Jeudi 13 juillet 2017
07
heures 27 + C’est donc acquis, ce mois d’Août que je
pensais avoir à moi, sera
continûment occupé par la présence de tiers. Etre chez
soi, je le réalise quand
la sensation m’est physiquement imposée que je n’y suis
pas (la disposition de
mes aîtres, lieux et objets usurpés sans même un préavis
ou la phrase de
demande par politesse), c’est en fait être… seul ? Je ne
sais. En allant
me coucher, je souhaite en montant jusqu’à son endroit du
moment, la télévision
sans lampe d’appoint, la guerre des
deux roses et une jolie scène de lit, les
peaux orangées, seulement des
moments et paysages en gros plan des deux corps : a-t-il
jamais vécu cela
depuis trente ou quarante ans. Je l’évoque, je lui
souhaite, il grommelle à
peine. Ses deux maximes de vie : au jour le jour, chacun
dans sa merde. Et
pourtant il vit, il est capable de ne pas se détourner de
ses mots croisés ou
de la lecture de quelques lignes de journaux tabloïds
qu’il achète
ostensiblement alors que Le Monde est en pile et à sa
portée. Je vis alors un
mouvement intime que je ne sais décrire, je ne sais non
plus ce qu’il éprouve,
ressent-il que malgré de telles différences apparentes,
une absence de
sensibilité et de considération à ce que je suis ou à ce
que je vis et à ce que
je veux, quelque chose qui ressemble à une relation avec
moi ? j’avais hasardé,
en réponse à son évocation de ceux qui investissent dans
des croûtes (nos murs
sont faits de pierre mais aussi de toiles diverses venant
d’un peu partout,
surtout du Brésil, de France-Comté, du Kazakhstan, du
Portugal : figuratives,
mais surtout colorées ou sans
vivacité que la contemplation ou le silence qu’elles
inspirent, apportent…
hasardé : vous aimez quelques-uns de nos tableaux ? vous
aimez cette
maison ?des moues, du silence, le fait qu’il offre le
visage et lève les
yeux, au lieu de ne présenter que le minimum, son profil,
est une réponse. Je
ne peux la prendre que comme un fait avec lequel je dois
vivre, pas même une
dénégation. Lui souhaiter une bonne nuit, tenter d’entrer
dans sa vie, dans ce
qui vit et dont je ne sais ni le mouvement ni le langage
puisqu’il n’en exprime
que sa présence physique, son mutisme et que chacun de ses
mots quand il y en a
n’exprime que… du vide, l’absence de liberté, l’absence de
sensation d’être
libre et qu’aucun événement ne se produit qu’il identifie
comme un mouvement.
Il est éloquent, désespérant et vrai comme les trois
poissons de notre fille
dans leur aquarium à vie, à mort, nulle part ailleurs et
que là.
Depuis
un mois, deux mois, après l’échec de mon livre politique,
faute que ma campagne
ait même laissé une buée ou un trait d’ongle sur quelque
vitre que ce soit –
pas une réponse à près de dix mille envois, il est vrai
non nominatif puisqu’il
me faudra dresser la liste des adresse internet, sans
doute seul, 30 ou 40.000
noms dits propres ou de personnes – je cherche le
« sujet », le thème
qui soit en ma capacité et que quelqu’un, ou quelqu’une
dans l’édition
accueille, apprécie et veuille promouvoir… j’avais trouvé,
sans plan, ni ordre,
de courts moments où j’essaie de sortir de moi la
sensation-souvenir-expérience
de ce qu’est la vie puisque j’en ai vécu une, en bien plus
d’années et de
situations sans doute que beaucoup, fait de l’âge,
presqu’uniquement, et que
j’en ai moins « devant » moi que « derrière », la ligne du
temps : sur l’essentiel, notre situation cosmologique,
notre analogie à
tout l’univers, notre solitude et notre habitation
mutuelle avec tout le
vivant, individué ou pas, nous n’avons pas les mots, que
fugitivement la
sensation, et – divinement – l’inspiration pour, très
parcellairement, le dire.
Et puis manifestement, ce qui a plu aux quelques-uns qui
m’ont lu, en ce livre
bleu ciel qui est moi sans être moi car l’impression,
l’aération, la bonne
place des mots et des titres, n’y sont pas, que le plus
probant est cette image
de couverture, pas assez grande, datée de maintenant loin,
mais qui est moi
puisque notre fille est dans mes bras et qu’ensemble nous
regardons ce que la
photographie n’indique pas… ce qui a donc plus, ce sont
les rencontres qu’il
m’a été donné de recevoir. Donc, deux livres à la fois, ce
maintenant de la vie
où la rétrospection est possible, et ces rencontres sans
ordre que leur
présentation à ma pensée et – si je le puis – à mon
écriture.
07
heures 57 + Les thermos garnis, le rythme de la casserole
à desservir, la tasse
de ma chère femme déposée à son chevet, le premier
courriel à expédié : ma
salutation, notre présent et la garantie d’amour que nous
vivons ensemble plus
encore que nous ne l’échangeons. – Tout à l’heure, Lupa
sans que je la sépare
de Andy, pour le trajet chez notre vétérinaire : la
stériliser. Notre
signature, la date à retrouver, il y a deux mois ? pour
que soit
abandonnée la conservation des paillettes constituées il y
a bientôt dix-sept
ans. Comment m’est donnée cette assurance, cette
confiance, cette foi sans nom
que son Auteur en moi, comme en beaucoup, comme en nous
tous même si tous nous
ne l’identifions pas ? cette foi que la mort, certainement
invivable,
prévisible souvent – état de santé, médications et examens
nombreux,
périodiques – mais inattendu de date et d’accompagnement
par autrui, un autrui,
l’autrui de notre vie… est vraiment un débouché, une
entrée, une arrivée enfin
dans… à … Je ne sais. Mais je sais. Je n’attends pas même.
Thème de mon livre
initial : comment depuis toujours suis-je dans ces
certitudes et
convictions en presque tout. Relation à l’univers, à Dieu
de confiance et
d’éblouissement sans fatigue, le
témoignage de la beauté, la beauté ni absolu ni propriété
de qui que ce soit,
de quoi que ce soit, la beauté qui est mise en relation,
et dont la laideur ne
diffère pas, car elle est autant relationnelle. Cela a
toujours été de moi à
tout. La politique, l’habitation et l’enveloppement par la
lecture, par
l’écriture, par le tableau qu’il m’est donné de voir et
regardé, par cette symphonie
que je ne connaissais pas, dont je n’avais jamais rien su
et qui commence pour
moi, dans cette salle magnifique et simple à Vienne, à
quelques semaines de mon
départ pour l’inconnu d’un pays et d’une fonction. Vivre,
c’est résonner.
23
heures 27 + Matin, midi et soir, trois étapes si
différentes. Sur cela :
chacune…, comme sur ce qui prend de plus en plus forme de
système et de manière
pour nos cinq ans de futur immédiat en principe, comme
surtout sur ces
tendances lourdes à nous tromper, humanité entière et
particulièrement nations
actuellement dirigeants, je réfléchirai demain. J’espère
aussi avoir l’heure ou
les heures nécessaires pour lire et annoter la
présentation d’EM, à Versailles.
– Ce soir, la conclusion des
trois jours d’école de prière pour Marguerite et seize
autres enfants à peine
plus jeunes ou de son âge. Que de rencontres encore. Et
puis, nos ambiances
conjugales, familiales.
Prier…
[1]
les retrouvailles :
Joseph et ses frères assassins. Mais
maintenant ne vous affligez pas, et ne soyez pas tourmentés
de m’avoir vendu,
car c’est pour vous conserver la vie que Dieu m’a envoyé ici
avant vous. Plan de
Dieu, qualité des hommes. L’histoire
de Joseph est à lire d’affilée, comme celle dans un tout
autre genre de Tobie
et de son père. C’est passionnant parce que c’est vécu
mais ce nous est
restitué comme un conte. Le psalmiste suit, « vignette »
par « vignette »
le récit de la Genèse. La mission,
les missionnaires : des pouvoirs extraordinaires pour
appuyer une prédication
archi-simple, dans une condition de voyageur absolument
démunis de tout. Le
royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades,
ressuscitez les morts,
purifiez les lépreux, expulsez les démons… ne vous procurez
ni or, ni argent,
ni monnaie de cuivre à mettre dans vos ceintures, ni sac
pour la route, ni tunique
de rechange, ni sandales, ni bâton. Quoi
de plus parlant, rien à prêcher, rien à pénétrer, pas même
à contempler, nous
fondre : être les frères de Joseph, agents du destin par
leur dessein meurtrier-même,
être de ces disciples qui ont envoyés. La grâce et le
dénuement. De forces que
surnaturelles, de sens et de dialectique que selon Dieu.
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