08
heures +
M’endormant, m’éveillant. Cette phrase si juste de notre
trésor, laissant
chroniquement ses assiettes à demi : la vie est trop
courte pour
qu’on finisse tout. Le passé seul demeure et s’oublie (pas
toujours), tandis
que le présent continuellement nous échappe, à chaque instant
nous sommes déjà
autres et avec d’autres. L’écrivant maintenant, je dis : non,
car il y a
notre éternité qui déjà nous donne notre permanence, le vrai
de nous, le
définitif de nous… par anticipation malgré que nous demeurions
enfermés dans le
temps (mais parfois encore plus heureux que nous pouvons
jamais être
malheureux…). L’annonce de la mort, c’est la fin de l’avenir,
sa suppression,
sa réduction à ce qui ne sera jamais nos projets. Voilà pour
soi qui se débat
et examine. Alors, mes aimées, nos aimés, leur après nous,
leur vulnérabilité,
leur sans nous et au dépourvu. Organiser la suite, les
protéger. Mais reste
l’amour et la séparation. Mot si juste – également – de ma
chère mère, d’un
soir à un matin, et que j’ai, à sa demande, inscrit sur la
dalle de sa tombe,
notre tombe : a quitté tous les siens… est retournée près
des siens. L’ordalie,
l’échéancier et les étapes, que j’aurais dû d’ailleurs commencer
de parcourir,
il y a une année déjà. Les quelques lignes écrites jeudi sans
grand plaisir
mais par logique, les continuer ? continuer cela ?
Testamenter ?
on n’écrit pas le testament que l’on veut… surtout en
« écriture ».
L’inspiration me fait totalement défaut, même si je ne
commence pas d’écrire ce
matin, faute de temps : préparer ma semaine parisienne,
laisser en place
des lieux nets, les lieux de ma vie quotidienne tellement
faite de projets,
mais guère de réalité au point que même les choses, les
livres, les objets, les
papiers dépérissent, les toiles d’araignée deviennent des
voiles, peut-être des
linceuls vite. – Leçon, l’amour de celles que j’aime,
l’urgence de tout, la
dépendance même physiologique vis-à-vis de Dieu.
Dans
ces circonstances, la foi est totalement d’autre registre,
ailleurs, je sais et
je vis, dès que je reviens à moi-même, ce que me donnent la
foi, la confiance,
l’espérance. Mais dans l’immédiat, c’est l’effondrement du moi
et de ses
projets, c’est la hantise de celles que j’aime, qu’elles me
gardent en elles
mais ne souffrent pas, que le manque de moi ne soit qu’amour
et pas douleur.
Oui,
c’est
l’épreuve salutaire et la remise en selle, en branle. Ô Seigneur, Dieu de
toutes forces,
fortifie-moi, donne-moi de quoi – bien plus que continuer…
donne-moi de
commencer et de ne plus m’arrêter ni pour les autres, ce que
je leur dois, à
mes tendrement aimées, ni vers vous, mon Seigneur et mon Dieu.
– Prier…la femme
adultère… Ce que ma chère femme me commentait hier, après ses
heures de soutien
scolaire : bac de français, les Contemplations,
la mort de Léopoldine, la bascule de Victor HUGO, la liaison
de toute une vie,
par ailleurs polygame, Minou DROUET, mais lui-même en flagrant
d’adultère,
seule sa partenaire fera de la prison : trois ans, lui : son
immunité
de pair de France ? Puis hier soir : témoignages de rescapés
et
survivants, Stalingrad… Les drames… comment Jésus les reçoit,
les nôtres et les
« gère », ce que je vis, ou ce que je crois avoir à vivre
depuis hier
soir, mais qui ne sera pas ce que j’ai cru au premier
mouvement, au premier accueil,
car ce ne sera pas moi, mais l’accompagnement de Dieu, le vif
encouragement, le
penchant enfin naturel pour prier, penser à autrui, me confier
au Sauveur. Les
scribes et
les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en
situation
d’adultère… « Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le
mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus
s’était baissé et, du
doigt, il écrivait sur le sol… Il se baissa de nouveau et il
écrivait sur le
sol. Jésus réplique, ce qui est, pour ses détracteurs,
simple
dialectique : celui d’entre vous qui est sans péché,
qu’il soit le
premier à lui jeter la pierre mais plus qu’efficace,
décisif. La place est
nette. En réalité, Jésus sauve une personne et se défait des
étreintes d’une
société, d’une haine, d’un rite, et par cette rencontre de la
femme dite
adultère, il emporte celle-ci avec lui dans cette libération
qui leur devient
commune. La Résurrection est déjà là : dialectique autre,
étreinte de la
mort, libération ensemble, le Christ et les hommes [1].
Voici
que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la
voyez-vous
pas ? Feuille de route maintenant : la justice venant
de Dieu,
qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le
Christ,
d’éprouver la puissance de sa Résurrection et de communier aux
souffrances de
sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec
l’espoir de parvenir
à la résurrection d’entre les morts.
18
heures 11 +
La vie spirituelle se fonde sur le passé et sur l’avenir : le
passé puisqu’il
est mémoire des grâces reçues des circonstances dont il a été
donné d’en faire
de la suite jusqu’aujourd’hui, mesure du chemin et
orientation, et l’avenir, c’est
bien l’acte de foi, le sens de la vie, la perspective de la
vie éternelle, l’aboutissement ;
mais à la messe ce matin, aux côtés de notre trésor, servante
d'assemblée..., Isaïe : ne faites plus mémoire
des événements
passés, ne songez plus aux choses d’autre fois… et Paul aux
Philippiens, oubliant
ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le
but… je les
lis, sans me sentir en contradiction. Simplement, ce sont des
hommes, des âmes,
des itinéraires totalement dépouillés, habités totalement.
Homélie sur les parents
de Thérèse de Lisieux, vénération de leurs reliques ces
semaines-ci en paroisse
puis dans l’ancien carmel de Vannes. Eussent-ils été
« remarqués » ?
canonisés sans leur fille, sensationnelle à tous égards ? je
ne sais. Canoniser
des gens ordinaires, banaux, pieux, sans miracles
spectaculaires ? oui,
les vertus familiales, peut-être pas héroïques, mais cela se
juge-t-il
humainement et de l’extérieur. J’irai le 22, passer une partie
de la nuit à lire
leur biographie d’aujourd’hui et à relire des textes de
Thérèse, le journal
surtout, que je lus une première fois en Novembre 1984 à
Samothrace. Peut-être,
juste vingt ans la naissance de notre fille.
Honte…
nous,
les Français, et d’abord nos gouvernants depuis vingt ans. Des
dirigeants qui
ne savent pas élever l’opinion, la réflexion de ceux qui les
ont élus – élever l’opinion,
susciter l’opinion nationale non piur se faire réélire ou pour
imposer des
soi-disant réformes – mais pour maintenir le patrimoine le
plus précieux d’un peuple,
son esprit, commettent le pire péché politique, et même péché
tout court. Abaisser
un peuple… dimanche dernier, la belle surprise : 53% des
Français
considèrent l’accueil des migrants, des réfugiés en fait et en
droit, comme une
question d’honneur. Dès le lendemain, FH reçoit à l’Elysée…
des marchands
calaisiens se plaignant de la « jungle » et du tort causé à la
ville
par ces populations… hier le sondage allemand et
luxembourgeois : nous
vis-à-vis des alternatives européennes. DG, l’’un des pères de
l’Europe, le
visionnaire d’une indépendance européenne, le « faiseur » avec
COUVE
de MURVILLE et PISANI du « marché commun agricole », mis en
ballottage en Décembre 1965 : pas assez européen selon ses
adversaires et
censeurs… ballotage qui, j’en suis convaincu, le blessa bien
davantage que les « événements
de Mai » dont il apparaît de plus en plus qu’il les avait
« senti
venir ». Notre pays, notre temps : un champ de militance,
exactement
comme une paroisse même si les affinités peuvent être
difficiles à saisir, mais
il y en a, est un champ de propagation de la foi. Prier
maintenant le soir
tombe… qui sème dans les larmes, moissonne dans la joie.
La
floraison
de béatifications et de canonisations par Jean Paul II, sans
doute une certaine
banalisation montrant que toute vie – et non pas un état de
vie particulier et
généralement religieux – peut être sainte, simplement. Mais
surtout, une
perspicacité du saint pape pour reconnaître dès leur vivant
les grandes âmes
qui nous enlèvent, ainsi cette religieuse brésilienne selon
une époque et des
milieux que j’ai connus. Pourquoi pas Helder CAMARA, mais ce
dernier assez
critique sur l’élection-même du cardinal WOJTYLA.
[1]
- Isaïe XLIII 16 à 21 ; psaume CXXVI ; Paul aux
Philippiens III
8 à 14 ; évangile selon saint Jean VIII 1 à 11
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