Si je ne suis plus que dans
les souvenirs ou l’exploitation du stock, alors je suis très vieux et je pèse
sur mes aimées. Si au contraire j’ai des projets, encore, alors je suis vivant
et je les entraine, les magnifie, les libère.
Ceux dont on prend congé
avant un revoir convenu quelques jours ensuite mais dont on ressent aussitôt
qu’on ne les reverra plus. Les séparations du vivant sont bien plus décisives
que la mort, car celle-ci ne fait pas évoluer le stock du souvenir, rien ne
continue et tout devient intangible, donc apte à la mémorisation et à la
disponibilité totale au souvenir. Au contraire, les vivants qui se séparent
continuent chacun, la vie ajoute à la vie, et elle échappe à mesure d’autant
plus au souvenir, elle le nie souvent, elle rend impuissante la mémoire. Je viens de le
vivre, l’accompagnement ne sera plus que mental et l’autre une supposition. Les
ruptures ou les distanciations en amour, même et surtout si elles ont pour
prétexte de reprendre souffle ou de faire le point pour mieux se retrouver et
alors définitivement, sont de cet ordre : le dernier toucher du regard, de la
main et peut-être du baiser est une porte se refermant, qui ne s’ouvrira plus
jamais. Je l’ai vécu sans qu’une décennie et parfois plusieurs effacent
l’instant d’avant que la porte se referme et où peut-être il était… il eût été
encore… Le critère de l’amour est précisément que ce soit cet instant "d'avant"
qui triomphe et fasse point de départ alors que tout « devait » l’empêcher.
A la gare, le jour
pointant, un jeune en sac de couchage, contre le mur, pas loin du distributeur
de billets, le long de lui, son chien, avec son propre tapis, la gamelle d’eau
et une grosse écuelle de croquette, et à sa tête un petit poste de radio débitant les
programmes du matin… Prier… [1] de l’incroyance, du polythéisme où naissent les fils
de Térah à la foi d’Abraham. Des terres d’origine au-delà de l’Euphrate à
Canaan, à l’Egypte et au passage du Jourdain. L’ « histoire sainte » de chacun
et l’histoire de l’humanité. De hauts faits que ceux de Dieu disposant des
territoires, des adversaires… mais l’humanité sait-elle conclure ? Même
indigence, celle des apôtres à propos du mariage – raisonnement analogue à celui
d’origine pour le droit du travail : on n’embauche pas si on ne peut pas
licencier, on ne se marie pas si l’on peut pas divorce… Est-il permis de renvoyer sa femme pour n’importe quel
motif ? … Si telle est la situation de l’homme par rapport à la femme, il n’y a
pas intérêt à se marier… Ayant défini que
l’homme et la femme, ne sont plus deux, mais un seul. Donc, ce que Dieu a
uni, que l’homme ne le sépare pas ! Jésus
énumère ensuite les cas où des gens ne se marient pas. Incapacité, mutilation, consécration à
cause du Royaume des cieux. L’initiative
masculine du mariage : l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera
à sa femme…. n’est donc pas l’ouverture à
l’homme, discrétionnairement, de la répudiation de sa femme. – L’indissolubilité
du mariage est d’ailleurs conforme à l’expérience psychologique du couple. Se
mettre à la place de l’autre fait comprendre et donc accepter, mieux qu’excuser
ou tolérer, les répliques ou les souffrances, déceptions qu’il/elle nous a fait
endurer. Le compagnonnage revient à proportion que nous sommes décentrés et –
d’âme, de cœur et d’intelligence – portés au sein de l’autre. Nous sentons alors
que le couple n’est pas une volonté unilatérale, un désir, un calcul, un projet,
pas davantage une construction à deux, il est réellement ce qui nous échappe,
nous structure, nous constitue, nous dépasse et nous enveloppant nous unit.
L’expérience est là, sans doute par bénédiction et volonté du Créateur, quelles
que soient nos croyances ou nos histoires (le sacrement chrétien du mariage en
donnant un gage, vivement ressenti pendant que nous nous l’administrons
mutuellement par l’échange de nos consentements devant Dieu et devant les
hommes), mais plus encore parce que l’homme est à l’image, à la ressemblance de
Dieu. L’enfant le voit et le dit bien mieux – âme nue – il veut le couple de ses
parents, bien plus que par besoin de sécurité ou de sa propre unité intérieure,
il le veut parce que c’est un fait et que le début de l’expérience, de la
conscience et de l’expression de la liberté humaines est manifestement un
consentement heureux et reconnaissants aux faits majeurs qui sont pour nous la
réalité, apparemment extérieure. Cekui qui peut comprendre, qu’il
comprenne ! L’amour comprend d’emblée,
même s’il ne dispose d’aucun mot ni concept. – Tu m’as montré, Seigneur, la
route de la vie, tu m’as rempli de joie par ta présence. C’est
seulement à propos de l’union de l’homme et de la femme, que Jésus emploie
autrement la locution
Lui faisant préciser à Pierre comment et pour quoi il sait …
une connaissance, une compréhension ne tenant qu’à la révélation directe par
Dieu. Ce n’est pas tout le monde qui peut comprendre cette parole, mais ceux
à qui Dieu l’a révélée.
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