Paniqué par le temps qui passe, par l’inopiné
et le conclusif de la mort. Il faudrait, il faut si peu pour que vienne la
conviction du néant, aussi incompréhensible, encore plus incompréhensible que la
vie. Le grand commandement de la Genèse : le travail, la collaboration avec le
Créateur, et celui du Nouveau Testament : l’amour. Ces deux activités, ces deux
formes de la continuité et de l’épanouissement de l’être, nous arrachent au
non-sens. L’amour m’est surabondamment donné, du moins celui dont je suis
entouré et gratifié, mais le travail… je ne « produis » rien depuis des années
et des dettes très pratiques s’accumulent, cette épave à retirer du domaine
public maritime, maintenant ce permis de conduire presque à sec de points sans
que je retrouve, afin de les contester, les contraventions ayant motivé ces
sanctions. M’éveiller sans à mes côtés ma chère femme est un dépaysement que je
n’avais jamais ressenti auparavant. Et la mort de mon cher beau-père… un tiers de sa vie en paralysé, en dépendant
de plus en plus totalement. La nuit est là, sans lune, sans étoile, une sorte de
brume blafarde annonçant quoi ? Un vague cri d’oiseau. Pas de chant. – Hier
soir, sans entrer dans mes chantiers ni mettre à jour quoi que ce soit,
simplement accompagné Marguerite et dîné avec elle devant la télévision, elle
regarde un documentaire sur l’assistance à un couple séparé mais partageant
encore garde des enfants et éducation, bien fait. Tandis que je ploie
mentalement sous le poids d’une annonce cruelle, maladroite et témoignant
surtout d’une effrayante passivité devant « la vie », une de mes nièces
annonçant séparation et divorce avec quelqu’un que je m’étais mis à aimer, un
mariage que j’ai factuellement facilité et donc parrainé.
Pourquoi ne suis-je pas mort dès le ventre maternel,
n’ai-je pas péri aussitôt après ma naissance ? Pourquoi s’est-il trouvé deux
genoux pour me recevoir, deux seins pour m’allaiter ? Maintenant je serais étendu dans le calme, je
dormirais d’un sommeil reposant… Marguerite, tandis que nous faisons réviser
la voiture, dessine des lettres de son prénom et me demande ce qu’est une crise
d’angoisse. Définir chacun des deux mots, le second : facile, le premier :
compliqué. Pourquoi la question : elle ne me le dit pas. Elle s’(est organisée
intérieurement : elle n’accepte pas la mort de son grand-père et, tout en
protestant de son amour pour lui, elle dit préférer sa grand-mère, qui de fait
l’ « adorait », dont elle a été la grande et durable dernière joie, manière dont
ma belle-mère évoquait notre fille, et qui évidemment était active, parlait…
Prier est la réponse. Pourquoi donner la vie à l’homme qui ne trouve plus
aucune issue, et que Dieu enferme de toutes parts ? Prier… tu m’as mis au plus profond de la
fosse, en des lieux engloutis, ténébreux, le poids de ta colère m’écrase, tu
déverses tes flots contre moi. [1]
Et Job, dont j’ai dit à mes psy. il y a quelques dix-quinze ans, que son livre
était par excellence le compte-rendu d’entretiens psychothérapeutiques de
l’école freudienne et lacaniene (tce qui ne leur avait pas sauté aux yeux, pour
la simple raison qu’ils/elle ne l’avaient pas lu…), Job continue avec le
psalmiste qui l’a relayé (chronologie des deux textes ?) car mon âme est
rassasiée de malheur, ma vie est au bord de l’abîme ; on me voit déjà descendre
à la fosse, je suis comme un homme fini. Et le Christ ? notre lumière. Comme le
temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage
la route de Jérusalem. Présage… dans
un village de Samaritains… on refusa de l’accueillir, parce qu’il se dirigeait
vers Jérusalem. Ces Samaritains que Jésus
a si particulièrement enseignés, qu’il a admirés, jamais rabroués… Colère des disciples, réflexes humains… Jésus se retourna et les interpella
vivement. Et ils partirent pour un autre village. Une sort de … Jésus passif, fataliste ? non,
Jésus comprenant totalement, même nos rejets et nos désespérances, bonnes ou
mauvaises raisons. Jésus sachant et voyant TOUT, Son propre destin et sa
Passion, sa Mort, sa Résurrection, et marchant, continuant. Comment ? pourquoi ?
l’amour de son Père et pour son Père, pour nous. Dans cette nuit où je crie
en ta présence, que ma prière parvienne jusqu’à toi. Amen. Il est temps que j’aille éveiller
notre trésor, la classe, voile ce matin, ce soir la piscine, elle se réjouit de
la cantine. Réalisme et conduite toute relationnelle. La vie-même. Seigneur,
bénis-nous, bénis ceux qui se séparent de non-amour, bénis ceux qui se rendent à
toi par la mort que Tu leur donnes, bénis à nous prendre et garder dans Tes bras
divins avec à tes côtés le sourire, la présence de Ta sainte mère, la Vierge
Marie, mystère qu’elle seule est Ta mère tout humaine, comblée de Ta grâce,
aimante et si libre. Notre exemple de vie et de mort.
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