SERMON DE SAINT BERNARD
Fixons-nous solidement au rempart ; appuyons-nous de toutes nos forces
sur le roc inébranlable qu'est le Christ, selon cette parole de
l'Écriture : Il m'a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas.
Ainsi établis et réconfortés, mettons-nous à contempler : nous verrons
ce qu'il nous dit et ce que nous répondrons à qui nous fait reproche.
Le premier degré de la contemplation en effet, mes bien-aimés, c'est que
sans cesse nous considérions ce que veut le Seigneur, ce qui lui plaît,
ce qui lui est agréable. En beaucoup de choses nous l'offensons tous,
notre manque de simplicité heurte la droiture de sa volonté, et cela
nous empêche de nous unir, de nous attacher à lui. Humilions-nous donc
sous la main puissante du Dieu très-haut et hâtons-nous d'exposer toute
notre misère devant les yeux de sa miséricorde en disant : Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri, sauve-moi et je serai sauvé, et encore : Prends pitié de moi, Seigneur, guéris mon âme, car j'ai péché contre toi.
Lorsque l'œil du cœur est purifié par ce genre de pensées, nous ne
vivons plus le cœur plein d'amertume mais dans les délices qui se
trouvent en l'Esprit de Dieu. Déjà nous ne considérons plus quelle est
la volonté de Dieu sur nous, mais quelle est cette volonté en elle-même.
Car c'est dans sa volonté qu'est la vie, et absolument rien n'est plus
utile et plus avantageux que de s'accorder à sa volonté. Et c'est
pourquoi l'empressement que nous mettons à vouloir conserver notre vie,
mettons-le aussi, dans la mesure du possible, à ne point dévier du
chemin qui y mène.
Ensuite, lorsque nous aurons progressé quelque peu dans l'ascèse
spirituelle en suivant comme guide l'Esprit Saint qui scrute les
profondeurs mêmes de Dieu, représentons-nous combien le Seigneur est
tendresse, combien il est bon en lui-même. Demandons avec le prophète de
voir la volonté du Seigneur, demandons-lui de nous faire visiter non
plus notre cœur mais son temple. Et avec lui nous dirons encore : Mon âme en moi s'est troublée, c'est pourquoi je me souviendrai de toi.
Ces deux choses résument le contenu de toute la vie spirituelle : au
spectacle de nous-mêmes, nous sommes troublés et contrits pour notre
salut, tandis que, dans la contemplation de Dieu, nous respirons et la
joie du Saint-Esprit nous procure la consolation. D'une part, crainte et
humilité; d'autre part, espérance et charité
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