La houle, la
tempête du cœur, les images et dialogues en salle de rédaction de
Charlie-Hebdo., les reportages d’hier soir, le témoignage de la compagne de
Charb. ancienne secrétaire d’Etat, la
France soulevée, dépassant toute communication et expression
politiques ou organisées, les rassemblements, manifestations, témoignages
depuis mercredi après-midi… beauté de notre âme nationale, de la famille de
nous tous, natifs ou sympathisants, Français de quinze cent ans ou du dernier
siècle ou de ces jours-ci, famille humaine… le chagrin, la puissance de notre
communion. – Signé la pétition [1], alors qu’en principe,
je n’en signe jamais, et couriellé à l’Elysée [2]qu’il est impensable d’exclure
qui que ce soit et quelque mouvement que ce soit des marches de dimanche, qu’il
serait bon que la participation soit sans sigle que « je suis Charlie »
et qu’enfin les autorités religieuses, sans ostentation, soient dans les
cortèges et, ce serait fort, le président de la République aussi. Réagi
aussi à l’anachronisme de la méditation, reçue ce matin, pour « la
neuvaine pour la France » :
les précédentes déjà trop à usage de dévotion en interne, celle-ci rédigée il y
a combien de temps ne participe en rien à la prière spontanée de tout homme, de
toute femme, de tout enfant de foi humaine, elle ne montre donc aucun chemin [3]– A la boulangerie, un
parent d’élève à notre école, nous parlons aussitôt de Charlie, dont il était
lecteur occasionnel, mais sa femme, par profession, très régulière, l’amusement
de le liren, la fierté et le pleur de maintenant. Communion, il m’indique le
rassemblement de dimanche à quinze heures à la Rabine. Edith nous y déposera
Marguerite et moi, puisqu’elle doit donner à ce moment-là avec notre seule
voiture, son soutien scolaire à Rohan (un Taleb… mère marocaine, père libyen,
pharmacienne et vétérinaire en Bretagne profonde…) : titre du Monde et dessin
de Plantu, justes : « le 11-Septembre français ». Le nôtre est
exceptionnel parce que ce qui a été voulu, et semble-t-il exécuté par de
véritables experts entraînés des années pour ce faire, a été nominal et très
précisément motivé. Les massacres et attentats, dont ceux ayant frappé l’Amérique
en son orgueil et en son invulnérabilité, sont d’une tout autre essence ;
ils vivent la masse, l’opinion, etc… Nous ne pouvons les rapprocher qu’avec les
chrétiens d’Irak et les Azidis, martyrs pour leur foi, là-bas, et les nôtres,
nos chers… martyrs pour l’identité française qui a toujours été une identité d’indépendance,
de liberté donc d’expression. – Parlé de ce que nous vivons en conduisant
Marguerite à Saint-André : aussitôt un exemple qu’elle me donne, peut-être
bénin mais si chaleureux, de solidarité. Dans la classe, quand quelqu’un perd
son stylo, tout le monde l’aide à le retrouver, tous sous les tables et la maîtresse
ne voit plus personne.
Messe du
matin à notre église paroissiale, comme chaque vendredi. Textes de Laudes puis de
la liturgie, je comprends comme jamais que nous ne pouvons être sauvés ni en partie
seulement, ni à petits frais : sauvés par participation ou vocation
réalisées à la divinité-même. La vie n’est pas petite ou en degrés et
qualifications divers, elle est une parce qu’elle est divine. Je m’aperçois aux
lectures qu’hier je me suis trompé. J’ai anticipé le lépreux et son dialogue si
direct avec le Sauveur. Je lis maintenant ce qui était proposé et a été vécu
par le monde en catholicité, hier [4].
Les deux
souverainetés, inséparables l’une de l’autre depuis tout commencement, depuis la Création et selon l’Alliance :
l’homme… tout être qui est né de Dieu
est vainqueur du monde. Or, la victoire remportée sur le monde, c’est notre
foi. Dieu, son Fils, Jésus assis dans la
synagogue de son village natal : Jésus referma le livre, le remit au
servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors,
il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture
que vous venez d’entendre ». Jean commente :
si quelqu’un dit : « j’aime Dieu », alors qu’il a de la
haine contre son frère, c’est un menteur. Nous
voici plongés dans l’actualité la plus sanglante et la plus communiante – à cette
heure, les deux frères djihadistes, déjà abattus ? ou prenant des otages
pour remplacer à mesure ceux qu’ils tuent pour leur crédibilité ou leur sécurité
atroces ? En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est
incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous
tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère.
Dans la zone
de la prise d’otages, les élèves du lycée, évidemment confinés comme les
salariés de l’entreprise voisine, maintenant évacués, crient : « je
suis Charlie ». – Pour mémoire, ma chère femme me rappelle l’origine du
nom : après l’incendie au bal de Grenoble, quelques cent cinquante morts,
Hara-Kiri avait titré : « bal à Colombey, un mort », c’étaient
les obsèques du général de Gaulle. L’hebdomadaire fut interdit – à tort – et renaquit
en empruntant à l’homme du 18-Juin, l’un de ses surnoms dans notre opinion de l’époque.
[1] - Publié par le Monde de
1972 à 1982 et par la Croix
de 1972 à 1997, par l'Humanité, Combat, la Lettre de Michel Jobert, je suis journaliste d’âme
par engagement civique et volonté d’expression. J'ai rencontré Charlie-Hebdo
quand il était - tampax de Lolotte noué pour toute mémoire - rue des Quatre
Marches entre Notre-Dame et rue de Bièvre.
Ce qu'il nous arrive est familial. Ils ont été la France. Ils ont été
tués, nominativement et pour nous.
Sujet :
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si ce n'est déjà convenu -
la marche républicaine est celle de toute la famille française
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Date :
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Fri, 09 Jan 2015 11:21:21
+0100
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De :
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Bertrand Fessard de Foucault
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Pour :
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Jean-Pierre Jouyet,
secrétaire général de l'Elysée
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Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,
c'est certainement l'idée du Président et la vôtre, mais il est impensable qu'il y ait des exclusives dans les marches républicaines de dimanche, et notamment celle de Paris. Toute la famille française est invitée à participer et a envie de participer. Et que l'accompagne et se mêle à elle, tout sympathisant de la liberté et de la France.
En revanche, il convient que par considération mutuelle - et même amitié - rien ne soit de groupe ou de communauté ou de parti. Donc pas de banderoles identifiant les participants ou leur titre, les uns ou les autres, les chefs et les moindres... rien que "nous sommes Charlie" ou "je suis Charlie".
Il serait très fort que le Président lui-même soit dans le cortège - comme tout Français - et que les autorités religieuses, sans ostentation et comme tout Français, participent aux défilés parisien et locaux.
Ce sont des représentants de chacun de nous - la France - qui ont nominalement été assassinés. Deuil et manifestation sont familiaux parce que nationaux, spontanés, libertaires.
[3] - Je suis sidéré que le système de fabrication a priori ou
très décalé dans le temps pour ces méditations, aboutisse aujourd'hui à une
méditation hors des événements et à une prière totalement désincarnée. Non, ce
monde n'est pas en protestation, il n'est pas binaire, il est généreux, capable
de solidarité, cf. l'immense soulèvement d'une authenticité encore plus
familiale que nationale en réaction à la tuerie nominale du mercredi 7 janvier,
rue Nicolas Appert à Paris : Charlie-Hebdo dans lequel la France s'est totalement
reconnu, pas seulement rétrospectivement.
Dieu, dans le coeur et l'intelligence de
l'homme, est plus souvent implicite, voire innommé. Laissons sourdre la prière
du pays, la prière de l'homme sans que ce soit un paquet tout fait ou une
récitation. Précisément, cet aspect-là est celui que certains chrétiens - trop
systématiques et pas assez fraternels - reprochent aux adeptes et aux
hiérarchies d'autres religions et façons de croire.
Pleurer, c'est aussi prier et appeler. Donc
espèrer
[4] - 1ère lettre de Jean IV 19 à V 4 ; psaume LXXII ;
évangile selon saint Luc IV 14 à 22
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