Tommaso d’Aquino naît en 1225 dans une noble famille napolitaine.
Élevé
à l'abbaye bénédictine du Mont-Cassin, Thomas choisit, cependant, à 19 ans,
d'entrer chez les Frères prêcheurs. Ce n'est guère du goût de sa famille, qui
le fait enlever et enfermer. L'ordre dominicain est un ordre mendiant, fondé
quelques années plus tôt, et il n'avait pas bonne presse dans l'aristocratie.
Au
bout d'un an, Thomas peut enfin suivre sa vocation. On l'envoie à Paris pour
y suivre les cours de la bouillonnante Université. Il a comme professeur
saint Albert le Grand. Pour ce dernier, il faut faire confiance à la raison
et à l'intelligence de l'homme pour chercher Dieu. Le philosophe le plus approprié
à cette recherche est Aristote. Thomas retient la leçon.
Devenu
professeur, il s'attelle à un gigantesque travail pour la mettre en œuvre.
Connaissant très bien Aristote et ses commentateurs, mais aussi la Bible et
la tradition patristique chrétienne, il élabore une pensée originale, qu'il
expose dans de multiples ouvrages, dont le plus connu est la « Summa Theologiae» (Somme
Théologique).
Comme
professeur, il doit aussi soutenir de véhémentes controverses avec des
intellectuels chevronnés. Il voyage aussi à la demande des papes. Mais c'est
l'étude qui a toute sa faveur : à la possession de « Paris la grande ville »,
il dit préférer « le texte
correct des homélies de saint Jean Chrysostome sur l'évangile de saint
Matthieu ».
Il
meurt sur la route qui le conduisait au Concile de Lyon, le 7 mars 1274, dans
l'abbaye cistercienne de Fossanova (dans la région du Latium).
On
célèbre sa mémoire au jour anniversaire du transfert de son corps au couvent
des dominicains de Toulouse, les Jacobins, en 1369.
Il
est le saint patron de l'Enseignement catholique.
Pour
approfondir, lire les Catéchèses du pape Benoît XVI :
[Allemand, Anglais, Croate, Espagnol, Français, Italien, Portugais]
>>> 23 juin 2010, Saint Thomas d'Aquin (3) @Evangelizo.org |
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TRAINI FRANCESCO / Triumph Of St Thomas Aquinas
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place
Saint-Pierre
Mercredi 2 juin 2010
Mercredi 2 juin 2010
Chers frères et sœurs,
Après quelques catéchèses sur
le sacerdoce et mes derniers voyages, nous revenons aujourd'hui à notre thème
principal, c'est-à-dire la méditation de certains grands penseurs du Moyen-Age.
Nous avions vu dernièrement la grande figure de saint Bonaventure, franciscain,
et je voudrais aujourd'hui parler de celui que l'Eglise appelle le Doctor
communis: c'est-à-dire saint Thomas d'Aquin. Mon vénéré prédécesseur,
le Pape Jean-Paul
II, dans son encyclique Fides et ratio, a
rappelé que saint Thomas "a toujours été proposé à juste titre par
l'Eglise comme un maître de pensée et le modèle d'une façon correcte de faire
de la théologie" (n. 43). Il n'est donc pas surprenant que, après saint
Augustin, parmi les écrivains ecclésiastiques mentionnés dans le Catéchisme
de l'Eglise catholique, saint Thomas soit cité plus que tout autre, pas
moins de soixante et une fois! Il a également été appelé Doctor Angelicus, sans
doute en raison de ses vertus, en particulier le caractère sublime de sa pensée
et la pureté de sa vie.
Thomas naquit entre 1224 et 1225
dans le château que sa famille, noble et riche, possédait à Roccasecca, près
d'Aquin, à côté de la célèbre abbaye du Mont Cassin, où il fut envoyé par ses
parents pour recevoir les premiers éléments de son instruction. Quelques années
plus tard, il se rendit dans la capitale du Royaume de Sicile, Naples, où
Frédéric II avait fondé une prestigieuse Université. On y enseignait, sans les
limitations imposées ailleurs, la pensée du philosophe grec Aristote, auquel le
jeune Thomas fut introduit, et dont il comprit immédiatement la grande valeur.
Mais surtout, c'est au cours de ces années passées à Naples, que naquit sa
vocation dominicaine. Thomas fut en effet attiré par l'idéal de l'Ordre fondé
quelques années auparavant par saint Dominique. Toutefois, lorsqu'il revêtit
l'habit dominicain, sa famille s'opposa à ce choix, et il fut contraint de
quitter le couvent et de passer un certain temps auprès de sa famille.
En 1245, désormais majeur, il
put reprendre son chemin de réponse à l'appel de Dieu. Il fut envoyé à Paris
pour étudier la théologie sous la direction d'un autre saint, Albert le Grand,
dont j'ai récemment parlé. Albert et Thomas nouèrent une véritable et profonde
amitié, et apprirent à s'estimer et à s'aimer, au point qu'Albert voulut que
son disciple le suivît également à Cologne, où il avait été envoyé par les
supérieurs de l'Ordre pour fonder une école de théologie. Thomas se familiarisa
alors avec toutes les œuvres d'Aristote et de ses commentateurs arabes,
qu'Albert illustrait et expliquait.
A cette époque, la culture du
monde latin avait été profondément stimulée par la rencontre avec les œuvres
d'Aristote, qui étaient demeurées longtemps inconnues. Il s'agissait d'écrits
sur la nature de la connaissance, sur les sciences naturelles, sur la métaphysique,
sur l'âme et sur l'éthique, riches d'informations et d'intuitions, qui
apparaissaient de grande valeur et convaincants. Il s'agissait d'une vision
complète du monde, développée sans et avant le Christ, à travers la raison
pure, et elle semblait s'imposer à la raison comme "la" vision
elle-même: cela était donc une incroyable attraction pour les jeunes de
voir et de connaître cette philosophie. De nombreuses personnes accueillirent
avec enthousiasme, et même avec un enthousiasme acritique, cet immense bagage
de savoir antique, qui semblait pouvoir renouveler avantageusement la culture,
ouvrir des horizons entièrement nouveaux. D'autres, toutefois, craignaient que
la pensée païenne d'Aristote fût en opposition avec la foi chrétienne, et se
refusaient de l'étudier. Deux cultures se rencontrèrent: la culture
pré-chrétienne d'Aristote, avec sa rationalité radicale, et la culture
chrétienne classique. Certains milieux étaient conduits au refus d'Aristote
également en raison de la présentation qui était faite de ce philosophe par les
commentateurs arabes Avicenne et Averroès. En effet, c'était eux qui avaient
transmis la philosophie d'Aristote au monde latin. Par exemple, ces
commentateurs avaient enseigné que les hommes ne disposaient pas d'une intelligence
personnelle, mais qu'il existe un unique esprit universel, une substance
spirituelle commune à tous, qui œuvre en tous comme "unique":
par conséquent, une dépersonnalisation de l'homme. Un autre point discutable
véhiculé par les commentateurs arabes était celui selon lequel le monde est
éternel comme Dieu. De façon compréhensible, des discussions sans fin se
déchaînèrent dans le monde universitaire et dans le monde ecclésiastique. La
philosophie d'Aristote se diffusait même parmi les personnes communes.
Thomas d'Aquin, à l'école
d'Albert le Grand, accomplit une opération d'une importance fondamentale pour
l'histoire de la philosophie et de la théologie, je dirais même pour l'histoire
de la culture: il étudia à fond Aristote et ses interprètes, se procurant
de nouvelles traductions latines des textes originaux en grec. Ainsi, il ne
s'appuyait plus seulement sur les commentateurs arabes, mais il pouvait
également lire personnellement les textes originaux, et commenta une grande
partie des œuvres d'Aristote, en y distinguant ce qui était juste de ce qui
était sujet au doute ou devant même être entièrement rejeté, en montrant la
correspondance avec les données de la Révélation chrétienne et en faisant un
usage ample et précis de la pensée d'Aristote dans l'exposition des écrits
théologiques qu'il composa. En définitive, Thomas d'Aquin démontra qu'entre foi
chrétienne et raison, subsiste une harmonie naturelle. Et telle a été la grande
œuvre de Thomas qui, en ce moment de conflit entre deux cultures - ce moment où
il semblait que la foi devait capituler face à la raison - a montré que les
deux vont de pair, que ce qui apparaissait comme une raison non compatible avec
la foi n'était pas raison, et que ce qui apparaissait comme foi n'était pas la
foi, si elle s'opposait à la véritable rationalité; il a ainsi créé une
nouvelle synthèse, qui a formé la culture des siècles qui ont suivi.
En raison de ses excellentes
capacités intellectuelles, Thomas fut rappelé à Paris comme professeur de
théologie sur la chaire dominicaine. C'est là aussi que débuta sa production
littéraire, qui se poursuivit jusqu'à sa mort, et qui tient du prodige:
commentaires des Saintes Ecritures, parce que le professeur de théologie était
surtout un interprète de l'Ecriture, commentaires des écrits d'Aristote, œuvres
systématiques volumineuses, parmi elles l'excellente Summa Theologiae,
traités et discours sur divers sujets. Pour la composition de ses écrits, il
était aidé par des secrétaires, au nombre desquels Réginald de Piperno, qui le suivit
fidèlement et auquel il fut lié par une amitié sincère et fraternelle,
caractérisée par une grande proximité et confiance. C'est là une
caractéristique des saints: ils cultivent l'amitié, parce qu'elle est une
des manifestations les plus nobles du cœur humain et elle a quelque chose de
divin, comme Thomas l'a lui-même expliqué dans certaines quaestiones de
la Summa Theologiae, où il écrit: "La charité est l'amitié de
l'homme avec Dieu principalement, et avec les êtres qui lui appartiennent"
(II, q. 23, a.
1).
Il ne demeura pas longtemps ni
de façon stable à Paris. En 1259, il participa au Chapitre général des
Dominicains à Valenciennes, où il fut membre d'une commission qui établit le
programme des études dans l'Ordre. De 1261 à 1265, ensuite, Thomas était à
Orvieto. Le Pape Urbain iv, qui nourrissait à son égard une grande estime, lui
commanda la composition de textes liturgiques pour la fête du Corpus Domini,
que nous célébrons demain, instituée suite au miracle eucharistique de Bolsena.
Thomas eut une âme d'une grande sensibilité eucharistique. Les très beaux
hymnes que la liturgie de l'Eglise chante pour célébrer le mystère de la
présence réelle du Corps et du Sang du Seigneur dans l'Eucharistie sont
attribués à sa foi et à sa sagesse théologique. De 1265 à 1268, Thomas résida à
Rome où, probablement, il dirigeait un Studium, c'est-à-dire une maison
des études de l'ordre, et où il commença à écrire sa Summa Theologiae
(cf. Jean-Pierre Torell, Thomas d'Aquin. L'homme et le théologien,
Casale Monf., 1994).
En 1269, il fut rappelé à
Paris pour un second cycle d'enseignement. Les étudiants - on les comprend -
étaient enthousiastes de ses leçons. L'un de ses anciens élèves déclara qu'une
très grande foule d'étudiants suivaient les cours de Thomas, au point que les
salles parvenaient à peine à tous les contenir et il ajoutait dans une remarque
personnelle que "l'écouter était pour lui un profond bonheur".
L'interprétation d'Aristote donnée par Thomas n'était pas acceptée par tous,
mais même ses adversaires dans le domaine académique, comme Godefroid de
Fontaines, par exemple, admettaient que la doctrine du frère Thomas était
supérieure à d'autres par son utilité et sa valeur et permettait de corriger
celles de tous les autres docteurs. Peut-être aussi pour le soustraire aux
vives discussions en cours, les supérieurs l'envoyèrent encore une fois à
Naples, pour être à disposition du roi Charles i, qui entendait réorganiser les
études universitaires.
Outre les études et
l'enseignement, Thomas se consacra également à la prédication au peuple. Et le
peuple aussi venait volontiers l'écouter. Je dirais que c'est vraiment une
grande grâce lorsque les théologiens savent parler avec simplicité et ferveur
aux fidèles. Le ministère de la prédication, d'autre part, aide à son tour les
chercheurs en théologie à un sain réalisme pastoral, et enrichit leur recherche
de vifs élans.
Les derniers mois de la vie
terrestre de Thomas restent entourés d'un climat particulier, mystérieux
dirais-je. En décembre 1273, il appela son ami et secrétaire Réginald pour lui
communiquer sa décision d'interrompre tout travail, parce que, pendant la
célébration de la Messe, il avait compris, suite à une révélation surnaturelle,
que tout ce qu'il avait écrit jusqu'alors n'était qu'"un monceau de
paille". C'est un épisode mystérieux, qui nous aide à comprendre non
seulement l'humilité personnelle de Thomas, mais aussi le fait que tout ce que
nous réussissons à penser et à dire sur la foi, aussi élevé et pur que ce soit,
est infiniment dépassé par la grandeur et par la beauté de Dieu, qui nous sera
révélée en plénitude au Paradis. Quelques mois plus tard, absorbé toujours
davantage dans une profonde méditation, Thomas mourut alors qu'il était en
route vers Lyon, où il se rendait pour prendre part au Concile œcuménique
convoqué par le Pape Grégoire X. Il s'éteignit dans l'Abbaye cistercienne de
Fossanova, après avoir reçu le Viatique avec des sentiments de grande piété.
La vie et l'enseignement de
saint Thomas d'Aquin pourrait être résumés dans un épisode rapporté par les
anciens biographes. Tandis que le saint, comme il en avait l'habitude, était en
prière devant le crucifix, tôt le matin dans la chapelle "San Nicola"
à Naples, Domenico da Caserta, le sacristain de l'Eglise, entendit un dialogue.
Thomas demandait inquiet, si ce qu'il avait écrit sur les mystères de la foi
chrétienne était juste. Et le Crucifié répondit: "Tu as bien parlé
de moi, Thomas. Quelle sera ta récompense?". Et la réponse que Thomas
donna est celle que nous aussi, amis et disciples de Jésus, nous voudrions
toujours lui dire: "Rien d'autre que Toi, Seigneur!" (Ibid.,
p. 320).
* * *
Je confie à votre prière, chers pèlerins
francophones, mon Voyage
Apostolique à Chypre et tous les Chrétiens du Moyen Orient. Priez aussi
pour les prêtres et les séminaristes. Puisse le Seigneur Jésus vous accompagner
dans votre vie! Que Dieu vous bénisse!
APPEL DU PAPE
C'est avec une profonde inquiétude que je suis
les tragiques épisodes qui ont eu lieu à proximité de la Bande de Gaza. Je
ressens le besoin d'exprimer mes sincères condoléances pour les victimes de ces
douloureux événements, qui inquiètent tous ceux qui ont à cœur la paix dans la
région. Encore une fois, je répète avec une grande tristesse que la violence ne
résout pas les différends, mais qu'elle en accroît au contraire les
douloureuses circonstances et engendre d'autres violences. Je fais appel à tous
ceux qui ont des responsabilités politiques au niveau local et international
afin qu'ils recherchent sans attendre des solutions justes à travers le
dialogue, de manière à garantir aux populations de la région de meilleures
conditions de vie, dans la concorde et la sérénité. Je vous invite à vous unir
à moi dans la prière pour les victimes, pour leurs proches et pour tous ceux
qui souffrent. Que le Seigneur soutienne les efforts de ceux qui ne se lassent
pas d'œuvrer pour la réconciliation et pour la paix.
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place
Saint-Pierre
Mercredi 16 juin 2010
Mercredi 16 juin 2010
[Vidéo]
Saint Thomas d'Aquin (2)
Chers frères et sœurs,
Je voudrais aujourd'hui
continuer la présentation de saint Thomas d'Aquin, un théologien d'une telle
valeur que l'étude de sa pensée a été explicitement recommandée par le Concile
Vatican II dans deux documents, le décret Optatam
totius, sur la formation au sacerdoce, et la déclaration Gravissimum
educationis, qui traite de l'éducation chrétienne. Du reste, déjà en
1880, le Pape Léon XIII,
son grand amateur et promoteur des études thomistes, voulut déclarer saint
Thomas Patron des écoles et des universités catholiques.
La principale raison de cette
estime réside non seulement dans le contenu de son enseignement, mais aussi
dans la méthode qu'il a adoptée, notamment sa nouvelle synthèse et distinction
entre philosophie et théologie. Les Pères de l'Eglise se trouvaient confrontés
à diverses philosophies de type platonicien, dans lesquelles était présentée
une vision complète du monde et de la vie, y compris la question de Dieu et de
la religion. En se confrontant avec ces philosophies, eux-mêmes avaient élaboré
une vision complète de la réalité, en partant de la foi et en utilisant des
éléments du platonisme, pour répondre aux questions essentielles des hommes.
Cette vision, basée sur la révélation biblique et élaborée avec un platonisme
corrigé à la lumière de la foi, ils l’appelaient «notre philosophie». Le terme
de «philosophie» n'était donc pas l'expression d'un système purement rationnel
et, en tant que tel, distinct de la foi, mais indiquait une vision d'ensemble
de la réalité, construite à la lumière de la foi, mais faite sienne et pensée
par la raison; une vision qui, bien sûr, allait au-delà des capacités propres
de la raison, mais qui, en tant que telle, était aussi satisfaisante pour
celle-ci. Pour saint Thomas, la rencontre avec la philosophie pré-chrétienne
d'Aristote (mort vers 322 av. J.-C.) ouvrait une perspective nouvelle. La
philosophie aristotélicienne était, évidemment, une philosophie élaborée sans
connaissance de l’Ancien et du Nouveau Testament, une explication du monde sans
révélation, par la raison seule. Et cette rationalité conséquente était
convaincante. Ainsi, l'ancienne formule de «notre philosophie» des Pères ne
fonctionnait plus. La relation entre philosophie et théologie, entre foi et
raison, était à repenser. Il existait une «philosophie» complète et
convaincante en elle-même, une rationalité précédant la foi, et puis la
«théologie», une pensée avec la foi et dans la foi. La question pressante était
celle-ci: le monde de la rationalité, la philosophie pensée sans le Christ, et
le monde de la foi sont-ils compatibles? Ou bien s'excluent-ils? Il ne manquait
pas d'éléments qui affirmaient l'incompatibilité entre les deux mondes, mais
saint Thomas était fermement convaincu de leur compatibilité — et même que la
philosophie élaborée sans la connaissance du Christ attendait en quelque sorte
la lumière de Jésus pour être complète. Telle a été la grande «surprise» de
saint Thomas, qui a déterminé son parcours de penseur. Montrer cette
indépendance entre la philosophie et la théologie et, dans le même temps, leur
relation réciproque a été la mission historique du grand maître. Et on comprend
ainsi que, au XIXe siècle, alors que l'on déclarait avec force
l'incompatibilité entre la raison moderne et la foi, le Pape Léon XIII indiqua
saint Thomas comme guide dans le dialogue entre l'une et l'autre. Dans son travail
théologique, saint Thomas suppose et concrétise cette relation. La foi
consolide, intègre et illumine le patrimoine de vérité que la raison humaine
acquiert. La confiance que saint Thomas accorde à ces deux instruments de la
connaissance — la foi et la raison — peut être reconduite à la conviction que
toutes deux proviennent de l'unique source de toute vérité, le Logos divin, qui
est à l'œuvre aussi bien dans le domaine de la création que dans celui de la
rédemption.
En plus de l'accord entre la
raison et la foi, il faut reconnaître, d'autre part, que celles-ci font appel à
des processus de connaissance différents. La raison accueille une vérité en
vertu de son évidence intrinsèque, médiate ou immédiate; la foi, en revanche,
accepte une vérité sur la base de l'autorité de la Parole de Dieu qui est
révélée. Saint Thomas écrit au début de sa Summa Theologiae: «L'ordre
des sciences est double; certaines procèdent de principes connus à travers la
lumière naturelle de la raison, comme les mathématiques, la géométrie et
équivalents; d'autres procèdent de principes connus à travers une science
supérieure, c'est-à-dire la science de Dieu et des saints» (I, q. 1, a. 2).
Cette distinction assure
l'autonomie autant des sciences humaines que des sciences théologiques.
Celle-ci n'équivaut pas toutefois à une séparation, mais implique plutôt une
collaboration réciproque et bénéfique. La foi, en effet, protège la raison de
toute tentation de manquer de confiance envers ses propres capacités, elle
l'encourage à s'ouvrir à des horizons toujours plus vastes, elle garde vivante
en elle la recherche des fondements et, quand la raison elle-même s'applique à
la sphère surnaturelle du rapport entre Dieu et l'homme, elle enrichit son
travail. Selon saint Thomas, par exemple, la raison humaine peut sans aucun
doute parvenir à l’affirmation de l'existence d'un Dieu unique, mais seule la
foi, qui accueille la Révélation divine, est en mesure de puiser au mystère de
l'Amour du Dieu Un et Trine.
Par ailleurs, ce n'est pas
seulement la foi qui aide la raison. La raison elle aussi, avec ses moyens,
peut faire quelque chose d'important pour la foi, en lui rendant un triple
service que saint Thomas résume dans le préambule de son commentaire au De
Trinitate de Boèce: «Démontrer les fondements de la foi; expliquer à
travers des similitudes les vérités de la foi; repousser les objections qui
sont soulevées contre la foi» (q. 2,
a. 2). Toute l'histoire de la théologie est, au fond,
l'exercice de cet engagement de l'intelligence, qui montre l'intelligibilité de
la foi, son articulation et son harmonie interne, son caractère raisonnable, sa
capacité à promouvoir le bien de l'homme. La justesse des raisonnements
théologiques et leur signification réelle de connaissance se basent sur la
valeur du langage théologique, qui est, selon saint Thomas, principalement un
langage analogique. La distance entre Dieu, le Créateur, et l'être de ses
créatures est infinie; la dissimilitude est toujours plus grande que la
similitude (cf. DS 806). Malgré tout, dans toute la différence entre le
Créateur et la créature, il existe une analogie entre l'être créé et l'être du
Créateur, qui nous permet de parler avec des paroles humaines sur Dieu.
Saint Thomas a fondé la
doctrine de l'analogie, outre que sur des thèmes spécifiquement philosophiques,
également sur le fait qu'à travers la Révélation, Dieu lui-même nous a parlé et
nous a donc autorisés à parler de Lui. Je considère qu'il est important de
rappeler cette doctrine. En effet, celle-ci nous aide à surmonter certaines
objections de l'athéisme contemporain, qui nie que le langage religieux soit
pourvu d'une signification objective, et soutient au contraire qu'il a
uniquement une valeur subjective ou simplement émotive. Cette objection découle
du fait que la pensée positiviste est convaincue que l'homme ne connaît pas
l'être, mais uniquement les fonctions qui peuvent être expérimentées par la
réalité. Avec saint Thomas et avec la grande tradition philosophique, nous
sommes convaincus qu'en réalité, l'homme ne connaît pas seulement les
fonctions, objet des sciences naturelles, mais connaît quelque chose de l'être
lui-même, par exemple, il connaît la personne, le Toi de l'autre, et non
seulement l'aspect physique et biologique de son être.
A la lumière de cet
enseignement de saint Thomas, la théologie affirme que, bien que limité, le
langage religieux est doté de sens — car nous touchons l'être — comme une
flèche qui se dirige vers la réalité qu'elle signifie. Cet accord fondamental
entre raison humaine et foi chrétienne est présent dans un autre principe
fondamental de la pensée de saint Thomas d'Aquin: la Grâce divine n'efface pas,
mais suppose et perfectionne la nature humaine. En effet, cette dernière, même
après le péché, n'est pas complètement corrompue, mais blessée et affaiblie. La
grâce, diffusée par Dieu et communiquée à travers le Mystère du Verbe incarné,
est un don absolument gratuit avec lequel la nature est guérie, renforcée et
aidée à poursuivre le désir inné dans le cœur de chaque homme et de chaque
femme: le bonheur. Toutes les facultés de l'être humain sont purifiées,
transformées et élevées dans la Grâce divine.
Une application importante de
cette relation entre la nature et la Grâce se retrouve dans la théologie morale
de saint Thomas d'Aquin, qui apparaît d'une grande actualité. Au centre de son
enseignement dans ce domaine, il place la loi nouvelle, qui est la loi de
l'Esprit Saint. Avec un regard profondément évangélique, il insiste sur le fait
que cette loi est la Grâce de l'Esprit Saint donnée à tous ceux qui croient
dans le Christ. A cette Grâce s'unit l'enseignement écrit et oral des vérités
doctrinales et morales, transmises par l'Eglise. Saint Thomas, en soulignant le
rôle fondamental, dans la vie morale, de l'action de l'Esprit Saint, de la
Grâce, dont jaillissent les vertus théologales et morales, fait comprendre que
chaque chrétien peut atteindre les autres perspectives du «Sermon sur la
montagne» s’il vit un rapport authentique de foi dans le Christ, s'il s'ouvre à
l'action de son Saint Esprit. Mais — ajoute saint Thomas d'Aquin — «même si la
grâce est plus efficace que la nature, la nature est plus essentielle pour
l'homme» (Summa Theologiae, Ia, q.29. a. 3), c'est pourquoi,
dans la perspective morale chrétienne, il existe une place pour la raison, qui
est capable de discerner la loi morale naturelle. La raison peut la reconnaître
en considérant ce qu'il est bon de faire et ce qu'il est bon d'éviter pour
atteindre le bonheur qui tient au cœur de chacun, et qui impose également une
responsabilité envers les autres, et donc, la recherche du bien commun. En
d'autres termes, les vertus de l'homme, théologales et morales, sont enracinées
dans la nature humaine. La Grâce divine accompagne, soutient et pousse
l'engagement éthique, mais, en soi, selon saint Thomas, tous les hommes,
croyants et non croyants, sont appelés à reconnaître les exigences de la nature
humaine exprimées dans la loi naturelle et à s'inspirer d'elle dans la
formulation des lois positives, c'est-à-dire de celles émanant des autorités civiles
et politiques pour réglementer la coexistence humaine.
Lorsque la loi naturelle et la
responsabilité qu'elle implique sont niées, on ouvre de façon dramatique la
voie au relativisme éthique sur le plan individuel et au totalitarisme de
l'Etat sur le plan politique. La défense des droits universels de l'homme et
l'affirmation de la valeur absolue de la dignité de la personne présupposent un
fondement. Ce fondement n'est-il pas la loi naturelle, avec les valeurs non
négociables qu'elle indique? Le vénérable Jean-Paul II
écrivait dans son encyclique Evangelium
vitae des paroles qui demeurent d'une grande actualité: «Pour l'avenir
de la société et pour le développement d'une saine démocratie, il est donc
urgent de redécouvrir l'existence de valeurs humaines et morales essentielles
et originelles, qui découlent de la vérité même de l'être humain et qui
expriment et protègent la dignité de la personne: ce sont donc des valeurs
qu'aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer,
modifier ou abolir, mais que l'on est tenu de reconnaître, respecter et
promouvoir» (n. 71).
En conclusion, Thomas nous
propose un concept de la raison humaine ample et confiant: ample, car il ne se
limite pas aux espaces de la soi-disant raison empirique-scientifique, mais il
est ouvert à tout l'être et donc également aux questions fondamentales et
auxquelles on ne peut renoncer de la vie humaine; et confiant, car la raison
humaine, surtout si elle accueille les inspirations de la foi chrétienne, est
promotrice d'une civilisation qui reconnaît la dignité de la personne, le
caractère intangible de ses droits et le caractère coercitif de ses devoirs. Il
n'est pas surprenant que la doctrine sur la dignité de la personne,
fondamentale pour la reconnaissance du caractère inviolable de l'homme, se soit
développée dans des domaines de pensée qui ont recueilli l'héritage de saint
Thomas d'Aquin, qui avait une conception très élevée de la créature humaine. Il
la définit, à travers son langage rigoureusement philosophique, comme «ce qui
se trouve de plus parfait dans toute la nature, c'est-à-dire un sujet
subsistant dans une nature rationnelle» (Summa Theologiae, Ia,
q. 29, a.
3).
La profondeur de la pensée de
saint Thomas d'Aquin découle — ne l'oublions jamais — de sa foi vivante et de
sa piété fervente, qu'il exprimait dans des prières inspirées, comme celle où
il demande à Dieu: «Accorde-moi, je t'en prie, une volonté qui te recherche,
une sagesse qui te trouve, une vie qui te plaît, une persévérance qui t'attend
avec patience et une confiance qui parvienne à la fin à te posséder».
* * *
Je suis heureux de vous accueillir, chers
pèlerins de langue française, venus particulièrement de France et de Belgique.
Que votre pèlerinage à Rome soit pour vous l'occasion de découvrir toujours
plus profondément le visage du Seigneur. Que Dieu vous bénisse!
©
Copyright 2010 - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle
Paul VI
Mercredi 23 juin 2010
Mercredi 23 juin 2010
[Vidéo]
Saint Thomas d'Aquin (3)
Chers frères et sœurs,
Je voudrais
aujourd’hui compléter, par une troisième partie, mes catéchèses sur saint
Thomas d’Aquin. Même à 700 ans de sa mort nous pouvons beaucoup apprendre de
lui. C’est ce que rappelait également mon prédécesseur, le Pape Paul VI, qui, dans un
discours prononcé à Fossanova le 14 septembre 1974, à l’occasion du septième
centenaire de la mort de saint Thomas, se demandait: «Maître Thomas, quelle
leçon peux-tu nous donner?». Et il répondit ainsi: «La confiance dans la vérité
de la pensée religieuse catholique, telle qu’il la défendit, l’exposa, l’ouvrit
à la capacité cognitive de l’esprit humain» (Insegnamenti di Paolo VI,
XII [1974], pp. 833-834). Et, le même jour, à Aquin, se référant toujours à
saint Thomas, il affirmait: «Tous, nous qui sommes des fils fidèles de
l'Eglise, nous pouvons et nous devons, au moins dans une certaine mesure, être
ses disciples!» (ibid., p. 836).
Mettons-nous
donc nous aussi à l’école de saint Thomas et de son chef-d’œuvre, la Summa
Theologiae. Celle-ci, bien qu’étant inachevée, est une œuvre monumentale:
elle contient 512 questions et 2669 articles. Il s’agit d’un raisonnement
serré, dans lequel l’application de l’intelligence humaine aux mystères de la
foi procède avec clarté et profondeur, mêlant des questions et des réponses,
dans lesquelles saint Thomas approfondit l’enseignement qui vient de l'Ecriture
Sainte et des Pères de l'Eglise, en particulier saint Augustin. Dans cette
réflexion, dans la rencontre de vraies questions de son époque, qui sont aussi
et souvent des questions de notre temps, saint Thomas, utilisant également la
méthode et la pensée des philosophes antiques, en particulier Aristote, arrive
à des formulations précises, lucides et pertinentes des vérités de la foi, où
la vérité est don de la foi, où elle resplendit et nous devient accessible,
ainsi qu’à notre réflexion. Cependant, cet effort de l’esprit humain — rappelle
saint Thomas à travers sa vie elle-même — est toujours éclairé par la prière,
par la lumière qui vient d’En-haut. Seul celui qui vit avec Dieu et avec ses
mystères pour comprendre ce qu’ils disent.
Dans la Summa
de théologie, saint Thomas part du fait qu’il existe trois différentes façons
de l'être et de l’essence de Dieu: Dieu existe en lui-même, il est le principe
et la fin de toute chose, c’est pourquoi toutes les créatures procèdent et
dépendent de Lui; ensuite, Dieu est présent à travers sa Grâce dans la vie et
dans l’activité du chrétien, des saints; enfin, Dieu est présent d’une manière
toute particulière en la Personne du Christ et dans les Sacrements, qui
naissent de son œuvre rédemptrice. Mais la structure de cette œuvre monumentale
(cf. Jean-Pierre Torrell, La «Summa» di San Tommaso, Milan 2003, pp.
29-75), une recherche de la plénitude de Dieu avec un «regard théologique» (cf.
Summa Theologiae, Ia, q. 1, a. 7), est articulée en trois parties, et
est illustrée par le Doctor Communis lui-même — saint Thomas — avec ces
mots: «Le but principal de la sainte doctrine est celui de faire connaître
Dieu, et pas seulement en lui-même, mais également en tant que principe et fin
des choses, et spécialement de la créature raisonnable. Dans l’intention
d’exposer cette doctrine, nous traiterons en premier de Dieu; en deuxième du
mouvement de la créature vers Dieu; et en troisième du Christ, qui, en tant
qu’homme, est pour nous le chemin pour monter vers Dieu» (ibid., i, q.
2). C’est un cercle: Dieu en lui-même, qui sort de lui-même et nous prend par
la main, afin qu’avec le Christ nous retournions à Dieu, nous soyons unis à
Dieu, et Dieu sera tout en tous.
La première
partie de la Summa Theologiae enquête donc sur Dieu en lui-même, sur le
mystère de la Trinité et sur l’activité créatrice de Dieu. Dans cette partie,
nous trouvons également une profonde réflexion sur la réalité authentique de
l’être humain en tant que sorti des mains créatrices de Dieu, fruit de son
amour. D’une part nous sommes un être créé, dépendant, nous ne venons pas de
nous-mêmes, mais de l’autre, nous avons une véritable autonomie, ainsi nous ne
sommes pas seulement quelque chose d’apparent — comme disent certains
philosophes platoniciens — mais une réalité voulue par Dieu comme telle, et qui
possède une valeur en elle-même.
Dans la
deuxième partie, saint Thomas considère l’homme, animé par la grâce, dans son
aspiration à connaître et à aimer Dieu pour être heureux dans le temps et pour
l’éternité. L’auteur présente tout d’abord les principes théologiques de
l’action morale, en étudiant comment, dans le libre choix de l’homme
d’accomplir des actes bons, s’intègrent la raison, la volonté et les passions,
auxquelles s’ajoute la force que donne la Grâce de Dieu à travers les vertus et
les dons de l’Esprit Saint, ainsi que l’aide qui est offerte également par la
loi morale. Ainsi, l'être humain est un être dynamique qui se cherche lui-même,
qui aspire à être lui-même et cherche, de cette manière, à accomplir des actes
qui l’édifient, qui le font devenir vraiment homme; et celui qui pénètre dans
la loi morale, pénètre dans la grâce, dans sa propre raison, sa volonté et ses
passions. Sur ce fondement, saint Thomas trace la physionomie de l’homme qui
vit selon l’Esprit et qui devient, ainsi, une icône de Dieu. Saint Thomas
s’arrête ici pour étudier les trois vertus théologales — la foi, l’espérance et
la charité —, suivies de l’examen approfondi de plus de cinquante vertus
morales, organisées autour des quatre vertus cardinales: la prudence, la
justice, la tempérance et la force. Il termine ensuite par une réflexion sur
les différentes vocations dans l'Eglise.
Dans la
troisième partie de la Summa, saint Thomas étudie le Mystère du Christ —
le chemin et la vérité — au moyen duquel nous pouvons rejoindre Dieu le Père.
Dans cette section, il écrit des pages presque uniques sur le Mystère de
l’Incarnation et de la Passion de Jésus, en ajoutant ensuite une vaste
réflexion sur les sept Sacrements, car en eux le Verbe divin incarné étend les
bénéfices de l’Incarnation pour notre salut, pour notre chemin de foi vers Dieu
et la vie éternelle et demeure presque présent matériellement avec la réalité
de la création et nous touche ainsi au plus profond de nous-mêmes.
En parlant
des Sacrements, saint Thomas s’arrête de manière particulière sur le Mystère de
l’Eucharistie, pour lequel il eut une très grande dévotion, au point que, selon
ses antiques biographes, il avait l’habitude d’approcher son visage du
Tabernacle comme pour sentir battre le Cœur divin et humain de Jésus. Dans
l’une de ses œuvres de commentaire de l'Ecriture, saint Thomas nous aide à
comprendre l’excellence du Sacrement de l’Eucharistie, lorsqu’il écrit:
«L’Eucharistie étant le Sacrement de la Passion de notre Seigneur, elle
contient Jésus Christ qui souffrit pour nous. Et donc, tout ce qui est l’effet
de la Passion de notre Seigneur, est également l’effet de ce sacrement, n’étant
autre que l’application en nous de la Passion du Seigneur» (In Ioannem,
c.6, lect. 6, n. 963). Nous comprenons bien pourquoi saint Thomas et d’autres
saints ont célébré la Messe en versant des larmes de compassion pour le
Seigneur, qui s’offre en sacrifice pour nous, des larmes de joie et de
gratitude.
Chers frères
et sœurs, à l'école des saints, tombons amoureux de ce Sacrement! Participons à
la Messe avec recueillement, pour en obtenir des fruits spirituels,
nourrissons-nous du Corps et du Sang du Seigneur, pour être sans cesse nourris
par la Grâce divine! Entretenons-nous volontiers et fréquemment, familièrement,
avec le Très Saint Sacrement!
Ce que saint
Thomas a illustré avec une grande rigueur scientifique dans ses œuvres
théologiques majeures, comme justement la Summa Theologiae, et également
la Summa contra Gentiles a été exposé dans sa prédication, adressée aux
étudiants et aux fidèles. En 1273, un an avant sa mort, pendant toute la
période du Carême, il tint des prédications dans l'église San Domenico Maggiore
à Naples. Le contenu de ces sermons a été recueilli et conservé: ce sont les Opuscules,
où il explique le Symbole des Apôtres, interprète la prière du Notre Père,
illustre le Décalogue et commente l'Ave Maria. Le contenu des prédications du Doctor
Angelicus correspond presque tout entier à la structure du Catéchisme de
l'Eglise catholique. En effet, dans la catéchèse et dans la prédication, à
une époque comme la nôtre d'engagement renouvelé pour l'évangélisation, ces
arguments fondamentaux ne devraient jamais faire défaut: ce que nous croyons,
et voici le Symbole de la foi; ce que nous prions, et voici le Notre
Père et l'Ave Maria; et ce que nous vivons comme nous l'enseigne la
Révélation biblique, et voici la loi de l'amour de Dieu et du prochain et les
Dix Commandements comme explication de ce mandat de l’amour.
Je voudrais
proposer quelques exemples du contenu, simple, essentiel et convaincant, de
l'enseignement de saint Thomas. Dans son Opuscule sur le Symbole des Apôtres,
il explique la valeur de la foi. Par l'intermédiaire de celle-ci, dit-il, l'âme
s'unit à Dieu, et il se produit comme un bourgeon de vie éternelle; la vie
reçoit une orientation sûre, et nous dépassons avec aisance les tentations. A
qui objecte que la foi est une stupidité, parce qu’elle fait croire en quelque
chose qui n'appartient pas à l'expérience des sens, saint Thomas offre une
réponse très articulée, et il rappelle que cela est un doute inconsistant,
parce que l'intelligence humaine est limitée et ne peut pas tout connaître. Ce
n'est que dans le cas où nous pourrions connaître parfaitement toutes les choses
visibles et invisibles, que ce serait alors une authentique sottise d'accepter
des vérités par pure foi. Par ailleurs, il est impossible de vivre, observe
saint Thomas, sans se fier à l'expérience des autres, là où la connaissance
personnelle n'arrive pas. Il est donc raisonnable de prêter foi à Dieu qui se
révèle et au témoignage des Apôtres: ils étaient un petit nombre, simples et
pauvres, bouleversés par la Crucifixion de leur Maître; pourtant beaucoup de
personnes sages, nobles et riches se sont converties en peu de temps à l'écoute
de leur prédication. Il s'agit, en effet, d'un phénomène historiquement
prodigieux, auquel on peut difficilement donner une autre réponse raisonnable,
sinon celle de la rencontre des Apôtres avec le Christ ressuscité.
En
commentant l'article du Symbole sur l'Incarnation du Verbe divin, saint Thomas
fait certaines considérations. Il affirme que la foi chrétienne, si l'on
considère le mystère de l'Incarnation, se trouve renforcée; l'espérance s'élève
plus confiante, à la pensée que le Fils de Dieu est venu parmi nous, comme l'un
de nous pour communiquer aux hommes sa divinité; la charité est ravivée, parce
qu'il n'y a pas de signe plus évident de l'amour de Dieu pour nous, que de voir
le Créateur de l'univers se faire lui-même créature, un de nous. Enfin, si l'on
considère le mystère de l'Incarnation de Dieu, nous sentons s'enflammer notre
désir de rejoindre le Christ dans la gloire. Pour faire une comparaison simple
mais efficace, saint Thomas observe: «Si le frère d'un roi était loin, il
brûlerait certainement de pouvoir vivre à ses côtés. Eh bien, le Christ est
notre frère: nous devons donc désirer sa compagnie, devenir un seul cœur avec
lui» (Opuscoli teologico-spirituali, Rome 1976, p. 64).
En
présentant la prière du Notre Père, saint Thomas montre qu'elle est en soit
parfaite, ayant les cinq caractéristiques qu'une oraison bien faite devrait
posséder: l'abandon confiant et tranquille; un contenu convenable, car —
observe saint Thomas — «il est très difficile de savoir exactement ce qu'il est
opportun de demander ou non, du moment que nous sommes en difficulté face à la
sélection des désirs» (Ibid., p. 120); et puis l'ordre approprié des
requêtes, la ferveur de la charité et la sincérité de l'humilité.
Saint Thomas
a été, comme tous les saints, un grand dévot de la Vierge. Il l'a appelée d'un
nom formidable: Triclinium totius Trinitatis, triclinium, c'est-à-dire
lieu où la Trinité trouve son repos, parce qu'en raison de l'Incarnation, en
aucune créature comme en elle, les trois Personnes divines habitent et
éprouvent délice et joie à vivre dans son âme pleine de Grâce. Par son
intercession nous pouvons obtenir tous les secours.
Avec une
prière qui est traditionnellement attribuée à saint Thomas et qui, quoi qu'il
en soit, reflète les éléments de sa profonde dévotion mariale, nous disons nous
aussi: «O bienheureuse et très douce Vierge Marie, Mère de Dieu..., je confie à
ton cœur miséricordieux toute ma vie... Obtiens-moi, ô ma très douce Dame, la
véritable charité, avec laquelle je puisse aimer de tout mon cœur ton très
saint Fils et toi, après lui, par dessus toute chose, et mon prochain en Dieu
et pour Dieu».
* * *
Je salue les pèlerins francophones,
particulièrement les jeunes collégiens et les Vietnamiens présents. Puissions-nous
suivre avec générosité le chemin que saint Thomas d’Aquin nous indique ! Que la
Vierge Marie vous accompagne ! Bon pèlerinage à tous !
©
Copyright 2010 - Libreria Editrice Vaticana
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