wikipédia à jour au 11 avril 2017
Yvonne Beauvais
Yvonne
Beauvais
Yvonne Beauvais ou Yvonne-Aimée de Malestroit
Biographie
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Naissance
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Décès
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Nationalité
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Activité
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Religieuse
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Autres informations
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Distinction
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Yvonne Beauvais Écouter, en religion
Mère Yvonne-Aimée de Jésus, également appelée
Yvonne-Aimée de Malestroit,
née le
16
juillet 1901 à
Cossé-en-Champagne (
Mayenne) et morte le
3 février
1951, est une
religieuse augustine française.
Sommaire
Biographie
Le
16
juillet
1901, Yvonne
Beauvais, fille d'Alfred Beauvais et de Lucie Brulé, nait dans une famille
bourgeoise de
Cossé-en-Champagne, village du sud-est
mayennais. Son père meurt le
17 octobre
1904. La petite
commune de trois cents habitants a conservé le souvenir de cette
mystique,
notamment dans l'église romane dite
Saint-Blaise,
mais consacrée à
Notre-Dame, monument inscrit le
30 octobre
1989, puis classé
le
30
janvier
1992 et dans la
maison familiale que la communauté de
Malestroit
a conservée comme maison de repos. Une rue de
Cossé-en-Champagne porte le nom d'Yvonne Aimée.
Sa mère étant contrainte de trouver un emploi d’institutrice, elle est
élevée par sa grand-mère maternelle
au Mans qui
lui lit notamment l’
Histoire d’une âme de
Thérèse de Lisieux, ouvrage qui la marque au
point qu'elle souhaite ardemment « devenir une sainte »
1.
Puis elle rejoint sa mère à l'âge de six ans, la suivant dans différents
pensionnats dont elle a la direction. En
1914, elle part pour
l'Angleterre, voulant entrer dans les
Filles de Jésus de Kermaria où elle
est pensionnaire. En 1922, elle vient pour la première fois en convalescence
dans la clinique des
Sœurs Augustines de la Miséricorde à
Malestroit
(
Morbihan)
où elle se remet d'une
fièvre paratyphoïde. Le 5 juillet 1922 dans sa
chambre à Malestroit, elle a une
crise mystique
au cours de laquelle Jésus lui apparaît et lui parle
2.
En
1925, Yvonne
Beauvais entre en religion sous le nom de sœur Yvonne-Aimée. En
1927, elle gagne le
couvent des
Augustines dont elle devient la supérieure en
1935. Elle y œuvre de
1927 à
1951. Grande
organisatrice, elle réforme la communauté des
Augustines hospitalières et lance en
1928 le projet d'une
clinique moderne qui ouvrira ses portes en
1929. En
1935, elle conçoit le
projet novateur d'une Fédération des Augustines hospitalières de la miséricorde
de Jésus, projet qu'elle mène jusqu’au bout malgré les réticences des autorités
ecclésiastiques
3.
En décembre
1940,
elle développe la dévotion du « petit Roi d’Amour », qui unit celle à
l'
Enfant-Jésus
et celle au
Sacré-Cœur. Cette dévotion est étendue à l’
Église universelle par le pape
Jean XXIII
en 1958
4.
Durant l'
Occupation, elle soigne
dans la clinique de Malestroit aussi bien des blessés allemands que des
résistants (spécialement ceux du
maquis de Saint-Marcel), sauvant notamment
la vie du général
Louis-Alexandre Audibert (commandant de la
région Ouest de l'
Armée Secrète)
5,
tout en réalisant des prodiges (
stigmatisation,
xénoglossie).
En janvier 1943, un prêtre, la soupçonnant d'imposture, l'accuse d'être une
« fausse mystique » et prépare un procès pour la déposer. Le
16 février
1943, comme elle en
aurait eu la prémonition, elle est arrêtée par la
Gestapo au
prieuré Notre-Dame de la Consolation
6 et
amenée à la
prison du Cherche-midi. Torturée, elle
s'évade « miraculeusement », après avoir demandé par la
bilocation
des prières au Père Paul Labutte, son fils spirituel
7.
Le
24 juin 1945, elle reçoit la
croix de guerre avec palme, à
Saint-Marcel.
Le
22
juillet
1945, le
général
de Gaulle en personne lui remet la
Légion d'honneur, à
Vannes, pour avoir
caché et soigné à la clinique soldats alliés et résistants
bretons. Le
3 janvier
1946, les autorités
lui décernent la
médaille de la Résistance et la
médaille de la Reconnaissance
française. En
1946,
elle fonde la
Fédération des monastères d'Augustines et est élue première
supérieure générale. Le
7 août 1949, la clinique de Malestroit reçoit la croix de Guerre. Sa
notoriété est telle qu'elle est reçue par
Pie XII8.
Le soir du
3 février
1951, elle meurt
d'une
hémorragie cérébrale foudroyante
9,
conséquence de son
hypertension artérielle, alors qu'elle
s'apprêtait à partir pour l'
Afrique
du Sud10.
Postérité
Yvonne Beauvais a laissé de nombreux carnets intimes ainsi qu’une abondante
correspondance depuis 1924, date à laquelle son confesseur, le Père Crété, lui
demande de mettre par écrit ses souvenirs et ses rêves
11.
Le
1er
juin 1960, à la veille de
Vatican II,
craignant que son cas ne suscite « une vague d'
illuminisme »,
le cardinal
Alfredo Ottaviani, alors pro-secrétaire du
Saint-Office,
décrète la fin du
procès de béatification (commencé à la
suite de son exhumation qui a lieu le 25 mars 1957 et à la reconnaissance de sa
mort en
odeur de sainteté) et interdit la publication
d'ouvrages sur
Yvonne-Aimée de Malestroit. Le
Saint-Office était en effet circonspect devant le nombre élevé de ses miracles
après sa mort et les faits extraordinaires qui auraient jalonné la vie de la
mystique :
dons de prophétie, de guérison, de langue, de
bilocation
(151 cas recensés),
stigmatisation,
prémonitions,
xénoglossie
et matérialisations (de fleurs, le plus souvent des lys ou des roses, de bagues
d’or et de diamants, de parfums, etc.)
12.
Cependant, en réponse à une demande de sœur Nicole Legars, prieure de
Malestroit, le cardinal
Franjo
Šeper, préfet de la
Congrégation pour la Foi au
Vatican, autorisa, dans une lettre du 28 avril 1980, la publication d’une
biographie sur Yvonne Beauvais, et suggéra même le nom du chanoine
René
Laurentin pour ce faire. Cette biographie devint le livre
Un Amour
extraordinaire : Yvonne-Aimée de Malestroit de l'abbé Laurentin,
auquel l'évêque de Vannes, M
gr Boussard, accorda l'imprimatur en ces
termes, le 3 février 1985 :
« Par sa lettre datée du 10 décembre 1984, le cardinal Ratzinger [futur
pape
Benoît
XVI], Préfet de la Congrégation pour la foi, ayant levé l’interdiction
portée par son prédécesseur, le cardinal Ottaviani, le 16 juin 1960, de donner
l’imprimatur "à toute éventuelle future publication sur mère
Marie-Yvonne", j’ai estimé que je pouvais autoriser la parution de
l’ouvrage de monsieur le chanoine René Laurentin, après en avoir pris
connaissance. […] La personnalité de cette religieuse, les circonstances qui
ont mis en valeur ses qualités exceptionnelles ne peuvent être exclues des
recherches historiques. C’est pourquoi l’avis favorable du Cardinal Préfet de
la Congrégation pour la foi, a été accueilli avec satisfaction et
gratitude. »
Le travail est aujourd'hui poursuivi par une équipe interdisciplinaire, le
dossier contenant 4 000 pages et soixante mille pièces
13.
En
2009,
Monseigneur
Raymond Centène,
évêque de Vannes, a de nouveau demandé, très
officiellement, que les
autorités vaticanes examinent attentivement le dossier.
Notes et références
- ↑
Paul Labutte, Yvonne-Aimée de Jésus,
« ma mère selon l’esprit », Éditions François-Xavier de
Guibert, 1997, p. 55
- ↑
René Laurentin, Yvonne-Aimée de
Malestroit : Un amour extraordinaire,
F.-X. de Guibert, 1982, p. 33.
- ↑
Sandra La Rocca, L'Enfant-Jésus, Presses universitaires du Mirail, 2007 (lire
en ligne [archive]), p. 247
- ↑
Sandra La Rocca, op. cit., p. 245.
- ↑
Témoignage de Sœur Marie Bernard d'Antin
(INA) :
www.ina.fr/video/CPD02000100/soeur-marie-bernard-d-antin-video.html
- ↑
Petit prieuré ouvert à Paris dans le quartier
d’Auteuil par Yvonne Beauvais en novembre 1941 pour permettre aux jeunes
religieuses de l’Ordre de préparer leurs diplômes d’hospitalières.
- ↑
Paul Labutte, Une amitié « voulue
par Dieu ». 1926-1951, Éditions
François-Xavier de Guibert, 1999, p. 193
- ↑
Sandra La Rocca, op. cit., p. 241.
- ↑
Un de ses biographes, le docteur Patrick Mahéo,
a fait un historique de ses maladies : fièvre paratyphoïde,
scarlatine, syndrome néphrotique, tuberculoses pulmonaire et rénale,
hypertension artérielle, fibrome de l'utérus dont elle est opérée, cancer
du sein.
- ↑
Mère
Yvonne Aimée de Jésus - Présentation générale [archive]
- ↑
Sandra La Rocca, « Le Petit Roi d’Amour : entre dévotion
privée et politique », Archives
de sciences sociales des religions, no 113, 2001,
p. 21
- ↑
Louis Barral, Marie-Yvonne-Aimée de Jésus
Beauvais, Monastère de Malestroit, 1956,
p. 182-186
- ↑
Didier van Cauwelaert, Dictionnaire
de l'impossible, Plon, 2013, 520 p. (ISBN 978-2259219273)
Voir aussi
Bibliographie
Par Yvonne-Aimée de Malestroit
- Paul Labutte, Yvonne-Marie de Jésus et François-Xavier de Guilbert (éd.), Une
amitié voulue par Dieu : 1926-1951 : Paul Labutte et
Yvonne-Aimée de Jésus : Témoignage, lettres et souvenirs, éditions François-Xavier de Gilbert, 1999, 260 p. (ISBN 978-2-86839-620-4, OCLC 469252361)
- René Laurentin (éd.), Écrits
spirituels de mère Yvonne-Aimée de Malestroit, éditions F.-X. de
Guibert, 1987 (ISBN 2-86839-098-6).
Sur Yvonne-Aimée de Malestroit
- René Laurentin, Un amour
extraordinaire : Yvonne-Aimée de Malestroit, éd. F.-X. de
Guibert, 1985 (ISBN 2-86839-034-X).
- Prédictions de Mère
Yvonne-Aimée de Malestroit : Un cas unique de vérification
scientifique, éd. F.-X. de Guibert, 1987 (ISBN 2-86839-102-8).
- René Laurentin et Patrick
Mahéo, Yvonne-Aimée de Malestroit : Les Stigmates, éditions
François-Xavier de Guibert, 1988 (ISBN 2-86839-130-3).
- René Laurentin, Yvonne-Aimée
de Malestroit : Priorité aux pauvres en zone rouge et dans la
Résistance, F.-X. de Guibert, 1988 (ISBN 2-86839-129-X).
- Formation spirituelle et
discernement chez Mère Yvonne-Aimée de Malestroit par le Père René Laurentin,
F.-X. de Guibert, 1990 - (ISBN 2-86839-163-X)
- Bilocations de Mère
Yvonne-Aimée par René Laurentin et le docteur P. Mahéo, F.-X. de
Guibert, 1990 - (ISBN 2-86839-162-1)
- Patrick Mahéo et René
Laurentin, L'Amour plus fort que la souffrance : Dossier médical
d'Yvonne-Aimée (préface d'Henri Joyeux), 1993, éd. F.-X. de Guibert (ISBN 2-86839-245-8).
- René Laurentin, Bernard
Billet, Sœurs augustines hospitalières et Patrick Mahéo, Biographie de
sœur Yvonne-Aimée, éd. de Guibert.
- Les Noces du Ciel et de
la terre (cassette vidéo réalisée par France 3 à partir de
témoignages), diffusion F.-X. de Guibert (ISBN 2-86839-313-6).
- Paul Labutte, Témoignage
sur Yvonne-Aimée de Malestroit (vidéo), F.-X. de Guibert.
- Paul Labutte, Yvonne-Aimée
de Jésus : Ma mère selon l'Esprit, éditions de Guibert - (ISBN 2-86839-478-7).
- Paul Labutte, Yvonne-Aimée
telle que je l'ai connue (préface de Guy Gaucher), éditions de Guibert
(ISBN 2-86839-745-X).
- Monastère de Malestroit, Yvonne
Aimée de Jésus et le monastère de Malestroit, Pierre Téqui (ISBN 2-7403-0723-3).
Liens externes
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Augustines Hospitalière de la
Miséricorde de Jésus
Première Supérieure Générale de la Fédération - 1901 - 1951
1. (1901-1922) Yvonne Beauvais naquit le 16 juillet
1901, à Cossé-en-Champagne, petit bourg de la Mayenne, d’une famille très
honorable. Orpheline de père à l’âge de trois ans, elle épanouit son âme à
la lecture de la vie des Saints que lui fait sa grand-mère maternelle à qui
on l’a confiée. Elle manifeste une très tendre dévotion envers la Sainte
Vierge et envers son ange gardien, un grand désir, déjà, de l’Eucharistie,
et une recherche passionnée de "son Jésus" dans
les pauvres. Elle vit, avant la formule, et dès son jeune âge, la "petite
voie d’enfance spirituelle” de Thérèse de Lisieux, pour qui elle
se prend d’une grande affection.
A l’âge de six ans, elle rejoint sa mère et la suit, à Argentan et à
Toul, dans les divers pensionnats dont celle-ci prend la direction, pour
parer au départ des religieuses enseignantes.
Mais c’est à Paris qu’elle ira faire sa première communion, à l’âge de
neuf ans. Deux jours après, le 1er janvier 1911, elle écrit de son sang un “Pacte
d’amour” avec le “Petit Jésus”, en des termes
surprenants pour une enfant de cet âge, et qui sera, sans qu’elle s’en
doute alors, le programme de toute sa vie : "Je veux sauver
beaucoup d’âmes, et T’aimer plus que tout le monde. Je te supplie de me
faire devenir Sainte, une très grande Sainte - une martyre. Mais je veux
surtout Ta Volonté! TA PETITE YVONNE".
Ce pacte, elle le résuma allègrement plus tard dans la devise qu’elle se
choisit : Tout droit au service du Roi Jésus. Mais déjà
auparavant, et surtout dès cette date, elle sera attentive à réprimer les
saillies de son caractère primesautier, à apprendre à beaucoup
souffrir en silence. Car la souffrance allait être la compagne
inséparable de la "mission" que Dieu lui préparait.
A quatorze ans, en Angleterre où elle continue ses études, elle prend
l'habitude de réciter chaque jour le “Petit Office de la Sainte
Vierge”.
A vingt ans, elle s’inscrit à Paris dans l’Association des Jeunes Filles
de Marie Immaculée, et met désormais, toujours dans la plus grande discrétion,
au service des pauvres, par des industries variées que son zèle inventif
imagine, toutes les ressources de sa riche nature, de ses talents et de son
amour pour le “Seigneur Jésus". Ce n’est que bien plus
tard, à son entrée au couvent, que l’on aura connaissance de sa nombreuse
famille de pauvres, quand aussi l’obéissance l’obligera à raconter ses
expériences charitables dans la zone parisienne ou au Mans, et les
circonstances exceptionnelles, pour ne pas dire miraculeuses, qui
accompagnèrent son apostolat.
Comment pendant toutes ces années a-t-elle réussi à cacher ses
initiatives et surtout ses souffrances ?
En 1921, Yvonne a vingt ans : c’est une jeune fille rayonnante, enjouée,
très artiste, toujours prête a rendre service, à la maison ou au dehors, à
l’affût constant des âmes. Elle met de la joie partout, dans les salons où
on l’invite et dans la mansarde de ses amis les pauvres. Pour elle, “être
joyeuse, c’est être charitable”. Elle note sa dévotion : “Je
mettrai un sourire sur mes lèvres, et saurai l'y fixer en pensant à Vous,
mon Jésus. Je vous prendrai des âmes tout en dégustant... une tasse de
thé". Seul, le Seigneur sait à quel prix !
2. (1922-1927) Cependant. la nature a des
limites. Yvonne tombe malade et, pour achever sa convalescence, elle
arrive, le 18 mars 1922, par une circonstance providentielle, dans une
petite clinique que les Chanoinesses Augustines Hospitalières tiennent à
Malestroit, petite ville dans un coin ignoré du Morbihan. Le monastère
lui-même est, certes, à cette époque, l’un des plus humbles de l’Ordre.
Mais c’est que, le 5 juillet suivant, se produit pour la jeune fille la «
révélation » qui fixe son avenir et sa « mission ».
A partir de ce jour, en effet, et jusqu’à sa mort, Yvonne, devenue, même
avant son entrée dans ce couvent comme religieuse, Yvonne-Aimée de Jésus,
sera l’objet de grâces sensibles extraordinaires et de non moins
extraordinaires persécutions du démon. Une vie de réparation
pour les pécheurs, pour les âmes du purgatoire, et pour les sacrilèges
commis envers l’Eucharistie, ira se précisant de plus en plus, à tel point
qu’elle ne passera plus, dès lors, une seule de ses journées ni très
souvent de ses nuits, sans être l’objet des exigences de l’Amour
Rédempteur. Elle n’est toujours aux yeux du monde que la jeune fille
délicieuse, souriante, dévouée, mais sa prière intime est maintenant : “Ô
Jésus, je me livre pleinement à vos mystérieuses opérations dans mon âme ».
Elle inaugure, pour toute sa vie, une Heure Sainte douloureuse, chaque
jeudi de 23 heures à minuit. Elle est obligée d’avouer : “Je dis
toujours oui aux Bon Jésus“. Cet acquiescement total exige d’elle
un héroïsme quotidien dans la souffrance du corps et de l’âme. Rien de ce
qui lui est demandé ne la rebute : “Si Dieu commande, que puis-je
faire qu’obéir ? S’il me dit d’aller déraciner la montagne, je me lèverai
dès le matin, j’irai assiéger le pied du géant, et si le pic et la
bêche me manquent, armée de mes seules mains, j’irai encore !.. »
Mais déjà, peu après ce 5 juillet, elle se rend compte qu’elle n’a pas
le droit de porter seule son secret ; elle s’en remet alors, toute simple,
à ses directeurs, et aux exigences parfois très pénibles de ceux qui sont
officiellement chargés de contrôler son étonnante vocation. Elle sera
ainsi, jusqu’à la fin, toujours soumise aux décisions des autorités
ecclésiastiques.
C’est de cette époque que date son oraison jaculatoire “Ô Jésus,
Roi d’Amour, j’ai confiance en Votre Miséricordieuse Bonté“. Cette
prière devint la source de nombreuses grâces spirituelles et temporelles
pour les personnes qui l’adoptèrent. Par la suite, elle fut enrichie
d’indulgences par les Souverains Pontifes Pie XI, Pie XII et Jean XXIII,
pour tout l’Ordre et les hospitalisés, et par des Evêques, pour leur
diocèse respectif.
En septembre 1922, sa convalescence achevée, Yvonne devra quitter, pour
y revenir de temps en temps, son « cher couvent », comme
elle l’appelle déjà, et retourner à Paris ou au Mans, au gré des volontés
de sa mère qui ignore encore tout de ce qui s’est passé. Le Seigneur se
fera enfin entendre très nettement : Yvonne-Aimée sera religieuse Augustine
à Malestroit. L’heure n’a pas encore sonné pour elle et, jusqu’en 1927,
elle mènera, on devine avec quelles difficultés sa vie vouée aux ordres
parfois déconcertants de son Roi d’Amour, et sa vie de jeune fille dans le
monde. A part quelques amies que le Seigneur choisit, surtout pour la
préserver des indiscrétions, nul ne se doute qu’Yvonne Beauvais est une
privilégiée.
3. (1927-1951) Enfin les oppositions à son entrée
en communauté sont providentiellement levées : Yvonne se présente au
postulat de Malestroit, le 18 mars 1927.
Le 10 septembre, dans la cérémonie de vêture, le prédicateur (R.P. Crété
S.].) était autorisé à jeter une lumière sur le mystère de la nouvelle
novice : « Epreuves et joies, souffrances et tentations, les
anges, les hommes et les démons, tout a été mis en oeuvre pour porter les
coups et donner les caresses qui devaient rendre la petite fiancée moins
indigne du Seigneur Jésus.
Mais, fin novembre, elle tombe si gravement malade qu’on juge nécessaire
de lui donner l’extrême-onction et de lui faire prononcer ses voeux in
articulo mortis. Toute la communauté, l’aumônier, son directeur,
le supérieur ecclésiastique entourent son lit d’agonie et seront les témoins
d’un miracle. La mourante devant eux reprend soudain vie et, dans un
soupir, on peut saisir ses paroles “Ton Amour sera mon ciel sur la
terre”. Et elle regagnait, une demi-heure après, sa place au chœur
! On va voir celle que le Seigneur lui réservait dans sa communauté et dans
l’Ordre des Chanoinesses.
Le 21 décembre de la même année, l’Evêque de Vannes, dont dépend le
monastère, autorise les supérieures à confier à la novice, un mois après
son acquiescement à la Volonté divine, la construction à Malestroit d’une
grande clinique moderne pour laquelle un bienfaiteur inespéré assurait la
première mise de fonds.
Elle y prendra ensuite la direction pénible de la cuisine, tout en
travaillant, comme secrétaire, à la préparation du second Chapitre général
de l’Ordre, en vue de la révision des Constitutions que sa supérieure ira
avec elle, au nom de tous les monastères, faire approuver à Rome.
Entre-temps, le petit couvent de Malestroit devenait un monastère
florissant : les sujets y affluent, et sœur Yvonne-Aimée de Jésus se voit
confier leur formation pour leur inculquer, dans l’esprit de l’Ordre, son
propre esprit d’abandon joyeux, simple, confiant et total à la volonté du «
Seigneur Jésus ». Qui pourrait résister à l’attirance de la jeune Maîtresse
des novices, qui, au surplus, a le don de lire dans les cœurs !
A 34 ans, après 7 ans de vœux, elle est élue Supérieure de la
Communauté, puis en 1939, Présidente, et, après la guerre, Supérieure
Générale de la Fédération de tous les monastères de l’Ordre, dont elle avait
rédigé et présenté à l’approbation de Rome, les statuts.
Malestroit, ce Nazareth de l’Ordre, en devient désormais le centre
rayonnant ; Mère Yvonne-Aimée s’y montre « une maîtresse-femme, à la
ressemblance des grandes fondatrices, supérieurement douée par sa mission
». On a peine à la suivre dans son activité débordante où
rayonnent la force et la bonté ; mais celle-ci n’est que l’aspect visible
de sa vocation, ou plutôt l’un et l’autre s’entremêlent, l’aspect
mystérieux n’ayant plus comme témoin qu’un cercle restreint de son
entourage et le contrôle de ses directeurs. C’est toujours la même voie
douloureuse pour le rachat des âmes, parmi les éclairs des prédilections
divines.
La guerre de 1940 lui est une occasion de mettre en oeuvre tous ses
dons. La reconnaissance officielle des hommes ne lui manqua pas ; mais la
religieuse n’avait voulu que mettre au service de l’universelle charité son
courage et sa confiance en Dieu.
L’heure de la seule véritable récompense allait bientôt sonner pour
celle qui n’avait consenti, en décembre 1927, à en voir retarder
l’échéance.
Malgré son pauvre corps douloureux, sillonné de cicatrices et brûlé de
fièvres constantes, elle formait le projet, au début de 1951, d’aller
visiter ses filles au Natal ; mais, le 3 février, à la veille de son
départ, elle rendait sa belle âme à Dieu, à l’âge de 49 ans.
Depuis, ceux et celles qui l’ont approchée continuent à sentir sa
présence ; et les personnes qui 1’invoquent sont unanimes à reconnaître
l’efficacité de son Intervention auprès de « son Roi d’Amour » dont
elle avait, sur terre, accompli, avec une fidélité inébranlable, les
moindres ordres de la Volonté rédemptrice, et accepté d’être la
collaboratrice et la messagère de la Miséricordieuse Bonté.
PRIÈRE
Ô JÉSUS, Roi d’Amour, qui avez inspiré à Votre Servante
Yvonne-Aimée une participation généreuse à Votre Tendresse infinie pour les
âmes, une ardente dévotion envers la Sainte Eucharistie, une fidélité
inébranlable à Votre Service, daignez, nous Vous en supplions, glorifier en
elle tous Vos dons, en nous accordant par son intercession la grâce que
nous implorons avec confiance de Votre Divine et Miséricordieuse Bonté.
Ô VOUS qui vivez et régnez avec Dieu le Père en l’unité du Saint-Esprit
dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Ô Jésus, Roi d’Amour, j’ai confiance en Votre Miséricordieuse Bonté.
IMPRIMATUR
Monseigneur LE BELLEC Eugène Joseph Marie
Evêque de Vannes
2 août 1954
Les personnes qui recevraient des grâces attribuées à Mère Yvonne-Aimée
de Jésus sont invitées à les faire connaître à la Communauté des Augustines
- 56140 Malestroit – France
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Portrait
de Mère Yvonne-Aimée par l'Abbé Paul Labutte
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La Maison des Grands-parents paternels à Cossé
Il y a donc 80 ans ce matin, dans le silence de
cette église de Cossé en Champagne, Monsieur le Curé Guesdre a célébré la
Sainte Messe et lu le même Evangile que nous venons d’entendre.
Ce 16 juillet 1901, la saison était magnifique, le soleil brillait, une
grande paix baignait le bourg et les campagnes. Et, le soir, tandis que
l’Angélus tintait au clocher roman et que les clochers d’alentour lui
répondaient, une petite Yvonne venait de naître dans une vieille maison de
Cossé, à deux pas de l’église, chez Monsieur et Madame Alfred Beauvais.
Cette enfant qui deviendra Mère Yvonne Aimée, considèrera toujours comme une
grâce d’être née en la fête de Notre Dame du Mont Carmel, sous le signe de
la Vierge, Mère des Contemplatifs.
Le 18 juillet suivant, Yvonne est baptisée dans cette église par
Monsieur le curé. Plus tard, chaque année, au 18 juillet, Mère Yvonne Aimée
ne cachera pas son bonheur : « c’est, disait-elle, l’anniversaire du jour
où je suis devenue fille du Bon Dieu. »
En 1942, elle était de passage ici, à Cossé, où j’étais moi-même invité.
Elle me conduisait sur la tombe de Monsieur Alfred Beauvais, son Père, trop
tôt disparu, « Monsieur Alfred » comme l’appelaient les paysans qui
l’adoraient tant il était simple, droit, gai, spontané, généreux, large,
accueillant. De lui, elle tenait beaucoup. De Madame Beauvais, elle avait
l’activité intense et ordonnée ; et de ses ancêtres du Maine elle avait une
foi catholique et un bel équilibre humain. J’entends encore Mère Yvonne
Aimée évoquer sur place, ici, ses souvenirs d’enfance : les jeux dans la
maison, les veillées devant la cheminée où flambaient des bûches, la petite
grotte de Notre Dame de Lourdes dans le jardin où son jeune père l’emmenait
prier. Elle m’a demandé de venir avec elle près des fonts baptismaux, ces
fonts baptismaux où elle avait reçu la grâce de la seconde naissance.
C’était vraiment un pèlerinage aux sources. En effet, à travers la brève
existence que fut la sienne, un fleuve de grâce a jailli ici même, pour
votre Fédération et pour L’Eglise.
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Mais qui était Mère Yvonne Aimée ?
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Pour répondre à cette question, il me semble que le mieux, c’est de vous
citer des jugements autorisés qui ont été portés sur sa vie, sur son œuvre,
sur son expérience chrétienne.
L’Historien Daniel-Rops ne l’a pas connue mais, dit-il, il admire la
beauté des textes rares que l’on connaît d’elle où précise-t-il, on croit
entendre l’écho de sainte Catherine de Sienne ou de la Bienheureuse Marie
de l’Incarnation.
Par contre, le Général Audibert, chef de la Résistance de l’Ouest, a été
le témoin et l’un des bénéficiaires de l’hospitalité qu’elle offrit aux
blessés paras ou maquisards pendant l’occupation. Frappé de son courage et
de sa présence d’esprit dans le danger et les risques énormes qu’elle
prenait au nom de cette hospitalité chrétienne, il la saluait en souriant
par ces deux mots : « Mon Général. » Et, à la nouvelle de sa mort, il
écrivit douloureusement : « Quand disparaît un être de cette clarté, de
cette puissance, de cette grandeur, il semble que le ciel s’obscurcisse
pour nous. »
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Voici, maintenant, quelques jugements
émanant d’autorités religieuses
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- Pour Dom Sortais, Abbé général de la Trappe, Mère Yvonne Aimée fut une
grande Supérieure qui a bâti toute son œuvre sur le roc de la foi.
Personnellement, Dom Sortais avait remarqué le don qu’elle possédait de
pacifier et d’épanouir les âmes.
- Dom Cozien, Abbé de Solesmes, relevait en Mère Yvonne Aimée, je le
cite : « le sens de la prière, de la beauté de la liturgie, de la louange
de Dieu, à l’école de L’Eglise. » il ajoutait ces mots qui vont loin : «
Toute la vie de Mère Yvonne Aimée a été sous l’emprise de Dieu. »
- Monseigneur Picaud, Evêque de Bayeux et Lisieux. Les Carmélites de
Lisieux admirent la manière dont Monseigneur Picaud a compris sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus et Mère Yvonne Aimée. De Mère Yvonne Aimée, il a
dit en pesant ses mots : « Elle a été un grand témoin du monde surnaturel.
»
- Le Cardinal Larraona qui fut le Secrétaire de la Sacrée Congrégation
des Religieux, a déclaré : « Je me souviens très bien de Mère Yvonne Aimée.
En prenant l’initiative de rassembler en Fédération les Monastères de son
Ordre, elle a fait une œuvre exemplaire dont nous pouvons ici, à Rome, nous
inspirer. »
Il m’est impossible ce matin d’analyser tous les traits d’Yvonne Aimée.
Sa personnalité a suivi une progression constante et atteint vers l’age de
40 ans une plénitude humaine et chrétienne. Je soulignerai seulement deux
points :
- sa conformité à la volonté de Dieu,
- sa foi et son amour envers l’Eucharistie.
Une parole de Jésus qu’elle conservait dans son cœur, la bouleversait et
éveillait en elle un écho sans fin. C’est celle-ci, en saint Marc : « Qui
est ma mère, qui sont mes frères ? Promenant un regard sur ceux qui étaient
assis autour de Lui, Jésus ajouta : Voici ma mère et mes frères. Quiconque
fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. »
De même, Mère Yvonne Aimée pouvait rester très très longtemps à méditer
cette autre parole de Jésus qu’elle trouvait inépuisable : « Ce ne sont pas
ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des
Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. » A ses novices elle
disait, dans la ligne des paroles précédentes : « Mes petites sœurs,
l’amour est d’abord dans la volonté. »
Cette mystique de la volonté situait Mère Yvonne Aimée dans le grand
courant spirituel qui part de sainte Thérèse de Lisieux, de saint François
de Sales, de saint Ignace de Loyola, de saint Bernard, de saint Augustin,
de tant d’autres saints, de la Vierge Marie, Servante du Seigneur et de
Jésus Lui-même, dont la nourriture était de faire la volonté de son Père.
Pour Mère Yvonne Aimée, comme pour ces Maîtres spirituels, la volonté
divine n’a rien d’un commandement abstrait et impérieux. Cette volonté
divine est sagesse, vérité, miséricorde. Elle est appel à la liberté et
appel à l’amour comme le serviteur du Psaume 122 qui a les yeux fixés sur
les mains de son Maître, comme l’épouse tendre, calme et spontanée qui
tressaille au moindre vouloir du Bien Aimé. Yvonne Aimée écoutait sa voix,
sa parole dans L’Eglise. Elle s’est tenue attentive toujours à ses moindres
signes. Elle va tout droit au service de Jésus Roi d’Amour. Un jour elle
m’a dit : « ma voie est celle des Anges qui ne font jamais attendre Dieu. »
Déjà, petite première Communiante de 10 ans, elle avait écrit de son
sang : « Je veux n’être qu’à Toi, mais je veux surtout ta volonté. » On
comprend, estime un théologien, la montée en flèche d’une âme ainsi livrée
à Dieu, jusqu’à l’abandon total. A l’amour qui t’emporte, ne demande pas où
il va.
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Yvonne Aimée et l’Eucharistie
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Pendant
la célébration elle se tenait très droite et très recueillie dans sa
stalle. Au moment de l’élévation, avant de se prosterner, elle fixait
l’Hostie et le Calice un regard intense, un regard brillant et souvent le
soir et parfois la nuit, elle venait près de la grille du chœur prier
longuement, à genoux devant le Saint Sacrement.
Vous avez en main des textes où elle laisse jaillir sa foi envers
l’Eucharistie. Vous savez quel événement intérieur, décisif, a été sa
première Communion, oui, un grand événement spirituel. Et vous savez aussi
à quel point elle prié pour les prêtres.
C’est à l’âge de 22 ans que, pour la première fois, non sans une
intuition prophétique, elle commença de rechercher les hosties profanées.
On a vu Yvonne Aimée jeune fille, revenir blessée et couverte de sang après
avoir reçu des coups alors qu’elle cherchait à arracher des hosties
emportées par des gens sacrilèges et impies. Dans ce charisme qui frappe
beaucoup l’écrivain Julien Green – il en parle dans son journal et il
appelle Mère Yvonne Aimée « une femme admirable » – dans ce charisme de
recherche, Monseigneur Picaud voyait une récompense de la foi intrépide
d’Yvonne Aimée. Avec le recul du temps, on pourrait aussi y découvrir un
rappel de la tradition constante de L’Eglise affirmant à l’encontre des
Novateurs, que la présence réelle du Corps et du Sang du Seigneur subsiste
en dehors de la célébration liturgique. Peut-être aussi, pourrait-on lire
un rappel de ce respect extraordinaire dont les chrétiens, fût-ce au péril
de leur vie, se doivent d’entourer le pain rompu pour un monde nouveau,
l’admirable sacrement où se révèle le plus, disait-elle, la Miséricorde de
Jésus, sacrement qui construit l’unité fraternelle des communautés
chrétiennes.
Plusieurs années avant le Concile, Mère Yvonne Aimée souhaitait des
messes du soir. On songe à la joie qu’elle aurait éprouvée à communier sous
les deux Espèces et avec quelle ferveur elle aurait suivi ce Congrès
Eucharistique international qui s’ouvre ce soir à Lourdes.
Mes sœurs, vous avez le droit d’être heureuses de compter dans votre
Ordre une Yvonne Aimée, ce guide sûr, cette lumière éblouissante, ce feu
brûlant et vous avez raison de commémorer ici sa naissance et son baptême.
Oui, le bourg de Cossé n’aura jamais vu tant de blanches Augustines. Elle
doit en être ravie, comme elle l’est, certainement, de votre volonté
d’approfondir sans cesse votre vocation canoniale qu’elle trouvait si
grande et qu’elle a travaillé, 30 ans avant le Concile, à bien adapter aux
temps nouveaux dans une fidélité créatrice.
Pour sa part, au-delà des charismes qui la mettaient au service de
l’Eglise, sa vie a été toute simple parce que basée sur la charité qui est
la loi essentielle de vos Communautés Elle était grande dans sa manière
d’aimer. Il y avait en elle quelque chose d’eschatologique. Il y avait en
elle parfois, comme une anticipation prophétique du monde futur. Et
pourtant, pourtant, elle était incroyablement humaine, tout entière au
moment présent et bien de son temps. Elle a beaucoup réalisé : jeune fille
au service des pauvres dans les bidonvilles de Paris, Prieure de
Malestroit, fondatrice et première Supérieure Générale de votre Fédération.
Il se trouvait des personnes qui disaient que tout lui réussissait. Elle
était la première à rire de cette réflexion naïve, à ne pas se croire
infaillible, à encaisser des échecs, des déceptions, des contradictions.
Certes, elle a marqué des points et accompli une œuvre considérable et
durable ; mais il aurait manqué quelque chose à la beauté de sa vie si tout
lui avait réussi humainement. Et, pour que sa configuration au Christ fut
plus étroite, elle a reçu, vers l’âge de 20 ans, une grande grâce de
compassion. Elle a enduré dans son corps, dans son cœur et dans son âme,
des souffrances inouies, un martyre à certaines heures, mais sans jamais le
faire peser sur son entourage.
Plus elle avançait dans la vie, plus elle s’enveloppait de silence. Au
sein de l’action qui mobilisait ses qualités de femme, on la devinait très
petite devant Dieu et comme revêtue de douceur et de force, comme immergée
dans la paix et la joie qui sont les fruits de l’Esprit Saint. Elle n’avait
qu’à exister, sa vie était un appel, sa vie est un appel.
Frères et Sœurs, en terminant, je dirai simplement ceci : il n’y aura
jamais qu’un moyen de connaître en profondeur Mère Yvonne Aimée, c’est de
l’invoquer. L’expérience le montre : sitôt qu’on s’adresse à elle, elle se
dévoile en répondant.
Abbé Paul Labutte
Homélie à Cossé en Champagne
Le 16 juillet 1981
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spiritualite-chretienne.com
Mère Yvonne Aimée est une
religieuse qui vécut à Malestroit de 1927 à 1951. Héroïne de la résistance,
elle fut décorée à plusieurs reprises, et notamment par le général De Gaulle
qui l'a faite chevalier de la légion d'honneur. Sa charité sans bornes lui fit
soigner sous le même toit les blessés allemands, qui occupaient son couvent, et
ceux de la Résistance qu'elle cachait. La
Communauté
actuelle, composée d'une cinquantaine de religieuses de vie canoniale,
poursuit son oeuvre dans une vie de prière assidue et dans le soin des malades
au sein du Groupe Hospitalier Saint Augustin. Le livre "Ma mère selon
l'Esprit", rédigé par le Père Paul Labutte (fils spirituel de Mère Yvonne
Aimée), fait état des phénomènes surnaturels qui ont jalonné la vie de la
religieuse. Leur authenticité a été reconnue par Mrg Picaud, évèque de Bayeux
et Lisieux à l'époque. L'épisode ci-dessous en est directement extrait.
Vers
19 h 30, ce même soir, je me rendis à l’Oasis Notre-Dame de Consolation où
Soeur Saint-Vincent Ferrier, tout en larmes, m’y accueillit et me dit : Vous
avez reçu ma dépêche ?
Oui ! Où est-elle ce soir, notre Révérende Mère Yvonne-Aimée ? Pour obéir, je
me retins de raconter que je l’avais vue, au début de l’après-midi dans le
métro et qu’elle était menacée d’être déportée cette nuit. Je dînai au parloir,
la mort dans l’âme, tandis que Soeur Saint-Vincent Ferrier, par crainte de la
Gestapo, visitait la maison pour s’assurer, me dit-elle, que les portes et les
volets de fer étaient bien fermés. En me levant de table, je demandai
l’autorisation de monter au premier étage, dans le bureau de Mère Yvonne-Aimée.
Je dus traverser sa chambre contiguë : le bureau était sans doute tel qu’hier
matin à son départ, mais sur la table s’accumulait déjà le courrier non
décacheté.
Je fermai la porte, et navré, je me mis à marcher de long en large devant la
cheminée, tout en m’efforçant de réciter encore un chapelet. Mes pensées
vagabondaient. Je revivais les incidents du début de l’après-midi, j’imaginais
le départ en déportation, à cette heure-ci, peut-être, dans la cour d’une
prison, mais laquelle, Fresnes ? La Santé ? Le Cherche-Midi ?..." Je vous
salue, Marie. Pleine de grâce... Le Seigneur..." Je m’interrompis
brusquement, car dans le bureau même, je venais d’entendre un bruit sourd,
semblable à celui d’un cavalier botté sautant de cheval et retombant à pieds
joints. Me retournant à la seconde même, je me trouvai en présence de Mère
Yvonne-Aimée, debout, près de son bureau, dans l’angle opposé à la porte du
vestibule qui était fermée. Vous ! m’écriai-je.
Et je bondis et je la saisis par les deux poignets. Elle portait les mêmes
habits civils et les mêmes bottes de caoutchouc que dans le métro, mais elle
n’avait plus ni chapeau de feutre ni lunettes. Elle était tête nue, les cheveux
en désordre.
Laissez-moi ! Lâchez-moi ! disait-elle en faisant des efforts saccadés et
violents pour se dégager. Elle heurtait les fauteuils, elle se débattait avec
effroi, avec force. Elle ne me reconnaissait pas. Elle me prenait, je le sus
plus tard, pour le tortionnaire de la prison. Je réussis progressivement à
l’apaiser. Elle murmura – Où suis-je ?... où suis-je donc ? Regardant à droite
et à gauche, elle s’étonna – Mais... c’est mon bureau ! Enfin elle me reconnut
et avec un sourire maternel – Mais... c’est... toi, Paulo...
Il était environ 21 h 10. Mon Dieu, que se passe-t-il donc ? À vrai dire, ce
retour, portes closes, januis clausis ne m’étonnait guère : dans cette journée
du 17 février 1943, je n’étais plus à un fait extraordinaire près.
J’interrogeai Mère Yvonne-Aimée. Elle venait de s’asseoir, épuisée, dans un
fauteuil, près d’une fenêtre. Elle me répondit :
- Ah !... je sais maintenant... je comprends... C’est mon bon Ange qui m’a
délivrée et ramenée ici. Il m’a saisie dans la cour de la prison, juste au
moment où l’on nous mettait en groupe pour partir en Allemagne... Il a profité
du brouhaha et du désordre qui se sont produits au moment du rassemblement et
aussi de l’obscurité, du black-out... Avez-vous tous beaucoup souffert ? Oh...
oui.
Je me demandais bien comment prévenir Soeur Saint-Vincent Ferrier qui se
disposait à passer la nuit en prière et qui devait m’attendre au petit parloir
du rez-de-chaussée. Elle était venue, en fait, s’asseoir, chapelet en main,
près de la porte d’entrée, tristement, sur la première marche de l’escalier. Je
descendis. À ma vue, elle se leva et se lamenta de nouveau : - À cette
heure-ci, notre Révérende Mère est peut-être embarquée en déportation ! Non !
répondis-je sans hésiter. Elle va rester à Paris.
Puis rapidement, j’ajoutai : - Elle va être libérée... Elle n’est pas loin. Et
brusquement : - Elle est de retour ici... Venez vite dans son bureau. Soeur
Saint-Vincent Ferrier, suffoquée, monta précipitamment l’escalier. Je la
suivis. Mère Yvonne-Aimée était bien là, mais si lasse et si angoissée, se
demandant encore si elle était vraiment de retour à l’Oasis... Sur sa demande,
nous la laissâmes seule quelques instants. Nous redescendîmes au
rez-de-chaussée, puis nous remontâmes au premier... Mère Yvonne-Aimée n’était
plus dans son bureau. Nous la trouvâmes dans sa chambre voisine, étendue toute
habillée sur son lit, le visage extatique, plongée dans un sommeil paisible,
enveloppée d’un grand voile de tulle blanc, serré au front par un étroit cercle
d’or. Le lit, la chambre, la cheminée, les meubles étaient jonchés ou parés de
fleurs fraîches, où dominaient (en ce mois de février 1943, dans Paris occupé
par les Allemands) des arums, des tulipes et des lilas blancs. Il aurait fallu
deux jardiniers au moins pour apporter ces fleurs et un grand artiste pour
disposer, sur Yvonne-Aimée, les plis du voile qu’elle-même n’aurait pu
arranger.
Soeur Saint-Vincent Ferrier et moi, nous demeurâmes, en silence, à son
chevet...... Mère Yvonne-Aimée se réveilla, s’étonna de voir tant de fleurs, se
leva avec son long voile, fit un ou deux bouquets avec les tulipes et les arums
qui étaient sur son lit, mais, n’en pouvant plus, s’interrompit. Soeur Saint
Vincent Ferrier resta pour panser les blessures que portait Mère Yvonne-Aimée
sous ses vêtements. Je me retirai. Après un telle journée, J’aurais du être
exalté, ou, tout au moins, empêché de trouver le sommeil. Or, je m’endormis
vite, paisible, comme un enfant.
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