Prier, la gerbe de ce que j’ai
vécu hier, de ce qui m’entoure et m’habite, que je reçois machinalement, ce
matin : le dégueulis de la radio dont je n’entends que la rumeur continue,
mon beau-frère cependant incapable de me dire les « nouvelles » à
quelque heure que ce soit de la journée, fatalisme, tous pourris, gauche-caviar,
des aperçus souvent passionnants que seul l’autodidacte sait régurgiter péremptoirement…
la bataille pour un mot de passe que livrent hier ma chère femme et notre fille
afin de récupérer skype, addiction à
laquelle échappent le même et moi qui me limite au traitement de texte et à la
correspondance… deux messes et deux homélies sur le plus grand commandement, le
premier prêcheur, quoique jeune, tente sans l’avoir peut-être lu le drame de l’athéisme contemporain,
ou titre approchant du Père de LUBAC et n’accroche pas… à la cathédrale au
contraire, c’est la contagion d’une foi de communauté, de communion et de
conversion, les Thessaloniciens, que commente l’ancien recteur : j’applaudis
quand il quitte l’ambon, Marguerite m’imite, deux applaudissements s’entendent
plus qu’un houvari. Point commun : le peuple, les assistances, les regards
sont le plus souvent bleus, pour des fronts d’hommes vraiment pensants et
pieux, l’offrande d’une présence humaine. Le matin, j’étais rentré à pied par
les rues Saint-Fiacre et François Ryff de Saint-Louis de la Robertsau, le diacre
avait accroché dans sa lecture de l’évangile : tu aimeras le Seigneur …
de tout ton esprit, il avait dit, sans
lire, pris : en tout esprit, et
venant s’en excuser auprès de moi, s’expliquer, réminiscence d’un aparte précédent
à la suite d’une messe du soir. Il évoque maintenant sa vocation, la place
Saint-Pierre, la béatification de mon éponyme et donc sa prière. Les ruelles,
les jardinets, les maisons individuelles, personne mais la vie, touffeur de l’histoire
autant que d’un urbanisme étonnamment privatif et pourtant fruit d’une
communauté, une sorte de minorité entre France et Allemagne, qui m’a toujours
fait réfléchir par sa qualité mentale, sa culture, sa civilisation, une
sérénité à proportion de bouleversements fréquents. Si en Europe, il y a
quelque part le ferment cordial et spirituel, presque léger à force d’authenticité
et de probation, de cette Europe latente et vraie, que nous ne faisons toujours
pas venir à la vie politique, économique, c’est bien l’Alsace. De la
cathédrale, le soir, le rose et le cuivre sur fond de nuit noire. Et à mes
pieds, interrogative et bloquée, tandis que je faisais du courrier internet,
avant notre coucher, Marguerite ne sachant décider entre trois coiffes de
sorcière, laquelle elle se mettrait sur la tête vendredi prochain (halloween). Une perplexité douloureuse, pourquoi
ai-je une telle vie ? pourquoi cela m’arrive ? ma vie est nulle… elle
s’est assoupie sur le divan derrière moi, au point que ma chère femme a dû la
changer elle-même et la porter endormie sur notre grand lit. – Et deux beaux
événements pour l’évolution à venir de notre partie du monde entre chrétiens,
musulmans et juifs : la diffusion de cette lettre ouverte au monde
musulman d’Abdennnour BIDAR (l’ai fait suivre à FH, sans illusion et à quelques-uns
de nos évêques, mais sait-on jamais, Dieu maître de notre fécondité… sur l’oreiller,
Marguerite m’interroge, réveillée un instant tandis qu’elle est déposée entre
nous sur le lit immense de mes beaux-parents : c’est quoi la stérilité…
explications, mais surtout conclusion : la fécondité, nous dormions
presque à la dernière assertion), le discours du nouveau président de l’Etat d’Israël
adressé aux Palestiniens en reconnaissance et en demande de pardon d’exactions
(pour le moment, celles les plus anciennes) commises par l’armée issaëlienne…
Il peut toujours se passer
quelque chose dans notre univers… parce que c’est un univers créé, voulu par
autre que nous… et dont le ressort n’est donc pas nos enfermements ou notre
péché. Autre et si intime, nous ayant voulus et nous appelant à Sa ressemblance
[1]. Femme, te voilà
délivrée de ton infirmité. Ouis il lui imposa les mains ; à l’instant même,
elle se trouva toute droite, et elle rendait gloire à Dieu. Chacun des miracles opérés par le Christ a
une histoire propre. Je predrai – avec Sa grâce – le temps d’approfondir deux choses
dans Ses évangiles… Ses colères, dans cette synagogue où il était en train
d’enseigner, le jour du sabbat ou au Temple
à chasser les marchands, et Ses miracles. Deux sortes d’événements, mais qui
tous bouleversent. Il est le dérangeur : le chef de la synagogue fut
indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat. Mais cet autre est intimidé, il a perdu sa
clientèle, il tente un rattrapage et fuit le face-à-face, le dialogue avec le
Christ. Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire
guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. Exercice illégal de la médecine, numerus clausus de nos recrutements,
importations de praticiens du Proche-Orient et du Maghreb à prix cassés. La
miraculée : infirme depuis dix-huit ans, elle était toute courbée et
absolument incapable de se redresser,
donne le sens : elle se trouva toute droite, pas de transition, pas d’échange non plus avec le Seigneur, et sa
propre réponse : elle rendait gloire à Dieu. Elle, elle sait ce qu’il s’est produit et connaît surnaturellement
Celui qui l’a guérie. Jésus, Son regard simplement, presque par hasard : Jésus
la vit, et une sorte d’automatisme, un
constat, une anticipation : Il l’interpella : « Femme, te
voilà délivrée de ton infirmité ».
Le monde, la vie ne sont pas nos
conséquences. C’est nous, c’est le
monde, c’est la vie qui sont conséquences : conséquences de la nature
divine, conséquences de Dieu, de Son amour, de la rédemption, de la croix, de
la résurrection. Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le
Seigneur, vous êtes devenus lumière. Et
chacun de nous, alors, comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne
du fruit en son temps et jamais son feuillage ne meurt, tout ce qu’il
entreprend réussira. Amen.
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