le matin du mardi 8 Mars 2011
je
vous ai vu et entendu selon les médias, au Puy-en-Velay.
L’ « héritage chrétien » de notre pays. La France qui longtemps s’est
vécue comme « la fille aînée de l’Eglise ».
Deux
passages possibles à l’action pour que votre propos ne soit pas qu’un propos.
L’actualité les sollicitent.
Voici.
1° la situation des chrétiens au
Proche-Orient tourne au drame. Les événements depuis le début de
l’année, avec le dramatique point d’orgue que vient de constituer le double
assassinat au Pakistan d’un ministre chrétien et d’un gouverneur de province
musulman, vont sans doute la tendre encore davantage. Produire des martyrs,
c’est bien pour l’Histoire, sauver des vies et faire respecter cette liberté
fondamentale qu’est de choisir sa foi et de la pratiquer librement, est
immédiatement nécessaire. Sans entrer dans le débat de l’ostentation ou des
signes : il nous concerne peut-être chez nous mais pas les chrétiens à
Alexandrie ou à Bagdad.
La France, en
soumettant au Conseil de sécurité, puis
à l’Assemblée générale des Nations Unies, cette question ouvrirait une
salutaire jurisprudence. Traiter de questions non-étatiques apparemment,
couvrir du respect des droits de l’homme (cf. la déclaration de 1948 à la
rédaction de laquelle nous avons pris une part essentielle : René Cassin
et Stéphane Hessel) la pratique paisible des religions, proposer des règles de
tolérance et d’estime mutuelles irait bien au-delà d’une zone géographique si
caractérisée, bien au-delà de la catholicité. Nous ferions débattre des
relations entre foi universelle et appartenance nationale, des affinités
(scripturairement, théologiquement et philosophiquement évidentes, pour qui vit
avec d’autres que lui-même et regarde les textes fondateurs de chacun) entre
christianisme et islam, et avec le judaïsme (quand ce n’est pas une version
politique, celle du sionisme).
Bien
évidemment, dans les circonstances actuelles – y compris le projet si contesté
d’un colloque sur les religions en France qu’organise l’U.M.P. – ce serait
contribuer à des mises en place fondamentales, consensuelles. Les Etats lanceraient
le débat là où des mesures conservatoires peuvent et doivent être décider, en
urgence. Mais ils susciteraient et soutiendraient une ambiance de réflexion, de
rencontre et de propositions de vie dans la plupart des pays actuellement en
grand risque. Chez nous, la hauteur qui convient, serait enfin prise. La
dimension proprement spirituelle, rejoignant celle des droits de l’homme,
l’emporterait sur les desseins qui vous sont prêtés ou sur les adhésions qui
sont hors sujet.
Aux
Nations Unies, le partenaire idéal, parce que lui-même longtemps modèle de vie
commune et en grand danger existentiel en ce moment, et où – les
« échelles du Levant » – nous avons joué un rôle apaisant et souvent
protecteur depuis François Ier, d’accord avec les autorités politiques du
moment jusqu’aux traités de 1923 et à notre mandat, serait – est le Liban.
Le
plus grand réseau diplomatique du monde actuel et depuis très longtemps, le
plus fiable aussi, est celui du Vatican : les nonciatures bien sûr (c’est
ce que je fis valoir au président Nazarbaev pour lui faire établir des
relations avec la papauté, et je pus en débattre : situation des chrétiens
dans toute l’Asie centrale post-soviétique, avec Jean Paul II) mais en fait
toute la catholicité. Le général de Gaulle et Maurice Couve de Murville
(protestant qui affectionnait particulièrement conciles et prélats lesquels lui
procurèrent les premières ouvertures dans les pays de l’Est, alors gelés)
pratiquèrent à fond cette symbiose avec le Saint-Siège, notamment à propos
d’Israël.
2° les populations migrantes à
l’intérieur de l’Union européenne et ressortissantes, sur le papier, de l’un
ou l’autre Etat membre, peuvent poser problème. Vous vous en êtes saisi à
Grenoble il y a dix mois. Beaucoup, dont deux évêques – héritage chrétien –
s’en sont émus publiquement et un troisième en homélie à Lourdes ; je l’ai
communiqué au directeur de votre cabinet. Ces communautés ont du mal à répondre
d’elles-mêmes et à s’organiser autrement que selon leurs traditions, ce qui ne
facilite pas une lisibilité mutuelle avec les administrations nationales, les
leurs comme celles de leur résidence périodique.
Pourquoi
ne pas établir une citoyenneté
européenne – directe, pour celles et ceux qui le veulent et qui jusqu’à
présent ne l’ont qu’à raison d’une nationalité qu’en fait et en esprit, ils
s’approprient peu. Européen directement, et plus seulement et uniquement du fait
de la nationalité d’un des Etats membres. La Commission, en l’état
des traités, s’estime incompétente pour l’établir. La France ne peut-elle le
proposer ?
Avantage,
ces communautés transnationales s’organiseraient transnationalement, auraient
la personnalité morale et pourraient même avoir une représentation – quoique
d’un statut d’abord particulier – au Parlement européen. Les Etats et la Commission auraient
enfin des interlocuteurs et pourraient proposer des structures internes à ces
populations qui soient responsables et aient quelque analogie avec celles de
droit public local ou national.
Perspective
aussi en droits de l’homme et en personnalités diverses. Il y a déjà le statut
d’apatridie, mais souvent rebutant et sans correspondance avec les vœux des
candidats. Ceux qui refusent une nationalité, se sentent peu solidaires de leur
pays d’état-civil resteraient de la famille européenne mais avec l’identité
qu’ils veulent, c’est-à-dire indépendante de toute nationalité. Questions de
personnes, cas d‘espèce mais aussi chemin peut-être de résorption des conflits
internes à certains Etats et portant sur la nationalité (nous en sommes avec
nos Basques et nos Corses, notamment).
Cette
proposition d’addition aux traités poserait aussi – sereinement – la question
d’harmoniser les pratiques des Etats membres en matière de droits de l’homme,
de migrations, et d’approcher ainsi une autre, celle de l’accueil des
immigrants par force.
La France, par vous, a
l’initiative et l’imagination si vous le voulez bien.
2011…
grande année internationale et de présidence française ? c’était prévu
mais l’Histoire – faite par les peuples et non selon des agendas prévisionnels
– est autre. Ces deux « percées » conceptuelles et juridiques peuvent
maintenir cette présidence, non plus par « le tour de bête », mais en
légitimité : notre capacité à voir et à résoudre avec transcendance,
c’est-à-dire par la rencontre du droit, des institutions avec les gens. Les
hommes, les femmes, les enfants.
à
Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République,
aux
bons soins du directeur de son cabinet, Monsieur Christian Frémont, Préfet
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