vendredi 5 août 2016

à propos de : " mort et transfiguration du catholicisme politique " - point de vue de Jean-Luc Pouthier, publié par Le Monde du mardi 2 août




. . . je ne sais quel est le lien exact de Jean-Luc Pouthier avec la Compagnie. Lui-même, un de ses membres ? ou professeur invité à Sèvres, et laïc ?

Quoi qu'il en soit, son article m'a intéressé, mais je l'ai trouvé lacunaire et finalement passif. Il a cependant le grand mérite d'ouvrir le débat.

1° lacunaire

Dans l'évocation de la démocratie chrétienne, en France et en Italie, dans celle des positions de nos papes depuis Léon XIII, dans la mention de quelques personnages politiques et aussi des écrits de nos évêques en politique, il me semble qu'il y a à dire Marc Sangnier et le Sillon, puis Francisque Gay et une persistance du MRP jusqu'aujourd'hui, je pense à Jacques Barrot et à toute une partie du centre ou de l'UDI qui, pour ne plus avoir de sigles explicites actuellement, peut s'en redonner surtout en cas de retour de Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Noter aussi que celui-ci dans sa campagne de 2012, fort du livre des années 1990 écrit avec le Père Verdun, a voulu se poser en religieux sinon en chrétien, et qu il recommence dans le Point de cette semaine. Pour l'Italie, c'est évidemment la relation de Pie XI avec la fondation par son prédécesseur dont avait été chargé Dom Sturzo, puis la tentative du Vatican vis-à-vis du fascisme. Deux grandes personnalités européennes contemporaines, ont une référence ouvertement chrétienne-démocrate sinon chrétienne : Romano Prodi, Jacques Delors, chacun ayant été durablement président de la Commission européenne.

A ma connaissance, s'il y a un magistère social de l'Eglise, qu'avait commencé de mettre à jour Benoît XV en tentant quelques paragraphes sur les dérives financières et spéculatives, et sur le mondialisme, il n'y a pas de magistère politique : " Rerum novarum " a pris clairement position contre la "lutte des classes" et donc contre le mouvement que ce concept et ce constat ont inspiré en termes de parti : socialisme et communisme, en France, et pas seulement dans le système soviétique. 
Le texte de 1972 de nos évêques d'alors était marqué par Mai 68 et le mouvement anti-nucléaire (les positions de Mgr. Riobé étaient de moins en moins en flèche). Cet effort n'a pas été renouvelé, et une bonne partie de ce qu'a subi le Cardinal Barbarin a été, implicitement, suscité par les énoncés et de ce dernier et de quelques-uns de nos évêques appréciant les programmes présidentiels de 1972. Il n'y a pas non plus d'études approfondies récentes sur la sociologie religieuse à laquelle s'étaient attachés Mgr. Blanchet et le futur cardinal Poupard, encore moins une analyse - de textes - du dire pontifical depuis un siècle et demi sur les régimes politiques "habituels", c'est-à-dire non totalitaires : la démocratie parlementaire, le referendum, la légitimité des modes de scrutin, la participation, le vote blanc notamment.

Des structures ont disparu - à ma connaissance - telles que la " semaine des intellectuels catholiques français ".

Le phénomène de la Manif. pour tous est insuffisamment étudié. Frigide Barjot a été éliminée parce qu'elle avait été reçue à l'Elysée, et cela s'est passé comme dans une démocratie populaire des années 1950. L'échec de ce mouvement à se transformer en mouvement politique dès les municipales qui ont suivi, a été du même ordre que l'échec bien plus rapide encore et manifeste du mouvement Debout, la nuit. Dans les deux cas, ce sont des réactions spontanées qui parviennent à s'organiser et à s'assembler. Le premier a été ouvertement soutenu par des évêques, dont le Cardinal Barbarin, et par des paroisses prêchant en chaire la participation et concourant aux transports. Des communautés religieuses ont participé en tant que telles à ce qu'elle commentaient comme un réveil de la France : "la divine surprise".

2° passive

Il y a eu ce livre de Duquesne : " demain, une Eglise sans prêtres ". Finalement, on arrive assez bien à vivre en Eglise avec bien moins de prêtres. L'enjeu d'avenir n'est pas du tout là mais bien dans celui d'une Eglise sans pratiquants ni fidèles. La moyenne d'âge aux messes dominicales, et ce que j'ai appris avec effarement en concurant pour quelques heures aux dernières préparations dans la classe de sixième d'un collège diocésain où est scolarisée en internat notre fille de onze ans. Sur les sept enfants de "mon" groupe, aucun ne s'est plus "confessé" depuis sa première communion (autrefois dite : privée), soit quatre-cinq ans. Aucun ne va à la messe dominicale plus de deux-trois fois par an. Tout simplement parce que les parents (quadragénaires) travaillent en semaine et ne pourraient emmener leurs enfants au confessionnal et que le dimanche on dort le matin. Et cela ne changera pas à la suite de cette profession solennelle. La direction dudit collège, la chargé de la pastorale, l'aumônier-même qui recommande par ailleurs... chapelet et même rosaire quotidiens ! déclarent hériter d'une situation des familles et des paroisses dans l'enseignement primaire, et ne pouvoir rien faire. J'ai indiqué vainement quelques recettes à Saint-Louis-de-Gonzague "de mon temps".

Il y a aussi des questions d'état de vie, de formation et de recrutement des cadres : le clergé. Le mode de nomination des évêques  n'est pas transparent, les fidèles n'y ont aucune part ; généralement, ils ne sont pas formés à la communication publique, hors liturgie et ils sont insuffisamment père spirituel de leurs ressources humaines. Les prêtres ne sont que peu formés au profane (lecture de ce qui paraît en journaux et en littérature et qui peut s'exploiter en pastorale - savoir-vivre élémentaire : la correspondance écrite - un minimum de culture politique, de formation affective non défensive ou compensatoire), et ils ignorent par état de vie la condition salariale, conjugale, familiale qui est le lot de leurs ouailles, et dans l'expérience de laquelle il serait bon - pour l'Eglise et pour leur ministère, leur rayonnement - qu'ils s'inscrivent s'ils le veulent. Les auxiliaires laïcs, l'entourage laïc autour du clergé risquent de faire écran pour le reste des pratiquants et plus encore pour ceux qui ne le sont pas ou plus, alors même qu'il reste encore quelques traces et rumeurs dans la psychologie de chacun de ce qui avait été une tradition familiale chrétienne. Le pape François a justement relevé cette demande de cléricalisme par les laïcs, ce qui évidemment n'incite pas à réfléchir sur l'état de vie des ministres ordonnés, encore moins la féminisation ou pas du sacerdoce.

Un synode consacré uniquement à la pastorale, à ses outils, et aux états de vie des pasteurs, serait plus qu'une boîte à idées ou un exercice de convivialité entre "convaincus" ou entre "professionnels" et semi-professionnels de l'Eglise. Manière à explorer. Et qui pourrait ensuite déboucher sur un concile Vatican III dont toute dogmatiques serait exclue par principe (quitte à ce que III réduise certaines de ses difficultés, en appelant à un IV, à nouveau catéchétique). Il s'agit, d'urgence mais à fond, d'étudier dans le monde où nous sommes et dans celui qui vient, comment nous organiser, être contagieux. Il apparaîtra vite que les Evangiles et les Actes des Apôtres contiennent beaucoup de présentations et d'études de cas, beaucoup d'outils dont l'utilisation par analogie serait très adéquate aujourd'hui.

J'écris cela vite et en réaction aussi bien au papier de Jean-Luc Pouthier qu'à ce que je vis et vois.

En ce jour où la cité sainte descend du ciel.
 

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