Édith Stein naît dans une famille juive de sept enfants vivants (sur onze
naissances), le 12 octobre 1891 (jour du Yom Kippour, jour de l’expiation), à Breslau (alors en
Allemagne, aujourd’hui Wroclaw en Pologne).
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Son père, marchand
de bois, décède alors qu’elle n’a que deux ans. Sa mère, une femme très
religieuse, s’occupe de la famille tout en gérant l’entreprise, mais elle ne réussit
pas à maintenir la foi de ses enfants.
Très indépendante,
Edith poursuit des études universitaires (allemand et histoire) à Breslau en
1911 puis de philosophie - sa véritable passion - en 1913 à Göttingen, devenant
ensuite assistante de son professeur Edmund Husserl. La période de guerre la
voit travailler pendant quelque temps dans un hôpital militaire autrichien où
elle soigne des maladies infectieuses et œuvre en salle opératoire. Elle passe
sa thèse en 1917 mais ne peut enseigner puisqu’elle est une femme ; ce serait
la première femme docteur en philosophie en Allemagne.
A cette époque,
elle abandonne toute pratique religieuse et découvre le catholicisme avec
plusieurs autres étudiants auprès de ses professeurs de phénoménologie. Elle
est alors en total désaccord avec sa mère, mais elle n’en abandonne pas pour
autant ses origines, dans un véritable partage spirituel entre judaïsme et
catholicisme, surtout avec la montée du nazisme en 1933.
Influencée par
sainte Thérèse d’Avila et saint Ignace de Loyola, Kierkegaard et Newman, elle
se convertit en 1921, demande le baptême le 1er janvier 1922 et choisit
d’entrer au Carmel. Mais les autorités religieuses lui refusent son entrée dans
l’Ordre et lui proposent de poursuivre son activité d’enseignante. Elle fait
cependant vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance et travaille au
séminaire pour enseignants du couvent dominicain de Spire, donne de nombreuses
conférences, traduit de nombreux ouvrages religieux, écrit plusieurs ouvrages
philosophiques.
En 1932, elle est
à Münster, à l’institut catholique de pédagogie scientifique, et elle peut
associer la science à sa foi. Parallèlement à cette démarche religieuse, elle a
milité très tôt en faveur de la condition féminine et du droit de vote des
femmes. Elle développa entre autre l’idée novatrice d’une « théologie catholique de la femme
», affirmant également que toutes les professions sont ouvertes aux femmes.
Le 14 octobre 1933
elle peut, enfin, entrer au Carmel de Cologne et échapper ainsi aux premières
mesures antisémites, interdisant en particulier aux juifs d’enseigner. Elle
prend l’habit le 14 avril 1934 et devient sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix.
Ses vœux temporaires sont prononcés le 21 avril 1935. Le 14 septembre 1936, au
moment du renouvellement des vœux, sa mère meurt à Wroclaw. « Jusqu'au dernier moment ma mère est restée fidèle à sa
religion. Mais puisque sa foi et sa grande confiance en Dieu [...] furent
l'ultime chose qui demeura vivante dans son agonie, j'ai confiance qu'elle a
trouvé un juge très clément et que maintenant elle est ma plus fidèle
assistante, en sorte que moi aussi je puisse arriver au but ».
Le 21 avril 1938,
elle prononce ses vœux perpétuels mais à la fin de l’année commence dans toute
l’Allemagne une chasse systématique des juifs et la destruction des synagogues.
La mère supérieure la fait conduire dans un monastère de Carmélites au
Pays-Bas, à Echt, où, véritable théologienne, elle poursuit la rédaction de ses
ouvrages.
Elle est arrêtée
par la Gestapo, dans la chapelle, le 2 août 1942 avec sa sœur Rose qui s’était
également fait baptiser. Ces deux arrestations, et celles de nombreux autres
juifs convertis, suivaient en fait la protestation des évêques néerlandais
contre les pogroms et les arrestations de juifs.
Sœur Thérèse-Bénédicte
de la Croix fait partie du convoi de 987 juifs qui part vers Auschwitz le 7
août. Tous sont morts dans les chambres à gaz dès le 9 août.
« Fille d’Israël » devenue le
symbole de la tolérance et de la rencontre entre les peuples juif et chrétien,
Edith Stein reste donc un précurseur de Vatican II.
Thérèse-Bénédicte de la Croix
à été béatifiée le Ier mai 1987, à Cologne, dans le stade de
" Köln-Müngersdorf " et
canonisée le 11 octobre 1998, à Rome, par le même Pape
: Saint Jean-Paul II (Karol Józef
Wojtyła, 1978-2005).
Depuis le 1er
octobre 1999, par une lettre apostolique en forme de Motu Proprio, le
Saint-Père a proclamé sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix co-patronne de
l’Europe, avec sainte Brigitte de Suède et sainte Catherine de Sienne, aux
côtés des trois co-patrons : saint Benoît, saint Cyrille et saint Méthode. Son
rôle de femme, de théologienne, de missionnaire, de martyre, de mystique, était
ainsi reconnu, de même que le lien qu’elle avait tissé entre ses racines juives
et la religion catholique. Saint Jean-Paul II a ajoute qu’« elle est devenue ainsi
l’expression d’un pèlerinage humain, culturel et religieux qui incarne le noyau
insondable de la tragédie et des espoirs du continent européen ».
>>> Thérèse Bénédicte de la Croix Édith Stein
[Anglais, Espagnol, Français, Italien,]
>>> La conversion d'Édith Stein (vidéo)
Sources principales : catholique-verdun.cef.fr ; vatican.va (« Rév. x gpm »).
Thérèse-Bénédicte de la Croix
Edith Stein (1891-1942)
Carmélite déchaussée, martyr
Carmélite déchaussée, martyr
"Inclinons-nous profondément devant ce
témoignage de vie et de mort livré par Edith Stein, cette remarquable fille
d'Israël, qui fut en même temps fille du Carmel et soeur Thérèse-Bénédicte de
la Croix, une personnalité qui réunit pathétiquement, au cours de sa vie si riche,
les drames de notre siècle. Elle est la synthèse d'une histoire affligée de
blessures profondes et encore douloureuses, pour la guérison desquelles
s'engagent, aujoud'hui encore, des hommes et des femmes conscients de leurs
responsabilités; elle est en même temps la synthèse de la pleine vérité sur les
hommes, par son coeur qui resta si longtemps inquiet et insatisfait,
"jusqu'à ce qu'enfin il trouvât le repos dans le Seigneur" ".
Ces paroles furent prononcées par le Pape Jean-Paul II à l'occasion de la
béatification d'Édith Stein à Cologne, le 1 mai 1987.
Qui fut cette femme?
Quand, le 12 octobre 1891, Édith Stein naquit à
Wroclaw (à l'époque Breslau), la dernière de 11 enfants, sa famille fêtait le
Yom Kippour, la plus grande fête juive, le jour de l'expiation. "Plus que
toute autre chose cela a contribué à rendre particulièrement chère à la mère sa
plus jeune fille". Cette date de naissance fut pour la carmélite presque
une prédiction.
Son père, commerçant en bois, mourut quand Édith
n'avait pas encore trois ans. Sa mère, femme très religieuse, active et
volontaire, personne vraiment admirable, restée seule, devait vaquer aux soins
de sa famille et diriger sa grande entreprise; cependant elle ne réussit pas à
maintenir chez ses enfants une foi vivante. Édith perdit la foi en Dieu:
"En pleine conscience et dans un choix libre je cessai de prier".
Elle obtint brillamment son diplôme de fin
d'études secondaires en 1911 et commença des cours d'allemand et d'histoire à
l'Université de Wroclaw, plus pour assurer sa subsistance à l'avenir que par
passion. La philosophie était en réalité son véritable intérêt. Elle
s'intéressait également beaucoup aux questions concernant les femmes. Elle
entra dans l'organisation "Association Prussienne pour le Droit des Femmes
au Vote". Plus tard elle écrira: "Jeune étudiante, je fus une
féministe radicale. Puis cette question perdit tout intérêt pour moi.
Maintenant je suis à la recherche de solutions purement objectives".
En 1913, l'étudiante Édith Stein se rendit à
Gôttingen pour fréquenter les cours de Edmund Husserl à l'université; elle
devint son disciple et son assistante et elle passa aussi avec lui sa thèse. À
l'époque Edmund Husserl fascinait le public avec son nouveau concept de vérité:
le monde perçu existait non seulement à la manière kantienne de la perception
subjective. Ses disciples comprenaient sa philosophie comme un retour vers le
concret. "Retour à l'objectivisme". La phénoménologie conduisit
plusieurs de ses étudiants et étudiantes à la foi chrétienne, sans qu'il en ait
eu l'intention. À Gôttingen, Édith Stein rencontra aussi le philosophe Max
Scheler. Cette rencontre attira son attention sur le catholicisme. Cependant
elle n'oublia pas l'étude qui devait lui procurer du pain dans l'avenir. En
janvier 1915, elle réussit avec distinction son examen d'État. Elle ne commença
pas cependant sa période de formation professionnelle.
Alors qu'éclatait la première guerre mondiale,
elle écrivit: "Maintenant je n'ai plus de vie propre". Elle fréquenta
un cours d'infirmière et travailla dans un hôpital militaire autrichien. Pour
elle ce furent des temps difficiles. Elle soigna les malades du service des
maladies infectieuses, travailla en salle opératoire, vit mourir des hommes
dans la fleur de l'âge. À la fermeture de l'hôpital militaire en 1916, elle
suivit Husserl à Fribourg-en-Brisgau, elle y obtint en 1917 sa thèse
"summa cum laudae" dont le titre était: "Sur le problème de
l'empathie".
Il arriva qu'un jour elle put observer comment
une femme du peuple, avec son panier à provisions, entra dans la cathédrale de
Francfort et s'arrêta pour une brève prière. "Ce fut pour moi quelque
chose de complètement nouveau. Dans les synagogues et les églises protestantes
que j'ai fréquentées, les croyants se rendent à des offices. En cette
circonstance cependant, une personne entre dans une église déserte, comme si
elle se rendait à un colloque intime. Je n'ai jamais pu oublier ce qui est
arrivé". Dans les dernières pages de sa thèse elle écrit: "Il y a eu
des individus qui, suite à un changement imprévu de leur personnalité, ont cru
rencontrer la miséricorde divine". Comment est-elle arrivée à cette
affirmation?
Édith Stein était liée par des liens d'amitié
profonde avec l'assistant de Husserl à Gôtingen, Adolph Reinach, et avec son
épouse. Adolf Reinach mourut en Flandres en novembre 1917. Édith se rendit à
Gôttingen. Le couple Reinach s'était converti à la foi évangélique. Édith avait
une certaine réticence à l'idée de rencontrer la jeune veuve. Avec beaucoup
d'étonnement elle rencontra une croyante. "Ce fut ma première rencontre
avec la croix et avec la force divine qu'elle transmet à ceux qui la portent
[...] Ce fut le moment pendant lequel mon irréligiosité s'écroula et le Christ
resplendit". Plus tard elle écrivit: "Ce qui n'était pas dans mes
plans était dans les plans de Dieu. En moi prit vie la profonde conviction que
-vu du côté de Dieu- le hasard n'existe pas; toute ma vie, jusque dans ses
moindres détails, est déjà tracée selon les plans de la providence divine et,
devant le regard absolument clair de Dieu, elle présente une unité parfaitement
accomplie".
À l'automne 1918, Édith Stein cessa d'être
l'assistante d'Edmund Husserl. Ceci parce qu'elle désirait travailler de
manière indépendante. Pour la première fois depuis sa conversion, Édith Stein
rendit visite à Husserl en 1930. Elle eut avec lui une discussion sur sa
nouvelle foi à laquelle elle aurait volontiers voulu qu'il participe. Puis elle
écrit de manière surprenante: "Après chaque rencontre qui me fait sentir
l'impossibilité de l'influencer directement, s'avive en moi le caractère
pressant de mon propre holocauste".
Édith Stein désirait obtenir l'habilitation à
l'enseignement. À l'époque, c'était une chose impossible pour une femme.
Husserl se prononça au moment de sa candidature: "Si la carrière
universitaire était rendue accessible aux femmes, je pourrais alors la
recommander chaleureusement plus que n'importe quelle autre personne pour
l'admission à l'examen d'habilitation". Plus tard on lui interdira l'habilitation
à cause de ses origines juives.
Édith Stein retourna à Wroclaw. Elle écrivit des
articles sur la psychologie et sur d'autres disciplines humanistes. Elle lit
cependant le Nouveau Testament, Kierkegaard et le livre des exercices de saint
Ignace de Loyola. Elle s'aperçoit qu'on ne peut seulement lire un tel écrit, il
faut le mettre en pratique.
Pendant l'été 1921, elle se rendit pour quelques
semaines à Bergzabern (Palatinat), dans la propriété de Madame Hedwig
Conrad-Martius, une disciple de Husserl. Cette dame s'était convertie, en même
temps que son époux, à la foi évangélique. Un soir, Édith trouva dans la
bibliothèque l'autobiographie de Thérèse d'Avila. Elle la lut toute la nuit.
"Quand je refermai le livre je me dis: ceci est la vérité". Considérant
rétrospectivement sa propre vie, elle écrira plus tard: "Ma quête de
vérité était mon unique prière".
Le ler janvier 1922, Édith Stein se fit baptiser.
C'était le jour de la circoncision de Jésus, de l'accueil de Jésus dans la
descendance d'Abraham. Édith Stein était debout devant les fonds baptismaux,
vêtue du manteau nuptial blanc de Hedwig Conrad-Martius qui fut sa marraine.
"J'avais cessé de pratiquer la religion juive et je me sentis de nouveau
juive seulement après mon retour à Dieu". Maintenant elle sera toujours
consciente, non seulement intellectuellement mais aussi concrètement,
d'appartenir à la lignée du Christ. À la fête de la Chandeleur, qui est
également un jour dont l'origine remonte à l'Ancien Testament, elle reçut la
confirmation de l'évêque de Spire dans sa chapelle privée.
Après sa conversion, elle se rendit tout d'abord
à Wroclaw. "Maman, je suis catholique". Les deux se mirent à pleurer.
Hedwig Conrad-Martius écrivit: "Je vis deux israélites et aucune ne manque
de sincérité" (cf Jn 1, 47).
Immédiatement après sa conversion, Édith aspira
au Carmel, mais ses interlocuteurs spirituels, le Vicaire général de Spire et
le Père Erich Przywara, S.J., l'empêchèrent de faire ce pas. Jusqu'à pâques
1931 elle assura alors un enseignement en allemand et en histoire au lycée et
séminaire pour enseignants du couvent dominicain de la Madeleine de Spire. Sur
l'insistance de l'archiabbé Raphaël Walzer du couvent de Beuron, elle
entreprend de longs voyages pour donner des conférences, surtout sur des thèmes
concernant les femmes. "Pendant la période qui précède immédiatement et
aussi pendant longtemps après ma conversion [... ] je croyais que mener une vie
religieuse signifiait renoncer à toutes les choses terrestres et vivre
seulement dans la pensée de Dieu. Progressivement cependant, je me suis rendue
compte que ce monde requiert bien autre chose de nous [...]; je crois même que
plus on se sent attiré par Dieu et plus on doit "sortir de soi-même",
dans le sens de se tourner vers le monde pour lui porter une raison divine de
vivre".
Son programme de travail est énorme. Elle traduit
les lettres et le journal de la période pré-catholique de Newman et l'œuvre
" Questiones disputatx de veritate " de Thomas d'Aquin et ce dans une
version très libre, par amour du dialogue avec la philosophie moderne. Le Père
Erich Przywara S.J. l'encouragea à écrire aussi des oeuvres philosophiques
propres. Elle apprit qu'il est possible "de pratiquer la science au
service de Dieu [... ] ; c'est seulement pour une telle raison que j'ai pu me
décider à commencer une série d'oeuvres scientifiques". Pour sa vie et
pour son travail elle trouve toujours les forces nécessaires au couvent des
bénédictins de Beuron où elle se rend pour passer les grandes fêtes de l'année
liturgique.
En 1931, elle termina son activité à Spire. Elle
tenta de nouveau d'obtenir l'habilitation pour enseigner librement à Wroclaw et
à Fribourg. En vain. À partir de ce moment, elle écrivit une oeuvre sur les
principaux concepts de Thomas d'Aquin: "Puissance et action". Plus tard,
elle fera de cet essai son ceuvre majeure en l'élaborant sous le titre
"Être fini et Être éternel", et ce dans le couvent des Carmélites à
Cologne. L'impression de l'œuvre ne fut pas possible pendant sa vie.
En 1932, on lui donna une chaire dans une institution
catholique, l'Institut de Pédagogie scientifique de Münster, où elle put
développer son anthropologie. Ici elle eut la possibilité d'unir science et foi
et de porter à la compréhension des autres cette union. Durant toute sa vie,
elle ne veut être qu'un "instrument de Dieu". "Qui vient à moi,
je désire le conduire à Lui".
En 1933, les ténèbres descendent sur l'Allemagne.
"J'avais déjà entendu parler des mesures sévères contres les juifs. Mais
maintenant je commençai à comprendre soudainement que Dieu avait encore une
fois posé lourdement sa main sur son peuple et que le destin de ce peuple était
aussi mon destin". L'article de loi sur la descendance arienne des nazis
rendit impossible la continuation de son activité d'enseignante. "Si ici
je ne peux continuer, en Allemagne il n'y a plus de possibilité pour moi".
"J'étais devenue une étrangère dans le monde".
L'archiabbé Walzer de Beuron ne l'empêcha plus
d'entrer dans un couvent des Carmélites. Déjà au temps où elle se trouvait à
Spire, elle avait fait les veeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. En
1933 elle se présenta à la Mère Prieure du monastère des Carmélites de Cologne.
"Ce n'est pas l'activité humaine qui peut nous aider, mais seulement la
passion du Christ. J'aspire à y participer".
Encore une fois Édith Stein se rendit à Wroclaw
pour prendre congé de sa mère et de sa famille. Le dernier jour qu'elle passa
chez elle fut le 12 octobre, le jour de son anniversaire et en même temps celui
de la fête juive des Tabernacles. Édith accompagna sa mère à la Synagogue. Pour
les deux femmes ce ne fut pas une journée facile. "Pourquoi l'as-tu connu
(Jésus Christ)? Je ne veux rien dire contre Lui. Il aura été un homme bon. Mais
pourquoi s'est-il fait Dieu?" Sa mère pleure.
Le lendemain matin Édith prend le train pour
Cologne. "Je ne pouvais entrer dans une joie profonde. Ce que je laissais
derrière moi était trop terrible. Mais j'étais très calme - dans l'intime de la
volonté de Dieu". Par la suite elle écrira chaque semaine une lettre à sa
mère. Elle ne recevra pas de réponses. Sa soeur Rose lui enverra des nouvelles
de la maison.
Le 14 octobre, Édith Stein entre au monastère des
Carmélites de Cologne. En 1934, le 14 avril, ce sera la cérémonie de sa prise
d'habit. L'archiabbé de Beuron célébra la messe. À partir de ce moment Édith
Stein portera le nom de soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix.
En 1938, elle écrivit: "Sous la Croix je
compris le destin du peuple de Dieu qui alors (1933) commençait à s'annoncer.
Je pensais qu'il comprenait qu'il s'agissait de la Croix du Christ, qu'il
devait l'accepter au nom de tous les autres peuples. Il est certain
qu'aujourd'hui je comprends davantage ces choses, ce que signifie être épouse
du Seigneur sous le signe de la Croix. Cependant il ne sera jamais possible de
comprendre tout cela, parce que c'est un mystère".
Le 21 avril 1935, elle fit des voeux temporaires.
Le 14 septembre 1936, au moment du renouvellement des voeux, sa mère meurt à
Wroclaw. "Jusqu'au dernier moment ma mère est restée fidèle à sa religion.
Mais puisque sa foi et sa grande confiance en Dieu [...] furent l'ultime chose
qui demeura vivante dans son agonie, j'ai confiance qu'elle a trouvé un juge
très clément et que maintenant elle est ma plus fidèle assistante, en sorte que
moi aussi je puisse arriver au but".
Sur l'image de sa profession perpétuelle du 21
avril 1938, elle fit imprimer les paroles de saint Jean de la Croix auquel elle
consacrera sa dernière oeuvre: "Désormais ma seule tâche sera
l'amour".
L'entrée d'Édith Stein au couvent du Carmel n'a
pas été une fuite. "Qui entre au Carmel n'est pas perdu pour les siens,
mais ils sont encore plus proches; il en est ainsi parce que c'est notre tâche
de rendre compte à Dieu pour tous". Surtout elle rend compte à Dieu pour
son peuple. "Je dois continuellement penser à la reine Esther qui a été
enlevée à son peuple pour en rendre compte devant le roi. Je suis une petite et
faible Esther mais le Roi qui m'a appelée est infiniment grand et
miséricordieux. C'est là ma grande consolation". (31-10-1938)
Le 9 novembre 1938, la haine des nazis envers les
juifs fut révélée au monde entier. Les synagogues brûlèrent. La terreur se
répandit parmi les juifs. La Mère Prieure des Carmélites de Cologne fait tout
son possible pour conduire soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix à l'étranger.
Dans la nuit du 1er janvier 1938, elle traversa la frontière des Pays-Bas et
fut emmenée dans le monastère des Carmélites de Echt, en Hollande. C'est dans
ce lieu qu'elle écrivit son testament, le 9 juin 1939: "Déjà maintenant
j'accepte avec joie, en totale soumission et selon sa très sainte volonté, la
mort que Dieu m'a destinée. Je prie le Seigneur qu'Il accepte ma vie et ma mort
[...] en sorte que le Seigneur en vienne à être reconnu par les siens et que
son règne se manifeste dans toute sa grandeur pour le salut de l'Allemagne et
la paix dans le monde".
Déjà au monastère des Carmélites de Cologne on
avait permis à Édith Stein de se consacrer à ses oeuvres scientifiques. Entre
autres elle écrivit dans ce lieu "De la vie d'une famille juive".
"Je désire simplement raconter ce que j'ai vécu en tant que juive".
Face à "la jeunesse qui aujourd'hui est éduquée depuis l'âge le plus
tendre à haïr les juifs [...] nous, qui avons été éduqués dans la communauté
juive, nous avons le devoir de rendre témoignage".
En toute hâte, Édith Stein écrira à Echt son
essai sur "Jean de la Croix, le Docteur mystique de l'Église, à l'occasion
du quatre centième anniversaire de sa naissance, 1542-1942". En 1941, elle
écrivit à une religieuse avec laquelle elle avait des liens d'amitié: "Une
scientia crucis (la science de la croix) peut être apprise seulement si l'on
ressent tout le poids de la croix. De cela j'étais convaincue depuis le premier
instant et c'est de tout coeur que j'ai dit: Ave Crux, Spes unica (je te salue
Croix, notre unique espérance)". Son essai sur Jean de la Croix porta le
sous-titre: "La Science de la Croix".
Le 2 août 1942, la Gestapo arriva. Édith Stein se
trouvait dans la chapelle, avec les autres soeurs. En moins de 5 minutes elle
dut se présenter, avec sa soeur Rose qui avait été baptisée dans l'Église
catholique et qui travaillait chez les Carmélites de Echt. Les dernières
paroles d'Édith Stein que l'on entendit à Echt s'adressèrent à sa soeur:
"Viens, nous partons pour notre, peuple".
Avec de nombreux autres juifs convertis au
christianisme, les deux femmes furent conduites au camp de rassemblement de
Westerbork. Il s'agissait d'une vengeance contre le message de protestation des
évêques catholiques des Pays-Bas contre le progrom et les déportations de
juifs. "Que les êtres humains puissent en arriver à être ainsi, je ne l'ai
jamais compris et que mes soeurs et mes frères dussent tant souffrir, cela
aussi je ne l'ai jamais vraiment compris [...]; à chaque heure je prie pour
eux. Est-ce que Dieu entend ma prière? Avec certitude cependant il entend leurs
pleurs". Le professeur Jan Nota, qui lui était lié, écrira plus tard:
"Pour moi elle est, dans un monde de négation de Dieu, un témoin de la
présence de Dieu".
À l'aube du 7 août, un convoi de 987 juifs parti
en direction d'Auschwitz. Ce fut le 9 août 1942, que soeur Thérèse-Bénédicte de
la Croix, avec sa soeur Rose et de nombreux autres membres de son peuple,
mourut dans les chambres à gaz d'Auschwitz.
Avec sa béatification dans la Cathédrale de
Cologne, le ler mai 1987, l'Église
honorait, comme l'a dit le Pape Jean-Paul II, "une fille d'Israël, qui
pendant les persécutions des nazis est demeurée unie avec foi et amour au
Seigneur Crucifié, Jésus Christ, telle une catholique, et à son peuple telle
une juive".
Teresa
Benedetta della Croce Edith Stein (1891-1942)
monaca, Carmelitana Scalza, martire
Piazza
San Pietro, 11 ottobre 1998
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