Vide
désormais de cette maison, que mon beau-père continuait d’habiter mentalement,
ce qu’il sentait sans doute et nous tout autant. Et à l’heure de la bouilloire
et du thé, naguère je descendais converser avec ma belle-mère tandis que
dormaient encore mère et fille. Je suis descendu ré-embrasser ma chère femme,
elle maintenant à la bouilloire, au thé et aux tartines. Il n’y a pas
longtemps, avant la paralysie totale, mon vénéré beau-père, bonnet tissé d’Alsacien
sans doute millénaire, lisait encore le journal déposé en fin de nuit et déjà
jeté, parcouru avant le matin. C’était le silence, mais mes beaux-parents
savaient communiquer. Vide cette maison, non ! Cela se sent. Pile des
photos, jeunesse de tout, il y a seulement quelques années, jeunesse de ce que
nous serons. De qui nous sommes, en éternité commencée. A peine, maintenant,
les points de suspension. Etre dignes de la vie.
Prier…[1] la
parabole du bon Samaritain, récit de bon sens : lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme
qui était tombé entre les mains des bandits ? Réponse coulant de source : Celui qui a fait preuve de bonté
envers lui. – Va, et toi aussi fais de même. La question était immense : Maître, que dois-je faire pour
avoir part à la vie éternelle ? Pas
soif de Dieu, mais conception de la vie et de l’univers, salutation cependant à
cet homme réputé. Jésus nous ramène au concret. Ce que je vis ce matin. La
folie, la déraison ou plus exactement une sorte de déconnexion du réel, rien de
violent, bien davantage : la force du néant… vivre sans rien « faire »,
déjà mort, inerte, sans raison de faire quoi que ce soit. Le non sens de tout
et de soi d’abord, le non sens d’être vivant et au monde, au-delà du désespoir
ou de l’espérance, absence de lien à quoi que ce soit. Etrangeté vertigineuse
si j’y demeure, mise à mort de soi-même par absence d’âme ? J’en sors par
le réel, j’en sors par les autres, par qui j’aime et s’éveille. Jésus, partant
des évidences et donc confiant dans le bon sens de son interlocuteur, l’amène
le plus simplement du monde à la voie qui mène au réel, c’est-à-dire à la vie
éternelle. Il ne se fait pas de Lui-même connaître. Sa réponse aurait pu être
et dans d’autres circonstances, elle le fut : je suis la voie, la
vérité, la vie. Il enseigne compassion et
charité, qui ne tiennent pas à une profession, à de la piété, mais à notre
humanité : vraie. Il le vit et fut saisi de pitié… ceux qui vont assassiner ce jeune Américain
à raison de son passé militaire ou dans « les services », nous
prouvent ainsi qu’à l’ensemble de toute communauté de croyants, qu’ils n’en
sont pas eux-mêmes. : tuer de sang-froid un converti, René Caillé, dont
Moktar Ould Daddah m’avait donné le nom comme surnom, échappa (déjà … Tombouctou)
à la mort en commençant de réciter le Coran. Dans le récit du Christ, tout est
anonyme pour les personnages, ils sont des types non des personnes : un
homme descendait de Jérusalem… des bandits… un prêtre … un lévite… un
Samaritain… un docteur de la loi… l’aubergiste et Jésus lui-même, Maître. Ce
qui n’est pas anonyme, indifférent, c’est le lien entre les personnes… roué
de coups… passa de l’autre côté… il s’approcha, pansa ses plaies en y versant
de l’huile et du vin, puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit
dans une auberge et prit soin de lui… ce Samaritain est particulièrement organisé,
trousse de secours, mais disponibilité d’agenda, il s’arrête, il repassera, il
a des ressources à tous points de vue. La pauvreté n’est pas celle du hère.
Elle est conscience de la vie, du monde, de Dieu, elle est hiérarchie des
devoirs et des biens, elle peut même devenir une souveraineté, l’aboutissement
heureux pour les autres et pour soi. Frères, il faut que vous le sachiez :
l’Evangile que je proclame n’est pas une invention humaine. Ce n’est pas non
plus un homme qui me l’a transmis ou enseigné : mon Evangile vient d’une
révélation de Jésus-Christ. Et ce Christ,
combien Paul, le Juif par excellence, l’a présenté et caractérisé au monde
entier ! jusques dans sa capitale d’alors. En nous-mêmes, si la foi ne s’éveille
pas par le souffle, la garantie, l’inspiration du Saint-Esprit, nous n’irions
nulle part dans nos lectures, nos pratiques, et nos récitations. Echangeant
beaucoup tout hier avec notre fille sur la route de Bretagne à l’Alsace, je l’ai
éprouvé… en roulant vers cette journée, lourde de symboles pour un adieu au
corps, notre destin à tous – tandis que je prie ou suis simplement présent
(enfin) à la vie, puisque je lis la
Parole de Dieu – Marguerite est à l’autre commencement de l’itinéraire,
regardant pour la énième fois l’album des photos de ses premiers jours, apporté
en accompagnement des visites à sa cousine nouvelle-née. Levée du corps, messe,
cercueil dans la terre, pluie probable et les derniers nés dans ma belle
famille. Et les messages de ma chère nièce pour ses premiers jours de maternité…
justesse et sûreté, les œuvres de ses mains, sécurité, toutes ses lois.
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