L’assemblée du Synode sur la famille a adopté un message adressé en priorité aux familles chrétiennes, rendu public ce 18 octobre
18/10/14 - 15 H 38
« Nous, Pères synodaux réunis à
Rome autour du Pape François pour l’Assemblée générale extraordinaire du Synode des
évêques, nous nous adressons à toutes les familles des divers continents, et en
particulier à celles qui suivent le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Nous
manifestons notre admiration et notre gratitude pour le témoignage quotidien
que vous nous offrez, ainsi qu’au monde, par votre fidélité, votre foi, votre
espérance et votre amour. Nous aussi, pasteurs de l’Église, nous sommes nés et
avons grandi dans des familles aux histoires et vicissitudes les plus diverses.
En tant que prêtres et évêques, nous avons rencontré et avons vécu aux côtés de
familles qui nous ont raconté en parole et révélé en actes toute une série de
merveilles mais aussi de difficultés.
La préparation même de cette assemblée synodale, à partir des réponses au
questionnaire envoyé aux Églises du monde entier, nous a permis de nous mettre
à l’écoute de nombreuses expériences familiales. Notre dialogue durant les
jours du Synode nous a ainsi enrichis mutuellement, nous aidant à regarder la
réalité vivante et complexe dans laquelle évoluent les familles.
À vous, nous proposons cette parole du Christ : « Voici que je me tiens à la
porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai
chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap 3, 20). Comme
il le faisait durant ses pérégrinations sur les routes de la Terre Sainte, entrant
dans les maisons des villages, Jésus continue
à passer aussi aujourd’hui par les rues de nos villes. Dans vos foyers, vous
faites l’expérience d’ombres et de lumières, de défis exaltants, mais parfois
aussi d’épreuves dramatiques. L’obscurité se fait encore plus épaisse, jusqu'à
devenir ténèbres, lorsque le mal et le péché s'insinuent
au coeur même de la famille.
Il y a, avant tout, le grand défi de la fidélité dans l’amour conjugal.
L’affaiblissement de la foi et des valeurs, l'individualisme, l'appauvrissement
des relations, le stress d’une frénésie qui empêche la réflexion marquent aussi
la vie familiale. On assiste alors à de nombreuses crises matrimoniales,
affrontées souvent de façon expéditive, sans avoir le courage de la patience,
de la remise en question, du pardon mutuel, de la réconciliation et même du sacrifice. Ces échecs sont
ainsi à l’origine de nouvelles relations, de nouveaux couples, de nouvelles
unions et de nouveaux mariages, qui créent des situations familiales complexes
et problématiques quant au choix de la vie chrétienne.
Parmi ces défis, nous souhaitons ensuite évoquer les épreuves de l’existence
même. Pensons à la souffrance qui peut apparaître lorsque qu’un enfant est
handicapé, lors d’une grave maladie, lors de la dégénérescence neurologique due
à la vieillesse, lors de la mort d’une personne chère. La fidélité généreuse de
tant de familles qui vivent ces épreuves avec courage, foi et amour est
admirable, lorsqu’elles les considèrent non comme quelque chose qui leur a été
arrachée ou imposée, mais comme quelque chose qui leur a été donné et qu'ils
offrent à leur tour, voyant en toutes ces personnes éprouvées le Christ
souffrant lui-même.
Nous pensons aux difficultés économiques causées par des systèmes pervers,
par le « fétichisme de l’argent » et par « la dictature de l’économie sans
visage et sans un but véritablement humain » (Evangelii gaudium, 55) qui
humilie la dignité de la personne. Nous pensons aux pères et aux mères sans
emploi, impuissants face aux besoins les plus élémentaires de leur famille ; et
à ces jeunes qui se trouvent devant des journées désoeuvrées et sans espérance,
proies potentielles des dérives de la drogue et de la criminalité.
Nous pensons enfin à la foule des familles pauvres, à celles qui s’agrippent
à une barque pour atteindre des moyens de survie, aux familles de réfugiés qui
émigrent sans espoir à travers des déserts, à celles qui sont persécutées
simplement à cause de leur foi et de leurs valeurs spirituelles et humaines, à
celles qui sont frappées par la brutalité des guerres et des oppressions. Nous
pensons aussi aux femmes qui subissent la violence et sont soumises à
l’exploitation, à la traite des personnes, aux enfants et aux jeunes victimes
d’abus même de la part de ceux qui devraient en prendre soin et les faire
grandir en confiance, aux membres de tant de familles humiliées et en
difficulté. «La culture du bien-être nous anesthésie et […] toutes ces vies
brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne
nous trouble en aucune façon. (Evangelii gaudium, 54). Nous faisons appel aux
gouvernements et aux organisations internationales pour promouvoir les droits
de la famille en vue du bien commun.
Le Christ a voulu que son Église soit une maison avec la porte toujours
ouverte et accueillante, sans exclure personne. Nous sommes ainsi
reconnaissants envers les pasteurs, les fidèles et les communautés prêts à
accompagner et à porter les déchirures internes et sociales des couples et des
familles.
Cependant, il y a également la lumière qui brille le soir derrière les
fenêtres dans les maisons des villes, dans les modestes résidences des
périphéries ou dans les villages et même dans les baraquements : celle-ci
brille et réchauffe les corps et les âmes. Cette lumière, dans les vicissitudes
de la vie nuptiale des conjoints, s’allume grâce à une rencontre : il s'agit
d'un don, d'une grâce qui s'exprime -comme le dit la Genèse (2,18)- quand deux
visages se retrouvent chacun l'un « en face » de l'autre, comme une «aide qui
lui corresponde », c'est-à-dire à la fois semblable et complémentaire. L'amour
de l'homme et de la femme nous enseigne que chacun des deux a besoin de l'autre
pour être soi-même, chacun demeurant pourtant différent de l'autre dans son
identité qui s'ouvre et se révèle dans le don réciproque. C’est ce qu’exprime
de façon suggestive la femme du Cantique des Cantiques : «Mon bien-aimé est à
moi, et moi, je suis à lui […] Je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi
» (Ct 2, 16 ; 6,3).
Pour que cette rencontre soit authentique, le cheminement commence avec le
temps des fiançailles, temps de l’attente et de la préparation. Il s'actualise
pleinement dans le sacrement du
mariage où
Dieu appose son sceau, sa présence et sa grâce. Ce chemin passe aussi par la
sexualité, la tendresse, la beauté, qui perdurent même au-delà de la vigueur et
de la fraîcheur de la jeunesse. De par sa nature, l'amour tend à rimer avec
toujours, jusqu'à donner sa vie pour la personne qu'on aime (cf. Jn 15,13). À
cette lumière, l'amour conjugal, unique et indissoluble, persiste malgré les
nombreuses difficultés des limites humaines ; c’est l’un des plus beaux
miracles, bien qu’il soit aussi le plus commun.
Cet amour se déploie au travers de la fécondité et de la générativité qui ne
sont pas seulement procréation mais aussi don de la vie divine dans le baptême,
éducation et catéchèse des enfants. Il s’agit aussi d'une capacité à offrir la
vie, de l'affection et des valeurs. Cette expérience est possible même pour
ceux qui n'ont pu avoir d'enfant. Les familles qui vivent cette aventure
lumineuse deviennent pour tous un témoignage, en particulier pour les jeunes.
Durant ce cheminement, qui s’avère parfois un sentier ardu avec ses
difficultés et ses chutes, on retrouve toujours la présence et l'accompagnement
de Dieu. La famille en fait l'expérience dans l'affection mutuelle et le
dialogue entre époux et épouse, entre parents et enfants, entres frères et
soeurs. Elle le vit aussi en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu et en partageant
la prière commune : petite oasis spirituelle à mettre en place à un moment
chaque jour. Il y a aussi l'engagement quotidien de l'éducation à la foi, à la
beauté de la vie évangélique et à la sainteté. Ce devoir est souvent partagé et
exercé avec beaucoup d'affection et de dévouement aussi par les grands-parents.
Ainsi la famille se présente comme une authentique Église domestique, qui
s'ouvre sur cette famille de familles qu'est la communauté ecclésiale. Les
époux chrétiens sont alors appelés à devenir des maîtres dans la foi et dans
l'amour également auprès des jeunes couples.
Il y a ensuite une autre expression de la communion fraternelle,
celle de la charité, du don, de la proximité auprès des laissés pour compte,
des marginalisés, des pauvres, des personnes seules, des malades, des
étrangers, des familles en crise, gardant en mémoire la parole du Seigneur : «
Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35). Il s'agit d'un don
de biens partagés, de présence, d'amour et de miséricorde et
aussi d’un témoignage de vérité, de lumière, de sens donné à la vie.
Le sommet qui recueille et récapitule tous ces liens de la communion avec
Dieu et le prochain est l’Eucharistie dominicale, lorsque, avec toute l’Église,
la famille prend place à la table du Seigneur. Lui-même se donne à nous tous,
pèlerins de l'histoire en route vers la rencontre ultime lorsque le «Christ
sera tout en tous» (Col 3,11). Pour cela, dans la première étape de notre
chemin synodal, nous avons réfléchi à l’accompagnement pastoral et à la
question de l’accès aux sacrements des personnes divorcées-remariées.
Nous, pères synodaux, vous demandons de cheminer avec nous vers le prochain
synode. Que demeure sur vous la présence de la famille de Jésus,
Marie et Joseph réunis dans leur modeste maison. Ensemble, tournés vers la Famille de Nazareth,
faisons monter vers notre Père à tous notre invocation pour les familles de la
terre.
Père, donne à toutes les familles la présence d’époux courageux et
remplis de sagesse, qui soient source d'une famille libre et unie. Père, donne
aux parents d’avoir une maison où vivre dans la paix avec leur famille. Père,
donne aux enfants d’être signes de confiance et d'espérance, et aux jeunes le courage
de l’engagement stable et fidèle. Père, donne à tous de pouvoir gagner leur
pain de leurs propres mains, de jouir de la sérénité d’esprit et de garder
allumé le flambeau de la foi même dans les moments d’obscurité. Père,
donne-nous de voir fleurir une Église toujours plus fidèle et crédible, une
cité juste et humaine, un monde qui aime la vérité, la justice et la miséricorde. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire