Hier soir
Cinéma…j’y vais avec le suspense de ne pas être admis en
paiement. Mes rangements commencés autour du bureau de ma chère femme pour en
descendre une des étagères à livres, m’ont fait égarer de la place dite
l’enveloppe aux espèces. Accueilli par trois femmes d’âge et salué de mon titre
émérite, j’ai payé sans difficulté par chèque d’autant que la machine à recevoir
les cartes n’était pas disponible. – Marius donc. J’ai d’abord craint
un mauvais « remake » des admirables noir-et-blanc de PAGNOL, trop de décor,
trop de reconstitution, trop d’accent de Marseille, mais tout de suite Daniel
AUTEUIL, empâté, vieilli, impose l’essentiel, la vérité des personnages.
Celle-ci éclate et dure avec constance, servant admirablement le texte, en
rendant surtout le tragique, en accentuant le suspense-même, parce que les
dialogues sont donnés avec des images en gros plan des seuls visages, les
regards. Il s’y ajoute – involontaire – que les trois principaux rôles : Marius,
très beau jeune homme au regard intense et à la découpe du menton superbe, les
joues légèrement creusées… Fanny, mignonne, vraie, joyeuse, élancée, sachant
pleurer, sachant prendre l’amant à bras le corps… César (AUTEUIL) ont chacun un
visage dissymétrique. Fanny a l’œil gauche avec un strabisme divergent le
noircissant encore quand elle regarde de côté, AUTEUIL cette disjonction a fait
son type, comme le bec-de-lièvre de CREMER, même le bel amoureux a dans le
regard un décalage. C’est attachant. Je ne me souvenais pas de tels suspenses,
du tel gros trait de la tendresse paternelle. Evidemment, je n’ai jamais été et
ne serai jamais insensible au nu féminin. Celui-ci, donné fugitivement mais
nettement, image immobile, Fanny nue est donnée comme une sorte d’écume pâle et
ivoirine, le corps sans une lgne qui le brise, le long de Marius, resté habillé,
tous eux gisant, l’une sur le ventre, visage invisible, l’autre sur le dos,
impassible, immobile comme un mort. L’anticipation du bonheur récitée par César
et que feint jsqu’à l’évanouissement Fanny tandis que le grand voilier de
l’aventure gagne la pleine mer, est saisissante. Rythme enfin donné par un
personnage fantomatique, le fatum, un vieillard coiffé en matelot à pompon rouge
et enveloppé dans un manteau marocain, le destin d’Orphée…– Au sortir, mes trois
groopies sans vrai texte, et dehors cinq jeunes filles, l’une quoique la tête
soit un peu trop petite sur un cou trop long, a quelque chose de Fanny : je lui
ai fait plaisir en le lui disant, mais je ne me suis pas attardé pour demeurer
dans le cheminement que m’a fait parcourir ce film. Mon congédiement horrible
par N., l’évidence rétrospective que je ne pouvais ni ne voulais épouser H. :
notre différence d’âge habillait la réalité qui était un non-amour et comme on a
dit à une époque récente, un jeu à sommes nulles, mais qui se serait mal
terminé. Moi flatté par la beauté du diable, l’extrême jeunesse, donc le bel
accessoire comme un bijou ou un costume ou un titre tous flatteurs… elle,
l’ambassadeur, l’étranger, l’échappée d’un pays et d’une certaine condition.
Puis le cocufiage et la nostalgie de son pays. J’en serais probablement mort.
Mais j’ai surtout ressenti, et je viens de le lui courieller, que j’avais à
cette époque et malgré la passion et l’orgueil que j’eus d’H., déjà et vraiment
choisi Edith. – Comme j’avais passé le rond-point de la quatre-voies vers les
éoliennes et Ambon, Marguerite m’a appelé sans que je comprenne grand-chose
d’une bande-son parfois suspendue et passant trop vite. J’ai évoqué le film et
son jumeau demain, films d’amour auxquels je souhaite l’emmener. Elle a dit avec
une joyeuse et sautillante légèreté, son envol, les mains, les bras en ailes
d’avion dans notre descente des « sentiers secrets » il ya trois semaines à
Rochebrune, qu’elle n’irait pas à ces films. Pourrai-je y emmener au moins ma
chère femme qui n’a pas pris l’appareil. Sauf pour ce premier film que nous
avons vu en renouant ici avec le cinéma – ce fut à Muzillac – Avril, je n’ai pas souvenir
qu’elle vibre autant que moi. Peut-être appréciera-t-elle Marius pour la
morphologie, mais je suis tombé, naturellement… amoureux de Fanny… comme m’avait
captivé et pris le regard de défi d’Emmanuelle BEART face au peintre-PICCOLI
dans la belle noiseuse, une fois qu’elle est nue :
qu’est-ce que je vous fais, maintenant que vous me voyez ainsi ? – Draguant,
j’ai vite ambitionné l’étreinte sexuelle mais jamais par imagination d’une
beauté splendide de corps féminin nu. Ce n’était qu’ensuite que – parfois – cela
m’apparaissait. Des mois après notre première fois pour G., jamais avec S.,
médiocre en costume de bains, et seulement en gros plan dans des lumières
orangées qui lui allaient bien dans la chambre de bonne, derrière la cuisine de
l’appartement familial. Et le corps qui me fascina : B., n’est finalement pas
exceptionnel en photos, mais il m’avait ensorcelé au point que je n’ai jamais
pris les moyens ou saisi les possibilités (s’il y en eut ?) d’assouvir un désir
qui ne prenait pas chair et n’eut pas prise sur notre couple. Ce fut un jeu, un
amour très étranges. La plupart de celles de mon passé sont inatteignables et ne
me répondent, même la chaste
Nicole B. mais qui fut amoureuse de moi
(malade, ou travaillée contre moi par OGT et PSR ?), Béatrice M. m’envoyant son
fils, Nicole J. qui ne m’a plus jamais donné signe et maintenant G. – Echange
avec Max à propos du Père VESIN [1]
, et aussi d’un passage de la Genèse, le sacrifice programmé d’Isaac. Cet homme
solide m’émeut, ses affinités avec moi telles qu’il les manifeste me touchent et
il est précieux. – Et mon cher Xavier C., désarticulé mais vivant.
Hier, en pleine nuit, un message de Jacques MYARD me donnant de
mon prénom. Pour ce genre de personnalités, je tiens qu’elles ne sont choquantes
que parce qu’elles sont inemployées soit par un des grands hommes dont notre
histoire nationale a eu tant de fois le génie, soit par les circonstances. En ce
moment et depuis quelques décennies, quantité de talents meurent de consomption,
tandis que la machine ne pousse aux manettes que des médiocres, des atrophiés de
l’intelligence, du cœur, du discernement, de l’imagination, des gens qui ne
pouvaient faire que « de la politique » au sens d’aujourd’hui et leur invasion
de ce genre d’exercice vital pour un pays a réduit la politique et le pays en ce
qu’ils sont en ce moment. La France est en jachère. Une des causes est donnée, à
mon sens, indirectement par les films de PAGNOL, qui je crois a été suspecté
comme Jean GIONO de sympathies pour Vichy, nous ne savons pas gérer notre
conscience nationale, nous ne situons pas bien où sont nos fractures et nos
dérives psychologiques, d’âme, nos confusions de genres et de valeur. Vichy est
pour plusieurs générations le type-même de cas pas ou mal diagnostiqué. Comme il
y eut le mauvais débat mal situé sur nos institutions au XIXème siècle, sauf par
Napoléon III mais 1870 a tout obscurci et surtout périmé. La véritable
opposition PETAIN-de GAULLE est que le second est principalement affectif, pas
le premier. C’est saisissant sur une photo que j’affectionne du Général
(collection Claude GUY via
Jean MAURIAC) à l’instant de commencer la descente des
Champs-Elysées le 25 Août 1944, et une que je découvre, PETAIN le 25 Novembre
1918 au seuil, dans un groupe, de la préfecture à Strasbourg : l’un émouvant de
vulnérabilité, l’homme de l’appel, ce qui veut bien dire la dépendance, l’autre
fascinant de présence impassible, de conscience d’être soi, tous deux saisissant
de différences..
Ce matin
Prier… Jephté était un vaillant guerrier. L’esprit du Seigneur s’empara de lui [2]. La Bible est fréquente de ces mentions de l’Esprit du Seigneur, de l’ange du Seigneur, mais aussi des esprits, d’un mauvais esprit. L’Esprit Saint est – même en ne tenant pas compte de la révélation trinitaire – une notion très importante, il y a les esprits de toutes sortes et il y, tout autre et tout-puissant, décisif à jamais, l’Esprit Saint, réalités spirituelles ? affleurement de l’éternité en nos vies limitées ? Sacrifice d’Isaac… mais aussi sacrifice de la fille de Jephté : Iphigénie. Pourtant Jephté est inspiré de Dieu… et le vœu qu’il fait est insensé, puisqu’il s’agira forcément de tuer de sa main un de ses proches, quoiqu’il ne sache pas encore qui … Si tu livres les Ammonites entre mes mains, la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre quand je reviendrai victorieux, appartiendra au Seigneur, et je l’offrirai en sacrifice d’holocauste. Affreux, et aujourd’hui encore : indigeste et terrible. Hélas, ma fille, tu m’accables ! C’est toi qui fais mon malheur ! J’ai parlé trop vite, devant le Seigneur, et je ne peux reprendre ma parole. Hérode devant sa cour avinée… et reprocher à sa propre fille d’être venue, joyeuse, à sa rencontre… Lamentable. Et ceux qui se délient au contraire – avec ou sans débat – de vœux sacrés. Tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : « Voici, je viens ». Comment lire cela ? Je ne sais pas. Elle s’en alla donc, elle et ses amies, dans la montagne, et elle pleura son malheur. … le malheur de mourir sans avoir connu le mariage. Parabole des noces royales : il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Incompréhensible refus de fête… alors tous ceux que vous rencontrerez, invites-les au repas de noce. Personnage mentionné mais en retrait, plus évoqué ensuite : le fils, celui qui se marie, celui en l’honneur de qui tout ce « ram’dam » est organisé. Le Père et le Fils, discrétion et universalité de la grâce. Le pauvre type aussi : il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce… comment celui-ci l’aurait-il pu ? peut-être un clochard à un carrefour, ramassé par la maraude, celle des serviteurs chargés de remplir la salle. « Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ? ». L’autre garda le silence alors que la réponse était facile, je suis pauvre et nu comme Job, tes serviteurs m’ont amené de dessus le tas de fumier. La conclusion est aussi paradoxale que l’ensemble des textes de ce jour : certes, la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. Le jansénisme part de là, effrayé et rigoureux. Les neuvaines, les âmes du purgatoire et toutes rogations échangistes avec Dieu sont ce désespoir d’émouvoir le divin, regardé en idole. Paradoxes de Dieu, paradoxes des hommes rapetissant ainsi Dieu, faisant leur dieu, comme Jephté. C’est la foi d’Abraham, résolu, sur ordre au sacrifice abominable, à l’infanticide, dans l’illogique de la promesse divine qui serait alors anéantie, plus de descendance alors que celle-ci avait été tant espérée, demandée et si difficilement obtenue, c’est la foi de notre père dans la foi qui fait surgir le bélier, empêtré dans le buisson, la foi qui donne la solution, provoque l’intervention divine. Que ne le fais-je !
Sent: Wednesday, August 21, 2013 10:32
PM
Subject: Re:
La
démarche auprès du pape de ce prêtre franc-maçon me plaît, mais il faudrait
quand même qu'il explique à ses frères chrétiens :
-
pourquoi, au lieu d'une obédience déiste, il a choisi le grand orient,
inspirateur ou tout au moins souteneur actif, si j'en crois ce qu'écrit mon
fils, des réformes sociétales actuelles, même et surtout si elles contreviennent
gravement à l'enseignement de l'Eglise relatif au respect de la vie humaine et
des lois naturelles,
-
comment il justifie la mise par lui sur le même plan de son sacerdoce et de son
appartenance maçonne, au point pour lui d'avoir bravé sa hiérarchie qui lui a
imposé le choix. Il me semble que pour un prêtre son sacerdoce supplante
largement, en éminente dignité et en vocation au don de soi-même, n'importe
quelle autre appartenance. Le christ Iéchoua' me paraît très clair à ce propos.
Je cite de mémoire : celui qui me préfère son père, sa mère, son épouse, son
fils, sa fille n'est pas digne de me suivre. Il disait cela en outre, non pas
pour les prêtres chrétiens, dont il ignorait humainement l'institution future,
mais pour tous ses disciples.
Je
souhaite que l'ancien curé de Megève, prêtre insolite mais dont la foi n'a pas à
être mise en doute, retrouve son ministère à condition qu'il confirme à son
évêque puis à ses paroissiens que son appartenance maçonne a pour but principal
d'apporter à ses amis du grand orient un témoignage chrétien par l'exemple et
pour but second de ne point décevoir leur amitié. J'aimerais bien connaître la
suite de sa démarche à Rome. J'espère que notre pape François rendra publique sa
décision motivée.
Fraternellement.
----- Original Message -----
Sent:
Wednesday, August 21, 2013 11:46 PM
Subject: Re:
Tout à fait d'accord,
cher frère.
Le "problème" pour moi,
et pour tous jusqu'à présent, est que le Père Vesin, après avoir chaleureusement
accusé réception de mon message d'accompagnement, ne m'a plus donné signe de
vie. Il reçoit depuis ces "textes du jour" quotidiennement comme vous, et son
évêque d'ailleurs. Je n'ai donc aucune explication de lui, sur le fond, et je ne
sais pas non plus - sur le plan pratique - comment il organise sa visite au
Pape.
Je ne sais pas non plus
si nous saurons ce qui se dira et s'échangera, se décidera - entre lui et le
Pape, ou à un autre "échelon". Pour la généralité, sauf à l'époque - maintenant
très ancienne, plus de trente ans - où Le Monde me publiait si fréquemment et en
si bonne place, je n'ai jamais eu d'écho, sauf rarement et très indirectement,
de l'effet de mes combats sur la cause que je tentais de défendre ou
d'accompagner. Je prends date pour l'éternité. Je ne me serais pas pardonné si
je n'avais tenté telle démarche ou tel accompagnement. C'est moins usant qu'on
ne peut le croire, mais parfois quand même...
[2] - Juges XI 29 à 39 ; psaume XL ;
évangile selon saint Matthieu XXII 1 à 14
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