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Traduction
non
officielle d’un texte de Benoît XVI paru
en
italien et traduite par
Jeanne
Smits avec un commentaire à lire sur son site :
Du 21 au 24 février, à l’invitation du pape François, les
présidents des conférences épiscopales du monde entier se sont
réunis au Vatican pour évoquer la crise actuelle de la Foi et de
l’Eglise ; une crise qui s’est fait ressentir dans le monde
entier à la suite des révélations fracassantes d’abus cléricaux
à l’égard de mineurs.
L’étendue et la gravité des incidents signalés ont très
profondément troublé prêtres et laïcs, et elles en ont conduit
plus d’un à remettre en question la Foi même de l’Eglise. Il
était nécessaire de diffuser un message fort, et de chercher à
prendre un nouveau départ, de manière à rendre l’Eglise de
nouveau crédible en tant que lumière parmi les peuples, et force au
service de la lutte contre les puissances de la destruction.
Comme j’ai moi-même eu à servir dans une position de
responsabilité en tant que Pasteur de l’Eglise au moment de la
manifestation publique de la crise, et pendant qu’elle se
préparait, je me devais de me demander – bien qu’en tant
qu’émérite, je ne porte plus directement cette responsabilité –
ce que je peux contribuer par ce regard en arrière en vue de ce
nouveau départ.
Ainsi, après l’annonce de la rencontre des présidents des
conférences épiscopales, j’ai compilé quelques notes qui
pourraient me permettre de contribuer quelques remarques utiles en
ces heures graves.
Ayant pris contact avec le secrétaire d’Etat, le cardinal
Parolin et le Saint-Père lui-même, il m’a semblé opportun de
publier ce texte dans le Klerusblatt [un mensuel destiné au clergé
des diocèses, pour la plupart de la région de Bavière].
Mon travail est divisé en trois parties.
Dans la première partie, je vise à présenter brièvement le
contexte social plus étendu de la question, sans lequel il est
impossible de comprendre le problème. Je cherche à montrer qu’au
cours des années 1960 il s’est produit un événement monstrueux,
à une échelle sans précédent au cours de l’histoire. On peut
dire qu’au cours des vingt années entre 1960 et 1980, les critères
normatifs de la sexualité se sont entièrement effondrés ; une
nouvelle absence de normes est née qu’entre-temps on s’est
employé à redresser.
Dans une deuxième partie, je tente d’indiquer les effets qu’a
eus cette situation sur la formation et le vie des prêtres.
Pour conclure, dans la troisième partie, je voudrais développer
quelques perspectives en vue d’une réponse droite de la part de
l’Eglise.
I.
1.
Tout commence avec
l’introduction, prescrite par l’État et soutenue par lui, des
enfants et des jeunes aux réalités de la sexualité. En
Allemagne, celle qui était alors ministre de la Santé, Mme [Käte]
Strobel, fit réaliser un film où tout ce qui jusqu’alors était
interdit de présentation publique, y compris les rapports sexuels,
était désormais montré à des fins d’éducation. Ce qui au
départ visait seulement l’information des jeunes devait bien
entendu par la suite être accepté comme une possibilité
généralisée.
Des résultats similaires furent atteints à travers la
publication du Sexkoffer par le gouvernement autrichien [une «
valisette » controversée de matériaux d’éducation sexuelle
utilisée dans les écoles autrichiennes à la fin des années 1980].
Des films de sexe et pornographiques se répandirent entre-temps, à
tel point qu’on les montrait dans des cinémas de gare
[Bahnhofskinos]. Je me rappelle encore avoir vu, alors que je me
déplaçais un jour à pied dans Ratisbonne, une masse de gens
faisant la queue devant un grand cinéma – comportement
qu’auparavant nous ne voyions qu’en temps de guerre, alors
qu’on pouvait espérer quelque distribution spéciale. Je me
rappelle également être arrivé dans cette ville le Vendredi Saint
de l’année 1970 et d’avoir vu tous les panneaux publicitaires
recouverts de posters montrant deux personnes totalement nues,
grandeur nature, étroitement enlacées.
Parmi les libertés que la Révolution de 1968 s’est
battue pour conquérir, il y avait aussi cette liberté sexuelle
absolue, qui ne tolérait plus aucune norme.
Cet effondrement moral caractéristique de ces années-là était
également étroitement lié à une propension à la violence. C’est
pour cette raison que les films de sexe n’ont plus été autorisés
dans les avions car la violence éclatait alors parmi la petite
communauté de passagers. Et puisque les excès dans le domaine
l’habillement portaient également à l’agression, des directeurs
d’école ont également tenté de mettre en place des uniformes
scolaires pour rendre un possible un environnement propice à
l’étude.
Faisait partie de la physionomie de la révolution de
1968, le fait que la pédophilie fut alors jugée acceptable et
raisonnable.
Pour les jeunes dans l’Eglise au moins, mais pas seulement pour
eux, ce fut à bien des égards une époque très difficile, et de
plus d’une manière. Je me suis toujours demandé comment des
jeunes dans cette situation pouvaient se diriger vers le sacerdoce et
l’accepter, avec toutes ses conséquences. L’effondrement
important qui a frappé la nouvelle génération de prêtres dans ces
années-là, et le nombre très élevé de réductions à l’état
laïc, furent la conséquence de tout ce processus.
2.
Dans le même temps, et indépendamment de
cette évolution, la théologie morale catholique s’est effondrée,
laissant l’Eglise sans défense face à ces changements sociétaux.
Je vais essayer d’esquisser brièvement la trajectoire de cette
évolution.
Jusqu’au concile Vatican II, la théologie morale
catholique était dans une large mesure fondée sur la loi naturelle,
tandis que l’Ecriture sainte n’était citée que pour fournir un
contexte ou une confirmation. Dans les efforts du Concile en
vue d’une nouvelle compréhension de la Révélation, l’option de
la loi naturelle fut largement abandonnée, et on exigea une
théologie morale fondée entièrement sur la Bible.
Je me rappelle encore que la faculté jésuite de Francfort permit
à un jeune père extrêmement doué (Bruno Schüller) de développer
une morale entièrement fondée sur l’Ecriture sainte. La belle
dissertation du P. Schüller constitue un premier pas vers la
construction d’une morale fondée sur l’Ecriture. Le P. Schüller
fut alors envoyé en Amérique pour faire des études supplémentaires
; il en revint en reconnaissant qu’en partant de la seule Bible, la
morale ne pouvait être présentée de manière systématique. Il
tenta alors d’établir une théologie morale plus pragmatique, sans
pour autant parvenir à apporter une réponse à la crise de la
morale.
Finalement, c’est dans une large mesure l’hypothèse selon
laquelle la morale devait être exclusivement déterminée en vue des
fins de l’action humaine qui devait prévaloir. La vieille
expression « la fin justifie les moyens » n’était certes pas
affirmée sous cette forme grossière, mais la manière de penser qui
y correspond était devenue déterminante. Par voie de conséquence,
plus rien ne pouvait désormais constituer un bien absolu, pas plus
qu’il ne pouvait y avoir quelque chose de fondamentalement
mauvais, mais seulement des jugements de valeur relative. Le
bien n’existait plus, mais seulement le mieux relatif, dépendant
du moment et des circonstances.
La crise du fondement et de la présentation de la morale
catholique atteignit des proportions dramatiques à la fin des années
1980 et dans les années 1990. Le 5 janvier 1989, la « Déclaration
de Cologne » signée par 15 professeurs catholiques de théologie
était publiée. Elle avait pour objet les différents points de
crise dans la relation entre le magistère épiscopal et la travail
de la théologie. Ce texte, qui dans un premier temps ne dépassa pas
le niveau habituel de protestation, se transforma rapidement en tollé
contre le magistère de l’Eglise, rassemblant de manière audible
et visible tout le potentiel de protestation contre les textes
doctrinaux de Jean-Paul II qui étaient alors attendus (cf. D.
Mieth, Kölner Erklärung, LThK, VI3, p. 196) [LTHK
désigne le Lexikon für Theologie und Kirche, un « Lexique de la
théologie et de l’Eglise » de langue allemande, qui comptait
parmi ses rédacteurs en chef Karl Rahner et le cardinal Walter
Kasper, note du traducteur d’EWTN.]
Le pape Jean-Paul II, qui connaissait très bien la situation de
la théologie morale et qui la suivait avec vigilance, commanda des
travaux en vue d’une encyclique qui remettrait ces choses à
l’endroit. Elle fut publiée sous le titre Veritatis splendor le 6
août 1993, et provoqua de vives contre-réactions de la part de
théologiens moraux. Auparavant, le Catéchisme de l’Eglise
catholique avait déjà présenté de manière convaincante et
systématique la morale proclamée par l’Eglise.
Je n’oublierai jamais comment le théologien moral allemand le
plus reconnu à l’époque, Franz Böcke, qui était retourné dans
sa Suisse natale pour sa retraite, déclara au vu des choix possibles
de l’encyclique Veritatis splendor, que si cette encyclique devait
affirmer que certaines actions doivent toujours et en toutes
circonstances être qualifiées de mauvaises, il élèverait la voix
contre elle avec toute la force dont il disposait.
C’est Dieu qui dans sa bienveillance lui épargna la mise en
œuvre de cette résolution ; Böcke mourut le 8 juillet 1991.
L’encyclique fut publiée le 6 août 1993, et elle comporta en
effet l’affirmation selon laquelle il existe des actions qui ne
peuvent jamais devenir bonnes.
Le pape était alors pleinement conscient de l’importance de
cette décision, et pour cette partie de son texte, il avait de
nouveau consulté des spécialistes de premier plan qui ne
participaient pas à la rédaction de l’encyclique. Il savait qu’il
ne pouvait et ne devait laisser subsister aucun doute quant au fait
que la morale de la pesée des intérêts doit respecter une limite
ultime. Il y a des biens qui ne sont jamais sujets à une mise en
balance.
Il y a des valeurs qui ne doivent jamais être abandonnées en vue
d’une plus grande valeur, et qui surpassent même la préservation
de la vie physique. Il y a le martyre. Dieu est davantage, davantage
même que la survie physique. Une vie achetée par la négation de
Dieu, une vie fondée sur un mensonge ultime, est une non-vie.
Le martyre est une catégorie fondamentale de l’existence
chrétienne. Le fait que le martyre n’est plus moralement
nécessaire dans la théorie avancée par Böckle et tant d’autres
montre que c’est l’essence même du christianisme qui est ici en
jeu.
En théologie morale, cependant, une autre question était
entre-temps devenue pressante : la thèse selon laquelle le magistère
de l’Eglise devait avoir la compétence finale (« infaillibilité
») seulement dans des matières concernant la foi elle-même avait
obtenu une adhésion très large ; les questions relatives à la
morale ne devaient pas faire partie du champ des décisions
infaillibles du magistère de l’Eglise. Il y a probablement quelque
chose de vrai dans cette hypothèse qui mérite d’en discuter plus
avant. Mais il existe un ensemble minimum de principes moraux qui est
indissolublement lié au principe fondateur de la Foi et
qui doit être défendu si la Foi ne doit pas être réduite à une
théorie mais au contraire reconnue dans ses droits par rapport à la
vie concrète.
Tout cela rend visible à quel point fondamental
l’autorité de l’Eglise en matière de morale est remise en
question. Ceux qui nient à l’Eglise une compétence d’enseignement
ultime dans ce domaine l’obligent à rester silencieuse précisément
là où la frontière entre la vérité et les mensonges est en
jeu.
Indépendamment de cette question, on a développé
dans de nombreux cercles de théologie morale, la thèse selon
laquelle l’Eglise n’a pas, et ne peut avoir sa propre morale. On
soutenait cela en faisant remarquer que toutes les thèses morales
connaîtraient également des parallèles dans d’autres religions
et que par conséquent, une morale proprement chrétienne ne pouvait
exister. Mais la question du caractère propre d’une morale
biblique n’est pas réglée par le fait que pour chaque phrase
apparaissant ici ou là, on peut aussi trouver un parallèle dans
d’autres religions. Il s’agit plutôt de la totalité de la
morale biblique, qui en tant que telle est nouvelle et différente de
ses éléments individuels.
La doctrine morale de la Sainte écriture trouve en dernière
analyse le fondement de son caractère unique de son ancrage dans
l’image de Dieu, dans la foi au Dieu unique qui s’est montré en
Jésus-Christ et qui a vécu comme être humain. Le Décalogue est
une application de la foi biblique en Dieu à la vie humaine. L’image
de Dieu et la morale sont indissociables et sont ainsi cause de
l’extraordinaire nouveauté de l’attitude chrétienne à l’égard
du monde et de la vie humaine. En outre, le christianisme a été
désigné depuis le début par le mot « hodós » [le mot grec
signifiant voie, souvent utilisé dans le Nouveau Testament dans
le sens de chemin de progrès]. La foi est un voyage et une façon de
vivre. Dans l’Eglise ancienne, le catéchuménat fut créé comme
un lieu de vie face à une culture de plus en plus démoralisée, où
les aspects particuliers et nouveaux de la manière de vivre
chrétienne étaient mis en pratique, et en même temps protégés de
la manière de vivre ordinaire. Je pense qu’encore aujourd’hui il
faut quelque chose qui ressemble à des communautés catéchumènes,
de telle sorte que la vie chrétienne puisse s’affirmer à sa
propre façon.
II.
Les réactions ecclésiales
initiales.
1.
Le processus, préparé
de longue date et toujours en cours de réalisation, de la
liquidation de la conception chrétienne de la morale a été, comme
j’ai essayé de le montrer, marquée par un radicalisme sans
précédent au cours des années 1960. Cette
liquidation de l’autorité d’enseignement moral de l’Eglise
devait nécessairement produire des effets dans divers domaines de
l’Eglise. Dans le contexte de la rencontre des présidents
des conférences épiscopales du monde entier avec le pape
François, la question de la vie sacerdotale comme celle des
séminaires est d’un intérêt primordial. Pour ce qui est du
problème de la préparation au ministère sacerdotal dans les
séminaires, il existe dans les faits un vaste effondrement de la
forme antérieure de cette préparation.
Dans divers séminaires des clubs homosexuels furent
établis, qui agissaient plus ou moins ouvertement et qui ont
significativement modifié le climat des séminaires. Dans
un séminaire en Allemagne du Sud, les candidats à la prêtrise et
les candidats au ministère laïc du référent pastoral
[Pastoralreferent] vivaient ensemble. Lors des repas pris en commun,
les séminaristes et les référents pastoraux mangeaient ensemble,
et ceux des laïcs qui étaient mariés étaient parfois accompagnés
de leurs femme et enfants, et même à l’occasion par leur petite
amie. Le climat de ce séminaire ne pouvait apporter un soutien à la
préparation à la vocation sacerdotale. Le Saint-Siège avait
connaissance de tels problèmes, sans en être informé précisément.
Comme première étape, une visite apostolique des séminaires des
États-Unis fut organisée.
Comme les critères de sélection et de nomination des
évêques avaient également été modifiés après le concile
Vatican II, la relation des évêques vis-à-vis de leurs
séminaristes était également très variable. Par-dessus
tout, le critère pour la nomination des nouveaux évêques était
désormais leur « conciliarité », ce qui peut évidemment être
compris de façons assez différentes.
Dans les faits, dans de nombreuses parties de l’Eglise,
les attitudes conciliaires étaient comprises comme le fait d’avoir
une attitude critique négative à l’égard de la tradition
existant jusqu’alors, et qui devait désormais être
remplacée par une nouvelle relation, radicalement ouverte, au monde.
Un évêque, qui avait précédemment été recteur de séminaire,
avait permis le visionnage de films pornographiques par les
séminaristes, prétendument dans l’intention de les rendre ainsi
résistants aux comportements contraires à la foi.
Certains évêques – et pas seulement aux Etats-Unis
d’Amérique – rejetèrent la tradition catholique dans son
ensemble, cherchant à faire advenir une nouvelle forme moderne de «
catholicité » dans leurs diocèses. Cela vaut peut-être
la peine de mentionner que dans un nombre non négligeable de
séminaires, des étudiants pris sur le fait d’avoir lu mes livres
furent jugés inaptes au sacerdoce. On cachait mes livres comme de la
mauvaise littérature, et ils n’étaient lus que sous le manteau.
La visite qui eut lieu alors n’apporta pas de nouvelles
perspectives, apparemment parce que diverses forces s’étaient
réunies afin de dissimuler la situation réelle. Une deuxième
visite fut ordonnée, qui permit d’obtenir bien plus
d’informations, mais dans son ensemble elle n’eut pas de
retombées. Cependant, depuis les années 1970 la situation dans les
séminaires s’est améliorée de manière générale. Et pourtant,
il n’y eut que des cas rares d’un nouveau renforcement des
vocations sacerdotales parce que la situation dans son ensemble avait
pris un chemin différent.
2. La question de la pédophilie, telle que je m’en
souviens, n’est devenue aiguë qu’au cours de la seconde moitié
des années 1980. Entre-temps, c’était déjà devenu une affaire
publique aux États-Unis, de telle sorte que les évêques
recherchèrent l’aide de Rome, puisque le droit canonique, tel
qu’il est écrit dans le nouveau code de 1983, ne semblait pas
suffire pour prendre les mesures nécessaires.
Rome et les
canonistes romains eurent dans un premier temps des difficultés à
prendre en compte ces préoccupations ; dans leur opinion, la
suspension temporaire de l’office sacerdotal devait suffire à
produire la purification et la clarification. Cela, les évêques
américains ne purent l’accepter, puisque les prêtres restaient
ainsi au service de l’évêque et pouvaient donc être supposés
rester en association directe avec lui. Ce n’est que lentement
qu’un renouveau et un approfondissement de la loi pénale du
nouveau code, construite délibérément de manière souple,
commencèrent à prendre forme.
Outre cela, cependant, il y avait un problème fondamental de
perception de la loi pénale. Seul ce qu’on appelait le garantisme
était encore considéré comme « conciliaire ». Cela signifie que
par-dessus tout, les droits de l’accusé devaient être garantis, à
tel point que de fait, toute condamnation était exclue. Comme
contrepoids aux options de défense souvent inadéquates offerte aux
théologiens accusés, leur droit à la défense par le biais du
garantissent même s’étendit à tel point que les condamnations
n’étaient guère possibles.
Permettez-moi ici de faire une brève digression. À la
lumière de l’étendue des transgressions pédophiles, une parole
de Jésus est de nouveau présente dans les esprits, qui affirme : «
Mais si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi,
il vaudrait mieux pour lui qu’on lui mît autour du cou une de ces
meules que les ânes tournent, et qu’on le jetât dans la mer »
(Marc, 9, 41).
L’expression « ces petits » dans le langage
de Jésus signifie les fidèles ordinaires qui peuvent être amenés
à chuter dans leur foi par l’arrogance intellectuelle de ceux qui
se pensent intelligents. Donc ici, Jésus protège le dépôt de la
foi avec une menace insistante de punition adressée à ceux qui lui
portent atteinte.
L’utilisation moderne de la phrase n’est pas en elle-même
erronée, mais elle ne doit pas obscurcir la signification originale.
Selon cette signification il devient clair, contrairement à tous
garantisme, que ce n’est pas seulement le droit de l’accusé qui
est important et qui a besoin d’une garantie. De grands biens,
telle la Foi, sont également importants.
Un droit canonique équilibré, qui corresponde à la
l’intégralité du message de Jésus, ne doit donc pas seulement
fournir une garantie aux accusés, dont le respect est un bien légal.
Il doit également protéger la Foi, qui est elle aussi un bien légal
important. Un droit canonique correctement constitué doit
donc contenir une double garantie – une protection légale des
accusés, une protection légale du bien qui est en jeu. Celui qui
aujourd’hui propose cette conception intrinsèquement claire, on
lui fait généralement la sourde oreille dès lors qu’il s’agit
de la question de la protection de la foi en tant que bien légal.
Dans la conscience générale qu’on a de la loi, la Foi ne semble
plus avoir le rang d’un bien qui doit être protégé. Il s’agit
là d’une situation alarmante qui doit être sérieusement prise en
considération par les pasteurs de l’Eglise.
J’aimerais ici ajouter aux brèves notes sur la situation de la
formation sacerdotale au moment où la crise a éclaté de manière
publique, quelques remarques concernant l’évolution du droit
canonique en cette matière.
En principe, la Congrégation pour le clergé est responsable du
traitement des crimes commis par des prêtres. Mais puisque les
garantisme dominait à ce point la situation à l’époque, je me
suis accordé avec le pape Jean-Paul II pour dire qu’il était
opportun d’assigner la compétence de ces infractions à la
Congrégation pour la Doctrine de la foi, et sous l’intitulé : «
Delicta maiora contra fidem. »
Cette assignation donnait également la possibilité d’imposer
la peine maximale, à savoir l’expulsion du clergé, qui
n’aurait pas pu être imposé selon d’autres dispositions
juridiques. Ce n’était pas un tour de passe-passe permettant
d’imposer la peine maximale, mais une conséquence de l’importance
de la foi pour l’église. Il est en réalité important de
comprendre que de telles transgressions de la part de clercs nuisent
en dernier ressort à la Foi.
C’est seulement là où la Foi ne détermine plus les
actions de l’homme que de tels crimes sont possibles.
La sévérité de la punition présuppose cependant aussi une
preuve claire de la réalité de l’infraction : cet aspect du
garantisme reste en vigueur.
Pour le dire autrement: pour pouvoir imposer la peine maximale de
manière légale, il faut une authentique procédure criminelle. Mais
à la fois les diocèses et le Saint-Siège étaient dépassés par
une telle exigence. Nous avons mis en place une forme minimale
des procédures criminelles, laissant ouverte la possibilité pour le
Saint-Siège de prendre en main le procès dès lors que le diocèse
ou l’administration métropolitaine n’est pas en mesure de le
mener. Dans tous les cas, le procès doit être revu par la
Congrégation de la Doctrine de la foi de manière à garantir les
droits de l’accusé. Pour finir, à la Feria IV (c’est-à-dire
l’assemblée des membres de la Congrégation), nous avons établi
une instance d’appel de manière à offrir une possibilité
d’appel.
Dans la mesure où tout cela allait en réalité au-delà des
capacités de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, et parce
que des retards se sont faits jour qu’il fallait empêcher en
raison de la nature du sujet, le pape François a entrepris des
reformes supplémentaires.
III.
1. Que devons-nous faire ?
Faudrait-il que nous créions une autre Eglise pour tout
remettre à l’endroit ? Eh bien, cette expérience-là a déjà été
faite et elle a déjà échoué. Seuls l’obéissance et
l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ peuvent indiquer le droit
chemin. Essayons donc d’abord de comprendre de nouveau et de
l’intérieur [en nous-mêmes] ce que veut Notre Seigneur, et ce
qu’il a voulu de nous.
Je voudrais suggérer d’abord ceci : si nous voulons vraiment
résumer très brièvement le contenu de la Foi telle qu’il est
exposé dans la Bible, nous pourrions le faire en disant que le Notre
Seigneur a entamé avec nous une histoire d’amour dans laquelle il
veut récapituler toute la création. La force antagoniste face au
mal qui nous menace et qui menace le monde entier, ne peut au bout du
compte consister que dans notre entrée dans cet amour. Il est la
vraie force antagoniste face au mal. Le pouvoir du mal dérive de
notre refus de l’amour de Dieu. Celui qui se confie à l’amour de
Dieu est racheté. Le fait que nous ne soyons pas rachetés est
conséquences de notre incapacité à aimer Dieu. Apprendre à aimer
Dieu est par conséquent la voie de la rédemption des hommes.
Essayons maintenant d’exposer un peu plus ce contenu essentiel
de la Révélation de Dieu. Nous pourrions dire alors que le premier
don fondamental que nous offre la Foi est la certitude que Dieu
existe.
Un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde sans signification.
Car alors, d’où vient tout ce qui est ? En tout cas, il n’a pas
de fondement spirituel. Il est tout simplement là, on ne sait trop
comment, et n’a ni but ni sens. Dès lors, il n’y a pas de normes
du bien ou du mal. Alors, seul ce qui est plus fort que l’autre
peut s’auto-affirmer. Alors, la puissance est le seul principe. La
vérité ne compte pas – en fait, elle n’existe même pas. Ce
n’est que si les choses ont une raison d’être spirituelle, ayant
été voulues et conçues – c’est seulement s’il y a un Dieu
créateur qui est bon et qui veut le bien – que la vie de l’homme
peut aussi avoir un sens.
Qu’il existe un Dieu créateur, mesure de toutes choses, est
tout d’abord un besoin primordial. Mais un Dieu qui ne
s’exprimerait pas du tout, qui ne se ferait pas connaître,
resterait à l’état d’intuition et ne pourrait ainsi déterminer
la forme de notre vie.
Pour que Dieu soit réellement Dieu dans cette création
délibérée, nous devons nous tourner vers lui afin qu’Il
s’exprime d’une façon ou d’une autre. Il l’a fait de
multiples façons, mais ce fut de manière décisive dans cet appel
fait à Abraham qui donna aux personnes à la recherche de Dieu
l’orientation qui mène au-delà de tout ce qu’on pouvait
attendre : Dieu lui-même devient créature, et parle comme un homme
avec nous autres êtres humains.
Ainsi la phrase « Dieu est » se transforme en dernière analyse
véritablement en Bonne Nouvelle, tant Il est plus qu’une idée,
parce qu’Il crée l’amour et qu’Il est l’amour. Rendre
de nouveau conscient de cela est la tâche première et fondamentale
que nous confie le Seigneur.
Une société sans Dieu – une société qui ne le
connaît pas et qui le considère comme n’existant pas – est une
société qui perd sa mesure. C’est à notre époque que
le slogan « Dieu est mort » a été forgé. Lorsque Dieu
meurt effectivement au sein d’une société, elle devient libre,
nous assurait-on. En réalité, la mort de Dieu dans une
société signifie aussi la fin de la liberté, parce que ce qui
meurt est la finalité qui permet l’orientation. Et aussi parce que
disparaît le compas qui nous indique la bonne direction en nous
apprenant à distinguer le bien du mal. La société occidentale est
une société dont Dieu est absent de la sphère publique et qui n’a
plus rien à lui dire. Et c’est pourquoi il s’agit d’une
société où la mesure de l’humanité se perd de plus en plus. Sur
des points précis, il devient soudain visible que ce qui est mal et
détruit l’homme est devenu la norme acceptée.
Il en va ainsi de la pédophilie. Théorisée il n’y a pas pas
très longtemps comme étant tout à fait légitime, elle s’est
étendue de plus en plus loin. Et nous nous rendons compte
aujourd’hui avec effroi qu’il advient des choses à nos enfants
et à nos jeunes qui menacent de les détruire. Le fait que cela ait
pu aussi s’étendre dans l’Eglise et parmi les prêtres devrait
nous troubler tout particulièrement.
Pourquoi la pédophilie a-t-elle atteint de telles
proportions ? En dernière analyse, la raison en est l’absence de
Dieu. Nous autres chrétiens et prêtres préférons aussi
ne pas parler de Dieu, parce que ce discours ne semble pas pratique.
Après le bouleversement de la Seconde Guerre mondiale, nous avons
continué en Allemagne de placer expressément notre constitution
sous la responsabilité vis-à-vis Dieu en tant que principe
conducteur. Un demi-siècle plus tard, il ne fut plus possible
d’inclure la responsabilité vis-à-vis de Dieu comme critère de
référence de la constitution européenne. Dieu est considéré
comme la préoccupation partisane d’un petit groupe et ne peut plus
constituer le critère de référence de la communauté dans son
ensemble. Cette décision est le reflet de la situation en Occident,
où Dieu est devenu l’affaire privée d’une minorité.
Une tâche essentielle, qui doit résulter des bouleversements
moraux de notre temps, est que nous commencions nous-mêmes de
nouveau à vivre par Dieu et pour Lui. Par-dessus tout, nous devons
apprendre de nouveau à reconnaître Dieu comme fondement de notre
vie au lieu de le laisser de côté comme une phrase d’une
certaine manière inopérante. Je n’oublierai jamais la mise en
garde que m’adressa un jour dans une de ses lettres le grand
théologien Hans Urs von Balthazar. « Ne présupposez pas le Dieu
trine, Père, Fils et Saint Esprit – présentez-les ! »
De fait, dans la théologie Dieu est souvent tenu pour acquis,
comme si cela allait de soi, mais concrètement on n’en traite pas.
Le thème de Dieu semble si irréel, si éloigné des choses qui nous
préoccupent. Et pourtant tout change si l’on ne présuppose pas
Dieu, mais qu’on le présente. En ne le laissant pas d’une
certaine manière à l’arrière-plan, mais en le reconnaissant
comme le centre de nos pensées, de nos paroles et de nos actions.
2. Dieu est devenu homme pour nous. L’homme, sa
créature, est si près de son Cœur qu’Il s’est uni à lui,
entrant ainsi dans l’histoire humaine d’une manière très
pratique. Il parle avec nous, Il vit avec nous, Il souffre avec nous
et Il a pris la mort sur lui pour nous. Nous parlons de cela dans le
détail en théologie, avec des pensées et des mots savants. Mais
c’est précisément de cette manière que nous courons le risque de
devenir maîtres de la Foi au lieu d’être renouvelés et gouvernés
par la Foi.
Considérons cela par rapport à une question centrale, la
célébration de la Sainte eucharistie.
La manière dont nous
traitons l’Eucharistie ne peut que provoquer de la préoccupation.
Le concile Vatican II été à juste titre centré sur la volonté de
remettre ce sacrement de la présence du Corps et du Sang du Christ,
de la présence de sa Personne, de sa Passion, de sa Mort et de sa
Résurrection, au centre de la vie chrétienne et de l’existence
même de l’Eglise. En partie, cela a effectivement été réalisé,
et nous devons en être reconnaissants au Seigneur du fond du cœur.
Et pourtant, c’est une attitude assez différente qui prévaut.
Ce qui prédomine n’est pas une nouvelle révérence envers la
présence de la mort et de la résurrection du Christ, mais une
manière de Le traiter qui détruit la grandeur du mystère.
Lé déclin de la participation à la célébration dominicale de
l’Eucharistie montre combien nous autres chrétiens d’aujourd’hui
sommes devenus peu capables d’apprécier la grandeur du don que
constitue sa Présence Réelle. L’Eucharistie a été dévaluée
pour devenir un simple geste cérémoniel, lorsqu’on prend pour
acquis que la courtoisie exige qu’elle soit offerte lors des
célébrations familiales ou des occasions comme les mariages et les
enterrements à tous les invités, pour des raisons familiales.
La manière dont les personnes présentes reçoivent
facilement en maints endroits le Saint-Sacrement; comme si cela
allait de soi, montre que beaucoup ne voient plus dans la communion
qu’un geste purement cérémoniel. Donc, lorsque nous
pensons à l’action qui serait nécessaire avant tout, il devient
évident que nous n’avons pas besoin d’une nouvelle Eglise de
notre invention. Au contraire, ce qui faut d’abord et avant tout,
c’est bien davantage le renouveau de la foi en la présence de
Jésus-Christ qui nous est donné dans le Saint-Sacrement.
Lors de conversations avec des victimes de pédophilie, j’ai
été amené à une conscience toujours plus aiguë de cette
exigence. Une jeune femme qui avait été servante d’autel me dit
que l’aumônier, qui était son supérieur en tant que servante
d’autel, commençait toujours les abus sexuels commis à son
encontre par les paroles : « Ceci est mon corps qui sera livré pour
vous. »
Il est évident que cette femme ne peut plus entendre les paroles
mêmes de la consécration sans ressentir à nouveau de manière
terrifiante toute la torture des abus qu’elle a subis. Oui, nous
devons d’urgence implorer le pardon du Seigneur ; et d’abord et
avant tout nous devons l’invoquer et lui demander de nous enseigner
de nouveau à tous la dimension de sa souffrance, de son sacrifice.
Et nous devons tout faire pour protéger le don de la Sainte
Eucharistie de tout abus.
3. Pour finir, il y a le mystère de l’Eglise. La
phrase par laquelle Romano Guardini, il y a près de 100 ans,
exprimait l’espérance joyeuse qui avait été instillée en lui et
en beaucoup d’autres, demeure inoubliée : « Un événement d’une
importance incalculable a commencé : l’Eglise se réveille dans
les âmes. »
Il voulait dire que l’Eglise n’était plus vécue et perçue
simplement comme un système externe qui entre dans nos vies, comme
une sorte d’autorité, mais qu’elle commençait plutôt à être
perçue comme étant présente dans les cœurs – non comme quelque
chose de simplement extérieur, mais comme nous touchant de
l’intérieur. Environ un demi-siècle plus tard, reconsidérant ce
processus et en regardant ce qui s’était produit, je fus tenté
d’inverser la phrase : « L’Eglise meurt dans les âmes. »
De fait, l’Eglise aujourd’hui est largement considérée
comme une simple sorte d’appareil politique. On en parle
quasi exclusivement en catégories politiques, et cela concerne même
les évêques, qui formulent leur conception de l’Eglise de demain
en termes quasi exclusivement politiques. La crise causée par les
nombreux cas d’abus commis par des prêtres nous pousse à
considérer l’Eglise comme quelque chose de misérable : une chose
que nous devons désormais reprendre en mains et restructurer. Mais
une Eglise fabriquée par nous ne peut fonder l’espérance.
Jésus lui-même a comparé l’Eglise à un filet de pêche où à
la fin, les bons poissons sont séparés des mauvais par Dieu
lui-même. Il y a aussi la parabole de l’Eglise, figurée par un
champ où pousse le bon grain semé par Dieu lui-même, mais aussi
l’ivraie qu’« un ennemi » y a secrètement semé. Il est vrai
que l’ivraie dans le champ de Dieu, l’Eglise, n’est que trop
visible, et que les mauvais poissons dans le filet montrent également
leur force. Néanmoins, le champ est toujours le champ de Dieu et le
filet est toujours le filet de pêche de Dieu. Et dans tous les
temps, il n’y a pas seulement l’ivraie et les mauvais poissons,
mais également les moissons de Dieu et les bons poissons. Proclamer
les deux choses avec insistance ne relève pas d’une fausse
apologétique : c’est un service qu’il est nécessaire de rendre
à la vérité.
Dans ce contexte il est nécessaire de se référer à un
texte important de l’Apocalypse de saint Jean. Le diable est
identifié comme l’accusateur qui accuse nos frères devant Dieu
jour et nuit (Apoc. 12, 10). L’Apocalypse de saint Jean
reprend ainsi une réflexion qui est au centre du cadre narratif du
livre de Job (Job 1 et 2, 10 ; 42, 7-15). Dans ce livre, le diable
cherché à rabaisser la droiture de Job devant Dieu, en disant
qu’elle n’est qu’extérieure. Il s’agit exactement de ce que
dit l’Apocalypse : le diable cherche à prouver qu’il n’y a pas
de justes ; que toute la droiture des hommes ne se manifeste qu’à
l’extérieur. Si on pouvait s’approcher davantage d’une
personne, alors les apparences de droiture s’évanouiraient bien
vite.
L’histoire de Job commence par une dispute entre Dieu et le
diable, où Dieu avait désigné Job comme un homme vraiment juste.
Celui-ci sera utilisé comme exemple, pour vérifier qui a raison.
Enlevez-lui ce qu’il possède et vous verrez qu’il ne restera
rien de sa piété, soutient le diable. Dieu lui permet de faire
cette tentative, dont Job sort victorieux. Alors le diable va plus
loin, disant : « L’homme donnera peau pour peau, et tout ce qu’il
a pour sauver sa vie ; mais étendez votre main, et frappez ses os et
sa chair, et vous verrez s’il ne vous maudira pas en face » (Job,
2, 4).
Dieu concède au diable un deuxième round. Il lui sera également
permis de toucher la peau de Job. Il ne lui est interdit que de tuer
Job. Pour les chrétiens, il est clair que ce Job, qui se dresse
devant Dieu comme un exemple pour l’humanité tout entière, est
Jésus-Christ. Dans l’Apocalypse de saint Jean, le drame de
l’humanité nous est présenté dans toute son étendue.
Le Dieu créateur est face au diable qui médit de toute
l’humanité et de toute la création. Il dit, non seulement à Dieu
mais par-dessus tout aux êtres humains : Regardez ce qu’a fait ce
Dieu. Cette création prétendument bonne, est en réalité pleine de
misère et de répugnance.
Ce dénigrement de la création est en réalité un dénigrement
de Dieu. Il cherche à prouver que Dieu n’est pas bon lui-même, et
ainsi à nous détourner de lui.
L’actualité de ce que l’Apocalypse nous dit ici est
évidente. Aujourd’hui, l’accusation adressée à Dieu
vise par-dessus tout à présenter son Eglise comme entièrement
mauvaise, et ainsi, à nous en détourner. L’idée d’une Eglise
meilleure, que nous créerions nous même, est en réalité une
suggestion du diable, par laquelle il cherche à nous éloigner du
Dieu vivant, au moyen d’une logique trompeuse par laquelle nous
nous laissons trop facilement duper. Non, même aujourd’hui
l’Eglise n’est pas composée seulement de mauvais poissons et
d’ivraie. L’Eglise de Dieu continue d’exister aujourd’hui, et
aujourd’hui, elle est l’instrument même par lequel Dieu nous
sauve.
Il est très important de contrer les mensonges et demi-vérités
du diable au moyen de la vérité tout entière : oui, il y a des
péchés dans l’Eglise, il y a du mal. Mais aujourd’hui encore il
y a la sainte Eglise, qui est indestructible. Aujourd’hui il y a
beaucoup de gens qui croient, souffrent et aiment humblement, dans
lesquels le vrai Dieu, le Dieu d’amour, se montre à nous.
Aujourd’hui encore Dieu a ses témoins (ses « martyrs ») dans le
monde. Nous devons simplement veiller, pour les voir et pour les
entendre.
Le mot « martyr » nous vient du droit procédural. Dans le
procès contre le diable, Jésus-Christ est le premier et le
véritable témoin de Dieu, Il est le premier martyr, suivi depuis
lors par d’innombrables autres martyrs.
Aujourd’hui l’Eglise est plus que jamais une Eglise
des martyrs, et elle est ainsi témoin du Dieu vivant. Si
nous regardons autour de nous et que nous écoutons d’un cœur
attentif, nous pouvons vous trouver des témoins partout aujourd’hui,
spécialement parmi les gens ordinaires, mais aussi dans les plus
hauts rangs de l’Eglise, qui par leur vie et leur souffrance, se
lèvent pour Dieu. C’est une inertie du cœur qui nous conduit à
ne pas vouloir les reconnaître. L’une des tâches les plus grandes
et des plus essentielles de notre évangélisation est d’établir,
autant que nous le pouvons, des lieux de vie de Foi, et par-dessus
tout, de les trouver et de les reconnaître.
Je vis dans une maison, une petite communauté de personnes qui
découvrent de tels témoins du Dieu vivant, encore et toujours, dans
la vie quotidienne, et qui me le font remarquer à moi aussi avec
joie. Voir et trouver l’Eglise vivante est une tâche merveilleuse
qui nous rend plus forts et qui nous donne de nous réjouir de
nouveau dans notre foi, toujours.
À la fin de mes réflexions je voudrais remercier le pape
François pour tout ce qu’il fait pour nous montrer, encore et
encore, la lumière de Dieu, qui n’a pas disparu, même
aujourd’hui. Merci, Saint-Père !
Nous
vivons un changement civilisationnel dont le moteur est culturel. La
famille dite traditionnelle - qui est simplement la famille naturelle
- diminue massivement en nombre et en influence sociale. Le politique
est de plus en plus centré sur la promotion de l’individualisme
a-culturel, a-religieux et a-national. L’économique accroît des
inégalités devenues stratosphériques et accélère et amplifie le
cycle des crises. L'Église est pourfendue; clercs et laïcs sont
atterrés.
Une
culture nouvelle jaillira inévitablement de ces craquements
historiques.
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