Méditation de Dom Courau
Ce que nous dit la Vierge à Pontmain
(17 janvier 1871)Le surnaturel se manifeste en France lorsqu’elle se trouve au bord du précipice, mettant en cela notre pays un peu à part des autres. Mais honor onus, disent les anciens, plus grand honneur entraîne davantage de responsabilité. Clovis ou Jeanne d’Arc, les apparitions mariales depuis 1830 (Rue du Bac), tout cela c’est le Ciel qui se penche sur notre histoire à bout de souffle, l’obligeant au sursum corda duquel elle a failli. En cette période de l’année, le 17 janvier 1871, Marie apparut à Pontmain, à 40 km d’une armée française en déroute vers Laval, humiliée et désespérée après la défaite du Mans devant les Prussiens. La Bretagne est alors menacée, dernière carte pour négocier un armistice pas trop indigne : mutineries, épidémies, épuisement généralisé, que faire ?
À une encablure de là donc, un trou perdu, Pontmain, hameau de moins de cent habitants y compris les nouveau-nés et une marmaille nombreuse, souffre du drame de façon un peu assourdie. Ce jour-là, l’angoisse n’empêche pas le train-train quotidien : piler des ajoncs pour le bétail, préparer les repas… À partir de 18h et jusqu’à 21h, dans un va-et-vient sur la grand’ place de l’église, deux enfants, puis d’autres voient au-dessus d’une grange, une douceur qui sourit au milieu d’un ciel très dégagé, constellé d’étoiles. De quart d’heure en quart d’heure, les enfants s’assemblent, les adultes aussi (qui ne voient pas), jusqu’à un nouveau-né qui crie en pointant du doigt, « Zésus », le seul mot qu’il sache. Deux religieuses et le curé qui tient bien sa paroisse se mêlent à la grosse cinquantaine de témoins (les 3/4 du village).
En ces heures graves, tous jouent le jeu presque d’emblée. Un épisode mérite d’être souligné, car il éclaire l’actualité d’aujourd’hui et ses tristesses. Alors que Marie souriait et attirait les sourires des enfants, jouant parfois même de ses mains comme pour cajoler de loin (au-dessus du toit de la grange), Vlà qu’elle tombe en humilité, disent-ils à un moment : en humilité, c’est-à-dire en tristesse, état de l’homme humilié, tombé à terre. Dans le brouhaha, le curé demande alors le silence. On lui propose de s’adresser à Notre Dame. Hélas, je ne la vois pas, que pourrais-je lui dire… Prions : mot-clé, celui de cette neuvaine de mois pour la France.
Au cours de la liturgie improvisée alors dans le froid piquant (chapelet, litanies, hymnes mariales, cantiques…), Notre-Dame, silencieuse, dévoile quelques symboles (croix, cierges) et surtout déroule un message tout simple sous ses pieds, à chaque intonation de ces diverses prières : MAIS PRIEZ MES ENFANTS DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS MON FILS SE LAISSE TOUCHER. Le premier mot (mais), le manque de ponctuation, le gros point, ce qui est souligné, tout cela intrigue le Français qui aime les idées claires. À Pontmain, Marie s’est moquée finement de nos désirs d’investigation exhaustive, qui nous poussent à vouloir tout savoir, tout de suite. Toujours est-il que trois jours après ce 17 janvier, contre toute attente, les Prussiens rebroussaient chemin et l’armistice était signé le 28. Conclusion : Pontmain est un trou perdu (et resté tel) ; la vraie France se joue là où elle échappe aux médias, ayant en elle l’avenir de Dieu dans sa fidélité aux gestes de la vie quotidienne, au court terme « tout bête » mais bien ordonné, laissant le long terme à la Providence qui voit plus loin que nos prudences, surtout quand elles sont affolées. Un évêque me disait récemment de S. Joseph : Plus il se cache, plus il rayonne. La vocation de la France doit lui ressembler, rayonnant dans l’humilité cachée, dans l’effort patient qui ne paie pas de mine. « Jeunesse nouvelle, jeunesse rebelle » à l’avilissement des âmes, écoute bien Marie qui te dit comment prier.
Dom Hervé
Courau
Né en 1943, le Père Hervé Courau, abbé de Notre Dame de
Triors est entré en 1964 à l’abbaye de Fontgombault où, après son ordination
sacerdotale en 1974, il a été hôtelier, puis maître des
novices. En 1984, il a été nommé à la tête de la fondation faite par
Fontgombault à Triors, dans la
Drôme, à 20
km de la ferme de Marthe Robin. Il en a été béni premier
abbé en 1994.
Commentaire BFF –
La foi en la
France, telle que viennent de la manifester ses enfants de
tous âges et de toutes croyances ou incroyances, est le chemin qui nous est
actuellement donné. C'était manifeste dans les marches républicaines
silencieuses, priantes, communiantes, respectueuses de chacun de ses
participants. La grâce de Dieu, dans une vie personnelle et dans une vie
collective - le Te Deum du 25 Août 1944 - passe par l'événement qui lie le plus
à soi, aux autres, au monde et au présent. Peu importe l'étiquette, et même le
texte que nous discernons. - Il vient de se passer quelque chose qu'il nous
faut comprendre, et dont le commentaire ne va se murmurer en chacun de nous
qu'à la longue ou petit à petit. En fait, nous aspirons à une France sainte,
que nous la voyions ainsi ou que l'incroyant la voit simplement belle et
généreuse, le musulman grande et accueillante, le juif tolérante et
compatissante. Une France sainte se reconnaît à ce qu'elle est exigeante envers
nous.
Telle que j'entends Marie à Pontmain, elle parle politique
immédiate autant qu'humilité devant la providence devant ce qui est offert et
ce qui peut se produire : le salut. Nous y sommes en ce moment tellement
français, et produisant une telle parabole pour tous, celle de la foi priante et
confiante. Circonstances comme si souvent dans notre histoire : dramatique,
sanglante, mais salut par l'unisson et la communion.
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