wikipédia à jour au 8 mai 2022 ; consulté à la fête liturgique, le 25 janvier 2023
La Conversion de Saint Paul par Francisco Camilo (1667), musée de Ségovie (Casa del Sol), Espagne.
La conversion de Paul, décrite dans le Nouveau Testament, se réfère à l'un des événements de la vie de Paul de Tarse. C'est une fête des Églises chrétiennes célébrée le 25 janvier selon le Martyrologe romain1.
Autour de cette date a lieu chaque année la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens.
Récits de la conversion
Épîtres de Paul
Dans ses épîtres, qui constitue une source de première main, Paul traite de sa conversion de manière brève.
« Et après [avoir été vu de] tous, il a aussi été vu de moi, comme de l’avorton ; car je suis le moindre des apôtres, et je ne suis même pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. »
— 1 Corinthiens, XV:8-9 ; traduction Bible annotée de Neuchâteln 1.
« Or je vous fais connaître, frères, que l’Évangile qui a été annoncé par moi n’est point selon l’homme ; car je ne l’ai reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. […] Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonçasse parmi les païens, aussitôt, je ne consultai point la chair et le sang, et je ne montai point à Jérusalem vers ceux qui avaient été apôtres avant moi ; mais je m’en allai en Arabie, et je revins de nouveau à Damas. »
— Galates, I:11-12 et 15-16 ; traduction Bible annotée de Neuchâtel.
Actes des Apôtres
La Conversion de Saint Paul par Spinello Aretino (vers 1392), the Met, New York.
Dans le livre des Actes des Apôtres, la conversion de Paul est abordée à trois endroits différents, et cette expérience y est beaucoup plus détaillée que dans les épîtres. Ils décrivent la conversion comme un évènement qui s'est déroulé au moment où Paul était en route vers Damas. Jésus lui apparaît, et il tombe de cheval à la suite de cette vision. Paul est ensuite emmené à Damas, où il est baptisé par Ananie, qui aurait reçu l'ordre de Dieu de l'accueillir parmi les saints. Les trois récits de cette conversion se situent en IX:3-9, XXII:5-11, et XXVI:13-19. Le premier est raconté par l'auteur des Actes, tandis que les deux autres sont racontés par Paul, lorsqu'il est emprisonné à Jérusalem puis à Césarée. Ils diffèrent entre eux à différentes échelles.
Différences entre les récits
Il y a des divergences plus ou moins légères dans le dialogue entre Jésus et Paul, mais il y en a une qui est nette entre ce que les gens de la caravane, qui accompagnaient Paul virent ou entendirent (ou non) et ce qu'ils firent :
« Or les hommes qui faisaient route avec lui s’étaient
arrêtés muets, entendant [φωνῆς, phonês]
bien la voix, mais ne voyant personne. » (Ac IX:7.)
« Or
ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils
n’entendirent [ἤκουσαν, ēkousan]
pas la voix de celui qui me parlait. » (Ac XII:9.)
« au
milieu du jour, je vis, ô roi, sur le chemin, une lumière qui
venait du ciel, et dont l’éclat surpassait celui du soleil,
resplendir autour de moi et de ceux qui faisaient route avec moi. Et
nous tous étant tombés par terre, j’entendis [φωνὴν,
phonèn] une voix qui me dit
en langue hébraïque […] » (Ac XVI:13-14a)
Dans le premier récit, Paul voit la lumière et ses compagnons entendent la voix ; dans le deuxième, ils tombent par terre à cause la lumière, mais seul Paul entend la voix ; dans le dernier, Paul et ses compagnons tombent et sont enveloppés de lumière, mais seul Paul entend la voix. Ἄκούω signifie « entendre » mais aussi « comprendre » quelqu'un ou quelque chose2, et φωνῆ « faire entendre un son de voix »3. La Tradition apologétique chrétienne croyant la Bible inerrante, elle suppose que les caravaniers entendirent, mais ne comprirent pas ce que Jésus dit à Paul, car le premier aurait parlé « en langue hébraïque » : « Il n’était pas moins naturel que le Seigneur, s’adressant à un Israélite, employât sa langue maternelle, celle de son enfance et de ses impressions religieuses les plus profondes »4. « De même, ils ne virent personne, aucune forme distincte, mais seulement une lumière5. »
Fiabilité du récit des Actes
Des exégètes, même chrétiens, ont toutefois relevé que l'épisode du chemin de « Damas n'a jamais été relaté par Paul dans ses lettres », la mention de l'avorton évoquant « un événement extérieur, mais sans en esquisser le moindre récit »6.
Les Actes des apôtres, s'ils furent longtemps attribués à Luc comme l'Évangile selon Luc sont des récits apocryphes — l'auteur est inconnu. Le Pseudo-Luc écrit à l'époque de la troisième génération de chrétiens (80 et 100 ap. J.-C.) ce qui s'est passé entre les années 30 et les années 60, il a un projet théologique et historique qui va orienter son récit. Le récit s'insère dans l'ouverture du christianisme vers les païens plutôt que vers les juifs : « Luc montre ainsi comment Dieu élargit le cercle des élus » note le pasteur Élian Cuvillier. Ce dernier note encore que Paul ne parle pas de « conversion » mais d'une « révélation »7.
Fête
La conversion de saint Paul est fêtée dans le calendrier liturgique chrétien le 25 janvier1 (attestation de la date à partir du IXe siècle dans les martyrologes du Moyen-Âge) et conclut la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens8.
Références culturelles
Peinture
La Conversion de Saint Paul, par Murillo, se rattache à une tradition iconographique dans laquelle Saul a encore une jambe au-dessus de l'encolure du cheval9.
La conversion de saint Paul a été représentée par de nombreux artistes, parmi lesquels Albrecht Dürer, Giovanni Bellini, Fra Angelico, Fra Bartolomeo, Pieter Brueghel l'Ancien, Rubens, William Blake et Luca Giordano. Le peintre italien Le Caravage a réalisé deux tableaux sur ce thème : La Conversion de saint Paul et La Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas.
Traditionnellement représenté à pied, une nouveauté principale au XIIe siècle est l'introduction du cheval dans l'iconographie de l'événement de Damas (alors que le récit biblique ne mentionne pas cette monture, rarissime dans l'Antiquité, les voyageurs ordinaires circulant à pied). Cette nouvelle tradition iconographique s'avère n'être pas sans signification spirituelle et anthropologique : terrassé dans son orgueil, Saul tombe de très haut10.
Littérature
Le chapitre 17 du roman Homme invisible, pour qui chantes-tu ? de Ralph Ellison évoque cette conversion11.
La conversion de Paul est également évoquée, sans la mentionner directement, dans le roman Pour qui sonne le glas d'Ernest Hemingway, à propos des remords de Pablo à la suite de sa trahison de la bande de Robert Jordan, la nuit précédent l'attaque du pont.
Notes et références
Notes
Sauf mention contraire, toutes les traductions des extraits bibliques présentés dans cet article sont de la BAN.
Références
« Conversion de Saint Paul » [archive], sur nominis.cef.fr (consulté le 25 janvier 2021)
Bailly 2020, p. 153.
Bailly 2020, p. 2509.
Etienne Trocmé, L'enfance du christianisme, Paris, Hachette, 2009, 215 p. (ISBN 978-2-01-270541-8), p. 83
Elian Cuvillier, « La conversion de Paul, regards croisés », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 6 | 2009, mis en ligne le 18 septembre 2009, consulté le 13 juin 2021. URL : http://journals.openedition.org/cerri/373 [archive] ; DOI : https://doi.org/10.4000/cerri.373 [archive]
Yves Congar, Essais œcuméniques : le mouvement, les hommes, les problèmes, Le Centurion, 1984, p. 41
François Boespflug, « La conversion de Paul dans l'art médiéval », in Paul de Tarse, Cerf, 1996, p. 147-168.
(en) Barbara Foley, Wrestling with the Left. The Making of Ralph Ellison’s Invisible Man, Duke University Press, 2010, p. 410
Voir aussi
Articles connexes
Sur les autres projets Wikimedia :
Conversion de Saint Paul, sur Wikimedia Commons
Liens externes
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La conversion de Paul, une expérience indicible
Nous fêtons le 25 janvier la conversion de saint Paul. Comme toute conversion, celle de Paul sur le chemin de Damas résiste à toutes les explications. Paul lui-même nous offre quelques clés pour s'approcher du mystère. Par le P. Marchadour, bibliste.
Père Alain Marchadour, bibliste - Prions en Église,
le 02/10/2008 à 14:29
Modifié le 27/01/2021 à 13:08
La conversion de Paul par le Caravage
Paul est alors un jeune homme d'à peu près 35 ans. Né dans la diaspora, il a vécu dans un environnement culturel hellénistique, tout en étant fortement protégé dans son identité juive. Comme sa famille, il appartient à la tradition pharisienne, ce mouvement spirituel laïc né au IIe siècle avant Jésus en Israël. Ici le livre des Actes et les lettres concordent : "Je suis pharisien, fils de pharisien", dit Paul (Actes 23,6). Dans sa lettre aux Philippiens il se présente fièrement : "circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d'Hébreux ; pour la loi pharisien" (Philippiens 3,5). Il a même été élevé "selon la tendance la plus stricte de la religion, en pharisien" (Actes 26,5-15).
Un fou de Dieu
Saul a été formé pour pratiquer et faire respecter la tradition pharisienne, en particulier dans toutes les exigences de la Loi. C'est son zèle pour la Torah qui explique son hostilité contre les disciples de Jésus. et la "persécution" qu'il mène contre l'Église (Actes 22,4; 26,11; Galates 1,13 ; Philippiens 3,6). Quel genre d'intervention musclée pouvait-il se permettre alors que Rome avait le monopole des arrestations, des incarcérations et des exécutions ? À moins que ce soit un genre de lynchage populaire, commis hors légalité, comme ce fut le cas pour Étienne (Actes 7,57-58).
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Par contre le comportement de Paul montre qu'il avait des informations assez précises sur le mouvement de Jésus pour en mesurer la dangerosité pour l'avenir du judaïsme auquel il croyait. Est-ce le rôle revendiqué par Jésus qui l'inquiète, ou bien est-il scandalisé par les disciples juifs de Jésus, qui rejettent les exigences de la Torah avec ses 613 commandements ? Un tel renoncement aux fondements de toute sa vie croyante lui est insupportable.
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L'irruption du Christ
Et voici que son combat, qu'il croit sincèrement conforme au projet de son Dieu, est remis en question radicalement à la suite de l'irruption de Jésus dans sa vie, à la fois fracassante et discrète.
Fracassante : c'est la triple version qu'en donnent les Actes des Apôtres (Ac 9 ; 22 ; 26). L'homme plein de certitudes sur son Dieu, se fait renverser sur le chemin de Damas. Ses yeux de chair se ferment pour s'ouvrir devant le révélateur qu'il combattait : Il tombe à terre, est aveuglé par la lumière de Dieu : "Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? Je suis Jésus que tu persécutes". C'est tellement bouleversant que Luc n'hésite pas à nous le raconter trois fois. L'un des éléments les plus solides de ces trois récits, est le rôle d'Ananie, le premier chrétien qui a introduit dans l'Église Saül le converti.
Le même Paul manifeste une grande pudeur dans son courrier. De ce qui est survenu sur le chemin de Damas, il ne parle que lorsqu'il y est contraint, pour se défendre contre les attaques. Il en parle en des termes allusifs : "Il m'est aussi apparu, à moi l'avorton. (1 Corinthiens 15, 8)… N'ai-je pas vu Jésus notre Seigneur ? (1 Corinthiens 9,1). Dieu a jugé bon de révéler en moi son fils (Galates 1,15) …J'ai été saisi moi-même par le Christ Jésus…" (Philippiens 3,12). C'est par ces images que Paul le converti tente de rendre compte de l'expérience indicible qui fut la sienne.
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