SERMON DE SAINT LÉON LE GRAND SUR LES BÉATITUDES
On ne peut en douter : les pauvres obtiennent la vertu d'humilité plus
facilement que les riches. Car les premiers, dans leur indigence, ont
pour amie la douceur, tandis que les autres, dans leur opulence, ont la
fierté pour compagne. Pourtant, on trouve aussi chez beaucoup de riches
une disposition à user de l'abondance non pas pour se gonfler d'orgueil,
mais pour exercer la bienfaisance ; ils comptent parmi leurs plus
grands bénéfices ce qu'ils dépensent pour soulager la misère et la peine
d'autrui.
Les hommes de toutes les catégories et toutes les classes peuvent se
rejoindre dans cette vertu, car ils peuvent avoir la même intention sans
posséder la même fortune. Peu importe l'inégalité des ressources
terrestres chez ceux qui sont égaux quant aux biens spirituels.
Heureuse, donc, cette pauvreté qui n'est pas entravée par l'amour des
richesses temporelles, qui ne désire pas accroître ses ressources en ce
monde, mais convoite de s'enrichir en biens célestes.
Les Apôtres, les premiers après le Seigneur, nous ont donné l'exemple de
cette pauvreté généreuse. Ils ont abandonné tous leurs biens sans
exception. Pêcheurs de poissons, ils se sont transformés, par une rapide
conversion, en pêcheurs d'hommes ; ils ont suscité de nombreux
imitateurs de leur foi, lorsque, dans la première génération de
l'Église, tous les croyants n'avaient qu'un seul cœur et une seule âme.
En abandonnant totalement leurs biens et leurs possessions, ils
s'enrichissaient des biens éternels par leur généreuse pauvreté. Selon
la prédication des Apôtres, ils se réjouissaient de ne rien avoir en ce
monde, et de tout posséder en possédant le Christ.
C'est ainsi que l'Apôtre saint Pierre, alors qu'il montait au Temple et qu'un boiteux lui demandait l'aumône, déclara : De
l'argent et de l'or, je n'en ai pas ; mais ce que j'ai, je te le donne :
Au nom de Jésus Christ de Nazareth, lève-toi et marche. Qu'y
a-t-il de plus sublime que cette humilité ? Qu'y a-t-il de plus riche
que cette pauvreté ? Elle n'a pas les subsides de l'argent, mais les
ressources de la nature. Cet homme que sa mère avait enfanté infirme,
Pierre l'a guéri d'un mot. Et lui qui ne donnait pas une pièce de
monnaie avec l'image de César, a rétabli dans un homme l'image du
Christ.
Or, les richesses de ce trésor n'ont pas secouru seulement l'homme rendu
capable de marcher, mais aussi les cinq mille hommes qui ont cru alors,
comme l'Apôtre les y exhortait, à cause de ce miracle de guérison. Et
ce pauvre, qui n'avait pas de quoi donner à un mendiant, a donné la
grâce de Dieu avec une telle profusion qu'après avoir remis sur pied un
seul homme, il rendit de même à des milliers de croyants la santé du
cœur et rendit tous ces boiteux alertes et libres dans le Christ.
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