Ecroulé
de fatigue et de sommeil hier soir, le temps passe, file, il ne m’est pourtant
pas extérieur, je ne cours pas après quelque chose ni quelqu’un, je ne cherche
pas non plus un lieu perdu ou à trouver… alors ? Ce que je vis, c’est la
distanciation vis-à-vis de mes objectifs, même les plus récemment énoncés en
moi. Ne pas les atteindre me devient indifférent. – Fin d’un monde ? ou
apparition d’un tout autre ? en tout cas pour la démocratie française, un
président régnant passe la main, aujourd’hui à quelques-uns aux si courtes
vues, demain aux combinaisons d’un congrès de parti, après-demain ? … et ne garde que les apparences d’un pouvoir :
drapeaux, défilés, étiquettes… qui ne sont même pas sa vraie vie quotidienne (ce
que montre la gestion d’une vie affective toujours pas équilibrée ni posée à
soixante ans…), c’est la majorité élue en 1936 sous le nom de Front populaire
qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, c’est l’actuelle qui
supporte un Premier ministre protestant devant la City : « I am
pro-business », et un ministre de l’Economie venant de la banque
américaine expliquant les pertes d’emploi dans l’agro-alimentaire par l’illettrisme
des travailleuses et prononçant avec deux ans d’avance la péremption de la
convention assurance-chômage avalisée juste en coincidence de l’entrée de l’actuel
Premier ministre à Matignon… Fin de l’entreprise européenne rêvée en 1950 puis
patiemment commencée depuis soixante-cinq ans, trop patiemment… elle n’est plus
que le contrôle budgétaire des Etats par des « commissaires »
étrangers… le continent qui réglait et pensait le monde il n’y a pas cent ans
est le plus subordonné aux peurs, aux modes et aux conflits de maintenant…
Je ne
suis ni triste ni découragé, ni de moi-même même si tant de forces m’abandonnent,
mais quelels étaient-elles ? ni de cette époque et de notre monde, même si
aucune des prises qu’ils offrent ne sont tentées par ceux dont on peut croire
qu’ils en auraient possibilités et compétences… je crois au contraire à des
naissances, et à des débuts, y compris à ma naissance pour tout ce que j’ai
projeté et dont je suis resté « gros », à mes débuts, attentes et
retards ne sont pas stérilités. Je vois la lumière de ce que sont celles que j’aime
et dont j’ai la responsabilité. Je prie en la fin apparente de cette nuit-ci nous
faisant passer d’un jour à l’autre, pour tous ceux et toutes celles dont la
pensée ou le souvenir m’habite, ou que par hasard ou réminiscence, j’habite,
vivant parmi tant, mourant bientôt comme tous, promis à ce que nous ne savons
ni dire ni imaginer mais qui…
Quoique
se laver les mains avant de passer à table nous est familier et que nous le
recommandons à nos enfants – mais était-ce cela l’ablution rituelle ? – le
pharisien, ayant invité le Christ à sa table, semble complètement hors sujet… [1] tout
simplement parce qu’il est en contradiction avec lui-même, n’a pas compris la
réalité, même d’un simple plat… Vous purifiez l’extérieur de la coupe et du
plat, mais à l’intérieur vous êtes emplis de cupidité et de méchanceté. Désespérer de moi et du monde ?
contradiction absolue avec ma foi, avec ce que je reçois, ce que j’ai reçu,
avec l’amour de celles qui me sont confiées, avec ces rencontres et ces
sourires de hasard, avec la prière de toute l’humanité en souffrance et en
attente. La « pureté » est simple générosité. Donnez plutôt en
aumônes ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. C’st, je l’espère, la démarche d’intelligence
cordiale de l’actuel synode sur la famille, en fait sur les relations entre
humains et entre vivants, réflexion et observation chaleureuses sur l’affectivité,
la sexualité, le corps et le cœur des humains, sur ce qui nous caractérise
apparemment, sur ce qui nous constitue. Celles et ceux qui prêchent et
rappellent l’Incarnation ne peuvent traiter de la famille et de l’humain qu’en
continuité avec la venue de Dieu fait homme parmi nous. Ce n’est pas de la
pensée ni de la doctrine, c’est de la vie, de la chair, du regard. Ce sont nos
mutuelles étreintes et nos élans mutuels. Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il
pas fait aussi l’intérieur ? … Vous qui pensez devenir des justes en
pratiquant la Loi,
vous vous êtes séparés du Christ, vous êtes déchus de la grâce… ce qui importe,
c’est la foi agissant par la charité. Notre
liberté et notre espérance n’ont de terreau, de respiration, de socle que dans le
don de nous-mêmes. Ce don ne nous est naturel que par intermittence, il n’est
jamais total tel que nous sommes, et il n’est fécond que béni et inspiré. C’est
par l’Esprit, en vertu de la foi, que nous attendons de voir se réaliser pour
nous l’espérance des justes. Puisse cela
nous ête donné aujourd’hui, dès ce matin. Amen !
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