Le
vent, le remuement léger de tout y compris dans mon âme, ma dépendance à
moi-même, la disponibilité de mon âme à Dieu, mon cœur souffrant et cherchant
comment accompagner d’un peu de tendresse qui m’appelle en s’ouvrant [1]. Mon corps, compagnon
si merveilleux, tardivement découvert pour la rencontre qui n’est pas uniquement
de projet, d’ambition ou d’état de vie, qui peut être intime et muette, la
rencontre consacrée pleinement par une communion-là, mon corps si docile et
heureux de celle-là, quand nous faisions équipe l’un appelant l’autre, mon
corps et moi pour aller à la moitié féminine de tout, du temps, de l’espace et
de la chair. Il
ne m’en reste plus que le souvenir, qui est aussi espérance et prière… Les
rangs de prêtres âgés, le rang avant les marches d’escalier : les chaises
et fauteuils roulants, vêpres à la chapelle d’une maison diocésaine de
retraite. L’effusion si sobre de qui je pousse et range la chaise. – Hier soir,
commentaires de ma chère femme et de notre fille, le match si beau à voir, les
visages de nos amis suisses, une ambiance rare de quasi-camaraderie entre les
deux équipes. Salvador-de-Bahia, le marché couvert, le funiculaire, le port en
contre-bas, ma mère plus qu’octogénaire, notre route de Recife à Brasilia, puis
Rio, Nossa Senhora de Bomfim, les rubans qui exaucent si, tombant d’usure, ils
sont jetés à la mer ou vers ce qui peut les y mener. Brésil endogamique. L’inoubliable
et laborieuse lourdeur d’un Premier ministre avant-hier : sauver la saison
des festivals, d’un bouffon ministériel hier : habiller de volonté
patriotique et gouvernemental une prédation par l’étranger avec complices à
l’intérieur de l’avant-dernier de nos actifs industriels. A l’image de mon
corps muet, notre pays dénudé par ces passants sur scène que les politiciens
quand ils nous imposent leur précarité. Le discours-mensonge parce que le
propos et le but du texte ne sont pas ce qui est proféré. Arrière-fond décisif,
la peur de ceux dont nous acceptons qu’ils dirigent nos affaires et répondent à
notre place, contre notre sens commun, de nos intérêts, de nos envies, de nos rêves,
surtout de nos possibilités.
Prier
pour mon corps, pour ceux et celles qui appellent, pour les personnels dits
soignants des accouchements aux sénilités, ces accompagnements d’un
savoir-vivre suprême : aider d’autres à survivre et même à aimer survivre…
prier grâce à la gratuité de tout… regardez
les oiseaux du ciel… observez comment poussent les lys des champs … cherchez
d’abord le Royaume de votre Père céleste : il sait ce dont vous avez besoin,
et tout cela vous sera donné par-dessus le marché… ce ne serait que bon sens ou fatalisme si ce n’était parole de Dieu, le
Fils incarné, Lui aussi humble et pauvre, mendiant en mission, sans une
pierre où reposer Sa tête… La vie ne
vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? [2] Chaque jour de notre vie : ma femme,
notre fille et moi, il me semble que c’est une entrée dans plus de profondeur
et plus d’union… Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. Bien plus que le sens convenu et courant, c’est
de tout ce qui fait notre subsistance, notre apparence sociale, notre regard
sur nous-mêmes qu’il s’agit, et l’école du Christ ne l’ignore pas mais le
hiérarchise… cherchez d’abord le Royaume et sa justice… le regard qui n’est plus vers le sol. L’éducation par l’Histoire,
celles des peuples, des époques, la nôtre à chacun. A l’avancée de ma vie, ces
années-ci, de plus en
plus, je sais, sens et vis que tout a un sens et est voulu dans ce qu’il m’arrive
en échec, en diminution, en amoindrissement. Je vis aussi les gratifications
multiples du sourire et de la présence de qui m’aime et que j’aime, les
gratifications multiples de tant de rencontres. Prier, c’est vivre, respirer,
avancer. Et avancer, respirer, vivre, regarder, rencontrer, c’est prier… le drame
de l’impie, de la vie autre. Joas, l’ « enfant du miracle », l’apostat
qui massacre le fils de son bienfaiteur : Dieu revêtit de son esprit
Zacharie, le fils du prêtre Joad… Prophète
de malheur puisqu’homme de vérité, porte-parole… ils s’ameutèrent alors
contre lui et, par ordre du roi, le lapidèrent sur le parvis du Temple. Le roi
Joas, en faisant mourir Zacharie, fils de Joad, oubliait la bonté que celui-ci
lui avait témoignée… lorsque les Syriens partirent, laissant le roi Joas dans
de grandes souffrances, ses serviteurs complotèrent contre lui parce qu’il
avait répandu le sang du fils du prêtre Joad, et ils le tuèrent dans son lit. Textes d’Histoire… que nous disons sainte,
leçon que je ne discerne pas intégralement, sinon que Dieu est de justice, et que
nous recevons les moyens de discerner ce que nous vivons, ce qu’il nous arrive.
Pour les ramener à lui, Dieu envoya chez eux des prophètes. Ceux-ci
transmirent le message, mais personne ne les écouta.
Prier, que je prie pour écouter. Pour aimer. Apreté et pauvreté,
incapacité et fatigue sont chemin.
To:
Sent: Saturday, May 31, 2014 3:07 PM
Subject: Re:
Merci, …. Allez-vous bien ?
----- Original Message -----
From: …
Sent: Friday, June 06, 2014 6:49 PM
Subject: Re:
Pas
fameusement, Bertrand ! Je passe d'une déprime à la grippe ! Je me suis
installé pour l'été tout seul à Monestiès où mon épouse possède une maison dans
un vieux village presque rouergat, au bord d'une rivière, le Cérou, avec
une piscine dans le jardin, mais … ne veut plus y venir comme nous le faisions
chaque année depuis mil neuf cent soixante-trois. Je ne supporte pas, quand la
chaleur arrive, le climat torride d'Albi, une cuvette entourée de collines sauf
vers l'ouest et Toulouse. Le vent d'autan, une espèce de chergui, me coupe les
jambes. Il souffle bien un tiers du temps. De m'occuper d'une maison, de la
cuisine, du ménage, tout ça bouffe mon temps et j'ai du mal à en trouver pour
continuer à faire ce que je souhaite faire. J'interviens chaque jour sur
Boulevard Voltaire où s'étale beaucoup de haine brute, chez non point les
éditorialistes, mais les commentateurs libres. L'Institut pour la justice m'a
demandé une étude sur un décret portant barème que cet organisme veut attaquer
devant le Conseil d'Etat : les avocats d'aide juridictionnelle des parties
civiles sont moins bien rémunérés par l'Etat que ceux des prévenus ou accusés !
Au secours !
Il me faut élaguer ! C'est difficile pour un routinier. J'appelle Dieu à
l'aide.
Fraternellement.
----- Original Message -----
To:
Sent: Saturday, June 14, 2014 6:12 PM
Subject: Re:
Merci, ….
Allez-vous mieux ?
----- Original Message -----
From: …
Sent: Friday, June 20, 2014 9:55 PM
Subject: Re:
Ami
Bertrand, je ne vais ni mieux ni plus mal. Je me sens fatigué de vivre. Rien
que. Quatre-vingt-sept ans, ça fait long. Mon épouse …, belle folle de
quatre-vingt-deux ans dont je suis amoureux, me cause du souci. Par vent
d'autan, mais oui, elle délire sous forme de quérulence et sarcasmes sinistres
et achète quantité de babioles incongrues, mais aussi des tapis persans qui lui
assèchent son compte en banque. Quand je pense qu'elle faisait l'analyste
financier au siège social d'une grande banque ! Elle consulte régulièrement le
psychiatre de l'asile d'aliénés où elle est fichée après plusieurs internements
confirmés par le juge, mais tient ce psychiatre pour ignare et n'avale aucun
des cachets qu'il lui prescrit. Les droits de l'homme interdisent qu'on la
force à les avaler. Malgré la chaleur torride d'Albi, qui est une cuvette, … ne
veut pas quitter sa chatte Circé qui refuse d'entrer dans la cage portative et
donc je vis seul pour la belle saison dans cette grande maison à la campagne. Faire le
maître de maison me barbe. Je m'abrutis sur l'ordinateur, me baigne dans la
piscine, reçois périodiquement la femme de ménage et le jardinier, participe
aux réunions à la mairie pour l'éradication des termites. Je ne suis pas
suicidaire du tout. Simplement vide. Louange à Dieu seul ! Al hamdou lillahi
ouahda !
Mais vous,
allez-vous bien ?
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Original Message -----
Sent: Friday, June 20, 2014 11:13 PM
Subject: Re: Cent quatre-vingt-quinzième
dialogue entre amis d'enfance, dont l'un a mal tourné.
Je ne sais que vous "répondre", sinon que je vous vois,
sans vous connaître ni de visage ni de voix, que je suis avec vous. Les détails
et l'immensité totale et profonde du drame. Surtout le souvenir et la présence
d'amour, en même temps que vous partagez de force le handicap et la dégénérescence. C'est
surhumain. Je vous vois et vous entends, de coeur, intérieurement.
… , je vous embrasse, vous êtes vrai. Humain.
Les années. Pour le moment, je trouve que c'est allé trop vite,
j'ai tant à faire et peut-être à vivre. Vivre ne dépend pas du temps, mais
faire...
[2] - 2ème livre des Chroniques XXIV 17 à 25 ; psaume
LXXXIX ; évangile selon saint Matthieu VI 24 à 34
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