Je ne viens à ma lectio
divina que maintenant, les urgences de gestion depuis
mon réveil, des fournisseurs et installateurs mettant la
clé sous la porte ou se renvoyant la balle. De
Strasbourg, ma chère femme reçoit des coups analogues,
la dérobade des assurances. Capter de la clientèle et
l’abandonner en île déserte. Pratiques commerciales, pas
nouvelles, mais ce qu’est la génération au pouvoir dans
l’Etat et les entreprises et qu’avait préparée un peu la
mienne, et qui est nouveau dans notre histoire
contemporaine politique et économique, c’est de
considérer l’argent comme critère de réussite. Il y a
encore peu, l’aisance et la fécondité au travail,
l’épanouissement dans ce que l’on faisait dans
l’entreprise à quelque degré de la hiérarchie ou de
l’organisation qu’on soit, étaient la vraie
gratification. On travaillait par goût, on aimait son
métier. Aujourd’hui, il n’est que salaire et l’on est le
plus souvent que malheureux et inquiet pour l’avenir
dans les entreprises. Et la direction de celles-ci
devient occasion de recel. La mise au jour – le
Canard – de l’entente entre General Electric
et la justice américaine pour appâter depuis au moins
deux ans Alstom et les gouvernants
(l’entreprise convaincue de fraudes et de corruption),
et bien entendu l’appât s’est défilé une fois la vente
opérée. C’est de la trahison. La brade du patrimoine
national est de la trahison, elle se révèle telle par
son motif : l’argent. Judas toujours : le plus familier
monnaye son intimité avec ce qu’il faut capturer. C’est
dég…
Fraicheur, rayon boucherie.
Départ d’Eric pour la succursale de LEDRU à Plescop,
plus près de chez lui. Ce LEDRU, à l’unique point de
vente place des Lices a commencé dans les années 90 à
racheter des boucheries de villages en difficulté. Voilà
de l’entreprise, de père en fils depuis cent cinquante
ans. – Une vieille dame, mal mise et vraiment pas belle,
petite et recroquevillée manipule un lainage en matériau
artificiel. Je la vois si heureuse, rayon lingerie et
vêtements de femme, malgré son état physique et
probablement la modestie de ses revenus, que je
l’encourage à « se lâcher » et à acheter ce vêtement
dont je crois qu’il lui ira bien. Elle abonde : le beige
clair est sa teinte, et ne me signifie son étonnement
joyeux d’être abordée qu’ensuite. Nous parlons, elle me
croit la connaissant déjà de vue : vous êtes de
Billiers, je lui dis que non. Et tout vient, elle a
perdu son mari il y a un mois, 59 ans de mariage, prénom
de l’adjudant de son père à lui, Gervais. Vraiment disgrâciée,
sa fille, et beau, détendu, le petit-fils, grand,
Frédéric : profession, jongleur. Notamment avec Medrano,
le tour de France chaque année. Je suis invité à aller
les voir. Ils sont dans l’annuaire. – Et puis l’hôtesse
de caisse, déjà remarquée à sa prise de fonctions, il y
a cinq mois, le charme de Charlotte RAMPLING, lui
avais-je dit ce dont elle se souvenait. Elle s’apparente
maintenant à un souvenir bien plus personnel. Travail
faute de mieux. Que veut-elle faire ? elle dit ne pas
savoir, puis lâche : puéricultrice, quoiqu’ayant déjà
deux enfants. Elle dit seulement : assistante, or elle
est jolie, a du charme, de la tenue. Comme la
distribution est injuste. La laideur et une sorte
d’exhibitionnisme de tant de femmes au pouvoir, et plus
encore des hommes. – Corinne LEPAGE périme totalement le
gouvernement et Ségolène ROYAL en particulier par
l’action qu’elle initie contre les abus des sociétés
d’autoroutes. Il peut y avoir la révolte forte avec
dérouillées électorales, modèle grec et bientôt
espagnol, mais il peut y avoir la révolte du mépris :
les citoyens se substituent carrément en imagination et
en savoir-faire aux gouvernants, laissant ceux-ci
ratiociner sur la question de savoir si ou non 1% de
croissance crée des emplois. Car ajoute SAPIN – les deux
« personnalités » défaites, mise à nu par ce quinquennat
qui est au total une perte de temps et d’énergie pour le
pays, sont cet excellent ministre d’il y a vingt ans
(mais il y avait BEREGOVOY et sa rectitude) et ce bon
débatteur « sous » SARKOZY et Ségolène ROYAL : tous deux
complètement inexistants, parlant à faux, ne terminant
rien, voire gaffeurs – pour vaincre le chômage, il faut
créer plus d’emplois qu’il ne s’en détruit, avec cette
chance que nous avons, l’afflux de jeunes du fait de
notre démographie. Diafoirus aux manettes… Même pas le
BTS en économie de gestion. Mais ces rencontres
m’enchantent, la vie, la vraie, est relationnelle. Le
regard des autres sur eux-mêmes ou sur la société, si
lucide, si tolérant, souvent si résigné. Il faudra peu
pour que se reprenne un mouvement millénaire, discussion
sur la communauté millénaire de destin des Bretons avec
les autres Français qu’aime continuer notre boucher. Qui
sait aussi les enfers, le Styx quand je lui propose une
obole pour les débris de viande qu’il stocke en pensant
à nos chiens.
Le jour humide, sans date et
sans vent après les trombes de ce matin et l’orage
mouillé de cette nuit… L’Eglise continue de proposer la
parabole et le sens de la Création. Ceux qui n’y voient
qu’obscurantisme ou méli-mélo des cosmogonies du
Proche-Orient se privent, à mon avis, de beaucoup de
plaisir intellectuel et d’objets de réflexion, à défaut
de pressentir que le spirituel nous porte à longueur de
vie, explicitement – le ressentir est une grâce, en
rendre grâces est une joie – ou implicitement. Alors,
Dieu vous a vraiment dit : « Vous ne mangerez d’aucun
arbre du jardin ? ». Avant
même d’analyser le dialogue, il faut s’en pénétrer pour
sa justesse psychologique. Le livre de Job est un modèle
d’entretien psycho-thérapeutique, la justesse des
attitudes de cœur et d’âme traduites en psaumes a été et
restera un des principaux vecteurs de conversion à Dieu
et sans doute à l’Eglise (liturgie monastique),
exceptionnel « mélange » de souveraineté et de
compassion que les dialogues du Christ avec ceux qu’Il
miracule (peut-être même sa dernière apostrophe de
Judas : ce que tu as à faire, et non pas ce que tu veux
faire. Nous ne serons jamais condamnés, si jamais nous
devons l’être, ce que je ne crois pas, pour nos limites
et ce que nous subissons de contraintes. Nous le serons,
si nous le sommes, qu’à raison de ce que nous faisons et
aurons fait de notre liberté). C’est en croyant mieux
pénétrer les commandements divins, en donnant à ceux-ci
un sens et une motivation, qu’Eve subit l’attrait de ce
qui lui importait si peu auparavant : la femme
s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux
qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable,
puisqu’il donnait l’intelligence. La potion magique,
le plus matériel, le plus fétichiste pour le summum de
l’esprit, qu’elle croyait ne pas avoir. De fait…[1]
et qu’obtient-elle ? nullement une vision du monde ou
quelque compréhension suprême de la divinité ou le sens
de l’histoire ? alors leurs yeux s’ouvrirent et ils
se rendirent compte qu’ils étaient nus. Connaissance
de soi, de la condition humaine, mais aucun réflexe
d’appel à l’aide pour remédier à leures limites, à nos
limites. La fuite… l’homme et sa femme allèrent se
cacher aux regards du Seigneur Dieu parmi les arbres du
jardin. Relation avec l’évangile ? la relation d’Adam
et d’Eve avec leur Dieu Créateur est manquée tandis qu’ils
entendirent la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans
le jardin à la brise du jour. La relation de Dieu avec
sa créature, avec l’homme dans le détail de
l’incarnation, de la chair, de la maladie ou des
handicaps : Jésus est supplié de mettre la main sur
lui (le sourd-muet). Il fait bien plus et intimement,
alors qu’en d’autres occurrences, Sa parole,
comminatoire, suffit : Jésus l’emmena à l’écart,
loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et
avezc sa salive, lui toucha la langue. Processus long,
intime. Jésus se donne à fond, l’homme qu’Il guérit y
gagne une extraordinaire densité. Ce dont il échappe,
c’est l’isolement, c’est l’expression de soi, c’est
l’approche d’autrui également impossibles. Qui n’est pas
sourd-muet ou « simplement » mal-entendant ne peut
ressentir ce que subit, à longueur d’existence,
quelqu’un d’aspect physique et d’intelligence intacts,
mais qui en réunion est exclu, dès qu’il a été vérifié
qu’aucun propos ne lui est perceptible, et qui dans
l’intimité du tête-à-tête doit faire répéter et impose à
l’autre de choisir les mots les plus simples et d’en
dire le moins possible. – J’ai eu la grâce de vivre
cette intimité et d’en recevoir une communion de cœur et
de corps inégalée. Il y avait aussi la beauté
exceptionnelle et l’amour durable, auxquels j’ai été
inférieur. – Leçon… ainsi, chacun des tiens te
priera aux heures décisives.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire