soi vers l’autre et de l’inconnu alors… la
dialectique du don et de l’accueil bouleverse toutes les données. Que de fois
dans mon existence, je l’ai vécu intérieurement vis-à-vis de Dieu. Mais le
mouvement est si intime, si fort, si total, si intégrant que nous ne pouvons l’opérer
seul : il y a faut la grâce. En espérance et en confiance avec Dieu, c’est
presque simple puisque tout peut toujours se rattraper mais en relations d’amour
et d’affection, en amour conjugal matrice et socle de tout, c’est plus
difficile. La littérature n’enseigne que
les chagrins ou les erreurs, la vérité de l’existence physiquement et
mentalement partagée est bien plus belle, mais elle est exigeante, la vertu d’espérance
y règne autant qu’avec Dieu, lequel est toujours, implicitement, en tiers
fécondant et inspirant tout. Même chez les soi-disant païens ou distraits, j’en
suis sûr, l’espèce humaine et la dyade sont voulus et soutenus. Et puis il y a
l’intelligence qui souvent montre le chemin, ouvre la fenêtre de la bonté et de
la tendresse tant la réciprocité, le constat, la culture et la célébration de l’affinité
et de la communion font oublier la
rudesse et le froid jusqu’au prochain
épisode et ainsi de suite. L’humanité attend donc en corps et chacun de nous sa
délivrance et l’entrée définitive en communion mutuelle par le don de communion avec Dieu. Cela se
vit et s’appelle, par prétérition, la vie éternelle. L’enfant, évidemment, et
je le vis à chaque heure, l’adolescent aussi, je le crois et l’ai expérimenté,
nous rappelle cette nécessité d’âme et de chair : l’attention et la
priorité affectueuses.
L’incarnation du Fils de Dieu est cette « contribution » divine à nos affectivités, le partage, la compassion, l’expérience de la condition humaine, celle dans laquelle nous entrons chacun, petit à petit, à mesure de nos éclosions, selon des rythmes et circonstances propres. – Les actualités nous en fournissent, nous en brandissent constamment le masque, le rictus de la dureté de cœur, les visages et les noms nous sont familiers puisqu’en sus ces atrophiés de la communion et de l’univers sont assoiffés de notoriété et d’être mis en scène. – Itinéraire de Dieu parmi nous : partage de notre condition et véritable gloire par cela même… Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père, comme Fils unique, plein de grâce et de vérité [1] Hier, Luc concluait les évangiles de la petite enfance : l’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse et la grâce de Dieu était sur lui [2] mais ceux/celles que nous aimons, qui nous aiment et nous ont choisis les premiers, imitant, sans nécessaire le savoir, le mouvement divin, ce sont bien eux/elles qui nous apprennent et réapprennent l’amour. Dieu personne ne l’a jamais vu, l’incroyant ou le distrait se rendent-ils compte qu’ils en sont cela, naturellement, humainement en commun avec l’un des chrétiens les plus gratifiés qui aient jamais été, le disciple que Jésus aimait et qui écrit donc : Dieu personne ne l’a jamais vu ! mais pour ne pas s’en tenir là : le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. Histoire de toute religion, des circonstances, des dogmes à l’existence partagée, du factuel et subit au vécu à pleurer de reconnaissance car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Mémento pour tout ce que nous avons rencontré hier soir, Marguerite et moi, ces personnes… qu’elles vivent et soient heureuses en nous. En lui était la vie, et la vie était lumière des hommes. Qu’elles le soient et le demeurent. A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Et que par extension, selon notre pauvre prière, si limitée, ce soit le destin et l’aboutissement de tous, de tout le vivant. Amen. De fait, en cette fin d’année et à l’instant d’une très nouvelle, si grosse de tant d’imprévus en tous domaines, les masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête, les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, car il vient, car il vient pour juger la terre et en avoir pitié. Amen.
[1] - 1ère lettre de Jean II 18 à 21 ; psaume XCVI ; prologue
de l’évangile selon saint Jean I 1 à 18
[2] - évangile selon saint Luc II 40
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