lundi 4 septembre 2017

Yvonne-Aimée de Malestroit, née Yvonne Beauvais - 1901 + 1951


 

wikipédia à jour au 11 avril 2017

Yvonne Beauvais

Yvonne Beauvais
Yvonne-Aimee.jpg
Yvonne Beauvais ou Yvonne-Aimée de Malestroit
Biographie
Naissance
Décès
3 février 1951Voir et modifier les données sur Wikidata (à 49 ans)
MalestroitVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
ReligieuseVoir et modifier les données sur Wikidata

Autres informations
Distinction
Église de Cossé-en-Champagne où fut baptisée Yvonne Beauvais.
Yvonne Beauvais Prononciation du titre dans sa version originale Écouter, en religion Mère Yvonne-Aimée de Jésus, également appelée Yvonne-Aimée de Malestroit, née le 16 juillet 1901 à Cossé-en-Champagne (Mayenne) et morte le 3 février 1951, est une religieuse augustine française.

Sommaire

Biographie

Le 16 juillet 1901, Yvonne Beauvais, fille d'Alfred Beauvais et de Lucie Brulé, nait dans une famille bourgeoise de Cossé-en-Champagne, village du sud-est mayennais. Son père meurt le 17 octobre 1904. La petite commune de trois cents habitants a conservé le souvenir de cette mystique, notamment dans l'église romane dite Saint-Blaise, mais consacrée à Notre-Dame, monument inscrit le 30 octobre 1989, puis classé le 30 janvier 1992 et dans la maison familiale que la communauté de Malestroit a conservée comme maison de repos. Une rue de Cossé-en-Champagne porte le nom d'Yvonne Aimée.
Sa mère étant contrainte de trouver un emploi d’institutrice, elle est élevée par sa grand-mère maternelle au Mans qui lui lit notamment l’Histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux, ouvrage qui la marque au point qu'elle souhaite ardemment « devenir une sainte »1. Puis elle rejoint sa mère à l'âge de six ans, la suivant dans différents pensionnats dont elle a la direction. En 1914, elle part pour l'Angleterre, voulant entrer dans les Filles de Jésus de Kermaria où elle est pensionnaire. En 1922, elle vient pour la première fois en convalescence dans la clinique des Sœurs Augustines de la Miséricorde à Malestroit (Morbihan) où elle se remet d'une fièvre paratyphoïde. Le 5 juillet 1922 dans sa chambre à Malestroit, elle a une crise mystique au cours de laquelle Jésus lui apparaît et lui parle2.
En 1925, Yvonne Beauvais entre en religion sous le nom de sœur Yvonne-Aimée. En 1927, elle gagne le couvent des Augustines dont elle devient la supérieure en 1935. Elle y œuvre de 1927 à 1951. Grande organisatrice, elle réforme la communauté des Augustines hospitalières et lance en 1928 le projet d'une clinique moderne qui ouvrira ses portes en 1929. En 1935, elle conçoit le projet novateur d'une Fédération des Augustines hospitalières de la miséricorde de Jésus, projet qu'elle mène jusqu’au bout malgré les réticences des autorités ecclésiastiques3.
En décembre 1940, elle développe la dévotion du « petit Roi d’Amour », qui unit celle à l'Enfant-Jésus et celle au Sacré-Cœur. Cette dévotion est étendue à l’Église universelle par le pape Jean XXIII en 19584. Durant l'Occupation, elle soigne dans la clinique de Malestroit aussi bien des blessés allemands que des résistants (spécialement ceux du maquis de Saint-Marcel), sauvant notamment la vie du général Louis-Alexandre Audibert (commandant de la région Ouest de l'Armée Secrète)5, tout en réalisant des prodiges (stigmatisation, xénoglossie). En janvier 1943, un prêtre, la soupçonnant d'imposture, l'accuse d'être une « fausse mystique » et prépare un procès pour la déposer. Le 16 février 1943, comme elle en aurait eu la prémonition, elle est arrêtée par la Gestapo au prieuré Notre-Dame de la Consolation6 et amenée à la prison du Cherche-midi. Torturée, elle s'évade « miraculeusement », après avoir demandé par la bilocation des prières au Père Paul Labutte, son fils spirituel7.
Le 24 juin 1945, elle reçoit la croix de guerre avec palme, à Saint-Marcel. Le 22 juillet 1945, le général de Gaulle en personne lui remet la Légion d'honneur, à Vannes, pour avoir caché et soigné à la clinique soldats alliés et résistants bretons. Le 3 janvier 1946, les autorités lui décernent la médaille de la Résistance et la médaille de la Reconnaissance française. En 1946, elle fonde la Fédération des monastères d'Augustines et est élue première supérieure générale. Le 7 août 1949, la clinique de Malestroit reçoit la croix de Guerre. Sa notoriété est telle qu'elle est reçue par Pie XII8.
Le soir du 3 février 1951, elle meurt d'une hémorragie cérébrale foudroyante9, conséquence de son hypertension artérielle, alors qu'elle s'apprêtait à partir pour l'Afrique du Sud10.

Postérité

Yvonne Beauvais a laissé de nombreux carnets intimes ainsi qu’une abondante correspondance depuis 1924, date à laquelle son confesseur, le Père Crété, lui demande de mettre par écrit ses souvenirs et ses rêves11.
Le 1er juin 1960, à la veille de Vatican II, craignant que son cas ne suscite « une vague d'illuminisme », le cardinal Alfredo Ottaviani, alors pro-secrétaire du Saint-Office, décrète la fin du procès de béatification (commencé à la suite de son exhumation qui a lieu le 25 mars 1957 et à la reconnaissance de sa mort en odeur de sainteté) et interdit la publication d'ouvrages sur Yvonne-Aimée de Malestroit. Le Saint-Office était en effet circonspect devant le nombre élevé de ses miracles après sa mort et les faits extraordinaires qui auraient jalonné la vie de la mystique : dons de prophétie, de guérison, de langue, de bilocation (151 cas recensés), stigmatisation, prémonitions, xénoglossie et matérialisations (de fleurs, le plus souvent des lys ou des roses, de bagues d’or et de diamants, de parfums, etc.)12.
Cependant, en réponse à une demande de sœur Nicole Legars, prieure de Malestroit, le cardinal Franjo Šeper, préfet de la Congrégation pour la Foi au Vatican, autorisa, dans une lettre du 28 avril 1980, la publication d’une biographie sur Yvonne Beauvais, et suggéra même le nom du chanoine René Laurentin pour ce faire. Cette biographie devint le livre Un Amour extraordinaire : Yvonne-Aimée de Malestroit de l'abbé Laurentin, auquel l'évêque de Vannes, Mgr Boussard, accorda l'imprimatur en ces termes, le 3 février 1985 :
« Par sa lettre datée du 10 décembre 1984, le cardinal Ratzinger [futur pape Benoît XVI], Préfet de la Congrégation pour la foi, ayant levé l’interdiction portée par son prédécesseur, le cardinal Ottaviani, le 16 juin 1960, de donner l’imprimatur "à toute éventuelle future publication sur mère Marie-Yvonne", j’ai estimé que je pouvais autoriser la parution de l’ouvrage de monsieur le chanoine René Laurentin, après en avoir pris connaissance. […] La personnalité de cette religieuse, les circonstances qui ont mis en valeur ses qualités exceptionnelles ne peuvent être exclues des recherches historiques. C’est pourquoi l’avis favorable du Cardinal Préfet de la Congrégation pour la foi, a été accueilli avec satisfaction et gratitude. »
Le travail est aujourd'hui poursuivi par une équipe interdisciplinaire, le dossier contenant 4 000 pages et soixante mille pièces13.
En 2009, Monseigneur Raymond Centène, évêque de Vannes, a de nouveau demandé, très officiellement, que les autorités vaticanes examinent attentivement le dossier.

Notes et références

  1. Paul Labutte, Yvonne-Aimée de Jésus, « ma mère selon l’esprit », Éditions François-Xavier de Guibert, 1997, p. 55
  2. René Laurentin, Yvonne-Aimée de Malestroit : Un amour extraordinaire, F.-X. de Guibert, 1982, p. 33.
  3. Sandra La Rocca, L'Enfant-Jésus, Presses universitaires du Mirail, 2007 (lire en ligne [archive]), p. 247
  4. Sandra La Rocca, op. cit., p. 245.
  5. Témoignage de Sœur Marie Bernard d'Antin (INA) : www.ina.fr/video/CPD02000100/soeur-marie-bernard-d-antin-video.html
  6. Petit prieuré ouvert à Paris dans le quartier d’Auteuil par Yvonne Beauvais en novembre 1941 pour permettre aux jeunes religieuses de l’Ordre de préparer leurs diplômes d’hospitalières.
  7. Paul Labutte, Une amitié « voulue par Dieu ». 1926-1951, Éditions François-Xavier de Guibert, 1999, p. 193
  8. Sandra La Rocca, op. cit., p. 241.
  9. Un de ses biographes, le docteur Patrick Mahéo, a fait un historique de ses maladies : fièvre paratyphoïde, scarlatine, syndrome néphrotique, tuberculoses pulmonaire et rénale, hypertension artérielle, fibrome de l'utérus dont elle est opérée, cancer du sein.
  10. Mère Yvonne Aimée de Jésus - Présentation générale [archive]
  11. Sandra La Rocca, « Le Petit Roi d’Amour : entre dévotion privée et politique », Archives de sciences sociales des religions, no 113,‎ 2001, p. 21
  12. Louis Barral, Marie-Yvonne-Aimée de Jésus Beauvais, Monastère de Malestroit, 1956, p. 182-186
  13. Didier van Cauwelaert, Dictionnaire de l'impossible, Plon, 2013, 520 p. (ISBN 978-2259219273)

Voir aussi

Bibliographie

Par Yvonne-Aimée de Malestroit
  • Paul Labutte, Yvonne-Marie de Jésus et François-Xavier de Guilbert (éd.), Une amitié voulue par Dieu : 1926-1951 : Paul Labutte et Yvonne-Aimée de Jésus : Témoignage, lettres et souvenirs, éditions François-Xavier de Gilbert, 1999, 260 p. (ISBN 978-2-86839-620-4, OCLC 469252361)
  • René Laurentin (éd.), Écrits spirituels de mère Yvonne-Aimée de Malestroit, éditions F.-X. de Guibert, 1987 (ISBN 2-86839-098-6).
Sur Yvonne-Aimée de Malestroit
  • René Laurentin, Un amour extraordinaire : Yvonne-Aimée de Malestroit, éd. F.-X. de Guibert, 1985 (ISBN 2-86839-034-X).
  • Prédictions de Mère Yvonne-Aimée de Malestroit : Un cas unique de vérification scientifique, éd. F.-X. de Guibert, 1987 (ISBN 2-86839-102-8).
  • René Laurentin et Patrick Mahéo, Yvonne-Aimée de Malestroit : Les Stigmates, éditions François-Xavier de Guibert, 1988 (ISBN 2-86839-130-3).
  • René Laurentin, Yvonne-Aimée de Malestroit : Priorité aux pauvres en zone rouge et dans la Résistance, F.-X. de Guibert, 1988 (ISBN 2-86839-129-X).
  • Formation spirituelle et discernement chez Mère Yvonne-Aimée de Malestroit par le Père René Laurentin, F.-X. de Guibert, 1990 - (ISBN 2-86839-163-X)
  • Bilocations de Mère Yvonne-Aimée par René Laurentin et le docteur P. Mahéo, F.-X. de Guibert, 1990 - (ISBN 2-86839-162-1)
  • Patrick Mahéo et René Laurentin, L'Amour plus fort que la souffrance : Dossier médical d'Yvonne-Aimée (préface d'Henri Joyeux), 1993, éd. F.-X. de Guibert (ISBN 2-86839-245-8).
  • René Laurentin, Bernard Billet, Sœurs augustines hospitalières et Patrick Mahéo, Biographie de sœur Yvonne-Aimée, éd. de Guibert.
  • Les Noces du Ciel et de la terre (cassette vidéo réalisée par France 3 à partir de témoignages), diffusion F.-X. de Guibert (ISBN 2-86839-313-6).
  • Paul Labutte, Témoignage sur Yvonne-Aimée de Malestroit (vidéo), F.-X. de Guibert.
  • Paul Labutte, Yvonne-Aimée de Jésus : Ma mère selon l'Esprit, éditions de Guibert - (ISBN 2-86839-478-7).
  • Paul Labutte, Yvonne-Aimée telle que je l'ai connue (préface de Guy Gaucher), éditions de Guibert (ISBN 2-86839-745-X).
  • Monastère de Malestroit, Yvonne Aimée de Jésus et le monastère de Malestroit, Pierre Téqui (ISBN 2-7403-0723-3).

Liens externes

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Augustines Hospitalière de la Miséricorde de Jésus
Première Supérieure Générale de la Fédération - 1901 - 1951

1. (1901-1922) Yvonne Beauvais naquit le 16 juillet 1901, à Cossé-en-Champagne, petit bourg de la Mayenne, d’une famille très honorable. Orpheline de père à l’âge de trois ans, elle épanouit son âme à la lecture de la vie des Saints que lui fait sa grand-mère maternelle à qui on l’a confiée. Elle manifeste une très tendre dévotion envers la Sainte Vierge et envers son ange gardien, un grand désir, déjà, de l’Eucharistie, et une recherche passionnée de "son Jésus" dans les pauvres. Elle vit, avant la formule, et dès son jeune âge, la "petite voie d’enfance spirituelle” de Thérèse de Lisieux, pour qui elle se prend d’une grande affection.
A l’âge de six ans, elle rejoint sa mère et la suit, à Argentan et à Toul, dans les divers pensionnats dont celle-ci prend la direction, pour parer au départ des religieuses enseignantes.
Mais c’est à Paris qu’elle ira faire sa première communion, à l’âge de neuf ans. Deux jours après, le 1er janvier 1911, elle écrit de son sang un “Pacte d’amour” avec le “Petit Jésus”, en des termes surprenants pour une enfant de cet âge, et qui sera, sans qu’elle s’en doute alors, le programme de toute sa vie : "Je veux sauver beaucoup d’âmes, et T’aimer plus que tout le monde. Je te supplie de me faire devenir Sainte, une très grande Sainte - une martyre. Mais je veux surtout Ta Volonté! TA PETITE YVONNE".
Ce pacte, elle le résuma allègrement plus tard dans la devise qu’elle se choisit : Tout droit au service du Roi Jésus. Mais déjà auparavant, et surtout dès cette date, elle sera attentive à réprimer les saillies de son caractère primesautier, à apprendre à beaucoup souffrir en silence. Car la souffrance allait être la compagne inséparable de la "mission" que Dieu lui préparait.
A quatorze ans, en Angleterre où elle continue ses études, elle prend l'habitude de réciter chaque jour le “Petit Office de la Sainte Vierge”.
A vingt ans, elle s’inscrit à Paris dans l’Association des Jeunes Filles de Marie Immaculée, et met désormais, toujours dans la plus grande discrétion, au service des pauvres, par des industries variées que son zèle inventif imagine, toutes les ressources de sa riche nature, de ses talents et de son amour pour le “Seigneur Jésus". Ce n’est que bien plus tard, à son entrée au couvent, que l’on aura connaissance de sa nombreuse famille de pauvres, quand aussi l’obéissance l’obligera à raconter ses expériences charitables dans la zone parisienne ou au Mans, et les circonstances exceptionnelles, pour ne pas dire miraculeuses, qui accompagnèrent son apostolat.
Comment pendant toutes ces années a-t-elle réussi à cacher ses initiatives et surtout ses souffrances ?
En 1921, Yvonne a vingt ans : c’est une jeune fille rayonnante, enjouée, très artiste, toujours prête a rendre service, à la maison ou au dehors, à l’affût constant des âmes. Elle met de la joie partout, dans les salons où on l’invite et dans la mansarde de ses amis les pauvres. Pour elle, “être joyeuse, c’est être charitable”. Elle note sa dévotion : “Je mettrai un sourire sur mes lèvres, et saurai l'y fixer en pensant à Vous, mon Jésus. Je vous prendrai des âmes tout en dégustant... une tasse de thé". Seul, le Seigneur sait à quel prix !
2.  (1922-1927) Cependant. la nature a des limites. Yvonne tombe malade et, pour achever sa convalescence, elle arrive, le 18 mars 1922, par une circonstance providentielle, dans une petite clinique que les Chanoinesses Augustines Hospitalières tiennent à Malestroit, petite ville dans un coin ignoré du Morbihan. Le monastère lui-même est, certes, à cette époque, l’un des plus humbles de l’Ordre. Mais c’est que, le 5 juillet suivant, se produit pour la jeune fille la « révélation » qui fixe son avenir et sa « mission ».
A partir de ce jour, en effet, et jusqu’à sa mort, Yvonne, devenue, même avant son entrée dans ce couvent comme religieuse, Yvonne-Aimée de Jésus, sera l’objet de grâces sensibles extraordinaires et de non moins extraordinaires persécutions du démon. Une vie de réparation
pour les pécheurs, pour les âmes du purgatoire, et pour les sacrilèges commis envers l’Eucharistie, ira se précisant de plus en plus, à tel point qu’elle ne passera plus, dès lors, une seule de ses journées ni très souvent de ses nuits, sans être l’objet des exigences de l’Amour Rédempteur. Elle n’est toujours aux yeux du monde que la jeune fille délicieuse, souriante, dévouée, mais sa prière intime est maintenant : “Ô Jésus, je me livre pleinement à vos mystérieuses opérations dans mon âme ».
Elle inaugure, pour toute sa vie, une Heure Sainte douloureuse, chaque jeudi de 23 heures à minuit. Elle est obligée d’avouer : “Je dis toujours oui aux Bon Jésus“. Cet acquiescement total exige d’elle un héroïsme quotidien dans la souffrance du corps et de l’âme. Rien de ce qui lui est demandé ne la rebute : “Si Dieu commande, que puis-je faire qu’obéir ? S’il me dit d’aller déraciner la montagne, je me lèverai dès le matin, j’irai assiéger le pied du géant, et si le pic et  la bêche me manquent, armée de mes seules mains, j’irai encore !.. »
Mais déjà, peu après ce 5 juillet, elle se rend compte qu’elle n’a pas le droit de porter seule son secret ; elle s’en remet alors, toute simple, à ses directeurs, et aux exigences parfois très pénibles de ceux qui sont officiellement chargés de contrôler son étonnante vocation. Elle sera ainsi, jusqu’à la fin, toujours soumise aux décisions des autorités ecclésiastiques.
C’est de cette époque que date son oraison jaculatoire “Ô Jésus, Roi d’Amour, j’ai confiance en Votre Miséricordieuse Bonté“. Cette prière devint la source de nombreuses grâces spirituelles et temporelles pour les personnes qui l’adoptèrent. Par la suite, elle fut enrichie d’indulgences par les Souverains Pontifes Pie XI, Pie XII et Jean XXIII, pour tout l’Ordre et les hospitalisés, et par des Evêques, pour leur diocèse respectif.
En septembre 1922, sa convalescence achevée, Yvonne devra quitter, pour y revenir de temps en temps, son « cher couvent », comme elle l’appelle déjà, et retourner à Paris ou au Mans, au gré des volontés de sa mère qui ignore encore tout de ce qui s’est passé. Le Seigneur se fera enfin entendre très nettement : Yvonne-Aimée sera religieuse Augustine à Malestroit. L’heure n’a pas encore sonné pour elle et, jusqu’en 1927, elle mènera, on devine avec quelles difficultés sa vie vouée aux ordres parfois déconcertants de son Roi d’Amour, et sa vie de jeune fille dans le monde. A part quelques amies que le Seigneur choisit, surtout pour la préserver des indiscrétions, nul ne se doute qu’Yvonne Beauvais est une privilégiée.
3.  (1927-1951) Enfin les oppositions à son entrée en communauté sont providentiellement levées : Yvonne se présente au postulat de Malestroit, le 18 mars 1927.
Le 10 septembre, dans la cérémonie de vêture, le prédicateur (R.P. Crété S.].) était autorisé à jeter une lumière sur le mystère de la nouvelle novice :  « Epreuves et joies, souffrances et tentations, les anges, les hommes et les démons, tout a été mis en oeuvre pour porter les coups et donner les caresses qui devaient rendre la petite fiancée moins indigne du Seigneur Jésus.
Mais, fin novembre, elle tombe si gravement malade qu’on juge nécessaire de lui donner l’extrême-onction et de lui faire prononcer ses voeux in articulo mortis. Toute la communauté, l’aumônier, son directeur, le supérieur ecclésiastique entourent son lit d’agonie et seront les témoins d’un miracle. La mourante devant eux reprend soudain vie et, dans un soupir, on peut saisir ses paroles “Ton Amour sera mon ciel sur la terre”. Et elle regagnait, une demi-heure après, sa place au chœur ! On va voir celle que le Seigneur lui réservait dans sa communauté et dans l’Ordre des Chanoinesses.
Le 21 décembre de la même année, l’Evêque de Vannes, dont dépend le monastère, autorise les supérieures à confier à la novice, un mois après son acquiescement à la Volonté divine, la construction à Malestroit d’une grande clinique moderne pour laquelle un bienfaiteur inespéré assurait la première mise de fonds.
Elle y prendra ensuite la direction pénible de la cuisine, tout en travaillant, comme secrétaire, à la préparation du second Chapitre général de l’Ordre, en vue de la révision des Constitutions que sa supérieure ira avec elle, au nom de tous les monastères, faire approuver à Rome.
Entre-temps, le petit couvent de Malestroit devenait un monastère florissant : les sujets y affluent, et sœur Yvonne-Aimée de Jésus se voit confier leur formation pour leur inculquer, dans l’esprit de l’Ordre, son propre esprit d’abandon joyeux, simple, confiant et total à la volonté du « Seigneur Jésus ». Qui pourrait résister à l’attirance de la jeune Maîtresse des novices, qui, au surplus, a le don de lire dans les cœurs !
A 34 ans, après 7 ans de vœux, elle est élue Supérieure de la Communauté, puis en 1939, Présidente, et, après la guerre, Supérieure Générale de la Fédération de tous les monastères de l’Ordre, dont elle avait rédigé et présenté à l’approbation de Rome, les statuts.
Malestroit, ce Nazareth de l’Ordre, en devient désormais le centre rayonnant ; Mère Yvonne-Aimée s’y montre « une maîtresse-femme, à la ressemblance des grandes fondatrices, supérieurement douée par sa mission ». On a peine à la suivre dans son activité débordante où rayonnent la force et la bonté ; mais celle-ci n’est que l’aspect visible de sa vocation, ou plutôt l’un et l’autre s’entremêlent, l’aspect mystérieux n’ayant plus comme témoin qu’un cercle restreint de son entourage et le contrôle de ses directeurs. C’est toujours la même voie douloureuse pour le rachat des âmes, parmi les éclairs des prédilections divines.
La guerre de 1940 lui est une occasion de mettre en oeuvre tous ses dons. La reconnaissance officielle des hommes ne lui manqua pas ; mais la religieuse n’avait voulu que mettre au service de l’universelle charité son courage et sa confiance en Dieu.
L’heure de la seule véritable récompense allait bientôt sonner pour celle qui n’avait consenti, en décembre 1927, à en voir retarder l’échéance.
Malgré son pauvre corps douloureux, sillonné de cicatrices et brûlé de fièvres constantes, elle formait le projet, au début de 1951, d’aller visiter ses filles au Natal ; mais, le 3 février, à la veille de son départ, elle rendait sa belle âme à Dieu, à l’âge de 49 ans.
Depuis, ceux et celles qui l’ont approchée continuent à sentir sa présence ; et les personnes qui 1’invoquent sont unanimes à reconnaître l’efficacité de son Intervention auprès de « son Roi d’Amour » dont elle avait, sur terre, accompli, avec une fidélité inébranlable, les moindres ordres de la Volonté rédemptrice, et accepté d’être la collaboratrice et la messagère de la Miséricordieuse Bonté.
PRIÈRE
Ô JÉSUS, Roi d’Amour, qui avez inspiré  à Votre Servante Yvonne-Aimée une participation généreuse à Votre Tendresse infinie pour les âmes, une ardente dévotion envers la Sainte Eucharistie, une fidélité inébranlable à Votre Service, daignez, nous Vous en supplions, glorifier en elle tous Vos dons, en nous accordant par son intercession la grâce que nous implorons avec confiance de Votre Divine et Miséricordieuse Bonté.
Ô VOUS qui vivez et régnez avec Dieu le Père en l’unité du Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Ô Jésus, Roi d’Amour, j’ai confiance en Votre Miséricordieuse Bonté.
IMPRIMATUR
Monseigneur LE BELLEC Eugène Joseph Marie
Evêque de Vannes
2 août 1954
Les personnes qui recevraient des grâces attribuées à Mère Yvonne-Aimée de Jésus sont invitées à les faire connaître à la Communauté des Augustines - 56140 Malestroit – France

lien interne






Portrait de Mère Yvonne-Aimée par l'Abbé Paul Labutte

Maison des grands parents paternels à Cossé

La Maison des Grands-parents paternels à Cossé

     Il y a donc 80 ans ce matin, dans le silence de cette église de Cossé en Champagne, Monsieur le Curé Guesdre a célébré la Sainte Messe et lu le même Evangile que nous venons d’entendre.
Ce 16 juillet 1901, la saison était magnifique, le soleil brillait, une grande paix baignait le bourg et les campagnes. Et, le soir, tandis que l’Angélus tintait au clocher roman et que les clochers d’alentour lui répondaient, une petite Yvonne venait de naître dans une vieille maison de Cossé, à deux pas de l’église, chez Monsieur et Madame Alfred Beauvais. Cette enfant qui deviendra Mère Yvonne Aimée, considèrera toujours comme une grâce d’être née en la fête de Notre Dame du Mont Carmel, sous le signe de la Vierge, Mère des Contemplatifs.
Le 18 juillet suivant, Yvonne est baptisée dans cette église par Monsieur le curé. Plus tard, chaque année, au 18 juillet, Mère Yvonne Aimée ne cachera pas son bonheur : « c’est, disait-elle, l’anniversaire du jour où je suis devenue fille du Bon Dieu. »
En 1942, elle était de passage ici, à Cossé, où j’étais moi-même invité. Elle me conduisait sur la tombe de Monsieur Alfred Beauvais, son Père, trop tôt disparu, « Monsieur Alfred » comme l’appelaient les paysans qui l’adoraient tant il était simple, droit, gai, spontané, généreux, large, accueillant. De lui, elle tenait beaucoup. De Madame Beauvais, elle avait l’activité intense et ordonnée ; et de ses ancêtres du Maine elle avait une foi catholique et un bel équilibre humain. J’entends encore Mère Yvonne Aimée évoquer sur place, ici, ses souvenirs d’enfance : les jeux dans la maison, les veillées devant la cheminée où flambaient des bûches, la petite grotte de Notre Dame de Lourdes dans le jardin où son jeune père l’emmenait prier. Elle m’a demandé de venir avec elle près des fonts baptismaux, ces fonts baptismaux où elle avait reçu la grâce de la seconde naissance. C’était vraiment un pèlerinage aux sources. En effet, à travers la brève existence que fut la sienne, un fleuve de grâce a jailli ici même, pour votre Fédération et pour L’Eglise.




Mais qui était Mère Yvonne Aimée ?
Pour répondre à cette question, il me semble que le mieux, c’est de vous citer des jugements autorisés qui ont été portés sur sa vie, sur son œuvre, sur son expérience chrétienne.
L’Historien Daniel-Rops ne l’a pas connue mais, dit-il, il admire la beauté des textes rares que l’on connaît d’elle où précise-t-il, on croit entendre l’écho de sainte Catherine de Sienne ou de la Bienheureuse Marie de l’Incarnation.
Par contre, le Général Audibert, chef de la Résistance de l’Ouest, a été le témoin et l’un des bénéficiaires de l’hospitalité qu’elle offrit aux blessés paras ou maquisards pendant l’occupation. Frappé de son courage et de sa présence d’esprit dans le danger et les risques énormes qu’elle prenait au nom de cette hospitalité chrétienne, il la saluait en souriant par ces deux mots : « Mon Général. » Et, à la nouvelle de sa mort, il écrivit douloureusement : « Quand disparaît un être de cette clarté, de cette puissance, de cette grandeur, il semble que le ciel s’obscurcisse pour nous. »




Voici, maintenant, quelques jugements émanant d’autorités religieuses

- Pour Dom Sortais, Abbé général de la Trappe, Mère Yvonne Aimée fut une grande Supérieure qui a bâti toute son œuvre sur le roc de la foi. Personnellement, Dom Sortais avait remarqué le don qu’elle possédait de pacifier et d’épanouir les âmes.
- Dom Cozien, Abbé de Solesmes, relevait en Mère Yvonne Aimée, je le cite : « le sens de la prière, de la beauté de la liturgie, de la louange de Dieu, à l’école de L’Eglise. » il ajoutait ces mots qui vont loin : « Toute la vie de Mère Yvonne Aimée a été sous l’emprise de Dieu. »
- Monseigneur Picaud, Evêque de Bayeux et Lisieux. Les Carmélites de Lisieux admirent la manière dont Monseigneur Picaud a compris sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et Mère Yvonne Aimée. De Mère Yvonne Aimée, il a dit en pesant ses mots : « Elle a été un grand témoin du monde surnaturel. »
- Le Cardinal Larraona qui fut le Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux, a déclaré : « Je me souviens très bien de Mère Yvonne Aimée. En prenant l’initiative de rassembler en Fédération les Monastères de son Ordre, elle a fait une œuvre exemplaire dont nous pouvons ici, à Rome, nous inspirer. »
Il m’est impossible ce matin d’analyser tous les traits d’Yvonne Aimée. Sa personnalité a suivi une progression constante et atteint vers l’age de 40 ans une plénitude humaine et chrétienne. Je soulignerai seulement deux points :
- sa conformité à la volonté de Dieu,
- sa foi et son amour envers l’Eucharistie.
Une parole de Jésus qu’elle conservait dans son cœur, la bouleversait et éveillait en elle un écho sans fin. C’est celle-ci, en saint Marc : « Qui est ma mère, qui sont mes frères ? Promenant un regard sur ceux qui étaient assis autour de Lui, Jésus ajouta : Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. »
De même, Mère Yvonne Aimée pouvait rester très très longtemps à méditer cette autre parole de Jésus qu’elle trouvait inépuisable : « Ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. » A ses novices elle disait, dans la ligne des paroles précédentes : « Mes petites sœurs, l’amour est d’abord dans la volonté. »
Cette mystique de la volonté situait Mère Yvonne Aimée dans le grand courant spirituel qui part de sainte Thérèse de Lisieux, de saint François de Sales, de saint Ignace de Loyola, de saint Bernard, de saint Augustin, de tant d’autres saints, de la Vierge Marie, Servante du Seigneur et de Jésus Lui-même, dont la nourriture était de faire la volonté de son Père. Pour Mère Yvonne Aimée, comme pour ces Maîtres spirituels, la volonté divine n’a rien d’un commandement abstrait et impérieux. Cette volonté divine est sagesse, vérité, miséricorde. Elle est appel à la liberté et appel à l’amour comme le serviteur du Psaume 122 qui a les yeux fixés sur les mains de son Maître, comme l’épouse tendre, calme et spontanée qui tressaille au moindre vouloir du Bien Aimé. Yvonne Aimée écoutait sa voix, sa parole dans L’Eglise. Elle s’est tenue attentive toujours à ses moindres signes. Elle va tout droit au service de Jésus Roi d’Amour. Un jour elle m’a dit : « ma voie est celle des Anges qui ne font jamais attendre Dieu. »
Déjà, petite première Communiante de 10 ans, elle avait écrit de son sang : « Je veux n’être qu’à Toi, mais je veux surtout ta volonté. » On comprend, estime un théologien, la montée en flèche d’une âme ainsi livrée à Dieu, jusqu’à l’abandon total. A l’amour qui t’emporte, ne demande pas où il va.




Yvonne Aimée et l’Eucharistie
Yvonne Aimée et l’EucharistiePendant la célébration elle se tenait très droite et très recueillie dans sa stalle. Au moment de l’élévation, avant de se prosterner, elle fixait l’Hostie et le Calice un regard intense, un regard brillant et souvent le soir et parfois la nuit, elle venait près de la grille du chœur prier longuement, à genoux devant le Saint Sacrement.
Vous avez en main des textes où elle laisse jaillir sa foi envers l’Eucharistie. Vous savez quel événement intérieur, décisif, a été sa première Communion, oui, un grand événement spirituel. Et vous savez aussi à quel point elle prié pour les prêtres.
C’est à l’âge de 22 ans que, pour la première fois, non sans une intuition prophétique, elle commença de rechercher les hosties profanées. On a vu Yvonne Aimée jeune fille, revenir blessée et couverte de sang après avoir reçu des coups alors qu’elle cherchait à arracher des hosties emportées par des gens sacrilèges et impies. Dans ce charisme qui frappe beaucoup l’écrivain Julien Green – il en parle dans son journal et il appelle Mère Yvonne Aimée « une femme admirable » – dans ce charisme de recherche, Monseigneur Picaud voyait une récompense de la foi intrépide d’Yvonne Aimée. Avec le recul du temps, on pourrait aussi y découvrir un rappel de la tradition constante de L’Eglise affirmant à l’encontre des Novateurs, que la présence réelle du Corps et du Sang du Seigneur subsiste en dehors de la célébration liturgique. Peut-être aussi, pourrait-on lire un rappel de ce respect extraordinaire dont les chrétiens, fût-ce au péril de leur vie, se doivent d’entourer le pain rompu pour un monde nouveau, l’admirable sacrement où se révèle le plus, disait-elle, la Miséricorde de Jésus, sacrement qui construit l’unité fraternelle des communautés chrétiennes.
Plusieurs années avant le Concile, Mère Yvonne Aimée souhaitait des messes du soir. On songe à la joie qu’elle aurait éprouvée à communier sous les deux Espèces et avec quelle ferveur elle aurait suivi ce Congrès Eucharistique international qui s’ouvre ce soir à Lourdes.
Mes sœurs, vous avez le droit d’être heureuses de compter dans votre Ordre une Yvonne Aimée, ce guide sûr, cette lumière éblouissante, ce feu brûlant et vous avez raison de commémorer ici sa naissance et son baptême. Oui, le bourg de Cossé n’aura jamais vu tant de blanches Augustines. Elle doit en être ravie, comme elle l’est, certainement, de votre volonté d’approfondir sans cesse votre vocation canoniale qu’elle trouvait si grande et qu’elle a travaillé, 30 ans avant le Concile, à bien adapter aux temps nouveaux dans une fidélité créatrice.
Pour sa part, au-delà des charismes qui la mettaient au service de l’Eglise, sa vie a été toute simple parce que basée sur la charité qui est la loi essentielle de vos Communautés Elle était grande dans sa manière d’aimer. Il y avait en elle quelque chose d’eschatologique. Il y avait en elle parfois, comme une anticipation prophétique du monde futur. Et pourtant, pourtant, elle était incroyablement humaine, tout entière au moment présent et bien de son temps. Elle a beaucoup réalisé : jeune fille au service des pauvres dans les bidonvilles de Paris, Prieure de Malestroit, fondatrice et première Supérieure Générale de votre Fédération. Il se trouvait des personnes qui disaient que tout lui réussissait. Elle était la première à rire de cette réflexion naïve, à ne pas se croire infaillible, à encaisser des échecs, des déceptions, des contradictions. Certes, elle a marqué des points et accompli une œuvre considérable et durable ; mais il aurait manqué quelque chose à la beauté de sa vie si tout lui avait réussi humainement. Et, pour que sa configuration au Christ fut plus étroite, elle a reçu, vers l’âge de 20 ans, une grande grâce de compassion. Elle a enduré dans son corps, dans son cœur et dans son âme, des souffrances inouies, un martyre à certaines heures, mais sans jamais le faire peser sur son entourage.
Plus elle avançait dans la vie, plus elle s’enveloppait de silence. Au sein de l’action qui mobilisait ses qualités de femme, on la devinait très petite devant Dieu et comme revêtue de douceur et de force, comme immergée dans la paix et la joie qui sont les fruits de l’Esprit Saint. Elle n’avait qu’à exister, sa vie était un appel, sa vie est un appel.
Frères et Sœurs, en terminant, je dirai simplement ceci : il n’y aura jamais qu’un moyen de connaître en profondeur Mère Yvonne Aimée, c’est de l’invoquer. L’expérience le montre : sitôt qu’on s’adresse à elle, elle se dévoile en répondant.
Abbé Paul Labutte
Homélie à Cossé en Champagne
Le 16 juillet 1981







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Mère Yvonne Aimée est une religieuse qui vécut à Malestroit de 1927 à 1951. Héroïne de la résistance, elle fut décorée à plusieurs reprises, et notamment par le général De Gaulle qui l'a faite chevalier de la légion d'honneur. Sa charité sans bornes lui fit soigner sous le même toit les blessés allemands, qui occupaient son couvent, et ceux de la Résistance qu'elle cachait. La Communauté actuelle, composée d'une cinquantaine de religieuses de vie canoniale, poursuit son oeuvre dans une vie de prière assidue et dans le soin des malades au sein du Groupe Hospitalier Saint Augustin. Le livre "Ma mère selon l'Esprit", rédigé par le Père Paul Labutte (fils spirituel de Mère Yvonne Aimée), fait état des phénomènes surnaturels qui ont jalonné la vie de la religieuse. Leur authenticité a été reconnue par Mrg Picaud, évèque de Bayeux et Lisieux à l'époque. L'épisode ci-dessous en est directement extrait.

Mère Yvonne-AiméeVers 19 h 30, ce même soir, je me rendis à l’Oasis Notre-Dame de Consolation où Soeur Saint-Vincent Ferrier, tout en larmes, m’y accueillit et me dit : Vous avez reçu ma dépêche ?
Oui ! Où est-elle ce soir, notre Révérende Mère Yvonne-Aimée ? Pour obéir, je me retins de raconter que je l’avais vue, au début de l’après-midi dans le métro et qu’elle était menacée d’être déportée cette nuit. Je dînai au parloir, la mort dans l’âme, tandis que Soeur Saint-Vincent Ferrier, par crainte de la Gestapo, visitait la maison pour s’assurer, me dit-elle, que les portes et les volets de fer étaient bien fermés. En me levant de table, je demandai l’autorisation de monter au premier étage, dans le bureau de Mère Yvonne-Aimée. Je dus traverser sa chambre contiguë : le bureau était sans doute tel qu’hier matin à son départ, mais sur la table s’accumulait déjà le courrier non décacheté.

Je fermai la porte, et navré, je me mis à marcher de long en large devant la cheminée, tout en m’efforçant de réciter encore un chapelet. Mes pensées vagabondaient. Je revivais les incidents du début de l’après-midi, j’imaginais le départ en déportation, à cette heure-ci, peut-être, dans la cour d’une prison, mais laquelle, Fresnes ? La Santé ? Le Cherche-Midi ?..." Je vous salue, Marie. Pleine de grâce... Le Seigneur..." Je m’interrompis brusquement, car dans le bureau même, je venais d’entendre un bruit sourd, semblable à celui d’un cavalier botté sautant de cheval et retombant à pieds joints. Me retournant à la seconde même, je me trouvai en présence de Mère Yvonne-Aimée, debout, près de son bureau, dans l’angle opposé à la porte du vestibule qui était fermée. Vous ! m’écriai-je.

Et je bondis et je la saisis par les deux poignets. Elle portait les mêmes habits civils et les mêmes bottes de caoutchouc que dans le métro, mais elle n’avait plus ni chapeau de feutre ni lunettes. Elle était tête nue, les cheveux en désordre.

Laissez-moi ! Lâchez-moi ! disait-elle en faisant des efforts saccadés et violents pour se dégager. Elle heurtait les fauteuils, elle se débattait avec effroi, avec force. Elle ne me reconnaissait pas. Elle me prenait, je le sus plus tard, pour le tortionnaire de la prison. Je réussis progressivement à l’apaiser. Elle murmura – Où suis-je ?... où suis-je donc ? Regardant à droite et à gauche, elle s’étonna – Mais... c’est mon bureau ! Enfin elle me reconnut et avec un sourire maternel – Mais... c’est... toi, Paulo...

Il était environ 21 h 10. Mon Dieu, que se passe-t-il donc ? À vrai dire, ce retour, portes closes, januis clausis ne m’étonnait guère : dans cette journée du 17 février 1943, je n’étais plus à un fait extraordinaire près. J’interrogeai Mère Yvonne-Aimée. Elle venait de s’asseoir, épuisée, dans un fauteuil, près d’une fenêtre. Elle me répondit :
- Ah !... je sais maintenant... je comprends... C’est mon bon Ange qui m’a délivrée et ramenée ici. Il m’a saisie dans la cour de la prison, juste au moment où l’on nous mettait en groupe pour partir en Allemagne... Il a profité du brouhaha et du désordre qui se sont produits au moment du rassemblement et aussi de l’obscurité, du black-out... Avez-vous tous beaucoup souffert ? Oh... oui.

Je me demandais bien comment prévenir Soeur Saint-Vincent Ferrier qui se disposait à passer la nuit en prière et qui devait m’attendre au petit parloir du rez-de-chaussée. Elle était venue, en fait, s’asseoir, chapelet en main, près de la porte d’entrée, tristement, sur la première marche de l’escalier. Je descendis. À ma vue, elle se leva et se lamenta de nouveau : - À cette heure-ci, notre Révérende Mère est peut-être embarquée en déportation ! Non ! répondis-je sans hésiter. Elle va rester à Paris.

Puis rapidement, j’ajoutai : - Elle va être libérée... Elle n’est pas loin. Et brusquement : - Elle est de retour ici... Venez vite dans son bureau. Soeur Saint-Vincent Ferrier, suffoquée, monta précipitamment l’escalier. Je la suivis. Mère Yvonne-Aimée était bien là, mais si lasse et si angoissée, se demandant encore si elle était vraiment de retour à l’Oasis... Sur sa demande, nous la laissâmes seule quelques instants. Nous redescendîmes au rez-de-chaussée, puis nous remontâmes au premier... Mère Yvonne-Aimée n’était plus dans son bureau. Nous la trouvâmes dans sa chambre voisine, étendue toute habillée sur son lit, le visage extatique, plongée dans un sommeil paisible, enveloppée d’un grand voile de tulle blanc, serré au front par un étroit cercle d’or. Le lit, la chambre, la cheminée, les meubles étaient jonchés ou parés de fleurs fraîches, où dominaient (en ce mois de février 1943, dans Paris occupé par les Allemands) des arums, des tulipes et des lilas blancs. Il aurait fallu deux jardiniers au moins pour apporter ces fleurs et un grand artiste pour disposer, sur Yvonne-Aimée, les plis du voile qu’elle-même n’aurait pu arranger.

Soeur Saint-Vincent Ferrier et moi, nous demeurâmes, en silence, à son chevet...... Mère Yvonne-Aimée se réveilla, s’étonna de voir tant de fleurs, se leva avec son long voile, fit un ou deux bouquets avec les tulipes et les arums qui étaient sur son lit, mais, n’en pouvant plus, s’interrompit. Soeur Saint Vincent Ferrier resta pour panser les blessures que portait Mère Yvonne-Aimée sous ses vêtements. Je me retirai. Après un telle journée, J’aurais du être exalté, ou, tout au moins, empêché de trouver le sommeil. Or, je m’endormis vite, paisible, comme un enfant.

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