Les grâces décisives ne sont pas celles de notre
espérance, si forte et confiance qu’elle soit, mais toujours floue et
indéterminée (ce qui est sans doute excellent, car ce flou est une remise en
Dieu)… les grâces décisives sont celles que nous reconnaissons comme telles
quand nous nous apercevons, avec retard, que nous y sommes, que la grâce nous
enveloppe, nous a pris, nous reçoit. Nous espérions notre libération, notre
veviviscence mais quand et comment, de quelle manière, aucune anticipation ni
prescience, tant nous étions à terre. Ma fatigue de ces derniers mois, même si
elle a des causes identifiées très clairement, ma déficience d’énergie et de
goût de vivre, mon errance fréquente le long de ce fleuve que je serai à devoir
bientôt traverser, celui de la mort terrestre qui ne me pèse d’avance que parce
qu’elle signifierait d’avoir à quitter celles que j’aime passionnément, et
d’avoir à laisser les tâches que je crois devoir accomplir même et surtout si
tardivement dans ma vie… et voici que je rentre de Paris, où je me suis trainé,
les pieds douloureux, le souffle court tout le premier jour, puis
progressivement, j’ai été redressé, sans m’en rendre compte : gratifié
intellectuellement par ce qu’il a m’a été donné mercredi après-midi
(l’assemblée de l’Institut Pierre MENDES FRANCE) puis jeudi dans ces quatre
salles des antiquités grecques au Louvre, puis aujourd’hui en déjeunant avec le
président des anciens de Franklin, réfléchissant ensemble en parfaite affinité
(nos vingt-six ans d’écart d’âge, mais la matrice jésuite… et une aptitude
reçue à édifier le changement complet que nous fait vivre ou subir notre
époque, de toutes ses formes et peut-être même de son fond, comme tout
simplement la matière à administrer, la pâte à faire lever, le champ de la vie
et de la mission, et cela ne change en aucune époque, surtout pour le chrétien,
surtout par toute femme ou tout homme se sentant responsable du moment de la
civilisation où il est né et qui l’a élevé… Forte stimulation intellectuelle,
autre forme de l’affectivité…
Ici, l’accueil
de notre fille restée à veiller, à m’attendre après son émission Kohlanta :
les jaunes l’emportent régulièrement, le repas de cobra grillé, la grotte au
confort et au couvert proposé. Sa seconde confection en arts plastique de la
couverture d’un livre supposé…l’intensité du non-dit mais d’un montré si
simple. Nos chiens, les horloges à remonter, ma femme dormant profondément,
l’automatisme de la conduite de la gare à maintenant, le train : une heure
de retard, la lune vive, le silence, un froid relatif mais le feu dans le
poêle, le silence, une des plus belles formes d’accueil car il dégage une forte
incitation à l’action de grâce, à la prière, à la liberté… Le Christ dans cette
nasse de la vie humaine, mais dans ce champ de nos libertés et de notre
possible conversion. – La prière est l’antidote de
la tristesse et du découragement (Évagre le Pontique). … de
nouveau, des Juifs prirent des pierres pour lapider Jésus… eux cherchaient de
nouveau à l’arrêter, mais il échappa à leurs mains… beaucoup vinrent à lui… et
là, beaucoup crurent en lui. La relation
du chrétien à son temps (rencontres et conversations de ces jours-ci, une
psycho-sociologie de l’état de siège, d’une persécution supposée, d’un dessein
anti-chrétien avec les fantasmes d’une franc-maçonnerie à la fois triomphante
et hostile : la persécution et cependant pas de réactions vraiment et
encore moins de discernement, de réflexion : dans l’affaire que doit subir
le Cardinal BARBARIN, les ouailles sont démunies et analysent l’adversaire
supposé et pas du tout le cœur du sujet ou du problème… j’en écris demain) et
la relation du chrétien à l’Ecriture, fondement de sa foi : Beaucoup
vinrent à lui en déclarant : « Jean n’a pas accompli de signe, mais
tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai. » [1]
Vive expérience-sensation que c’est Dieu qui
nous donne la vie. Rumeur et souffle de la mer. L’existence humaine est ce
combat de l’espérance, cette joie de la foi, cette constatation de notre
accompagnement : le Seigneur est avec moi, tel un
guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront
pas. Cette course-poursuite, Dieu :
Jésus, l’a vécue et avec une conscience intense et de l’aboutissement et de la
nature de cette chasse à l’homme, redoublement potentiel de l’angoisse, de la
solitude et de la tension pour l’humain qu’était pleinement le Christ. Et en
même temps, la puissance dialectique d’un enseignement : celui que le
Père a consacré et envoyé dans le monde, vous lui dites : « Tu
blasphèmes », parce que j’ai dit : « Je suis le Fils de
Dieu ». Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, continuez à ne pas me
croire. Mais si je les fais, même si vous ne me croyez pas, croyez les œuvres. Prière intime du Fils, prière intime du
persécuté : c’est à toi que j’ai remis ma cause…. Les liens de la mort
m’entouraient, le torrent fatal m’emportait ; des liens infernaux
m’étreignaient : j’étais pris au pièges de la mort. Dans mon angoisse,
j’appelai le Seigneur : vers mon Dieu, je lançai un cri : de son
temple il entend ma voix, mon cri parvient à ses oreilles… Seigneur de
l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui voit les reins et les cœurs…
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