Augustin Kažotić, fils d'une famille patricienne, naît à Trogir (en Dalmatie) vers
1260
Entré, à quinze ans, dans l’Ordre Dominicain, probablement à Trogir ou à Split, il se distingua rapidement durant ses études, qu’il alla poursuivre à Paris.
Impressionné par sa réputation d’érudit et de religieux dévot, le Bx
Benoît XI (Nicola Boccasini, 1303-1304) – lui même dominicain – nomma
Augustin Kažotić évêque de Zagreb en 1303. Il y promut de nombreuses activités
pastorales et initia une réforme de la liturgie et de l’éducation. Il fonda
également une école cathédrale accueillant les étudiants défavorisés.
Sa défense inflexible des droits de tous contre les abus du Roi
Charles Robert d’Anjou (1308-1342) lui valut d’être exilé du Royaume de
Croatie et de Hongrie. Il se rendit alors en Avignon et demanda l’aide
du Pape Jean XXII (Jacques Duèse, 1316-1334), en 1318
Le nom d’Augustin Kažotić est généralement lié à deux petits traités
écrits lors de son séjour à Avignon (1318-1322) : le premier fait partie de
la consultation judiciaire et doctrinale demandée par le Pape Jean XXII, qui
aboutira à la bulle Super
illius specula de 1320, qui assimile désormais la sorcellerie à
l’hérésie ; le second, sur la pauvreté du Christ, est lié aux débats sur les
mouvements de pauvreté, en particulier l’usus pauper des franciscains.
Dans un tout autre domaine, son nom est lié à l’histoire de la musique, puisqu’il est, semble-t-il, l’un des premiers auteurs connus en Croatie.
Augustin Kažotić attendit en vain pendant quatre ans l’autorisation
de pouvoir rentrer dans son pays. En 1322, le Pape lui donna enfin la
charge du Diocèse de Lucera, ville des Pouilles dans le Sud de l’Italie, qui
venait d’être restauré.
Pendant le règne de l’Empereur Frédéric II de Hohenstaufen, des
milliers de Musulmans Sarazins, qui servaient dans les troupes impériales
d’élite, habitaient à Lucera. Après la chute de la dynastie Hohenstaufen, la
restauration de la chrétienté pouvait commencer dans la ville et cette
mission fut confiée à Augustin Kažotić. Son travail fut si efficace qu’un an
plus tard, les musulmans encore présents décidèrent de le supprimer.
Il fut assassiné par un sarazin qui le frappa à la tête avec
une lance de fer : il meurt de ses blessures le 3 août 1323, ajoutant
l’honneur du martyre aux nombreux mérites qu’il eut de son vivant.
Dès sa mort, il fut considéré comme saint. Il fut béatifié par le Pape
Clément XI (Giovanni Francesco Albani, 1700-1721) le 4 avril 1702. Le procès de Béatification est conservé
aux archives diocésaines de Lucera. Son culte s'est développé à travers les
siècles, en Italie, en Croatie et dans l’ordre des Frères Prêcheurs.
En avril 2010, a
été lancé le procès de sa Canonisation. Le diocèse de Lucera-Troia s'est
constitué acteur principal de la cause, tandis que la Province dominicaine de
Croatie et l'Archevêché de Zagreb en sont co-acteurs.
Pour
un approfondissement :
>>> Homélie pour la Messe anniversaire du bienheureux ...
Sources principales :
reflexionchretienne.e-monsite.com ; trogir.op.org (« Rév. x gpm
»).
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BEATO AGOSTINO KAZOTIC DOMENICANO /
Homélie pour la Messe
anniversaire du bienheureux Augustin Kazotic
3 août.
Fr. Richard Schenk, O.P.
Notre frère dominicain, le bienheureux Augustin Kazotic (1260-1323) n'a pas seulement été le premier Croate à être officiellement béatifié par un procès papal mais ce scolastique formé à Paris fut aussi l'un des premiers grands théologiens de Croatie. Et pour l'honorer, permettez-moi, s'il vous plaît, de saisir l'occasion d'essayer ma main à ce type de question scolastique commune en son temps.
Peut-être le publierai-je dans le Kaeppeli du le quatrième millénaire : une question disputée au Chapitre Général de Providence par une certain frère Richard. Et ainsi laissez moi poser la question :"Est-ce que le bienheureux Augustin Kazotic devrait être vénéré dans l'Ordre Dominicain comme le patron du dialogue interreligieux ?"Videtur quod non. Il semble que non.1. D'abord, parce que la piété populaire a poussé la méthode dialectique vraiment trop loin quand elle a choisi ses saints patrons : ce qui s'est passé avec saint Florian, noyé dans la rivière Inn, et qui a été déclaré patron des pompiers, ou avec saint Laurent, torturé par le feu sur un gril, et qui est vénéré comme le saint patron des cuisiniers. Nous pourrions aussi bien attendre que saint Kilian soit fait patron des conseillers de mariage, puisque sa vie offre maint parallèle avec l'histoire de Jean le Baptiste que nous entendrons à l'évangile de demain.
Mais, comme le dit parfois Aristote… "ils faut savoir s'arrêter". Vénérer le bienheureux Augustin comme le patron dominicain du dialogue interreligieux semblerait ne pas savoir s'arrêter mais bien plutôt poursuivre ce processus dialectique. Car, lorsque le bienheureux Augustin Kazotic, déjà évêque de Zagreb s'est vu refuser par les dirigeants temporels la permission de rentrer en Croatie après une ambassade en Avignon, après avoir attendu quatre années à la cour papale d'Avignon, côtoyant les prélats de l'Eglise et jouissant des plaisirs du Midi de la France (quelque chose que beaucoup de moins saints dominicains pourraient bien avoir vu comme tout à fait proche de l'idéal de l'existence humaine), il a demandé que lui soit donné un autre travail. Aussi fut-il fait évêque de Lucera dans le sud de l'Italie, un endroit où les Sarrasins et les chrétiens avaient du mal à cohabiter. A peine y était-il depuis un an qu'il il fut tué par un Sarrasin fanatique.
Donc il semble que nous devrions éviter de le nommer patron dominicain du dialogue interreligieux, de façon à ne pas exagérer la dialectique.2. Item. Il semble que le Bx Augustin devrait être vénéré comme un patron de l'option préférentielle pour les pauvres. Non seulement le Bx Augustin a consacré beaucoup d'énergie au bien commun, améliorant par exemple la santé publique pour tout le peuple de Zagreb, non seulement il a prêté une attention particulière aux besoins et à la vie du bas clergé et des simples fidèles de son diocèse, mais c'est son rôle dans l'épiscopat croate pour mettre en œuvre cette option en faveur des pauvres qui l'a conduit à l'exil. Donc, nous devrions le nommer patron dominicain de cette option fondamentale plutôt que patron du dialogue interreligieux.
3. Item. Il semble que le Bx Augustin devrait être un modèle non du dialogue interreligieux, mais du dialogue interculturel et de la nécessité d'apprendre les langues classiques et vernaculaires. Car ce frère croate et évêque a travaillé efficacement non seulement dans les écoles, mais aussi dans les domaines pastoraux français et italiens pour lesquels il eut besoin de ces langues. Par conséquent, il devrait être vénéré comme patron de l'étude des langues pour lesquelles les Dominicains d'aujourd'hui semblent compter presque exclusivement sur l'inspiration divine.
Sed contra. Les jours de jeûne précèdent les jours de fêtes pascales, comme la première lecture d'aujourd'hui nous le dit. Allégoriquement, cela signifie que, de même que l'Expiation précède le Jubilé, ainsi l'ascétisme de l'autocritique intra-religieuse doit précéder la fête de l'harmonie dans le dialogue interreligieux. Mais le Bx Augustin a montré dans le dialogue interreligieux une disposition à l'expiation de l'autocritique comme une préparation au Jubilé de la compréhension mutuelle. Donc, le Bx Augustin Kazotic devrait vraiment être vénéré comme patron dominicain du dialogue interreligieux.
Respondeo dicendum. Laissez-moi répondre en déclarant ce qui a le plus besoin d'être dit. Nous poursuivons un dialogue interreligieux non seulement dans le but de donner aux autres, c'est-à-dire un dialogue parallèle à la proclamation de l'évangile ou peut-être avec un œil du côté de l'enrichissement temporel des autres religions dans leur engagement pour les droits de l'homme, mais aussi .dans le but de recevoir des autres.
Ce que nous recevons est double : nous recevons un aperçu de nos propres puissances de vie sous-développées en regardant les pratiques de méditation ou la solidarité sociale des autres, mais nous recevons aussi un aperçu de nos propres défauts sur-développés en voyant ces mêmes défauts chez les autres. Il n'est pas question ici de nous rapprocher d'eux, mais de mettre un peu plus de distance entre nous. La paille dans l'œil de nos frères et sœurs d'autres religions peut parfois nous faire prendre conscience de la poutre qui nous écrase le front, comme par exemple lorsque nous sommes aidés à critiquer les restes de stoïcisme ou d'un spiritualisme non historique à l'intérieur du christianisme lui-même, par la considération des faiblesses d'autres religions.
Le travail le plus innovateur du Bx Augustin fut une étude "De la pratique de baptiser les Images et Autres Superstitions". Dans la tradition du prophète Osée, qui en vint peut-être même à banaliser les religions des autres dans le but de présenter à Israël un miroir de sa propre idolâtrie et de le ramener au monothéisme auquel il était appelé, le Bx Augustin écrivit au sujet de superstitions, de sorcellerie, de divination, de désacralisations de lieux saints et autres choses saintes, et de bien d'autres choses, toutes étrangères à la vérité toute simple du christianisme mais malheureusement aussi trop présentes dans la réalité "de facto" de son époque.
L'autocritique est ici un premier fruit du dialogue interreligieux et une bonne base pour sa continuation. Dans ce sens, le Bx Augustin pourrait bien être vénéré comme le patron dominicain du dialogue interreligieuxDe là apparaît clairement la réponse aux objections :Ad primum. Il n'y a pas de mal en soi à la dialectique. Car comme un frère d'un autre Ordre mendiant l'a dit dans un Commentaire sur la Lettre aux Galates de St Paul, l'Evangile, comme la Croix, est une "promissio sub signo contrario". Néanmoins, les maîtres parisiens disent à l'unanimité que nous sommes sauvés non par les souffrances du Christ mais par sa charité au milieu de ces souffrances. Donc dans le dialogue interreligieux il ne s'agit pas tant de gagner ou de perdre, mais de l'amour pour ceux avec qui nous engageons la discussion. Or c'est l'amour qui a marqué la vie du Bx Augustin. Donc il est un patron idéal non seulement pour la Croatie et l'ancienne Yougoslavie, mais pour le dialogue religieux dans le monde entier.
Ad Secundum. Il n'y a pas de contradiction entre l'option préférentielle pour les pauvres et le dialogue interreligieux. Au contraire, un des critères pour mesurer et comparer la perfection relative de deux religions est de savoir si elles évitent de devenir des instruments par le biais des pouvoirs temporels de ce monde, y compris des mouvements injustes dans l'Etat comme dans la société plus large. On doit demander aux religions si elles ont prêté leur voix aux sans-voix, s'affirmant davantage (par un choix délibéré) là où l'ordre de la divine volonté a été plus profondément blessé. Or le Bx Augustin a manifesté ces deux perfections, dialogue et option. Donc, etc..
Ad ultimum. Il n'y a pas de contradiction entre les vertus acquises de talents multiculturels, incluant les langues, et les dons infus qui sont à l'origine de la conversion de celui qui écoute. Car, comment croiront-ils s'ils n'entendent pas ? Et comment entendront-ils si personne ne leur prêche ? Or le Bx Augustin Kazotic par l'apprentissage des langues et des coutumes de trois peuples, la Croatie, la France et l'Italie, s'est rendu capable d'aider chacun d'entre eux.
Donc, demandons en cette fête d'aujourd'hui l'aide du Bx Augustin pour la Croatie, pour l'ancienne Yougoslavie et aussi pour la mission de l'Ordre concernant le dialogue interreligieux. Amen.
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