Je ne suis ni religieux ni prêtre – je n’appartiens à aucun mouvement d’aucune confession ni à aucun parti politique. Je ne suis que chrétien.
Vous trouverez ci-après – quotidiennement ou presque – une méditation sur les textes de la liturgie du jour de l’Eglise catholique et de fois à autre des essais et rédactions ou de simples esquisses sur ce qui – en moi ou selon d’autres que j’ai rencontrés ou rencontre – a Dieu ou l’attente de Dieu, pour référence.
POUR DIALOGUER : b.fdef@wanadoo.fr
L'eau
que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie
éternelle. C'est une eau toute nouvelle, vivante, et
jaillissante, jaillissant pour ceux qui en sont dignes. Pour quelle
raison le don de l'Esprit est-il appelé une « eau » ? C'est parce
que l'eau est à la base de tout ; parce que l'eau produit la
végétation et la vie ; parce que l'eau descend du ciel sous forme
de pluie ; parce qu'en tombant sous une seule forme, elle opère de
façon multiforme. ~ Elle est différente dans le palmier, différente
dans la vigne, elle se fait toute à tous. Elle n'a qu'une seule
manière d'être, et elle n'est pas différente d'elle-même. La
pluie ne se transforme pas quand elle descend ici ou là, mais, en
s'adaptant à la constitution des êtres qui la reçoivent, elle
produit en chacun ce qui lui convient.
L'Esprit Saint agit
ainsi. Il a beau être un, simple et indivisible, il distribue
ses dons à chacun, selon sa volonté. De même que le bois sec,
associé à l'eau, produit des bourgeons, de même l'âme qui vivait
dans le péché, mais que la pénitence rend capable de recevoir le
Saint-Esprit, apporte des fruits de justice. Bien que l'Esprit soit
simple, c'est lui, sur l'ordre de Dieu et au nom du Christ, qui anime
de nombreuses vertus.
Il emploie la langue de celui-ci au
service de la sagesse ; il éclaire par la prophétie l'âme de
celui-là ; il donne à un prêtre le pouvoir de chasser les démons
; à un autre encore celui d'interpréter les divines Écritures. Il
fortifie la chasteté de l'un, il enseigne à un autre l'art de
l'aumône, il enseigne à celui-ci le jeûne et l'ascèse, à un
autre il enseigne à mépriser les intérêts du corps, il prépare
un autre encore au martyre. Différent chez les différents hommes,
il n'est pas différent de lui-même, ainsi qu'il est écrit: Chacun
reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous.
~
Son entrée en nous se fait avec douceur, on l'accueille
avec joie, son joug est facile à porter. Son arrivée est annoncée
par des rayons de lumière et de science. Il vient avec la tendresse
d'un défenseur véritable, car il vient pour sauver, guérir,
enseigner, conseiller, fortifier, réconforter, éclairer l'esprit :
chez celui qui le reçoit, tout d'abord ; et ensuite, par celui-ci,
chez les autres.
Un homme qui se trouvait d'abord dans
l'obscurité, en voyant soudain le soleil, a le regard éclairé et
voit clairement ce qu'il ne voyait pas auparavant: ainsi celui qui a
l'avantage de recevoir le Saint-Esprit a l'âme illuminée, et il
voit de façon surhumaine ce qu'il ne connaissait pas.
Si l'amour chasse parfaitement la crainte et
si la crainte se transforme en amour, alors on découvre que l'unité
consiste en cet aboutissement du salut : tous sont unis entre eux par
l'adhésion à l'unique bien, au moyen de cette perfection que la colombe
représente.
Car c'est le sens que nous tirons des paroles qui suivent dans le Cantique des cantiques, et que prononce le Bien-Aimé : Unique est ma colombe, unique ma parfaite ; elle est la fille unique de sa mère, la préférée de celle qui l'enfanta.
Mais le sens de ces paroles nous apparaît plus clairement dans le
discours du Seigneur rapporté par l'Évangile. Par sa bénédiction, il a
donné toute puissance à ses disciples ; puis, en priant son Père, il
accorde les autres biens à ceux qui en sont dignes. Et il ajoute le
principal de tous les biens : que les disciples ne soient plus divisés
par la diversité de leurs préférences dans leur jugement sur le bien,
mais qu'ils soient tous un par leur union au seul et unique bien. Ainsi,
par l'unité du Saint-Esprit, comme dit l'Apôtre, étant attachés par le lien de la paix, ils deviennent tous un seul corps et un seul esprit, par l'unique espérance à laquelle ils ont été appelés.
Mais nous ferons mieux de citer littéralement les divines paroles de l'Évangile : Que tous, dit Jésus, soient un, comme toi, mon Père, tu es en moi, et moi en toi ; qu'eux-mêmes soient un en nous.
Or, le lien de cette unité, c'est la gloire. Que le Saint-Esprit soit
appelé gloire, aucun de ceux qui examinent la question ne saurait y
contredire, s'il considère ces paroles du Seigneur : La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée. Effectivement, il leur a donné cette gloire quand il leur a dit : Recevez le Saint-Esprit.
Cette gloire, qu'il possédait de tout temps, avant que le monde fût,
le Christ l'a pourtant reçue lorsqu'il a revêtu la nature humaine. Et
lorsque cette nature eut été glorifiée par l'Esprit, tout ce qui lui est
apparenté a reçu communication de la gloire de l'Esprit, en commençant
par les disciples. C'est pour cela que Jésus dit : La gloire que tu
m'as donnée, je la leur ai donnée ; qu'ils soient un comme nous sommes
un ; moi en eux et toi en moi, pour qu 'ils soient parfaitement un.
Celui qui, de petit enfant, est parvenu en grandissant à la stature d'homme parfait, qui a rejoint la mesure de l'âge spirituel
~ ; celui qui est devenu capable de recevoir la gloire de l'Esprit par
sa maîtrise de soi et sa pureté : il est cette colombe parfaite que
regarde l’Époux lorsqu'il dit : Unique est ma colombe, unique ma parfaite.
« Dieu nous a fait régner aux cieux,
dans le Christ Jésus »
Aujourd'hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui.
Écoutons ce que nous dit l'Apôtre : Vous êtes ressuscités, avec le
Christ. Recherchez donc les réalités d'en haut : c'est là qu'est le
Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et
non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans
s'éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et
pourtant ce qu'il nous a promis ne s'est pas encore réalisé dans notre
corps.
Il a déjà été élevé au-dessus des cieux ; cependant il souffre sur la
terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a
rendu témoignage à cette vérité lorsqu'il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J'avais faim, et vous m'avez donné à manger.
Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle
sorte que par la foi, l'espérance, la charité, grâce auxquelles nous
nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le
ciel ? Lui, alors qu'il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors
que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa
divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le
faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l'amour,
mais en lui.
Lui ne s'est pas éloigné du ciel lorsqu'il en est descendu pour venir
vers nous ; et il ne s'est pas éloigné de nous lorsqu'il est monté pour
revenir au ciel. Il était là-haut, tout en étant ici-bas ; lui-même en
témoigne : Nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme, qui est au ciel. ~
Il a parlé ainsi en raison de l'unité qui existe entre lui et nous : il
est notre tête, et nous sommes son corps. Cela ne s'applique à personne
sinon à lui, parce que nous sommes lui, en tant qu'il est Fils de
l'homme à cause de nous, et que nous sommes fils de Dieu à cause de lui.
C'est bien pourquoi saint Paul affirme : Notre corps forme un tout,
il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, bien qu'étant
plusieurs, ne forment qu'un seul corps. De même en est-il pour le Christ. Il ne dit pas : le Christ est ainsi en lui-même, mais il dit : De même en est-il pour le Christ à l'égard de son corps. Le Christ, c'est donc beaucoup de membres en un seul corps.
Il est descendu du ciel par miséricorde, et lui seul y est monté, mais
par la grâce nous aussi sommes montés en sa personne. De ce fait, le
Christ seul est descendu, et le Christ seul est monté ; non que la
dignité de la tête se répande indifféremment dans le corps, mais l'unité
du corps ne lui permet pas de se séparer de la tête
Nous bénéficions d'une union même corporelle avec le Christ, nous qui
participons à sa chair sacrée. Saint Paul en témoigne lorsqu'il dit à
propos du mystère de la piété : Ce mystère, Dieu ne l'avait pas
fait connaître aux hommes des générations passées comme il l'a révélé
maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et à ses prophètes. Ce
mystère, c'est que les païens sont associés au même héritage, au même
corps, au partage de la même promesse dans le Christ.
Si nous formons tous entre nous un même corps dans le Christ, et non pas
seulement entre nous, mais avec lui, puisque évidemment il est en nous
par sa propre chair, comment donc notre unité entre nous et dans le
Christ n'est-elle pas déjà visible ? Car le Christ est le lien de
l'unité, étant en lui-même Dieu et homme.
Quant à l'unité dans l'Esprit, nous suivrons le même chemin et nous
dirons encore qu'ayant tous reçu un seul et même Esprit, je veux dire
l'Esprit Saint, nous sommes en quelque sorte mêlés intimement les uns
avec les autres et avec Dieu. En effet, bien que nous soyons une
multitude d'individus, et que le Christ fasse demeurer en chacun de nous
l'Esprit de son Père qui est le sien, il n'y a cependant qu'un seul
Esprit indivisible, qui rassemble en lui-même des esprits distincts les
uns des autres du fait de leur existence individuelle, et qui les fait
apparaître pour ainsi dire comme ayant tous une seule existence en lui.
De même que la vertu de la chair sacrée fait un seul corps de tous ceux
en qui elle est venue, de la même manière, à mon avis, l'Esprit de Dieu
un et indivisible qui nous habite nous conduit tous à l'unité
spirituelle. C'est pourquoi saint Paul nous exhortait ainsi : Supportez-vous
les uns les autres avec amour ; rassemblés dans la paix, ayez à cœur de
garder l'unité dans un même Esprit, comme votre vocation vous a tous
appelés à une seule espérance. Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule
foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de
tous, parmi tous, et en tous. Si l'unique Esprit habite en nous,
le Dieu unique, Père de tous, sera en nous, et il conduira par son Fils à
l'union mutuelle et à l'union avec lui tout ce qui participe de
l'Esprit.
Que nous soyons unis au Saint-Esprit par une participation, cela aussi
est visible, et voici comment. Si nous abandonnons une vie purement
naturelle pour obéir une bonne fois aux lois de l'Esprit, ne sera-t-il
pas évident pour tous qu'après avoir pour ainsi dire renoncé à notre vie
propre, et réalisé l'union avec l'Esprit, nous avons obtenu une
condition céleste, si bien que nous avons comme changé de nature ? Nous
ne sommes plus seulement des hommes, mais en outre nous sommes des fils
de Dieu, des hommes célestes, puisque nous sommes devenus participants
de la nature divine.
Tous, nous sommes donc un seul être dans le Père, le Fils et le
Saint-Esprit. Un seul être, dis-je, dans une identité d'état, ~ un seul
être dans un progrès conforme à la piété, par notre communion à la chair
sacrée du Christ, par notre communion à l'unique Esprit Saint.
Il est représenté portant une bure blanche avec un Sacré-Cœur rouge
cousu sur sa poitrine. Cette robe est serrée à la
taille par une ceinture de cuir à laquelle pend un chapelet.
Orphelin à l'âge de six ans, Charles de Foucauld est élevé
par son grand-père maternel, le colonel Beaudet de Morlet.
Il intègre l'école
spéciale militaire de Saint-Cyr. À la sortie, son
classement lui permet de choisir la cavalerie. Il rejoint
donc l'École de
cavalerie de Saumur où il se signale par son humour
potache, tout en menant une vie dissolue grâce à l'héritage
perçu à la mort de son grand-père. Il est ensuite affecté en
régiment. À vingt-trois ans, il décide de démissionner afin
d'explorer le Maroc en se faisant passer pour un juif. La qualité de ses travaux lui
vaut la médaille d'or de la Société de géographie et
une grande renommée à la suite de la publication de son
livre Reconnaissance au Maroc
(1888).
De retour en France et après diverses rencontres, il
retrouve la foi chrétienne et devient moine
chez les trappistes
le . Puis
il part pour la Syrie,
toujours chez les trappistes. Sa quête d'un idéal encore
plus radical de pauvreté, d'abnégation et de pénitence le pousse à quitter La
Trappe afin de devenir ermite en 1897. Il vit alors en Palestine, écrivant ses
méditations (dont la Prière d'abandon) qui
seront le cœur de sa spiritualité.
Ordonné prêtre à Viviers en 19011,
il décide de s'installer dans le Sahara algérien à Béni Abbès. Il ambitionne de fonder
une nouvelle congrégation, mais
personne ne le rejoint. Il vit avec les Berbères, adoptant une nouvelle
approche apostolique, prêchant non pas par les sermons,
mais par son exemple. Afin de mieux connaître les Touareg, il étudie
pendant plus de douze ans leur culture, publiant sous un
pseudonyme le premier dictionnaire touareg-français. Les travaux de Charles de
Foucauld sont une référence pour la connaissance de la
culture touareg.
Le ,
Charles de Foucauld est assassiné à la porte de son
ermitage. Il est très vite considéré comme un martyr
et fait l'objet d'une véritable vénération appuyée par le
succès de la biographie de René Bazin (1921). De nouvelles congrégations religieuses,
familles spirituelles et un renouveau de l'érémitisme
s'inspirent des écrits et de la vie de Charles de Foucauld.
Le jeune Charles de Foucauld vers 5
ans, sa mère et sa sœur cadette, v. 1863
La famille de Charles de
Foucauld est originaire du Périgord et appartient à la vieille noblesse française ; leur devise
est : « Jamais arrière »B
1. Plusieurs de ses ancêtres ont participé aux CroisadesC
1, source d'un grand prestige dans la noblesse
française. Son arrière-grand-oncle, Armand de Foucauld de
Pontbriand, vicaire général et cousin germain de
l'archevêque d'Arles, MgrJean Marie du Lau
d'Allemans, et l'archevêque lui-même, sont victimes des massacres de
septembre, lors de la Révolution françaiseB
2. Sa mère, Élisabeth Beaudet de Morlet, est issue
de la noblesse lorraineB
3, alors que son grand-père, républicain, a fait
fortune pendant la RévolutionF
1. Élisabeth de Morlet épouse en 1855, le vicomte
Édouard de Foucauld de Pontbriand, inspecteur des forêtsA
1. De leur union, naît le un enfant, nommé Charles, qui meurt à l'âge d'un
moisB
3.
Charles de Foucauld adolescent (1872).
Leur deuxième fils naît à Strasbourg le A
2, dans la maison familiale située à l'ancien
emplacement de l'hôtel particulier du maire
Dietrich, où fut chantée pour la première fois La Marseillaise en 1792B
3. L'enfant est baptisé en l'église
Saint-Pierre-le-Jeune (actuellement église protestante, les deux cultes s'y
côtoyaient jusqu'en 1898) le de la
même annéeB
4, fête de la saint Charles Borromée. Il reçoit le
prénom de son frère aîné, mort à l'âge d'un mois.
Quelques mois après sa naissance, son père est muté à Wissembourg. En 1861, Charles Eugène de
Foucauld de Pontbriand est âgé de trois ans quand naît sa sœur
Marie-Inès-RodolphinetB
4. Sa mère Élisabeth, profondément catholique, l'éduque
dans la foi chrétienne, favorisant les
nombreux actes de dévotion et de piétéB
4. Elle meurt d'une fausse coucheA
3 le , suivie de son
époux, atteint de neurasthénie, le B
5 suivant.
Orphelins, Charles (âgé de 5 ans 1/2)C
1 et sa sœur Marie (3 ans)
sont confiés à leur grand-mère paternelle, la vicomtesse Clothilde
de Foucauld, mais celle-ci meurt peu après d'une crise cardiaqueA
3,F
2. Les enfants sont recueillis par leurs
grands-parents maternels, le colonel Beaudet de Morlet et sa
femme, qui vivent à Strasbourg.
Le colonel Beaudet de Morlet, ancien polytechnicien,
officier du génie, éduque avec beaucoup d'affection ses
petits-enfantsF
2. Charles de Foucauld écrira de lui : « Mon grand-père dont j'admirais la belle
intelligence, dont la tendresse infinie entoura mon enfance et
ma jeunesse d'une atmosphère d'amour dont je sens toujours avec
émotion la chaleur »F
2.
La maison habitée par Charles de
Foucauld à Nancy d'août 1871 à octobre 1876.
Charles suit ses études à l'école épiscopale de Saint-Arbogast,
où il obtient de bons résultats scolaires. Il entre en 1868 en
sixième au lycée de StrasbourgA
4. De tempérament introverti et colériqueA
5, il est souvent malade et poursuit ses études
grâce à des cours particuliersB
6.
Lors de l'été 1868, il part chez sa tante, Inès Moitessier, au Château de Louÿe, dans l'Eure. Elle se sent responsable de
son neveu. Sa fille Marie Moitessier (future Marie de Bondy)
devient l'amie de Charles de Foucauld, de huit ans son cadetA
6. C'est une fervente pratiquante, qui entretient
une relation très proche avec son cousin Charles, ayant parfois un
rôle maternel auprès de luiB
7.
En 1870, la famille Beaudet de Morlet fuit la guerre entre la France
et la Prusse et se réfugie à Berne
en Suisse. À la suite de la défaite, la famille s'installe à Nancy
en octobre 1871A
7,B
8. Charles de Foucauld entre alors en troisième au
lycée laïcA
7. Il a pour professeur Jules DuvauxB
8,A
7 et se lie d'amitié avec Gabriel TourdesA
7. Les deux jeunes gens se passionnent pour des
lectures classiquesF
3. Gabriel restera pour Charles l'un des « deux incomparables amis » de sa vieF
3. Son éducation dans un lycée laïc développe chez
lui un sentiment patriotique, accompagné d'une méfiance
envers l'AllemagneA
8. Il fait sa première communion le et est confirmé par MgrJoseph-Alfred Foulon à NancyF
4.
En octobre 1873, alors qu'il est en classe de rhétorique, il commence à s'éloigner de
la foi, avant de devenir agnostiqueA
9. Il affirme plus tard : « Les
philosophes sont tous en désaccord. Je demeurai douze ans sans
nier et sans rien croire, désespérant de la vérité, ne croyant
même pas en Dieu. Aucune preuve ne me paraissait évidente »2.
Cette perte de la foi se double d'un mal-être : il se trouve alors
« tout égoïsme, toute impiété, tout désir
de mal, j'étais comme affolé »3,F
5.
Le , sa cousine
Marie épouse Olivier de BondyA
10. Quelques mois plus tard, le ,
Charles de Foucauld obtient son baccalauréat avec mention
bienA
10.
Une jeunesse
dissipée
Charles de Foucauld élève officier.
Il est envoyé à l'école Sainte-Geneviève,
tenue par les jésuites et alors encore située à
Paris dans le Quartier
latin, afin de préparer le concours d'entrée à l'École spéciale
militaire de Saint-CyrA
8. Foucauld s'oppose à la sévérité de l'internat et
décide d'abandonner toute pratique religieuse. Il obtient son
deuxième baccalauréat en août 1875B
9. Il mène alors une vie dissipée et est exclu du
lycée pour « paresse et indiscipline »
en mars 1876A
11.
Il retourne alors à Nancy, où il suit les cours d'un précepteur,
tout en parcourant secrètement des lectures légèresA
12,B
10. Il veut dans ses lectures avec Gabriel Tourdes « jouir d'une façon complète de ce qui est
agréable au corps et à l'esprit »B
9. Cette boulimie de lecture amène les deux compères
à se plonger dans les œuvres de l'Arioste, de Voltaire,
Érasme,
Rabelais et Laurence SterneF
6.
Des examens médicaux révèlent chez lui une obésité précoceA
14. Poursuivant ses études malgré son peu
d'assiduité au travailB
11, Charles de Foucauld se confie régulièrement à
son ami Gabriel Tourdes, auquel il décrit son ennui profond à
Saint-Cyr, et évoque avec nostalgie sa vie auprès de son
grand-pèreB
12. La santé de ce dernier se détériore, et il meurt
le .
Charles de Foucauld, âgé de 19 ans, confie mélancoliquement à
Gabriel Tourdes sa douleur : « On m'enlève
du même coup ma famille, mon chez moi, ma tranquillité, et cette
insouciance qui était si douce. Et tout cela je ne le
retrouverai plus jamais »4.
Malgré son attitude, que beaucoup considèrent comme déplorable —
il est souvent puni pour des petits actes d'indiscipline — Charles
de Foucauld est reçu, de façon médiocre 5,
au terme des deux années de préparation, à l'école de cavalerie de
SaumurA
15. Il décrit à Gabriel Tourdes son ennui et sa
vision de Saint-Cyr : « Tu me demandes si,
en quittant Saint-Cyr, je ne sais s'il faut rire ou pleurer :
Foutre ! Oui ! Je le sais : il faut rire, et terriblement, et
furieusement, c'est effroyable : tu ne te figures pas quel enfer
est Saint-Cyr »F
7.
À Saumur,
il mène une vie dissolue, profitant à dix-neuf ans de l'important
patrimoine dont il a hérité. Celui-ci s'élève à plus de 353 500 francsNote
1. Il s'emploie à les dépenser lors de soirées
agitées en compagnie de son compagnon de chambrée, Antoine de Vallombrosa, marquis de
Morès qui deviendra célèbre comme capitaine d'industrie,
homme politique et aventurier, noceur impénitentF
7. Surnommé le « lettré fêtard », il profite alors
de sa fortune pour faire venir des prostituées de Paris qui défilent dans
sa chambre, et qu'il traite avec peu de respectB
13. Cette attitude libertine
se double d'une indiscipline volontaire et répétée. Il est puni de
nombreuses fois pour désobéissance, quittant l'école sans
autorisation, étant en retard, ne se levant pas le matin… Il a
plus de dix-neuf jours d'arrêt simple et quarante jours d'arrêt de
rigueurB
13. Aux examens de sortie, Foucauld est classé 87esur
87.
Nommé en octobre 1879 à Sézanne dans la Marne, il ne s'y plaît pas et
demande à être muté. Foucauld est alors affecté en 1880
au 4e Hussards (qui
deviendra le 4e Chasseurs d'Afrique)
à Pont-à-MoussonB
14. C'est alors la période la plus dissolue de sa
vie. Il donne des fêtes qui tournent à l'orgie6.
Il dépense son argent dans l'achat de livres, de cigares et en
soiréesA
16. Il vit en concubinage avec Marie Cardinal, une
actrice qui travaille à Paris, s'affiche avec elle, et est puni
pour s'être « commis en public avec une
femme de mauvaise vie »A
17. Sa tante, inquiète de ses frasques, lui écrit et
le fait placer une première fois sous conseil judiciaire afin
d'éviter qu'il ne dilapide sa fortuneB
14,A
17. Il écrit au sujet de cette période : « J'étais moins un homme qu'un porc »7.
Il est envoyé à Sétif,
en Algérie française, avec son
régimentA
17, et emmène sa concubine alors que son colonel le
lui a interditF
8. Condamné à trente jours d'arrêt, puis à la
prison, pour sa conduite qui fait scandale, il est mis
temporairement hors-cadre de l'armée pour « indiscipline » en
février 1881A
18. Il a vingt-trois ans. Plus tard, il dira de
cette conduite : « Jamais je ne crois
n’avoir été dans un si lamentable état d’esprit. […] J’étais
toute vanité, toute impiété, tout désir du mal ; j’étais comme
affolé8. »
Il se retire à Évian et y vit avec Marie
Cardinal. Mais apprenant que son régiment se bat en Tunisie,
contre la tribu des Kroumirs il demande sa
réintégration — qui lui est accordée quelques mois plus tard — au
4e Chasseurs
d'Afrique, acceptant de rompre avec sa concubineA
19,F
9. Il affirmera ressentir alors « l'inquiétude vague d'une conscience mauvaise
qui, tout endormie qu'elle est, n'est pas tout à fait morte »9.
Charles de Foucauld rejoint ses camarades qui combattent dans le
Sud-Oranais,
après l'insurrection dirigée par le Cheikh Bouamama. Au cours de cette
campagne, il rencontre François-Henry LaperrineB
15, qui devient son ami et a sans doute une
influence morale sur luiB
16. À la fin des combats, au bout de six mois de
lutte, il part en garnison, fin 1881, à Mascara, en AlgérieA
20. Cette campagne a marqué un tournant dans la vie
de Charles de Foucauld : non seulement il a fait preuve d'un bon
comportement militaire, mais s'est aussi révélé être un bon chef,
soucieux de ses hommes. Cette période correspond aussi à la fin de
sa vie de débaucheA
20.
Il mûrit un projet de voyage en Orient : « J'aime
bien mieux profiter de ma jeunesse en voyageant ; de cette
façon, au moins, je m'instruirai et je ne perdrai pas mon
temps »10.
Il demande un congé qui lui est refusé. Il démissionne alors de
l'arméeA
21. Sa famille renforce son contrôle judiciaire, car
il a déjà dilapidé plus d'un quart de son héritageA
21.
Explorateur
au Maroc
Le rabbin-explorateur Mardochée Aby Serour, guide
de Charles de Foucauld, après leur expédition au Maroc, alors
âgé d'une cinquantaine d'années, années 1880.
Charles de Foucauld s'installe à Alger dès mai 1882 et y prépare
son voyageA
22. La rencontre avec Oscar Mac Carthy, géographe et
conservateur de la bibliothèque d'Alger, confirme le projet : ce
sera le Maroc, pays encore très mal connu. Il étudie
pendant une année l'arabe et l'islam,
ainsi que l'hébreuA
23. Suivant les conseils de Mac Carthy, il rencontre
le rabbinMardochée Aby Serour qui lui
propose de devenir son guide et lui dit de se faire passer pour un
Juif afin de mieux passer inaperçu dans ce
pays11
alors interdit aux chrétiens et peuplé en majorité de tribus
échappant au contrôle direct du sultanA
24. Pour que la composition soit juste, Foucauld vit
dans le quartier juif d'Alger, laisse pousser sa barbe,
ses papillotes, adopte le costume
traditionnel juif, acquiert les manières juives et se fait
oublier. À cette occasion, il se rend compte par lui-même des
vexations antisémites à
l'égard des Juifs, venant tant des musulmans que des Français établis en Algérie12.
Le voyage réputé périlleux commence le
en compagnie du rabbin Mardochée Aby Serour. Charles de Foucauld
se fait alors appeler « rabbin Joseph Aleman », disant être né en
Moldavie, avoir été chassé
de son pays par les Russes, et cherchant à visiter la communauté juive du Maroc
pour qu'elle lui accorde son aide pécuniaireA
25. Il emporte avec lui tous les instruments de
travail nécessaires à son expédition : sextant,
boussoles,
baromètres, thermomètres, cartes et papiers qu'il
dissimule sur sa muleA
25.
Il vit comme un pauvre, suivant son guide, et respectant le shabbat. Encore en Algérie, il croise à Tlemcen,
le 13 juin, des officiers français qui ne le reconnaissent pas.
L'un d'eux ricane en voyant Charles de Foucauld et dit : « Regardez ce juif accroupi en train de croquer
des olives. Il a l'air d'un singe »A
26,B
17. Foucauld et Serour arrivent au Maroc, aidés dans
cette mission par Samuel ben Simhon du mellah
de Fès, puis à Boujaad
par Sid ben-Daoud et son petit-fils El Hadj-Idriss, musulman
marocain cultivé et ouvert à l'Occident12.
Les deux voyageurs bénéficient de l'hospitalité de familles juives
marocaines. Foucauld monte sur la terrasse pour faire ses mesures
pendant qu'Aby Serour fait le guet, détournant l'attention des
éventuels curieuxA
27. Devant l'impossibilité de traverser le Rif
sauvage, ils prennent la route de FèsA
28. Foucauld décide d'explorer l'est avant d'aller
plus au sudA
27. Devant les craintes d'Aby Serour, Charles de
Foucauld engage, pour assurer leur sécurité, des cavaliers et
négocie dans les différents villages la protection de caïdsA
27. Ils atteignent Meknès
le 23 août, puis partent vers le sud malgré les vives réticences
d'Aby Serour. Pendant les trajets, Foucauld note, sur un minuscule
cahier dissimulé dans sa manche, ses remarques et des croquis, en
s'abritant des regards de ses accompagnateurs. Le soir commence un
long travail pour recopier sur un cahier de plus grande taille les
différentes annotations prises pendant la journée. L'expédition
atteint le Haut Atlas, le col de Tizi n'Telouet ;
Charles de Foucauld est le premier Européen à explorer cette
partie du MarocA
29,B
17. S'y étant fait passer pour un Juif,
il écrit que « les Israélites..., aux yeux des musulmans, ne
sont pas des hommes… »13.
Reconnaissance du Maroc :
croquis de Charles de Foucauld gravé par Dujardin.
Charles de Foucauld est touché par la beauté des paysages, mais
aussi par la piété musulmane. Il écrit dans ses notes de
voyages :
« Une nuit du destin, après le
vingt-septième jour du ramadan.
Alors, les démons sortent de la terre, ce qui justifie la nuit
de prière pour se soustraire à leurs tentations. On comprend,
dans le recueillement de nuits semblables, cette croyance des
Arabes à une nuit mystérieuse, leïla el Kedr, dans laquelle le
ciel s'entrouvre, les anges descendent sur la terre, les eaux
de la mer deviennent douces et tout ce qu'il y a d'inanimé
dans la nature s'incline pour adorer son Créateur »A
30.
Il explore le Maroc jusqu'à Tissint(en),
située entre Tata et Foum Zguid, avant de faire demi-tour devant les
dangers et le manque d'argent. Abandonnant son compagnon de route,
avec qui il a souvent des relations animées sur notamment le
chemin à emprunter ou la vitesse de marche14,
il part à Mogador afin de demander
de l'argent à sa famille. Il y reste plusieurs semaines,
travaillant à rédiger son carnet de voyageB
18. Une fois l'argent reçu, il rejoint Aby SerourA
31. Ensemble, ils remontent le Haut Atlas, accompagnés par trois Arabes censés les
protéger mais qui les dépouillent, en leur laissant la vie sauve
et sans dérober les instruments et carnets de l'explorateurB
19. Charles de Foucauld et Aby Serour se réfugient
auprès de la communauté juive et regagnent l'Algérie après près de
onze mois de voyage, au lieu des cinq prévus initialementA
31,B
20.
Foucauld parle d'Aby Serour en des termes péjoratifs dans sa
correspondance privée ; il ne lui rendra hommage que très
tardivement (après sa « conversion »)15.
Il procède pareillement à l'égard des Juifs dans son ouvrage sur
le Maroc15,12,16.
Quant à Mardochée Aby Serour passablement usé avant l'âge par ce
voyage, il meurt moins de deux ans après leur retour, dans l'oubli
et la misère à Alger en 188617.
Ce voyage au cœur du Maroc de juin 1883 à mai 1884, et la masse
considérable de renseignements rapportés, notamment géographiques
et ethnologiques, valent à Charles de Foucauld la médaille d'or de
la Société
de géographie de Paris le 9 janvier 1885A
32. À la Sorbonne,
il reçoit les palmes académiques pour son travailA
32. De retour en France, il retrouve les siens, et
notamment sa tante paternelle Inès Moitessier, mais la vie
parisienne l'ennuie.
Foucauld repart pour Alger où Mac Carthy lui présente un
spécialiste de géographie, le commandant Titre. Charles de
Foucauld rencontre ainsi la fille du commandant, Marie-Marguerite,
avec qui il envisage de se marierA
33. Sa famille s'oppose à ce mariage et après
plusieurs mois de réflexion, il choisit de façon définitive le célibat. Il décide alors de repartir dans le
Sahara,
où il mène une seconde expédition, s'embarquant le 14 septembre
1885 pour AlgerB
21. Il découvre une partie du Sahara et dessine de
nombreux croquis de cette expédition19,A
34. Il rentre en France en février 1886B
21.
La conversion
Charles de Foucauld en 1886.
De février à octobre 1886,
Foucauld loue une chambre à Paris près du domicile de sa cousine
Marie de BondyA
35. Âgé de 28 ans, ayant regagné l'estime des
membres de sa famille, son attitude change. Il s'intéresse à la
spititualité et se met à lire tant le Coran
qu'« Élévation sur les mystères »
de Bossuet, livre offert par
Marie de Bondy. Il ne retrouve plus le plaisir d'antan dans les
lectures coquines, qui le dégoûtent maintenantA
36. Il mène une vie de plus en plus sobre, loin des
frasques qui choquaient tant sa famille. Il travaille tout au long
de l'année 1887 à la correction définitive de Reconnaissance au MarocB
22, qui paraît en 1888.
L'expérience au Maroc a été une révélation pour Foucauld. Il
affirmera en 1901 : « L'Islam a produit en
moi un profond bouleversement. La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle
présence de Dieu, m'a fait entrevoir quelque chose de plus grand
et de plus vrai que les occupations mondaines »20,21,B
23. Sa méfiance vis-à-vis de la foi chrétienne s'estompe
progressivement à travers les discussions avec sa cousine Marie de
Bondy, au cours desquelles ils parlent religion. Marie de Bondy
joue un rôle très important dans sa conversion. Il la décrit plus
tard comme « l'ange terrestre »
auquel il pourra se confierB
24. Mais surtout, il participe à des dîners mondainsB
25 qui changent sa perception de la foi : « À Paris je me suis trouvé avec des personnes
très intelligentes, très vertueuses et très chrétiennes. Je me
suis dit que peut-être cette religion n'était pas absurde »22,A
37. Il se met à fréquenter la paroisseSaint-Augustin,
où officie l'abbé HuvelinA
38.
Église Saint-Augustin - Paris - plaque
souvenir de la conversion de Charles de Foucauld.
Il cherche alors à le rencontrer, et se décide à le voir dans le
confessionnal de l'église
Saint-Augustin le A
39. Charles de Foucauld exprime sa volonté de
retrouver la foi. L'abbé Huvelin lui demande alors de se confesser,
ce que Foucauld faitA
39. Il lui donne ensuite la communionB
26. C'est, d'après lui, une seconde révélation : « Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu,
je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que
pour Lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma
foi : Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu
et tout ce qui n'est pas Lui. »2,A
40. Cette conversion pousse Foucauld à
vouloir changer radicalement de vie, il devient croyant et
commence à prier ; il lit le bréviaire et les pères du désertB
27. L'abbé Henri Huvelin devient son père spirituel,
et tente de modérer ses ardeurs. Il le met en garde devant une vocation
religieuse trop rapidement discernée, et lui demande de
prendre son temps. Très vite, des difficultés se présentent pour
la foi de FoucauldA
41 : « Dans les
commencements, la foi eut bien des obstacles à vaincre. Moi qui
avais tout douté, je ne crus pas tout en un jour. Les miracles
de l'Évangile me paraissaient incroyables »2.
L'abbé Henri Huvelin invite Foucauld à
s'attacher à l'imitation du Christ et la méditation de l'Évangile.
L'abbé Henri Huvelin affirme que « Jésus a
tellement pris la dernière place que jamais personne n'a pu la
lui ravir »A
42,B
27. C'est là une deuxième révélation pour Charles de
Foucauld, qui veut alors imiter le Christ. Après plus de dix-huit
mois d'attente et d'obéissance au père Henri Huvelin, Foucauld approfondit sa vocation
religieuse : il veut entrer dans un ordre qui « imite la vie cachée de l'humble et pauvre
ouvrier de Nazareth », se sentant indigne d'être prêtre
et de prêcherA
42.
Le il visite la trappe cistercienne de
Fontgombault et semble très attiré par la pauvreté radicale
de cet ordreB
28. En septembre 1888, il donne sa démission de
l'armée après sa dernière période de réserve et apprend avec
indifférence le succès de son ouvrage Reconnaissance au Maroc,
unanimement loué par le monde scientifiqueA
43,B
29.
Fin 1888, sur les conseils de l'abbé Huvelin, Charles de Foucauld
part pour un pèlerinage de quatre mois en Terre sainte. Il arrive le à JérusalemA
44, visite Nazareth
le , où il
approfondit son désir de prendre la dernière placeB
30. Il est de retour en France le
et annonce qu'il veut rentrer à la TrappeA
44. Sur les conseils de l'abbé Huvelin, il visite au
mois de mai l'abbaye de
SolesmesB
31, puis la grande Trappe de Soligny. Le 20
septembre 1889, il lit Le Livre des fondations de Thérèse d'Ávila.
Les écrits de Thérèse d'Ávila constituent dès lors, avec les
Évangiles, la base de ses lectures spirituellesA
45. Il prend la décision d'entrer à la Trappe de
Notre-Dame des NeigesA
45, décision qu’il explique dans une lettre à Henry de Castries du : « Il restait donc à entrer dans l’Ordre où je
trouverais la plus exacte imitation de Jésus. Je ne me sentais
pas fait pour imiter Sa vie publique dans la prédication : je
devais donc imiter la vie cachée de l’humble et pauvre ouvrier
de Nazareth. Il me sembla que rien ne me présentait mieux cette
vie que la Trappe23. »
Après plus de trois ans de discernement, Foucauld décide, avec
l'aval de son père spirituel, d'entrer à l'abbaye
Notre-Dame-des-Neiges, en Ardèche après une retraite
effectuée en 1889 au centre
spirituel jésuite Manrèse à Clamart
et à l'issue de laquelle il confirme son choix d'entrer dans la
vie religieuse : « Je suis rentré hier de Clamart, et j’y ai pris
enfin la décision d’entrer à la Trappe »24.
Dès le 18 décembre 1889, il lègue tous ses biens à sa sœurA
46,B
32. Il fait ses adieux à Marie de Bondy le ,
adieux très difficiles qui révèlent l'importance de son don total
à DieuA
47. Il choisira cette date pour renouveler sa
consécration à DieuB
33.
Notre Dame des Neiges (Ardèche)
Il entre à Notre-Dame-des-Neiges le 25,A
47. Il prend l'habit de novice
et le nom de Frère Marie-AlbéricC
2. Foucauld aime immédiatement cette vie de
pauvreté, de silence, de travail et de prièreB
34. Il se montre très détaché et devient vite un
exemple au sein de la communauté par son obéissance et son
humilitéA
48. Il explique à Marie de Bondy ce qu'il vit : « Dans ce triste monde, nous avons au fond un
bonheur que n'ont ni les saints, ni les anges, celui de souffrir
avec notre Bien-Aimé, pour notre Bien-Aimé. Quelque dure que
soit la vie, quelque longs que soient ces tristes jours, quelque
consolante que soit la pensée de cette bonne vallée de Josaphat,
ne soyons pas plus pressé que Dieu ne le veut de quitter le pied
de la Croix »C
3. Sa recherche de la pauvreté se poursuit par son
départ, à sa demande, pour la trappe cistercienne de Akbès, une
fondation récemment faite (1886) par Notre-Dame-des-Neiges, près
d'Alexandrette en Syrie ottomaneB
35,A
49, en plein territoire musulmanB
36. Il démissionne des membres réservistes de
l'armée le 16 juillet 1891, puis de la Société de géographieB
37,A
49,C
4. Il explique à sa cousine Marie de Bondy sa
démarche dans une lettre : « Cette
démarche me fait plaisir ; le 15 janvier j'ai quitté tout ce qui
m'était un bien mais ils restaient en arrière ces misérables
embarras, le grade, la petite fortune et cela me fait plaisir de
les jeter par la fenêtre »A
49.
À Akbès, la recherche de la perfection de Foucauld lui donne très
vite la réputation d'un saintA
50,B
37, malgré ses mortifications très importantes qui
inquiètent tant son supérieur que l'abbé Henri Huvelin. Il expose ses goûts dans une quête
de pauvreté et d'humilité : « Si on me
parle d'études, j'exposerai que j'ai un goût très vif pour
demeurer jusqu'au cou dans le blé et dans le bois et une
répugnance extrême pour tout ce qui tendrait à m'éloigner de
cette dernière place que je suis venu chercher dans cette
abjection dans laquelle je désire m'enfoncer toujours plus à la
suite de Notre-Seigneur... et puis, en fin de compte,
j'obéirai »A
50. Les supérieurs voient en lui le possible
prochain supérieur de la Trappe et lui demandent de reprendre des
études afin de devenir prêtre. Tout en regrettant ce choix, qui, à
ses yeux, l'éloigne de la dernière place et de l'humilité qu'il
recherche, Foucauld, dirigé par l'abbé Huvelin, s'exécute et
commence des études de théologie.
Charles de Foucauld émet des doutes sur sa vocation trappiste. Il
écrit à l'abbé Huvelin : « Vous espérez
que j'ai assez de pauvreté. Non. Nous sommes pauvres pour les
riches, mais pas pauvre comme je l'étais au Maroc, pas pauvre
comme Saint François. Je le déplore
sans me troubler. Sur cela aussi je garde le silence et
l'obéissance. Peu à peu, sans me faire remarquer, je pourrai
obtenir des permissions qui me feront mieux pratiquer la
pauvreté »A
51,26,C
5. Malgré les réserves qu'il exprime auprès du
maître des novices, Dom Louis de Gonzague, au sujet du confort
relatif du monastère, il prononce le 2 février 1892
ses vœux monastiques et reçoit la tonsureB
37.
Les interrogations de Foucauld s'amplifient et se portent sur la
possibilité de vivre plus profondément la pauvreté et l'oubli de
lui-même. Ses lettres à l'abbé Huvelin montrent que ses
interrogations sont de plus en plus constantes et fortes. L'abbé
tente, là encore, de modérer les ardeurs de Foucauld. Le 26 août
1893, il écrit à l'abbé Huvelin son intention de créer un nouvel
ordre religieuxA
52,C
6. Il prône une pauvreté absolue et une simplicité,
en priant non pas en latin,
mais dans la langue locale, ce qui annonce dans une certaine
mesure la réforme
liturgique introduite par le concile Vatican IIA
53. L'abbé Huvelin lui répond tardivement, lui
demandant d'attendre et de continuer ses études en vue du
sacerdoce, malgré ses réticencesA
54. Foucauld commence, dès 1895, à rédiger une
règle. Devant le refus de ses supérieurs de fonder un nouvel
ordre, il propose d'imiter la pauvreté de Nazareth
en devenant ermite au pied de la TrappeB
38. Il y renonce face aux difficultés que sa
démarche poserait à l'Ordre
auquel il appartient. Lors de l'une de ces médiations en 1896,
Foucauld écrit son texte le plus fameux, la Prière d'abandonNote
2,F
10, résumant sa spiritualité :
« Mon Père, je me remets entre Vos mains ; mon Père je me
confie à Vous, mon Père, je m'abandonne à Vous ; mon Père,
faites de moi ce qu'Il Vous plaira ; quoi que Vous fassiez de
moi, je Vous remercie ; merci de tout, je suis prêt à tout :
j'accepte tout : je Vous remercie de tout ; pourvu que Votre
volonté se fasse en moi, mon Dieu, pourvu que Votre Volonté se
fasse en toutes Vos créatures, en tous Vos enfants, en tous
ceux que Votre Cœur aime, je ne désire rien d'autre mon Dieu ;
je remets mon âme entre Vos mains ; je Vous la donne, mon
Dieu, avec tout l'amour de mon cœur, parce que je Vous aime,
et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre
en Vos mains sans mesure : je me remets entre Vos mains, avec
une infinie confiance, car Vous êtes mon PèreF
11. »
Le , l'abbaye
d'Akbès est protégée par des soldats pendant que commence le génocide des
Arméniens chrétiensA
55. Charles de Foucauld qui veut être au plus proche
des plus pauvres découvre enfin l'intérêt de la prêtrise
face aux massacres de mars 1896A
56 celui d'être au plus près de ceux qui souffrent
et des plus pauvres : « Point d'abri, ni
d'asile, par ce froid terrible, point de pain, aucune ressource,
des ennemis de toutes parts, personne pour les aider »B
39.
Charles de Foucauld refuse de faire ses vœux solennels, qui seraient
définitifs. Avec l'accord de l'abbé Huvelin, qui ne doute plus de
sa vocation particulièreB
40, il demande à être relevé de ses vœux
temporaires. L'abbé Huvelin le mettra cependant vivement en garde
contre son penchant pour la mortification : « Pour la mortification, vous ne la trouverez
jamais suffisante. Dans votre âme, vous vous direz toujours :
qu'est-ce que c'est que cela ?... et puis après ?... Vous avez
besoin d'être défendu contre ce mouvement à l'infini qui amène
l'inquiétude, et ne laisse jamais fixé quelque part – ce
mouvement n'est possible que dans les cœurs où il n'y a jamais
d'excès »27.
Ses supérieurs religieux lui opposent un refus et lui enjoignent
de gagner l'Abbaye de
Staouëli en AlgérieA
57. Le 10 septembre 1896, il part pour l'AlgérieB
41. Face à la détermination de Foucauld, ils
décident de l'envoyer à Rome, afin qu'il étudie en vue du
sacerdoceB
41. Foucauld obéit, et arrive à Rome
le .
Il affirme que l'obéissance est pour lui source de paix : « Cette habitude de demander ce que l'on doit
faire, même pour les petites choses, a mille bons effets : elle
donne la paix ; elle habitue à se vaincre ; elle fait regarder
comme rien les choses de la terre ; elle fait faire une foule
d'actes d'amour. »A
58,28.
L'abbé général des trappistes
est bientôt convaincu de la vocation personnelle de Charles de
Foucauld et décide de le dispenser de ses vœux le B
42.
Charles de Foucauld quitte Rome le 26 février, après avoir reçu
l'approbation de l'abbé Huvelin, auquel il obéit comme si celui-ci
était son supérieurA
59. Il part alors pour la Terre sainte où il arrive le 24 février 1897B
42.
Il commence un pèlerinage habillé comme un paysan
palestinien. Il arrive à Nazareth
le , et se présente
au monastère Sainte-Claire de Nazareth29,
où il demande à être jardinier, avec pour seul salaire un morceau
de pain et l'hébergement dans une cabaneB
43,A
60. Il répare les murs de la clôture, fait des
commissions pour les religieuses, dessine des images pieuses, tout
en s'octroyant de nombreux temps de prièreA
61. Les clarisses
s'inquiètent de son régime alimentaire et lui donnent des figues
et des amandes qu'il redistribue secrètement aux enfantsA
61. Charles de Foucauld confesse à son père
spirituel ses défauts : « Prières mal
faites... Paresse à me lever... Gloutonnerie. Désirs
d'élévation, comme être supérieur à la Trappe »A
62, mais celui-ci cherche à tempérer ses scrupules
et sa recherche immodérée de la mortificationB
27.
Il commence à rédiger ses méditationsB
44, pour « fixer les
pensées », écrivant plus de 3 000 pages en trois ansB
44. Ce sera sa plus grande période mystique et le
fondement de sa spiritualité30,A
63, faite de grands moments de joies intérieuresB
45. Il conçoit sa vocation comme celle de « crier l'Évangile sur les toits, non par ta
parole, mais par ta vie »B
46. Ses méditations le conduisent progressivement à
ne plus vivre uniquement en présence de Dieu, et « jouir tout seul » du ChristA
64, mais à imiter Jésus pour aller vers les autres.
« L'âme voit qu'elle jouit, qu'elle jubile,
qu'elle reçoit beaucoup. Mais elle ne rend rien, elle reste
inutile. Et plus je jouissais, plus je désirais travailler »A
65,B
47.
Menant cette vie d'ascèse, Foucauld acquiert une réputation de
sainteté auprès des Clarisses de Nazareth31,
et la supérieure des Clarisses de Jérusalem veut alors le
rencontrerB
48. Elle l'encourage au sacerdoce
et à la fondation d'un ordre religieuxA
66. Il passe une semaine de retraite spirituelle à Aphram-Taybeh
en mars 1898. Il choisit de se faire appeler « Charles de Jésus »,
et en mai 1900 prend pour devise : « Jesus Caritas »B
49. Malgré certains doutes et tâtonnements sur sa
vocation de fondateur, Foucauld croit trouver la solution en
achetant le Mont des Béatitudes afin de s'y
installer comme prêtre ermite.
Après avoir demandé de l'argent à sa sœur, il paie le terrain,
mais il est en fait victime d'une escroquerieA
67. Encouragé par son père spirituel et la
supérieure des Clarisses de Jérusalem, Foucauld demande à être
ordonné auprès du patriarche de Jérusalem.
Celui-ci lui dit d'attendreB
50. Le projet n'aboutissant pas, il se décide à se
préparer au sacerdoce en France.
À la fin du mois d'août 1900, Foucauld s'embarque pour Marseille.
Il revoit, pour la première fois depuis dix ans, l'abbé HuvelinA
68. Il gagne le lendemain la trappe de
Notre-Dame-des-Neiges, et part pour Rome afin d'obtenir
l'autorisation de devenir prêtre. Après avoir reçu les ordres
mineurs, le , il est enfin
ordonné prêtre au Grand Séminaire
de Viviers, le 9 juin de l'année
suivanteB
51. Il se décide alors à partir pour le désert du
Sahara.
Charles de Foucauld part pour Béni-Abbès, dans le
désert d'Algérie, à la frontière avec le MarocA
69, désireux de s’implanter non pas « là où la terre est la plus sainte, mais là où
les âmes sont dans le plus grand besoin32. »
Il débarque à Alger en septembre 1901, où il s'installe chez les Pères blancs ; il
rencontre Mgr Guérin,
l'évêque du diocèse de Béni-Abbès, à GhardaïaA
70. Puis il part en direction de Béni-Abbès, par des
militaires qui l'accueillent avec joie, d'autant plus qu'ils
voient en Charles de Foucauld l'un de leurs frères du fait de son
passé militaireA
71,B
52.
Au mois d'octobre 1901, le « Père de Foucauld » s'installe à Béni-Abbés, une oasis
située sur la rive gauche de la Saoura,
au sud de l'Oranie, dans le Sahara occidentalA
72,B
53. Il édifie avec l'aide des soldats présents une « Khaoua » (fraternité)A
73, composée d'une chambre d'hôte, d'une chapelle,
et de trois hectares de potagerA
74, achetés grâce à l'aide de Marie de BondyB
53. La chapelle est terminée le 1er décembre 1901B
53. Sa vie s'organise autour d'une règle stricte :
cinq heures de sommeil, six heures de travail manuel entrecoupé de
longs temps de prièresB
54. Il est cependant très vite débordé par les longs
moments qu'il prend pour écouter les pauvres et les militaires qui
viennent le voirA
75,B
55. Il décrit à Gabriel Tourdes son état d'âme : « Vivant du travail de mes mains, inconnu de
tous et pauvre et jouissant profondément de l'obscurité, du
silence, de la pauvreté, de l'imitation de Jésus. L'imitation
est inséparable de l'amour. Quiconque aime veut imiter, c'est le
secret de ma vie. Prêtre depuis le mois de juin dernier, je me
suis senti appelé aussitôt à aller aux brebis perdues, aux âmes
les plus abandonnées, afin d'accomplir envers elles le devoir de
l'amour. Je suis heureux, très heureux, bien que je ne cherche
en rien le bonheur »A
75.
Le , il rachète
la liberté d'un premier esclave, qu'il
appelle « Joseph du Sacré-Cœur ». Une partie de l'année 1902 est
consacrée à un échange de correspondance avec Mgr Guérin, préfet
apostolique du Sahara, au sujet de sa lutte
contre l'esclavage dans le Hoggar. L'année suivante, il
songe à accomplir des voyages au Maroc
et à y installer une fraternité. Il voudrait être rejoint par des
compagnons auxquels il demanderait trois choses : « être prêts à avoir la tête coupée — être
prêts à mourir de faim — à lui obéir malgré son indignité ».
Le Charles de
Foucauld reçoit la visite de Mgr GuérinA
76. Foucauld cherche un compagnon en vue de l'évangélisation et demande à aller
vers le sud afin de préparer celle-ciA
77. Le commandant François-Henry Laperrine
s'intéresse à la présence de Charles de Foucauld et cherche à le
faire venir dans sa tournée d'approvisionnement vers le sudA
78,F
12. Foucauld s'y montre d'autant plus favorable que
Laperrine semble vouloir utiliser des méthodes beaucoup moins
violentes que ses prédécesseursF
13. Le Foucauld
demande à Mgr Guérin
l'autorisation d'accompagner Laperrine, mais la rébellion des
tribus contre la présence coloniale rend
impossible cette démarche. Apprenant l'ouverture de ce conflit,
Foucauld part toutefois le 2 septembre 1903 dans le sud afin de
secourir les blessés des combats de Taghit
et d'El-MoungarF
14. Il revient et rédige une petite introduction au
catéchisme qu'il intitule L'Évangile
présenté aux pauvres nègres du Sahara. Quelque temps plus
tard, François-Henry Laperrine lui demande de venir avec lui lors
de la prochaine tournée d'approvisionnement dans le Sud. L'abbé
Henri Huvelin lui écrit d'« aller où vous
pousse l'Esprit »A
79.
Tournée dans le
Sahara
Foucauld part en tournée d'« apprivoisement »Note
3 le 13 janvier 1904, en direction du sud, vers le HoggarA
80,B
56. Le
lui et ses compagnons arrivent à l'oasis Adrar où ils rejoignent le
commandant LaperrineF
15. La tournée se poursuit vers Akabli.
Foucauld note alors tous les lieux possibles d'installationA
80. Il collecte des informations sur la langue touarègue
auprès des populations du sud du Sahara centralA
81 et y commence la traduction des Évangiles afin de pouvoir la transmettre
aux TouaregsB
57.
Il découvre l'attitude de certains militaires coloniaux, qui le
déçoitA
81,B
58,B
59. Arrivée non loin de la frontière algérienne en
cours de stabilisation, la tournée doit faire demi-tour et
rejoindre TitA
82. Foucauld souhaite s'y installer mais le
commandant Laperrine refuse. La tournée s'achève à In
Salah en septembre. Foucauld rejoint Mgr Guérin le
et il rentre à Béni-Abbès le A
83.
Intrigué par Charles de Foucauld, le général Hubert Lyautey, nommé en Algérie,
décide de le visiter à Béni-Abbès le A
84. De cette rencontre naît une amitié réciproqueF
16 et une certaine admiration de Lyautey pour
FoucauldB
60. Ce dernier rédige au cours de cette période les
Méditations sur les Saints ÉvangilesB
60. Au mois d'avril 1905, le commandant Laperrine
prie Charles de Foucauld de repartir avec lui dans une tournée
dans le Hoggar. Après avoir demandé conseil à Mgr Guérin et l'abbé
Huvelin, il participe à nouveau aux tournées d'approvisionnementF
17,A
85. Il part le ,
continue sa vie de prière tout en apprenant la langue tamahaq. Le , ils
rencontrent l'amenokal (chef de tribu) Moussa Ag Amastan
qui décide de faire alliance avec l'autorité françaiseB
61. Charles de Foucauld et Moussa Ag Amastan se
découvrent et semblent s'apprécier mutuellement. De leur rencontre
naît une amitié profondeF
18. Le Touareg autorise Charles de Foucauld à
s'installer dans le HoggarA
86, ce que fait ce dernier en se dirigeant vers TamanrassetA
87.
Foucauld arrive à Tamanrasset le 13 août 1905, accompagné de
Paul, un ancien esclaveB
62. Il se construit une maison en pierre et terre
séchéeA
88,F
19. Foucauld a désormais pour objectif de mieux
connaître la culture touarègue, et fait de la rédaction d'un dictionnairetouareg-français
une priorité de son apostolatB
63,A
89,F
20. Il aide les populations qu'il rencontre et
continue à distribuer médicaments et aliments afin d'être en
confiance avec eux et « leur prouver que
les chrétiens les aiment »B
64.
Le , Moussa Ag
Amastan obtient officiellement des autorités françaises
l'investiture d'amenokal du HoggarA
89. Il visite à plusieurs reprises Charles de
Foucauld et lui demande conseil sur l'attitude à adopter face aux
autorités françaises. Foucauld lui conseille de rechercher le bien
de son peuple, ainsi que de développer l'instruction et le droit
des femmesA
90,F
21. Paul, qui l'accompagnait, décide de quitter
Tamanrasset en mai 1906. Resté seul, Foucauld ne peut donc plus
dire la messe, une personne au moins étant requise
dans l'assistance, à l'époque, pour pouvoir célébrerB
65,A
91.
Les études de Foucauld lui permettent de découvrir la complexité
insoupçonnée de la langue et de la culture touarèguesB
64. Il écrit à Marie de Bondy : « Ici ma vie est surtout employée à l’étude de
la langue touarègue. C’est beaucoup plus long que je ne croyais,
car la langue est très différente de ce qu’on croyait ; on la
croyait très pauvre et très simple ; elle est au contraire riche
et moins simple qu'on ne pensait »33.
Il fait venir durant l'été 1906 son ami Motylinski afin
qu'il l'aide à terminer son dictionnaire touareg-françaisB
65. Après le départ de Motylinski, Foucauld décide,
en septembre 1906, de repartir pour Béni-AbbèsB
66. Il envisage de répartir son temps entre les deux
régionsB
66 : trois mois à Béni-Abbès, six mois à
Tamanrasset, trois mois à voyager d'un site à l'autre ; mais il
finira par abandonner définitivement Béni-Abbès.
Son retour à Tamanrasset révèle le fort attachement des Touaregs
à « Frère Charles de Jésus »Note
4, où Foucauld est accueilli avec joieB
66,A
92. Il reçoit souvent des officiers français, dont
le capitaine Edouard Charlet,
avec lesquels il a des échanges très fructueux. Foucauld perçoit
cependant, dans l'attention qu'ils lui témoignent, un obstacle à
sa recherche de la dernière placeB
67.
Ils repartent pour Béni-Abbès le 10 décembre et voient le général
LyauteyB
68,A
93. Le frère Michel et Charles de Foucauld partent
ensuite en direction de In
Salah, mais très vite la santé de frère Michel se dégrade,
celui-ci ne supportant pas l'austérité et les pénitencesB
69. Ils interrompent alors leur voyage durant un
mois et Foucauld étudie le touareg avec
Ben-Messis, un lettré arabeA
94. Ils travaillent sans relâche. Le , il apprend la mort de son ami MotylinskiA
94,B
70.
Face à l'impossibilité pour frère Michel de s'adapter à la dure
règle de vie de Foucauld, ce dernier le renvoieA
94,B
70,F
22. Le frère Michel repart vers Alger avec une
compagnie militaireNote
5. Foucauld finit son travail sur le dictionnaire
touareg-français qu'il donne à Laperrine afin de le
publier. Par humilité, il impose que la publication ne se fasse
pas sous son nom, mais au nom du défunt MotylinskiA
95,B
70,F
22.
De juillet 1907 à Noël 1908, Charles de Foucauld reprend sa vie érémitique à
Tamanrasset, recueillant des poésies touarègues contre quelques
sousA
95,F
23 et travaillant plusieurs heures par jour.
Cependant, il reste profondément seul. Il ne reçoit aucun courrier
pendant plus de six moisA
96. Il n'a pas non plus la possibilité de célébrer
la messe,
de garder l'Eucharistie, et donc d'adorerA
97,B
71. Il n'a encore fait aucune conversion. Ces
difficultés se font d'autant plus grandes que la famine
touche le HoggarB
71. Foucauld doute alors de son efficacité, mais
veut rester avec les plus pauvresF
24. Il donne sa nourriture aux victimes de la famine
et passe Noël sans célébrer la messeA
98. Le ,
épuisé et amaigri, Foucauld ne peut plus bouger et croit mourirB
72,F
25. Lui qui distribuait des vivres est alors sauvé
par les Touaregs qui lui donnent, en pleine famine, du lait de
brebisB
73,F
26. Cet épisode marque une deuxième « conversion »
de Charles de Foucauld, qui vit alors un appel à un plus grand
abandon spirituel.
Apprenant que Foucauld est malade, Laperrine lui fait parvenir
des vivresF
26. Le ,
Mgr Guérin
lui envoie de Rome une lettre venant du pape Pie X
qui l'autorise exceptionnellement à célébrer la messe sans servantF
27,A
96. Cette autorisation le met dans une grande joie.
Ces récents évènements, dont le fait d'avoir été sauvé par les
Touaregs, changent profondément la manière de voir de Charles de
Foucauld. Il ne cherche plus à convertir, mais à aimer ; il écrit
à Mgr GuérinA
99 : « Je suis ici non pour
convertir d'un seul coup les Touaregs, mais pour essayer de les
comprendre et les améliorer. Je suis certain que le bon Dieu
accueillera au ciel ceux qui furent bons et honnêtes sans qu'ils
soient catholiques romains »Note
6. Il reprend et continue son travail sur la culture
et la langue touarègues. Il travaille jusqu'à onze heures par jour
à des travaux linguistiques qui l'absorberont jusqu'à sa mort :
rédaction d'un lexique, transcription, traduction et commentaire
de poésies touarèguesA
100.
L'armée construit un nouveau fort à quelques kilomètres de
TamanrassetF
28, Fort MotylinskiA
100. Foucauld veut fonder une association de laïcsF
29, et demande l'approbation de l'abbé Huvelin et de
Mgr Guérin
pour aller en France afin de développer cette associationA
101. Le ,
Foucauld reçoit les encouragements de l'abbé Huvelin et décide donc de partir. Le
il embarque d'Alger pour la FranceA
101.
Le début de
la fraternité
Charles de Foucauld arrive à Paris le F
30. Il y retrouve l'abbé Huvelin et lui présente les
statuts de son Union de laïcsB
74. Il y rencontre également Louis Massignon, converti récemment,
avec qui il prie à la Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre le A
102. Foucauld voit en Massignon son héritier et lui
propose de le rejoindre dans le désertF
31, mais celui-ci refuse. Le ,
Foucauld fait la connaissance du gendre de Marie de Bondy,
Georges-Palamède, Marquis de Forbin des Issarts, se rend à
la trappe
Notre-Dame-des-Neiges afin de promouvoir son association de
laïcs, puis rencontre Mgr BonnetA
103. Il passe quelques jours avec sa sœur Marie et
repart pour l'Algérie le 7 mars.
Foucauld arrive à In
Salah et invente un chapelet,
le « Chapelet de l'amour », pour chrétiens et musulmansA
104,B
75. Mgr Bonnet
et Mgr Livinhac,
Supérieur général des Pères blancs, approuvent les statuts de
l'« Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur », « pieuse union »A
105, tout en attendant l'autorisation de RomeF
32.
Le 11 juin, Foucauld retourne à Tamanrasset. Il poursuit ses
travaux auprès des Touaregs et son lexiqueB
76. Il entreprend d'organiser la confrérie apostolique
des « Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus ». Il fait une
tournée d'approvisionnement avec le commandant Laperrine en
septembre et découvre l'AssekremA
104,B
76. Il revient ensuite à Tamanrasset et y reprend sa
vie habituelle.
Reconstitution - entreprise en 1954,
achevée en 195634
- de l'Ermitage de Charles Foucauld sur le
plateau de l'Assekrem.
En avril 1910, Foucauld part de nouveau pour une tournée avec
LaperrineA
106. Il décide de construire, avec l'aide de
soldats, un ermitage au sommet de l'AssekremA
106,B
77, ce qui lui permettrait de vivre à l'écart des
visites et à l'abri de la chaleur de l'été saharien. Le ,
il retourne à Tamanrasset où il se trouve surchargé : la pluie
étant revenue, de nombreux nomades sont revenus près de
Tamanrasset et sollicitent son aideA
107.
Entre-temps, à l'été 1910, Moussa ag Amastan fait une visite
officielle en France : c'est la « Mission Touareg »35.
Foucauld le recommande auprès de sa famille, et Amastan la visite.
Il lui écrit, voyant la richesse de la famille Foucauld, son
incompréhension : « Toi tu vis comme un
pauvre »A
108.
L'arrivée de Moussa ag Amastan à Paris
en 1910 dans une revue Le Petit Journal.
Les mois qui suivent sont marqués par de nombreuses séparations.
Foucauld apprend la mort de Mgr Guérin à l'âge de
trente-sept ans le . Quelques jours
plus tard, son ami de promotion, le commandant La Croix, meurt à
AlgerA
108. Il apprend le 15 août la mort de son père
spirituel, l'abbé Henri Huvelin, décédé le 10 juilletA
109. En outre, le commandant Laperrine est
muté et doit quitter le Sahara à la fin de l'année.
Foucauld veut cependant développer sa confrérie. Il repart en
France le B
78 et en revient le 3 maiF
33,B
79. Il consacre les deux mois suivants à ses travaux
sur le lexique, mais aussi à la construction de maisons en dur
pour le village, entre autres pour Moussa Ag AmastanA
110, tout en aidant au développement de l'hygiène, dont il apprend les rudiments aux
TouaregsB
77.
En juillet 1911, Foucauld part pour son ermitage dans l'AssekremB
80 qu'il agranditA
110. Devant sa santé qui se détériore, il écrit son
testamentA
111,B
75 : « Je désire être
enterré au lieu même où je mourrai et y reposer jusqu'à la
résurrection. J'interdis qu'on transporte mon corps, qu'on
l'enlève du lieu où le bon Dieu m'aura fait achever mon
pèlerinage. »
De retour à Tamanrasset pour Noël 1911, Foucauld se passionne
pour les missions d'étude du TranssaharienB
75, aidant à la reconnaissance des possibles
passages du train. Il participe à la mission d'étude, trouvant des
guides touaregs pour l'exploration de pistes possibles, utilisant
ses baromètres pour les relevés altimétriques demandés par les
scientifiquesD
1.
La fin de l'année 1912 et le début de l'année 1913 sont marqués
par le développement d'une instabilité politique dans le Sahara
avec des menaces de rezzous venant du MarocB
81. Foucauld achève la rédaction de son lexique
touareg et commence sa relectureB
81. Il songe à aller de nouveau en France pour
développer son Union de laïcs, car il veut faire redécouvrir aux
laïcs leur vocation apostolique par la bonté, la tendresse et la
charitéNote
7. Du 22 avril au mois de septembre 1913,
il entreprend ce voyage. Il visite sa famille et ses amis, dont
François-Henry Laperrine. Il apprend que le général Hubert Lyautey
est critiqué pour sa gestion trop « pacifique » du Maroc : Charles
de Foucauld l'encourage alors à ne pas démissionner, et le défend
auprès des personnes qu'il rencontreA
112. Il accepte les dîners mondains afin de réaliser
cette tâcheB
82,A
113. Il participe à une conférence à la Sorbonne
sur le projet du TranssaharienD
1. Il rencontre l'abbé Antoine Crozier qui a rassemblé les
26 premiers membres de l'Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur
de JésusB
82 et l'appuie dans ce projet. Sa rencontre avec le
cardinal Léon Adolphe Amette est moins
fructueuse : celui-ci le reconduit froidement après l'avoir reçuB
83,A
114. Foucauld rentre en Algérie le 28 septembre et
arrive à Tamanrasset le 22 novembre, où il reprend son travail
habituelA
114.
Dernière photographie de Charles de
Foucauld vivant (c.
1915).
Le , il apprend
la déclaration de guerre en EuropeB
84,A
115. Du fait de sa santé de plus en plus précaire,
Foucauld hésite à partir sur le front afin de devenir aumônier militaire. Finalement il
écrit à sa cousine Marie, après de multiples débats de
conscience : « Vous sentez qu'il m'en
coûte d'être si loin de nos soldats et de la frontière : mais
mon devoir est, avec évidence, de rester ici pour aider à y
tenir la population dans le calmeB
85 ». Il tâche alors de minimiser auprès
des Touaregs l'importance des combats qui ont lieu en FranceB
86. À la fin de l'année 1914, il tombe maladeB
86.
Le développement de son Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur
de Jésus est arrêté par la guerre, mais Charles de
Foucauld continue d'approfondir son règlement, développant le cœur
de sa théologieB
87. Il s'intéresse aux travaux qui visent à
l'installation de la transmission sans fil, ainsi
qu'à l'apparition de pistes automobilesD
2. Il aide l'armée à tracer des pistes dans le
Hoggar, espérant apercevoir bientôt les premiers véhiculesD
3.
Foucauld sécurise son ermitage de Tamanrasset en construisant, entre l'été
1915 et l'été 191636,
un fortin en briques pour donner à la
population un refuge en cas d'attaqueA
116,B
87. Il contient des vivres, un puits, et des armes37.
Charles de Foucauld refuse de s'installer avec l'armée à Fort Motylinski, préférant demeurer auprès des
TouaregsA
117. En juin 1916, ses voisins touaregs lui
conseillent pourtant de se réfugier dans le fort. Cependant, le
danger ne vient finalement pas du Maroc. Une grande partie de la
population du Sahara et du Sahel
se soulève contre l'occupant français, à l'instigation de la Sanusiyya (confrérie senousiste) venant de TripoliB
88. Le 28 novembre, Foucauld a fini la relecture du
lexique touareg-français. Il écrit à sa cousine Marie de Bondy,
dans ce qui sera sa dernière lettre :
« On trouve qu'on n'aime jamais assez,
mais le bon Dieu qui sait de quelle boue il nous a pétris et
qui nous aime bien plus qu'une mère ne peut aimer son enfant,
nous a dit, Lui qui ne ment pas, qu'il ne repousserait pas
celui qui vient à Lui ».
Des pillards venus de Tripoli
entendent parler de Charles de Foucauld, et veulent alors
l'enlever. Les motifs du rapt sont sans doute financiers, les
pillards espérant obtenir une rançon contre sa libérationB
89. Le 1er décembre,
un Touareg connu de Charles de Foucauld trahit sa confiance et
permet aux Senoussistes d'investir le fortinA
118. L'arrivée de deux tirailleurs algériens les
surprend et, dans la panique, l’adolescent auquel on avait confié
la garde de Charles de Foucauld l'abat d'une balle dans la tempeB
90,B
63.
Si pour Jean-Jacques Antier, Foucauld
est ligoté par les assaillants qui l'humilient, lui crachent
dessus et pillent le fortinA
119, pour Jean-François Six, les
circonstances de la mort de Charles de Foucauld ne font pas de lui
un martyr :
voir ci-dessous l'image
du martyr. L’universitaire algérien musulman Ali Mérad met
hors de cause la Sanousiyya dans la mort de Charles de
Foucauld38.
La tombe de Charles de Foucauld à El Menia (Algérie).
Le soir même, les Touaregs l'enterrent à même le sol, avec les musulmans,
à quelques mètres de la porte où il est mortA
120. Le général Laperrine arrive sur les
lieux un an plus tard, le 15 décembre 1917, retrouve la dépouille
jetée dans le fossé et l'inhume à quelques mètres de làB
91. Le corps est encore déplacé pour être mis dans
un tombeau, le , à El Goléa, appelé
aujourd'hui El Méniaa. Ces
déplacements sont contraires à la volonté que Foucault avait
manifestée dans son testamentA
111,B
75.
Après la mort de Charles de Foucauld, ses amis touaregs comme
Ouksem entrent en dissidence contre l'armée française39 :
en décembre 1916 ou en 1917, la tribu des Dag-Ghali se rallie à l'insurrection senoussiste, à laquelle
les autorités coloniales répondent par une « cruelle répression »40,
les militaires français se livrant à des expéditions
punitives : ils « chassaient les troupeaux et les gens,
razziaient et faisaient des prisonniers »41.
La
spiritualité de Charles de Foucauld
À l’imitation de Jésus, « le Modèle
unique », Charles de Foucauld a développé une spiritualité de la qualité
d’être, en donnant jour après jour des preuves d’amour à chacun
des autres, sans exception, reconnus comme frères, à égalité de
dignité, avec un cœur qui aime et irradie42.
« On fait du bien, non dans la mesure de
ce qu’on dit et ce qu’on fait, mais dans la mesure de ce qu’on
est43. »
Lectures
et sources d'inspiration
Charles de Foucauld aime lire les livres de son époque aussi bien
que ceux des grands mystiques
du passé. Il lit et médite la Bible
en arabe,
éditée par les Pères de Beyrouth ;
un article paru dans Excelsior, « Comment aimer
Dieu ? » a profondément inspiré sa vie intérieure. Il tient
absolument à rencontrer son auteur, Antoine Crozier, un prêtre
stigmatisé, qui devint son ami et l'influença dans la création
d'une confrérie du Sacré-Cœur44.
Il découvre également un ouvrage faussement attribué à Jean-Pierre de Caussade
(1675-1751) intitulé L’abandon à la Providence divine, un
livre qui fait grande impression sur Charles de Foucauld. Il écrit
à ce sujet : « Je ne cesse de le relire
depuis deux ans et toujours j’y trouve du nouveau. » Il
ajoute dans une lettre de 1904 : « C’est
le livre dont je vis le plus »45.
Il fait venir de Rome la Somme Théologique
de saint Thomas d'Aquin. Il est imprégné de la
lecture des très grands auteurs mystiques comme Thérèse d'Avila et Jean de la
Croix ; Jean Chrysostome est l'objet de ses
méditations quotidiennes, ainsi que L'Imitation de
Jésus-Christ. On retrouve aussi quelques livres
d'importance mineure, comme Jésus Adolescent, livre du
chanoine Caron, un de ses amis, ou Les Quatre Évangiles en un
seul, du chanoine Weber. Dès sa conversion, il a lu les Pères du désert. Un court texte, le
Modèle unique46,
résume la spiritualité de Charles de Foucauld : l'Évangile, le Sacré-Cœur et la Sainte Face de Jésus. Quand Charles de Foucauld
revient en France en avril 1909, il passe une nuit de prière, avec
Louis Massignon, dans la Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre47.
L'adoration du Saint-Sacrement et en particulier l'adoration
nocturne est un fondement de sa spiritualité.
La conversion de Charles de Foucauld est marquée par les mots de
l'Abbé Henri Huvelin : « Jésus a tellement pris la dernière place que
jamais personne n'a pu la lui ravir »B
27. Cette phrase est extraite de la « parabole de la
Noce et des Invités » (Luc, 14, 7) : « Jésus dit aux invités une parabole, parce qu'il
remarquait qu'ils choisissaient les premières places ; il leur
dit : Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la
première place, de peur qu'on ait invité quelqu'un de plus
important que toi, et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne
vienne te dire : « Cède-lui la place » ; alors tu irais tout
confus prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es
invité, va te mettre à la dernière place, afin qu'à son arrivée
celui qui t'a invité te dise : « Mon ami, avance plus haut ».
Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à
table avec toi. Car tout homme qui s'élève sera abaissé et celui
qui s'abaisse sera élevé ». Charles de Foucauld remarque alors
qu'il n'y a rien d'autre pour lui que cette chère dernière place.
Il veut imiter Jésus. C'est ainsi dans cet objectif qu'il part
pour Tamanrasset, loin de la capitale. Cette imitation (imitatio Christi en
latin liturgique) le conduit à vouloir l'imiter dans sa vie
cachée, qui correspond à la période de la vie de Jésus de Nazareth qui n'est pas
mentionnée dans le Nouveau Testament, avant sa vie
publique. Charles de Foucauld perçoit dans cette vie cachée une
profonde humilité et abnégation de Jésus.
À travers l'humilité, Charles de Foucauld recherche la
dernière placeF
34,B
60. Il ne veut pas se différencier des personnes
avec qui il vit ; il mène une vie similaire à la leur, travaillant
pour gagner sa vie, refusant de manifester sa supériorité du fait
de son statut de prêtre. Il écrit à son ami Gabriel Tourdes : « Vivant du travail de mes mains, inconnu de
tous, et pauvre, et jouissant profondément de l'obscurité, du
silence, de la pauvreté, de l'imitation de Jésus. L'imitation
est inséparable de l'amour, quiconque aime veut imiter : c'est
le secret de ma vie »A
75. Par cette imitation de l’abaissement de Jésus,
travaillant comme un pauvre artisan à Nazareth,
Charles de Foucauld concrétise une conception du travail comme kénose48.
Cette imitation de la vie cachée de Jésus conduit Charles de
Foucauld à développer toute une spiritualité personnelle, ainsi
qu'une vision personnelle de l'apostolat.
Alors que les missionnaires cherchaient traditionnellement à prêcher,
à l'image de la vie publique de Jésus, Foucauld au contraire veut
développer un apostolat dans le silence et la discrétion. Il
perçoit sa vocation comme celle de vivre la vie de NazarethF
35, il écrit en 1905 : « Mes
dernières retraites de diaconat et de sacerdoce m'ont montré que
cette vie de Nazareth, ma vocation, il fallait la mener, non
dans la Terre sainte tant aimée, mais parmi les âmes les plus
malades, les brebis les plus délaissées »F
18. Il acquiert la conviction que cette vie de
Nazareth peut se vivre partoutB
92, il cherche ainsi à « prendre
pour seul exemple la vie de Jésus à Nazareth. Qu'il daigne me
convertir. Me rendre tel qu'il me veut. L'aimer, lui obéir,
l'imiter »A
87. Foucauld approfondit alors un nouvel apostolat
par les relations quotidiennes avec le milieu social, à l'image de
Priscilla et Aquila dans les Actes des
apôtres49.
La spiritualité de Charles de Foucauld accorde une très grande
importance à l'eucharistie, dans laquelle il reconnaît
la présence de Jésus caché dans l'hostie.
L'imitation de la vie cachée de Jésus et l'eucharistie participent
de la même logique pour Charles de Foucauld. Il place l'adoration eucharistique
comme « l'œuvre caractéristique,
spéciale » de l'Union des laïcs dont il a écrit
les statutsF
24. Pendant toute sa vie, il passe ainsi des heures
à adorer le Saint-SacrementA
121 et considère cette prière comme prioritaire sur
toute autre activité. Il veut apporter l'eucharistie dans les
lieux où celle-ci est la moins présente, c'est-à-dire dans le
SaharaF
17. Dans ses méditations, il affirme que c'est cette
adoration de l'eucharistie qui le conduit à vouloir aller vers les
autres. Il écrit lorsqu'il est à Nazareth :
« L'âme voit qu'elle jouit, qu'elle
jubile, qu'elle reçoit beaucoup. Mais elle ne rend rien, elle
reste inutile. Et plus je jouissais, plus je désirais
travailler »A
65.
Après avoir été ordonné prêtre, Foucauld continue
à accorder une importance primordiale à l'eucharistie. Dans sa
solitude en plein Sahara, il écrit à Marie de Bondy qu'il est
avec son « meilleur ami » et que « rien ne lui manque »C
7,F
36. Il affirme :
« Quand on voit la sainte hostie, que
dire sinon que la nuit de cette vie a perdu ses ténèbres ?...
À côté d'elle, tous les rois de la terre sont comme s'ils
n'étaient pas, de purs néants »B
93.
Charles de Foucauld développe une conception originale de
l'eucharistie, qui constitue une nouveauté théologique. Il croit
que la présence eucharistique rayonne, donne des grâces et permet,
par sa simple présence, la sanctification de personnes qui
vivent à proximitéB
68,F
24.
Cet amour de l'eucharistie se déploie au fil du temps :
il écrit en 1907, à propos de sa dévotion à l'eucharistie : « Autrefois, j'étais porté à voir d'une part
l'infini, le saint sacrifice, d'autre part le fini, tout ce qui
n'est pas lui, et à toujours tout sacrifier à la célébration
d'une sainte messe... Mais ce raisonnement doit pécher par
quelque chose, puisque, depuis les apôtres, les plus grands
saints ont sacrifié en certaines occasions la possibilité de
célébrer à des travaux de charité spirituelle, voyages ou
autres »F
37. Il choisit de partir à Tamanrasset afin de vivre
un plus grand amour du prochain, quitte à ne plus pouvoir célébrer
la messe,
ni adorer l'eucharistie, malgré la vraie souffrance que cette
séparation entraîneF
38. Il cherche alors à faire rayonner, dans la
charité envers les autres, l'amour qu'il porte à l'eucharistie. Il
veut voir « Jésus en tous les humains »F
37. Il écrit quatre mois avant sa mort à Louis
Massignon : « Il n'y a pas, je crois, de
parole de l'Évangile, qui ait fait sur moi une impression et
transformé davantage ma vie que celle-ci : « Tout ce que vous faites à l'un de ces
petits, c'est à Moi que vous le faites. » Si l'on songe
que ces paroles sont celles de la Vérité incréée, celles de la
bouche qui a dit : « Ceci est mon corps,
ceci est mon sang », avec quelle force on est porté à
chercher et aimer Jésus dans ces petits »G
1.
Un
apostolat novateur
Charles de Foucauld découvre très vite la limite de l'évangélisation classique sur les
populations touarèguesF
39. Celles-ci sont de nature assez indépendante, ce
qui conduit Foucauld à refuser d'employer la prédication comme
moyen principal des conversionsD
4. Son désir d'imiter la vie cachée de Jésus le
conduit à innover de façon radicale dans l'apostolat,
qui n'est dès lors plus conçu comme une stratégieD
5, mais consiste alors à essayer d'être, dans sa vie
quotidienne, un exemple de vie chrétienneD
4. Ceci se traduit par une présence chrétienne
auprès des populations non-chrétiennes en menant une vie semblable
à celles-ci, tout en cherchant à imiter la vie de Jésus.
Progressivement, Charles de Foucauld considère qu'il ne faut pas
chercher à tout prix des conversions, encore moins des conversions forcéesD
6. Il faut aimer son prochain, même si sa religion
est différente, le respecter, et essayer de le comprendreD
7. L'étude de la langue touarègue par Charles de
Foucauld entre pleinement dans cette démarche d'acceptation, de
compréhension et d'aide aux populations pour lesquelles on ne fait
« pour ainsi dire rien »D
8.
Cette connaissance de l'autre doit conduire, pour Charles de
Foucauld, à rechercher son bien-être matériel, par l'éducationC
8 et le progrès techniqueD
8, mais aussi à développer l'intelligence de l'autre
et sa dignité, et cela sans rien attendre en
retourD
9,D
4, afin de faire des populations indigènes « nos égaux »D
9. Il écrit à Marie de Bondy : « Il faudrait instruire d'abord, convertir
ensuite. On ne peut pas en faire d'abord des chrétiens et
civiliser ensuite »B
94. Cette démarche conduit ainsi à se faire aimer,
pour mieux amener à la religion en la faisant aimer et apprécier
par le comportement quotidien, qui est celui de l'imitation de
JésusD
9. Comme il l'écrit à Mgr Guérin : « Prêcher Jésus aux Touaregs. Je ne crois pas
que Jésus le veuille ni de moi ni de personne. Ce serait un
moyen de retarder, non d'avancer leur conversion. Cela les
mettrait en défiance, les éloignerait, loin de les rapprocher.
Il faut y aller prudemment, doucement, les connaître, nous faire
d'eux des amis »F
39.
Il voulait pour son apostolat outre des sœurs blanches et
des religieux, des professeurs qui viennent de France, professeurs
de français (il apprenait aux enfants touaregs
les Fables de La Fontaine)
et de musique, puis des personnes étudiant la culture et
civilisation touarègues pendant au moins six ans ; c'était donc
déjà aussi une relation d'« amitié partagée » et non à sens
unique, presque, dirait-on aujourd'hui, d'échanges culturels, la
reconnaissance de leur culture et de leur identité.
Charles de Foucauld refuse pendant longtemps le terme de missionnaire : « Ma vie n’est point ici celle d’un
missionnaire, mais celle d’un ermite », écrivait-il à Henry de Castries le 28 octobre
190550.
Le ,
il écrivait encore à Mgr Guérin,
en soulignant les mots : « Je suis moine,
non missionnaire, fait pour le silence, non pour la
parole »51.
Ce refus d'être appelé « missionnaire » le conduit à vouloir
développer un apostolat de la présence silencieuse, « incognito »D
10. Dans sa correspondance, il est convaincu que
cette présence est essentielle afin de « défricher »D
11, première étape vers la conversion. Pour Charles
de Foucauld, le premier apostolat que doivent poursuivre des
missionnaires isolés est celui qui passe par « de la bonté, de l'amour et de la prudence »D
12, même si cette étape peut prendre des « siècles » avant la conversionD
13,D
7. Outre son monumental dictionnaire
français-touareg et les lexiques, les poésies touarègues, il avait
traduit des extraits de la Bible en tamachek, la langue
touarègue, ainsi que les quatre Évangiles, qui ne furent pas retrouvés.
Charles de Foucauld développe une véritable spiritualité autour
de l'abandon à Dieu, symbolisée par la Prière d'abandon issue d’une
méditation sur la phrase que Jésus prononce alors qu’il est sur la
croix : « Mon Dieu, je remets mon esprit
entre tes mains52 ».
La logique de l'abandon à Dieu l'amène à vouloir se donner à Dieu
en lui offrant sa liberté. Cela se traduit par l'obéissance à ses
supérieursA
122, dans lesquels il voit la main de DieuA
123. Cette conception radicale de l'obéissance
l'amène à considérer que « tous les actes
deviennent de purs actes d'amour »A
65. L'obéissance aux supérieurs est ainsi un moyen
de s'abandonner à Dieu et de faire sa volonté ; c'est aussi un
moyen de vivre l'imitation de JésusA
89.
Cet abandon à Dieu est pour Charles de Foucauld un cheminement
qui unit la miséricorde de Dieu, son amour et la
souffrance. La dévotion au Sacré-Cœur, qu'il prend comme ornement
sur son habit de religieux, symbolise l'amour de Jésus, avec le
cœur, et la souffrance par la présence de la CroixG
2. Ce don à Dieu nécessite une volonté, un combatG
3 : pour Charles de Foucauld, « il n'y a pas d'oblation sans immolation »G
4. C’est dans cet esprit d’imitation de Jésus qu’il
abandonne toute espèce de bien matériel, se dépouillant jusqu’à
l’extrêmeNote
8.
Cet abandon de sa liberté répond à la recherche de l'oubli total
de soi pour épouser la volonté de Dieu53 ;
par le choix de la dernière place et les mortifications, il
s'approfondit à la fin de 1908. Il n'a alors encore entraîné
aucune conversion. De plus, pendant cette année, il ne peut
célébrer la messe. Il doit même sa vie au secours matériel apporté
par des pauvres. Foucauld abandonne alors tous ses désirs de
fondation, de conversions, et s'offre comme un pauvre à DieuG
2. Cet abandon complet de lui-même et l'offrande de
sa vie à Dieu est pour lui le seul moyen de porter du fruitG
4, à l'image du « grain de
blé » qui tombe en terre dans l'Évangile, et qu'il médite
à de nombreuses reprisesG
4.
Vision de l'islam
Le regard porté par Charles de Foucauld sur l'islam
évolue au fil du temps. L'exploration du Maroc
et la ferveur qu'il observe chez les populations musulmanes
et juives
joue sans doute un rôle essentiel dans le début de sa conversion.
Il est un temps attiré par le Coran,
avant de définitivement s'en écarterC
9. Toute sa vie est toutefois marquée par la
proximité des populations musulmanes, tant à la trappe en Syrie
qu'à Nazareth et enfin en Algérie.
L'approche qu'il développe est celle, non de la conversion
immédiate, mais de la découverte et de l’intérêt bienveillant à
l’égard des autres en qui il voit des frères. À Tamanrasset en
1907, il s’interdit tout prosélytisme, affirmant même : « Je suis moine, non missionnaire,
fait pour le silence non pour la parole54. »
Il cherche de même à proposer l’exemple de ce qu'il appelle la « religion naturelle »B
95 : cette conception tend à amener à l'« amour de Dieu » et à l'« acte d'amour parfait »B
95. Elle le conduit à développer ce qu'il appelle le
« chapelet de l'amour », qui peut
être récité tant par les musulmans que par les chrétiensA
104,B
75. Il pense que les musulmans ne peuvent pas
comprendre le christianisme sans être ouverts à une
éducation« égale
à la nôtre », afin qu'ils puissent juger par eux-mêmes
leur religionF
40 : « Il semble qu’avec les
musulmans la voie soit de les civiliser d’abord, de les
instruire d’abord, d’en faire des gens semblables à nous ; ceci
fait, leur conversion sera chose presque faite elle aussi car
l’islamisme ne tient pas devant l’instruction ; l’histoire et la
philosophie en font justice sans discussion : il tombe comme la
nuit devant le jour55. »
En attendant, il est persuadé que ceux d'entre eux qui ne
connaissent pas Jésus-Christ sans qu'il y ait faute de
leur part accèderont au Paradis,
même non baptisés, s'ils le
méritent par leur vieD
14. Cette idée est reprise par l'Église catholique, lors du Concile Vatican II,
dans la déclaration Dignitatis Humanae.
Petit Frère
Universel
Cette fraternité universelle n’est pas un sentiment idéaliste et vague, envers
l’ensemble de l’humanité, mais l’acte concret et personnel d’être
frère de celui-ci, de celle-là, de chacun sans exception, « bon ou mauvais, ami ou ennemi, bienfaiteur ou
bourreau, chrétien ou infidèle », selon les mots mêmes de
Foucauld, car « c’est en aimant les hommes
qu’on apprend à aimer Dieu »56.
Charles de Foucauld a ainsi été le chantre de la fraternité
universelle57— malgré
le contexte antinomique de la colonisation avec tout ce qu'elle
permettait, comme la vente publique d'esclaves,
(les touaregs avaient des esclaves, les iklans), la montée
de l'antisémitisme illustrée par l'Affaire Dreyfus et des nationalismes
qui mèneront à la Première Guerre mondiale —
vingt ans après la fin de la Traite des Noirs, englobant tous
les hommes dans son amour, quelles que soient leur condition
sociale et leur race. Il fait de cette universalité son projet de
vie et la raison d'être de sa conversion, comme il l’a confié à Henri Duveyrier : « Tous les hommes sont les enfants de Dieu qui
les aime infiniment : il est donc impossible d’aimer, de vouloir
aimer Dieu, sans aimer, vouloir aimer les hommes. L’amour de
Dieu, l’amour des hommes, c’est toute ma vie, ce sera toute ma
vie, je l’espère. » (Lettre à Henri Duveyrier58,
qui, du reste, a probablement plongé celui-ci dans la
consternation). Il veut aimer tous les hommes sans distinction
avec une préférence pour les pauvres : « Envelopper
tous les hommes, en vue de Dieu,
dans un même amour et un même oubli » ; et Massignon souligna
qu'il avait appris à aimer les autres avec une délicatesse
inexprimable. À Beni Abbès, il
consacre sa chapelle au Sacré-Cœur, la Khaoua c'est-à-dire
« Fraternité du Sacré-Cœur » : « Je veux
habituer tous les habitants, chrétiens, musulmans,
juifs, à me regarder comme leur frère, le
frère universel. Ils commencent à appeler la maison « la
Fraternité », et cela m'est doux » (Lettre à Marie de
Bondy, 1890, 1902). « Les indigènes
commencent à l'appeler la khaoua, et à savoir que les
pauvres y ont un frère ». Cette fraternité qui puise sa
source dans l’amour de Dieu, Père de tous ses enfants, ne cessa de
grandir en son cœur jusqu’à en imprégner toute sa vie. « Son exemple fut des plus convaincants pour
son entourage d’alors, comme pour nous aujourd’hui : l’homme est
d’abord un frère ou une sœur, avant d’être un étranger, un
concurrent ou un ennemi » (Mgr Grallet). Il rachète
plusieurs esclaves, comme les Pères blancs le
faisaient, tels Joseph du Sacré-Cœur et Abd-Jésus.
Avant son exploration par Charles de Foucauld avec Abi Serour, le Maroc ne
comptait que 700 km de
pistes répertoriéesA
1. Charles de Foucauld relève plus de 2 690 km de pistes, et plus de
3 000 cotes d'altitudes. Il a corrigé le relevé du cours du Dra
et rapporté des milliers d'observations, de cartes et des dessins
qu'il publie dans son livre Reconnaissance au MarocA
33. Cet ouvrage, édité en 1888, lui vaut la médaille
d'or de la Société de géographie. Les
découvertes et travaux de Charles de Foucauld au Maroc sont loués
par la communauté scientifique, et le discours du rapporteur lors
de la remise de la médaille de Géographie montre leur impact :
« En onze mois, un seul homme, M. le
vicomte de Foucauld, a doublé pour le moins la longueur des
itinéraires levés au Maroc. Il a repris, en les
perfectionnant, 689 kilomètres de travaux de ses devanciers,
et il y a ajouté 2 250 kilomètres nouveaux... C'est vraiment
une ère nouvelle qui s'ouvre, grâce à M. de Foucauld, de la
connaissance géographique du Maroc et on ne sait ce qu'il faut
le plus admirer, de ces résultats si beaux et si utiles ou du
dévouement, du courage et de l'abnégation ascétique grâce
auxquels ce jeune officier français les a obtenus […] Il a
conquis des renseignements très nombreux, très précis, qui
renouvellent littéralement la connaissance géographique et
politique tout entière du Maroc »B
96.
La reconnaissance de la qualité des travaux de Charles de
Foucauld est internationale : un membre de la Royal Geographical Society
de Londres affirme qu'on « ne saurait
estimer trop haut la contribution apportée par M. de Foucauld à
notre connaissance du Maroc »B
97.
Culture touarègue
Dictionnaire touareg–français
de Foucauld (1951).
Outre sa Reconnaissance au Maroc (1888),
Charles de Foucauld a laissé de nombreux documents scientifiques.
En 1951,
l'Imprimerie nationale de France,
avec le concours du Gouvernement général de l'Algérie, publie son dictionnaire
touareg-français complet, en quatre volumes, issu de son important
travail de recherche en vue de la connaissance des Touaregs et
plus généralement des Berbères.
Charles de Foucauld est convaincu que l'évangélisation passe par le respect
et la compréhension des cultures dans lesquelles il vitD
15. À maintes reprises dans sa correspondance, il
déplore la connaissance superficielle et l'irrespect manifesté
envers le peuple touareg par des missionnaires et des membres de
l'administration françaiseD
15. La méconnaissance de la langue est l'obstacle
majeur à la compréhension des Touaregs. Charles de Foucauld
travaille plus de douze ans à l'apprentissage de la culture
touarègue59.
Dès 1907, Foucauld recueille les poèmes touarègues en contrepartie
d'une petite rémunération60.
Toutes les poésies étant apprises par cœur par les Touaregs,
Foucauld recopie celles qu'on lui dicte, passant des heures à
écouter les femmes les réciter60.
En parallèle de ses travaux scientifiques59,
comme le lexique, des éléments de grammaire, un dictionnaire des
noms de lieux, Foucauld s'emploie à traduire et développer des
commentaires et analyses des poésies. Il finit ce travail sur
l'œuvre poétique des Touaregs le 28 novembre 191659,
deux jours avant sa mort. L'ensemble de ces travaux constitue une
véritable encyclopédie du Hoggar
et des TouaregsD
15.
La majorité des travaux scientifiques de Charles de Foucauld a
été très vite occultée au profit d'une vision hagiographique de
sa vie, mettant plus l'accent sur son cheminement spirituel59.
En 1925 et 1930, André Basset a publié les deux volumes
des Poésies touarègues, comprenant plus de 575 poèmes
(soit 5670 vers)59.
Ignorés jusqu'à aujourd'hui par les hagiographes et la
quasi-totalité des biographes de Charles de Foucauld, ces travaux
ont pourtant été connus et utilisés par les spécialistes dès leur
parution. Certains d'entre eux ont bénéficié récemment de
rééditions qui les ont mis à la portée d'un public un peu plus
large : ré-édition en 1984 des textes en prose59,
puis ré-édition en 1997 d'une partie des poèmes61.
L'ensemble de l'œuvre scientifique de Charles de Foucauld reste « pour toute personne qui se spécialise dans
l'étude du monde touareg une référence incontournable »59,
d'autant qu'elle constitue une importante source pour l'analyse ethnographique59,62.
Libération des esclaves d'Alger
par F.-A. Vincent, 1806
Dès l'occupation de l'Algérie en 1830, la France avait aboli l'esclavageA
124, position officialisée lors du Décret
d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848, qui devait
s'appliquer également dans les colonies.
Cependant, afin de ménager les susceptibilités et les intérêts des
chefs de tribu et des marabouts, l'esclavage est
maintenu. En arrivant à Béni-Abbès, Charles
de Foucauld découvre que l'esclavage existe encoreD
16. Très vite, il rachète la liberté d'un premier
esclave, Joseph, le 9 janvier 1902A
74, puis d'un deuxième le 4 juillet, afin de montrer
son opposition à cette pratiqueD
17, tout en laissant ces anciens esclaves libres de
pratiquer leur foiA
74.
Immédiatement, Charles de Foucauld dénonce la pratique de
l'esclavage dans sa correspondance, tant auprès de Marie de Bondy
que d'Henri de Castries et Mgr GuérinF
41 :
« La plus grande plaie de ce pays est
l'esclavage. Je cause familièrement chaque jour, en
particulier, hors de la présence des maîtres, avec beaucoup
d'esclaves »63.
Charles de Foucauld apprend à Mgr Guérin que l'esclavage
est maintenu sur ordre du Général RisbourgA
124, confirmé par le colonel BilletF
42. Foucauld s'offusque de cette pratique dans sa
correspondance :
« C'est de l'hypocrisie de mettre sur
les timbres et partout « liberté, égalité, fraternité, droits
de l'homme », vous qui rivez le fer des esclaves, qui
condamnez aux galères ceux qui falsifient vos billets de
banque et qui permettez de voler des enfants à leurs parents
et de les vendre publiquement, qui punissez le vol d'un poulet
et permettez celui d'un homme »F
43,64.
Il demande à son ami Henri de Castries de tout faire afin d'agir
en FranceF
44. Il écrit à Mgr Livinhac le 8 février
1902 pour lui demander d'agir auprès des sénateurs catholiques : « Nous n'avons pas le droit d'être des chiens
muets et des sentinelles muettes : il nous faut crier quand nous
voyons le mal »F
44. En attendant, Foucauld donne la priorité à
l'œuvre des esclaves, installant un local pour leur accueilD
17.
Néanmoins, Foucauld se voit tempéré dans ses revendications par Mgr Guérin,
qui lui demande, au nom du réalisme politique, de ne pas agir
politiquement. À plusieurs reprises, il lui demande d'arrêter
l'achat de ses esclaves, parce que les chefs de tribus sont
mécontents des initiatives du « marabout blanc »B
98. De plus, le climat politique en France est
marqué par une vague d'anticléricalisme avec les lois du
gouvernement Waldeck-RousseauB
99. Mgr Guérin
voit dans l'antiesclavagisme
virulent de Charles de Foucauld une éventuelle difficulté pour le
maintien des Pères blancs en
AlgérieB
99 et lui enjoint donc d'arrêter son activité
publique contre l'esclavage le 17 septembre 1902F
45. Charles de Foucauld écrit qu'il lui obéiraF
46, non sans être en désaccord avec lui : « Ces raisons ne me laissent pas — soit dit une
dernière fois — sans regretter que les représentants de Jésus se
contentent de défendre « à l'oreille » (et non « sur les
toits ») une cause qui est celle de la justice et de la
charité »F
47.
Peu à peu, l'activisme et la proximité de Charles de Foucauld
avec les autorités conduisent à un changement de la situation. Le
15 décembre 1904, Foucauld annonce à Henri de Castries que « d'un commun accord, les chefs d'annexe des
oasis ont pris des mesures pour la suppression de l'esclavage.
Non en un jour, ce qui ne serait pas sage, mais
progressivement »A
125. Les esclaves ne peuvent plus être vendus, ceux
qui avaient un esclave peuvent le garder, mais il ne pourra plus
changer de maître ; s'il est maltraité, le chef d'annexe l'affranchiraA
125.
La colonisation française est portée principalement par les
idéalistes laïcs, comme Léon Gambetta ou Jules Ferry. Ce dernier affirme en 1885 : « Il faut dire ouvertement qu'en effet les
races supérieures ont un droit vis-à-vis des races
inférieures... Je répète qu'il y a pour les races supérieures un
droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir
de civiliser les races inférieures »D
18,65.
Des entrepreneurs soutiennent aussi la colonisation avec par
exemple le canal de Suez, et les missionnaires
chrétiens voient dans la colonisation
une possibilité d'évangélisation. La colonisation est
d'autant plus recherchée qu'elle constitue un remède provisoire
dans laquelle « la génération de Charles
de Foucauld trouvera un moyen d'exprimer son patriotisme »66,D
19.
Charles de Foucauld soutient la colonisation
française, cependant ce soutien est différent de la plupart
des autres Français : « Il s'est montré
néanmoins plus lucide que la plupart des responsables coloniaux
de sa génération, et ne s'est pas privé d'avertir ses
compatriotes qu'ils perdraient leur empire africain faute d'une
volonté politique de justice et de progrès »67.
Certains voient dans le soutien de Charles de Foucauld à la
colonisation une dissociation entre sa pensée spirituelle et
politiqueD
3. Jean-François Six souligne quant à
lui l'unité de sa penséeD
3 : Charles de Foucauld voit dans la colonisation
une mission civilisatrice au
bénéfice des populations colonisées, celle-ci apportant une
ouverture de l'intelligence qui permet d'ouvrir à l'évangélisationD
20.
Foucauld croit au bienfait du progrès technique qu'il assimile à
la civilisationD
21. Il appuie l'arrivée de chaque progrès technique
au Sahara, comme le projet du chemin de fer transsaharienD
22, la transmission sans filD
2 ou la construction de pistes automobilesD
3. Ce progrès issu de la colonisation a pour
vocation de faire des colonisés « non nos
sujets, mais nos égaux, être partout sur le même pied que nous »D
23. Il conçoit la colonisation de manière humaniste
et fraternelle : « Que
ces frères cadets deviennent égaux à nous »D
16,68.
Malgré son soutien à la colonisation française,
Charles de Foucauld la considère, à de nombreuses reprises, de
manière très sévère : il dénonce l'absence d'investissement et d'aide au développement : « ... Notre Algérie, on n'y fait rien pour les
indigènes ; les civils ne cherchent la plupart qu'à augmenter
les besoins des indigènes pour tirer d'eux plus de profit, ils
cherchent leur intérêt personnel uniquement ; les militaires
administrent les indigènes en les laissant dans leur voie, sans
chercher sérieusement à leur faire faire des progrès »D
24,69.
Il critique vivement les exactions des militaires
dans le SaharaD
25, ainsi que les civils qui ne recherchent que leur
intérêt et le développement de leur profitD
26, mais aussi l'absence de lutte contre l'esclavage
par les autorités colonialesD
27.
Les rapports qu'il entretient avec l'armée
française seront nombreux. Il établit des relations amicales
avec l'armée, ce qui lui sera reproché après sa mort. Cela ne
l'empêche pas de critiquer les exactions et les abus commis par
certains militaires dans le Hoggar,
comme les réquisitions et les
sous-paiements d'indemnitéD
25. Il a un regard parfois très sévère sur certains
officiers :
« Ce que je vois des officiers du Soudan
m'attriste. Ils semblent des pillards, des bandits, des
flibustiers. Je crains que ce grand empire colonial qui
pourrait et devrait enfanter tant de bien ne soit présentement
pour nous qu'une cause de honte, qu'il nous donne lieu de
rougir devant les sauvages mêmes ; qu'il fasse maudire le nom
Français et hélas le nom chrétien, qu'il rende ces
populations, déjà si misérables, plus misérables encore »A
126.
Foucauld néanmoins ne se croit pas le représentant de l'armée,
d'ailleurs il se méfie de cette proximité, écrivant à Mgr Guérin :
« Sauront-ils séparer entre les soldats et
les prêtres, voir en nous les serviteurs de Dieu, ministres de
paix et de charité, frères universels ? Je ne sais... »D
28.
Charles de Foucauld développe une analyse sur l'efficacité de la
colonisation. Dans une lettre à René Bazin, il affirme qu'il y a une incompatibilité
profonde entre la religion
musulmane et l'assimilation des populations musulmanes à la
France. Non pas que les populations ne puissent pas progresser
comme beaucoup de personnes le pensaient à son époque, et
auxquelles Foucauld s'opposeD
29, mais parce qu'il considère que les musulmans « regardent l'Islam comme une vraie patrie »D
30. La politique d'assimilation des populations
musulmanes lui semble impossible, d'autant qu'aucun effort pour l'éducation et l'exemple de vie n'est fait
pour les populations. Il affirme ainsi dans sa lettre que « si nous n'avons pas su faire des Français de
ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils
deviennent français est qu'ils deviennent chrétiens »D
30.
Cette question mineure concerne les différents noms désignant
Charles de Foucauld. « Charles de Foucauld de Ponbriand » est son
nom complet. Cette dénomination est utilisée pour le désigner dans
la période qui précède son entrée dans les ordres. « Père de
Foucauld », désigne sa fonction à partir son ordination. « Frère
Charles » a la préférence de sa famille spirituelle : pour les Petites Sœurs de Jésus, ce
nom exprime mieux son idéal de fraternité et sa volonté de rester
humble. On trouve aussi le nom de « petit frère universel ».
La façon dont Charles de Foucauld se désignait lui-même dans ses
correspondances a varié au cours des années : après avoir signé
ses lettres « Frère Marie-Albéric » à l'époque de la Trappe,
« Frère Charles » après sa sortie de la Trappe, puis « Charles de
Jésus » ou « Frère Charles de Jésus » à partir de 1899F
48, il semble, après 1913 ou 1914, ne plus guère
signer que « Charles de Foucauld » ou « Fr. Charles de Foucauld »70,F
48.
À la mort de Charles de Foucauld en plein conflit mondial, il semble
que sa spiritualité ait peu d'avenir : personne ne l’a rejoint
dans sa congrégation religieuse71.
Son association de laïcs, l’Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de
Jésus, ne comprend que quarante-huit membres et n'a plus de
direction.
L'Union est progressivement reprise par Louis Massignon, qui publie les
premiers extraits de son directoire en 1917A
127. En 1919,
le cardinal Amette donne un avis
favorable à la reprise de l'Union, sous la présidence de Mgr Le Roy,
désigné par Mgr Livinhac72.
En 1928, Massignon publie l’intégralité du directoire de l'UnionA
128. En 1947,
il crée la SodalitéNote
9 et différents groupes ou fraternités regroupés
ensuite en « Association ». L’Union devient Union-Sodalité
et regroupe les nombreuses associations autour de la spiritualité
de Charles de Foucauld. Elle comprend actuellement plus de 1 000
membres dans 53 pays73.
La notoriété de Foucauld s'accroît avec la publication, en 1921,
d'une biographie rédigée par René Bazin à la demande de Louis Massignon, qui
rencontre un grand succèsA
127. De nombreux laïcs suivent le modèle proposé par
Foucauld, telle Suzanne Garde, qui suscite un groupe d'infirmières
laïques. Après la Seconde Guerre mondiale,
Magdeleine de Vimont crée les « Nazaréennes du Père de Foucauld »,
communauté de femmes laïques qui se consacrent aux enfants et
jeunes handicapés. La tombe de Charles de Foucauld et les endroits
où il a vécu sont l'objet de pèlerinages et de « Goums » sur ses traces74,75.
Au cours des années 1920, les premiers prêtres
ermites prenant modèle sur Charles de Foucauld se déclarentA
127 : en 1924,
l'amiral Malcor, ordonné prêtre, prend l'habit du père de Foucauld
et s'installe à Sidi-Saâd, près de Kairouan
en Tunisie. Charles Henrion l'y rejoint suivi de
quelques disciples, ce qui aboutit à la création de « l'œuvre de
Bou-Saâda »76.
Charles Henrion convertit grâce à
son habit et au Sacré-Cœur, Jean Cocteau qui fait alors sa première communion. De même, Albert Peyriguère et Charles-André Poissonnier
deviennent religieux et s'installent au Maroc77.
Plus récemment, sœur Norbert-Marie, après avoir visité Marthe Robin, fonde les Petites Sœurs de Nazareth et
de l'Unité qui vivent à côté de l'abbaye
Notre-Dame-des-Neiges. La congrégation des Petites Sœurs de
la Consolation du Sacré-Cœur et de la Sainte-Face est fondée en
1989 : elle célèbre la forme ordinaire de la messe mais en latin
et la liturgie en grégorien78.
Au début du XXIe siècle,
il y a en tout plus d'une vingtaine de congrégations qui
poursuivent la spiritualité de Charles de Foucauld à travers le
mondeA
130,79.
Quant aux laïcs, ils ne sont pas en reste. D'une part, bien avant
1950 et selon certains dès avant la Seconde Guerre Mondiale, dans
plusieurs villes de France, des groupes de chrétiens (hommes et
femmes, célibataires et mariés, laïcs et prêtres) avaient pris
l'habitude de se retrouver pour vivre la spiritualité de Charles
de Foucauld. Ceux-ci se regroupent et c'est ainsi qu'en 1950, la
Fraternité Charles de Foucauld est reconnue officiellement par Mgr de Provenchères,
archevêque d'Aix-en-Provence. Ce mouvement prend
en 1955 le nom de « Fraternité séculière Charles de Foucauld ».
Elle est présente aujourd'hui sur les cinq continents et dans
quarante-six pays. Avec 6 000 membres environ, c'est aujourd'hui
le groupe le plus nombreux de la famille spirituelle de Charles de
Foucauld. Elle regroupe des femmes et des hommes de toute origine
ethnique, de tous milieux sociaux, d'états de vie différents, qui
veulent s'entraider pour vivre l'Évangile en s'inspirant des
intuitions originelles de Charles de Foucauld80.
D'autre part, « dans les mêmes années, de
jeunes chrétiennes sentent l'appel à une vie contemplative,
vécue dans le célibat, liée par des vœux et sans prendre la
forme d'une vie religieuse en communauté. » Ainsi
naissent la Fraternité Jesus Caritas
(1952), reconnue ensuite officiellement comme institut séculier
féminin, puis la Fraternité Charles de Foucauld (1991), une
association de femmes gardant le célibat81.
Quant aux prêtres, qui désirent donner à leur vie et à leur
ministère presbytéral le souffle évangélique de Charles de
Foucauld, ils se regroupent dès 1951 dans l'Union sacerdotale qui
prendra, en 1976, le nom de Fraternité sacerdotale Jesus Caritas
et est présente aujourd'hui aussi sur tous les continents82.
À la suite de Charles de Foucauld, de nombreuses personnes ont
étudié ou fait connaître la civilisation et le peuple touareg,
par exemple Henri Lhote, le frère Antoine Chatelard,
Dominique Casajus, ou le
photographe Alain Sèbe.
Le modèle de monachisme proposé par le bienheureux Charles de Foucauld, même
s'il respecte les formes traditionnelles des vœux religieux, constitue une
révolution de la vie religieuse : il envisage la disparition de la
séparation des convers et des moines,
la suppression totale de la propriété privée tant personnelle
que communautaire. De même, il développe aussi la présence des
moines immergés dans le monde, étant ainsi le précurseur des prêtres ouvriersA
127. Enfin, le modèle d'apostolat par l'exemple, en
s'abstenant de prédication - même
si Charles de Foucauld n'a jamais condamné ceux qui prêchent -,
est profondément novateur dans l'ÉgliseA
127.
Jean-Paul II range Charles de Foucauld
parmi les grands saints : « Ils sont
tellement présents dans la vie de toute l’Église, tellement
influents par la lumière et la puissance de l’Esprit Saint! »83.
Il voit dans Charles de Foucauld la même recherche de la « sainteté inconnue de la vie quotidienne »
que chez Thérèse de LisieuxA
131. En 1974, le cardinal Duval affirme que « Le père de Foucauld a été le précurseur de Vatican II, car
l'idée centrale du Concile est que tout chrétien doit porter
témoignage du Christ. Or Charles de Foucauld a insisté sur le
fait que tous les chrétiens, même laïques, doivent porter le
témoignage de l'amour fraternel »A
132. Le 2 février 2006, est fondé le monastère du
Cœur de Jésus par Johanne Wilson, l'abbé Éric Tremblay et
Simon Dufour. Aujourd'hui, la communauté située à Chicoutimi
au Canada
compte cinq moines et dix moniales, sans compter la présence de
plus de soixante-dix laïcs qui sont membres associés84.
Le processus de reconnaissance par l'Église
catholique de Charles de Foucauld prend presque un siècle.
La longueur de ce procès en béatification est due en
grande partie à la complexité du personnage de Charles de
Foucauld, mais aussi aux évènements qui affectent l'Église
catholique en Algérie. Le procès ne commence que dix ans après sa
mort, en 192785.
La collecte des nombreuses lettres et écrits de Charles de
Foucauld, et leur transcription en trois exemplaires aux fins de
transmission au Vatican, ne sont terminées qu'en 194785.
La procédure est suspendue en 1956, à la suite de la guerre d'Algérie85.
La publication en 1986 d'un livre controversé sur Charles de
Foucauld, L'Évangile du fou de Jean-Edern Hallier, ternit son
image85.
La position de Charles de Foucauld en faveur de la colonisation, et son interprétation de
la Première Guerre mondiale,
différente de celle de Benoît XV, a pu créer des difficultés,
d'autant plus que la décolonisation était défendue par de
nombreuses organisations, notamment les Nations unies86,85.
En outre, la position de l'Église catholique en Algérie,
considérée comme instrument de la colonisation, évolue à la suite
de la guerre. Enfin, l'important travail de Charles de Foucauld
sur la culture touarègue d'Algérie a permis de relativiser la
vision trop coloniale qui lui était attachée85.
Le 24 avril 2001, le pape Jean-Paul II
approuve le décret d'héroïcité des vertus du Père de Foucauld qui
devient ainsi vénérable87.
Charles de Foucauld est béatifié par le pape Benoît XVI
le 88.
Il est crédité d'un miracle :
la guérison d'une Italienne atteinte d'un cancer
qui a prié Charles de Foucauld d'intercéder en sa faveur. Lors de
la cérémonie de béatification89,
durant laquelle le ministre français de la Justice, garde des
Sceaux, Pascal Clément prononce une
allocution90,
le pape déclare que la vie de Charles de Foucauld est « une invitation à aspirer à la fraternité
universelle »85.
Le , le pape
François autorise la publication d'un décret reconnaissant
plusieurs miracles et martyres dont un miracle attribué à Charles
de Foucauld91.
Cette procédure permet la canonisation prochaine de l'ermite par
le pape92,93,94.
Il est canonisé le dimanche 95.
Héritage dans
la culture
En 1921, l'écrivain René Bazin écrit la biographie de Charles de
Foucauld : Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite
au Sahara qui devient vite un best-seller vendu à plus de
200 000 exemplaires96.
Léon Poirier réalise un film en 1936
sur Charles de Foucauld97,
ayant pour sujet sa vie et son œuvre, sans toutefois évoquer son
travail scientifique : L'Appel du silence59.
Durant l'été 1946, l'abbé Xavier Louis, aumônier des Invalides, un disciple de
Charles de Foucauld, de la promotion Gallieni de l'École spéciale
militaire de Saint-Cyr, ancien capitaine de méharistes dans le
désert tchadien de 1931 à
1937, organise à l'Hôtel des Invalides, une
exposition qui connaît un vif succès, intitulée Charles de
Foucauld, l'Africain, qui retrace toute sa vie, avec des
objets personnels. Cette exposition est financée par les Fondations Charles de Foucauld de Raoul Follereau98,
dont Louis Massignon conteste la
légitimité99.
Les croix du sud, insignes des
compagnies militaires sahariennes, arborent alors un petit Sacré-Cœur sous l'épée, avec
l'inscription : « Oasis sahariennes », dans un croissant (1948)100.
Une pièce de théâtre pour les familles, Charles de Foucauld,
prince du désert est écrite par l'abbé Pierre Amar, curé de
paroisse et cofondateur du Padreblog101.
Un court-métrage, La trace du premier
pas, a été réalisé en 2009 sur ses premières années à la
Trappe102.
En 2008, un ensemble de reportages
est publié sous la forme de DVD par des religieuses103.
Un documentaire de France
3 sur Charles de Foucauld est diffusé en janvier 2010104,105.
Le Père Charles de Foucauld fut célèbre bien avant sa
béatification. Une place de Saumur
où il fut élève à l'école de cavalerie porte son nom et à Saint-Cyr-l'ÉcoleCoëtquidan, une
paroisse, depuis 2008107.
Sur le parvis de l'église Saint-Pierre-le-Jeune catholique de
Strasbourg (paroisse de son baptême) a été érigée une statue en
bronze le représentant, inaugurée le 25 novembre 2006, ce parvis
portant lui-même le nom de Place Charles-de-Foucauld depuis le 29
novembre 2008 108.
Son nom est également donné à la Maison des Énarques à Strasbourg, rue de la Comédie.
Évolution
de la perception de Charles de Foucauld
Après la mort de Charles de Foucauld, René Bazin écrit sa biographie, publiée en 1921. Elle
devient un best-seller et contribue au développement de trois
images de Charles de Foucauld : la première est celle d'un ermite
du désert, vivant seul et éloigné de tousE
1, la deuxième est celle d'un saint mort en martyrE
2, la dernière est celle d'un fervent colonisateur,
agent secret de la colonisationE
3. Ces images populaires, développées dans les
récits hagiographiques ont été nuancées et en
partie remises en cause par des recherches plus poussées sur la
vie de Charles de Foucauld[Lesquelles ?].
L'image du martyr
Sur la réalité du martyre
de Charles de Foucauld, sa foi chrétienne a sans doute été la
cause principale de sa mort, cependant sa mort n'était pas à
proprement parler un martyre, mais plutôt un assassinat par manque de
« professionnalisme » des agresseurs de Charles de Foucauld.
Certains auteurs[Qui ?]
ont hâtivement affirmé que, sachant l'importance qu'il avait pour
les Français, ces pillards voulaient enlever Foucauld pour avoir
une rançon, puis qu'ils lui firent subir
des humiliations du fait de sa foi chrétienneE
2. En réalité, les rares témoignages à peu près
fiables laissent penser que les assaillants étaient moins
intéressés par la personne de l'ermite que par le contenu (armes,
vivres) du fortin où il vivait109.
Dans la panique suscitée par l'arrivée de deux tirailleurs algériens, le
jeune homme qui avait sa garde, Sermi ag-Tohra, a tiré sur lui, et
rien ne permet d'affirmer que la foi du Père de Foucauld ait été
mise en cause au moment de sa mort109.
Louis Massignon réplique dans une
« lettre de la Badaliya » à un article du journal égyptien Al-Destur
du 16 novembre 1946 présentant Charles de Foucauld comme un
espion : « Foucauld n'est pas le « qiddis al jasusiya », le
saint-patron de l'espionnage franco-chrétien au Sahara, c'est
l'ermite martyrisé du Hoggar
musulman, son « dakhil », son hôte, otage et rançon »110.
L'affirmation par Jean-François Six111
en 1958 que Charles de Foucauld n'est pas mort en martyr soulève
« une tempête de protestations »[réf. nécessaire].
L'image du
colonisateur
Les premières tensions sur le sens de la vie de Charles de
Foucauld apparaissent lors de la publication, en 1936, du livre Sur
les traces du Père de Foucauld du père Georges Gorrée,
ex-petit frère de Jésus98.
En 1939, lorsque ce même auteur entreprend la publication d'un
deuxième livre sous le titre de Charles de Foucauld, officier
de renseignement, le père franciscainAbd-el-Jalil, un ancien
musulman converti au catholicisme,
communique son inquiétude à son parrain Louis Massignon, redoutant les
conséquences de ces écrits sur la canonisation et sur l'image du père de
Foucauld auprès des musulmans98.
Le livre est finalement publié en 1940 sous le titre de Les
Amitiés sahariennes du Père de Foucauld112.
En 1997, Paul Pandolfi exploite pour la première fois des écrits
inédits du capitaine Dinaux, l'officier qui commandait la colonne
militaire que Charles de Foucauld accompagnait lors de son
installation dans le Hoggar, et conteste, en référence à la Vie
de Charles de Foucauld publiée par Jean-François Six en 1962, « la
notation idyllique de J.-F. Six, pour qui Foucauld s'avançait
« désarmé » lors de son voyage vers le sud en 1905113.
L'image de Charles de Foucauld comme colonisateur est
réactualisée en 2002 par Jean-Marie Muller qui publie Charles
de Foucauld, frère universel ou moine-soldat ?85
et appelle de ses vœux en 2003 une édition scientifique complète
des écrits de Charles de Foucauld114.
C'est la raison pour laquelle la perspective de la canonisation de Charles de Foucauld en
2020, relance la question de son héritage politique et religieux :
dans un article du Monde
du 3 juillet 2020, Ladji Ouattara écrit : « sa canonisation est
perçue par certains intellectuels touareg comme un “déni
d’histoire” et une “expression de la banalisation de la
mémoire coloniale” par le pape François »115.
La publication en 2020 de ses œuvres spirituelles et autres
écrits a contribué à modifier l'image de Charles de Foucauld,
notamment celle de son apostolat.
La modernité de sa vision, par la place importante que Foucauld
donne aux laïcs, par son respect de la liberté de conscience, mais
aussi son rapport avec d'autres religions, est mise en avant lors
du Concile Vatican IIA
132.
Enfin, la redécouverte de ses travaux scientifiques59
a complètement renouvelé la vision de Charles de Foucauld,
permettant d'en avoir une image plus complexe. Les études des ethnologues sur les Touaregs ont
revalorisé son immense travail.
Charles de Foucauld (préf. Jean-François Six), Conseils évangéliques : Directoire,
Seuil (réimpr. 2001)
(1re éd. 1927), 192 p.
Charles de
Foucauld (préf. Bernard
Jacqueline), Considérations sur les
fêtes de l'année, Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
(réimpr. 1995),
602 p. (ISBN978-2-85313-149-0)
méditations liturgiques (1897-1898) Tome I
Charles de
Foucauld, Qui peut résister à Dieu ?,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 360 p. (ISBN978-2-85313-046-2)
Méditations sur l'Écriture sainte, 1896-1898
Charles de
Foucauld (préf. Maurice
Bouvier), Méditations sur les
psaumes, Montrouge, Nouvelle Cité, (réimpr. 2005),
445 p. (ISBN978-2-85313-419-4, LCCN86132231)
(1897-1898)
Charles de Foucauld (préf. Bernard
Jacqueline), En vue de Dieu seul,
Paris, Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
(réimpr. 1998,
1999), 288 p. (ISBN978-2-85313-001-1, LCCN74178803)
(Tome IV, vol.1) méditations sur la foi et l'espérance (juin
1897 à juin 1898).
Charles de
Foucauld, Aux plus petits de mes
frères, Paris, Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
(réimpr. 1995),
192 p. (ISBN978-2-85313-002-8, LCCN74189014)
(1897-1898)
Charles de
Foucauld, Commentaire de Saint
Matthieu, Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle
Cité, coll. « Spiritualité »,
, 378 p.
(ISBN978-2-85313-205-3)
Tome V (1886-1900)
Charles de
Foucauld, La Bonté de Dieu,
Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 324 p. (ISBN978-2-85313-298-5)
(1898)
Charles de
Foucauld, L'Imitation du Bien Aimé,,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 300 p. (ISBN978-2-85313-317-3)
Volume 16 (1898-1899)
Charles de
Foucauld (préf. Maurice
Bouvier), Petit frère de Jésus,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 318 p. (ISBN978-2-85313-438-5 et 2-85313-438-5)
Tome VII (1898 – 1900)
Charles de
Foucauld (préf. Maurice
Bouvier), L'Esprit de Jésus,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 349 p. (ISBN978-2-85313-483-5)
(vol.8) méditations de l'Évangile (1896-1915)
Charles de
Foucauld (préf. Maurice
Bouvier), La Dernière Place,,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 285 p. (ISBN978-2-85313-425-5)
Tome IX, vol 1, Retraites en Terre sainte (1897)
Charles de
Foucauld (préf. Maurice
Bouvier), Crier l'Évangile,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 191 p. (ISBN978-2-85313-450-7)
Tome IX (1898 – 1900)
Charles de
Foucauld, Seul avec Dieu,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 255 p.
(ISBN978-2-85313-462-0)
Retraites à N.-D. des Neiges et au Sahara
Charles de
Foucauld, Règlements et Directoire,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 708 p. (ISBN978-2-85313-276-3, LCCN96193255)
(vol.11-12) 5 textes de fondation
Charles de
Foucauld, Carnet de Beni Abbes,
Paris, Nouvelle Cité, ,
219 p. (ISBN978-2-85313-258-9, LCCN94227218)
Tome XIII (1901 – 1905)
Charles de
Foucauld, Carnets de Tamanrasset,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 418 p. (ISBN978-2-85313-129-2)
1905-1916 Tome XIV
Charles de
Foucauld, Voyageur dans la nuit,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 292 p. (ISBN978-2-85313-038-7, LCCN85174576)
(1888-1916)
Charles de
Foucauld, Au fil des jours,
Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
, 1re éd., 252 p. (ISBN978-2-85313-309-8, LCCN99210662)
anthologie des écrits spirituels
Charles de
Foucauld, L'Évangile présenté aux
pauvres nègres du Sahara, Grenoble et P., Arthaud,
coll. « Collection
Foucauld l'Africain », (réimpr. 1947),
262 p.
Charles de
Foucauld, Charles de Foucauld et
Mère Saint-Michel, abbesse des Clarisses de Nazareth:
Lettres inédites, présentées par Sylvestre Chauleur,
Saint-Paul, , 90 p.
Charles de
Foucauld, L'aventure de l'amour de
Dieu - 80 lettres inédites de Charles de Foucauld à Louis
Massignon, Paris, Seuil,J.F. Six, À
compléter avec trois lettres de Louis Massignon à Charles de
Foucauld (ed. F.Angelier), parues dans le numéro 19 du Bulletin
de la Société des Amis de Louis Massignon, 2006.
Charles de Foucauld,
présentation et mise en texte de Jean-François Six et Brigitte
Cuisinier, Charles de Foucauld, abbé
Huvelin, Bruyères-le-Châtel (Essonne), Nouvelle Cité,
coll. « Spiritualité »,
, 320 p. (ISBN978-2-85313-605-1)
20 ans de correspondance entre Charles de Foucauld et son
directeur spirituel (1890-1910)
Charles de
Foucauld, Lettres à un ami de lycée,
Paris, Nouvelle Cité, coll. « Spiritualité »,
(réimpr. 1987),
224 p. (ISBN978-2-85313-062-2 et 2-85313-062-2)
1874-1915 : correspondance avec Gabriel Tourdes
Lettres au Commandant Paul Garnier, ouvrage non
réédité. (Introuvable).
Lettres à monsieur René Basset, doyen de la faculté des
lettres d'Alger, Études et Documents Berbères, no 19-20 (2002),
2004
Charles de
Foucauld, Reconnaissance au Maroc,
Paris, Challamel, 1888, (réimpr. L'Harmattan, coll. Les
Introuvables 1998), 499 p.
(ISBN978-2-7384-6645-7, lire
en ligne [archive])
Reconnaissance
au Maroc, 1883-1884 : ouvrage illustré de 4 photogravures et
101 dessins d'après les croquis de l'auteur. Atlas,
Paris, Challamel, (lire
en ligne [archive])
1918-1920. Dictionnaire abrégé touareg-français (dialecte
de l’Ahaggar), publié par René Basset, Alger, Carbonnel, 2
tomes.
Charles de Foucauld (préf. Salem Chaker,
Marceau Gast et Hélène Claudot), Textes
touaregs en prose, Aix-en-Provence, Édisud, , 360 p. (ISBN2857443900)
réédition revue et complétée de Foucauld 1922
Jean-François Six, Maurice
Serpette, Pierre Sourisseau, Le
Testament de Charles de Foucauld,
Saint-Armand-Montrond, Fayard, ,
300 p. (ISBN978-2-213-62282-8 et 2-213-62282-5)
Paul Goubert, Foucauld,
préface du père Bessières, comprenant une eau forte de Jos Jullien, Impr.-Libr. de
l'Archevêché, 1931.
Jacob Oliel, De Jérusalem à Tombouctou: l'odyssée
saharienne du rabbin Mardochée 1826-1886,
270 p. (ISBN2-7191-0389-6)
Éditions Olbia, 1998
Robert Hérisson Avec le père de Foucauld et le général
Laperrine : carnet d'un Saharien, 1909-1937
Georges Gorrée, Sur les traces de Charles de Foucauld,
Éditions Arthaud, 1936.
J.-M. Bouteloup, L’Appel du désert, Vie et martyre du
Père Charles de Foucauld. André Lesot, Paris, 1936.
128 p.
Marie Andre, préface de Mgr Nouet, L'Ermite
du Grand désert : Le père Charles de Foucauld,
librairie Missionnaire, Paris, éd. Apostolat de la Priére,
Toulouse, 1937, 91 p.
René Pottier, La
Vocation saharienne du Père de Foucauld, Plon, 1939.
Jean-François Six, Maurice
Serpette, Pierre Sourisseau, Le
Testament de Charles de Foucauld, Paris, Fayard,
, 300 p. (ISBN978-2-213-62282-8
et 2-213-62282-5)
Josette Fournier, Charles de Foucauld, Editions
Saint-Léger, 250p.2021.
Articles
Les Cahiers Charles de Foucauld (44 volumes)
Paul Fournier (dir.), « Charles de Foucauld. Approches
historiques », Courrier de la Fraternité séculière Charles
de Foucauld no 131,
numéro spécial 2007-2008.
Dominique Casajus, « Charles de Foucauld a-t-il été
un pionnier du dialogue islamo-chrétien ? », dans
Catherine Mayaux (dir.), Écrivains et
intellectuels français face au monde arabe, Paris,
Honoré Champion, (lire
en ligne [archive]),
p. 209-218.
Paul Pandolfi, « Sauront-ils séparer entre les
soldats et les prêtres ? : sur l’installation du Père de
Foucauld dans l’Ahaggar », Journal des
africanistes, vol. 67,
no 2, ,
p. 49-71 (lire
en ligne [archive])
Jean-François Six, « Mise au point : CHARLES DE
FOUCAULD, LES CHRETIENS ET LES MUSULMANS », Groupe
de Recherches Islamo-Chrétien, (lire
en ligne [archive])
Constant Hamès, recension de Galand (Lionel), éd., Lettres
au Marabout. Messages touaregs au Père de Foucauld,
Archives de sciences sociales des religions, 2000, document
112.19, mis en ligne le 19 août 2009, [lire
en ligne [archive]]
René Chudeau, Le père de Foucauld,
Annales de géographie, année 1917, volume 26, numéro 139,
p. 70 à 72
Raoul Bauchard, Le Père de Foucauld et le Marquis de Morès
à l'École de cavalerie de Saumur, brochure de 1947.
Michel Pierre, article paru dans L'Histoire, décembre
2006, p. 64-69
Georges Gorrée,
« Charles de Foucauld »,
Hommes et Destins : Dictionnaire biographique d'Outre-Mer,
Académie des Sciences d'Outre-Mer, vol. 1, no 2,
(lire
en ligne [archive])
Les mardis de Dar el-Salam, Numéro thématique Charles
de Foucauld, Vrin, 1959
Le bulletin L'Appel du Hoggar devenu Bulletin
Trimestriel des Amitiés Charles de Foucauld, revue éditée
par l'Association des Amitiés Charles de Foucauld, articles
aujourd'hui disponibles sur le site La
Frégate [archive], pages
consacrées au rayonnement du Bienheureux Charles de Foucauld
(1858-1916)
Soit environ
deux millions d'euros actuels, représentant 10 000 euros de
rente mensuelle.
Ce texte, le
plus connu parmi ceux qu'il a écrits, est publié sans titre
par René Bazin en 1924. En 1940, les
Petites Sœurs de Jésus retouchent le texte et en font leur
prière. En 1946, le Bulletin de l'Association de Charles
de Foucauld publie la prière sous le titre La Prière
d'abandon du Père de Foucauld
C'est-à-dire
« dont le seul but est de mettre en confiance ces populations
qui nous connaissent si mal et sont encore méfiantes » selon
Charles de Foucauld cité par Georges Gorrée « Les amitiés
sahariennes du Père de Foucauld », Arthaud, tome 2, p. 77
cité par Casajus
1997
Cette
admiration pour Charles de Foucauld ne signifie pas pour
autant conversion : une femme confiera plus tard qu'elle et
ses compagnes ne cessaient de prier Dieu pour que l'ermite se
convertisse à l'islam, désolées qu'un homme si saint fût
promis à la damnation éternelle (Casajus
1997).
Frère Michel
Goyat fera plus tard profession à la Chartreuse de La
Valsainte en Suisse où il restera fidèlement : il meurt
à la Chartreuse de Montrieux
en 1963. cf.Jean-Jacques Antier, Charles de Foucauld, Paris, Éditions Perrin, (réimpr. 1997,
2001, 2004), 384 p.
(ISBN978-2-262-01818-4
et 2-262-01818-9), p. 235
et cf.Charles de
Foucauld (préf. Mgr
Michel Gagnon), Correspondances
Sahariennes, Lettres aux Pères blancs, Paris, Le
Cerf, , 1061 p.
Deux articles détaillés sur le Frère Michel : Fanch Morvannou, « Michel Goyat (1883-1963) I et
II », Bulletin trimestriel des Amitiés
Charles de Foucauld, Paris, nos 153 et 154, ;
Fanch Morvannou, Un chartreux breton, disciple éphémère
de Ch.de Foucauld, Michel Goyat (1883-1963),
Regards étonnés, de l'expression de l'altérité... à la
construction de l'identité. Mélanges offerts à Gaël Milin,
, p. 417-442.
Cette
affirmation de Charles de Foucauld est très novatrice pour
l'époque : elle sera reformulée lors du Concile Vatican II
plus de 50 ans plus tard.
« Tout chrétien doit être apôtre : ce n’est
pas un conseil, c’est un commandement, le commandement de la
charité. [...] Les laïcs doivent être apôtres. [...] Par
quels moyens ? Par les meilleurs, étant donnés ceux auxquels
ils s’adressent : avec tous ceux avec qui ils sont en
rapport sans exception, par la bonté, la tendresse,
l’affection fraternelle, l’exemple de la vertu, par
l’humilité et la douceur toujours attrayantes et si
chrétiennes ; avec certains, sans leur dire jamais un mot de
Dieu ni de la religion, patientant comme Dieu patiente,
étant bon comme Dieu est bon. [...] Avec d’autres, en
parlant de Dieu dans la mesure qu’ils peuvent porter ; dès
qu’ils sont en la pensée de rechercher la vérité
par l’étude de la religion, en les mettant en rapport avec
un prêtre très bien choisi et capable de leur faire du
bien. » Cité par Laurent Touze, op. cit., p. 507-508
(Lettre à Joseph Hours du 3 mai 1912).
, « […] Nourriture insuffisante et
déséquilibrée. Sept heures de sommeil tout habillé sur le
sol de terre battue […]. Ni linge, ni vêtements de
rechange : pieds nus (sandales à l’extérieur). Aucune
propriété, même collective, donc aucune sécurité matérielle.
Pas de provisions. » (Jean-Jacques Antier, op. cit., p. 125-126.)
Hanania
Alain Amar, Thierry Féral, Le
Racisme, ténèbres des consciences : essai,
L'Harmattan, , 209 p. (ISBN2747575217, lire
en ligne [archive]),
p. 49-52.
Jeremy Keenan,
« The lesser gods of the Sahara: social change and contested
terrain amongst the Tuareg of Algeria », Taylor & Francis,
2004, (ISBN0714684104), note 49,
p. 187.
Charles de
Foucauld, Conseils évangéliques, op. cit., p. 75.
Correspondances
lyonnaises (1904-1916) : lettres à Suzanne Perret, à l'abbé
Crozier, extraits.
Félix Tanguay, « L’abandon chez Charles de
Foucauld et Madame Guyon », Laval théologique
et philosophique, vol. 73,
no 1,
, p. 91-111 (lire
en ligne [archive]).
Voir les
travaux de P. Galand Pernet, « Images et image de la gemme
dans les poésies touarègues de l'Ahaggar », BLOAB, 9,
1978, de L. Galand, « Le rezzou dans la poésie traditionnelle
de l'Ahaggar », (it) Atti della
settimana internazionale di studi mediterranei e moderni,
Milano, 1980, p. 99-111,et de D. Casajus,
(fr)
« Art
poétique et art de la guerre dans l'ancien monde touareg »,
L'Homme, 146, 1998, p. 143-164 [archive]
Louis Kergoat, Charles de Foucauld et l'Islam
politique et mystique (Thèse de doctorat),
Paris-Sorbonne, (présentation
en ligne [archive]).
*Ali Merad, Charles
de Foucauld en regard de l'Islam, édition du
Charlet, , 130 p..
Lettre à P.
Duclo dans Les Amitiés sahariennes du P. de Foucauld,
Éditions Félix Moncho, 1941, p. 216-217.
Lettre du 22
novembre 1907 à l'abbé Huvelin.
Voir à ce
sujet les remarques des éditeurs de Foucauld, Lettres à
Henry de Castries, Paris, Grasset, 1938: 7
Postérité
spirituelle : Indication Bibliographique : Charles de
Foucauld et ses premiers disciples: du désert arabe au monde
des cités, René Voillaume, Bayard, 1998 -
489 pages
AMAR Pierre (préf. Mgr Patrick Le Gal, évêque
aux Armées françaises, ill. Jérôme Brasseur), Charles de Foucauld Prince du désert,
Paris, Parole et Silence Lethielleux, (réimpr. 2016) (1re éd. 2009), 54 p. (ISBN978-2-283-61066-4)
pour correspondre : b.fdef@wanadoo.fr ---
né le 9 Avril 1943, marié, fille née le 22 Novembre 2004 --
carrière apparente . . .
premier ambassadeur de France au Kazakhstan --
conseiller économique et commercial près les ambassades françaises (Portugal, Bavière, Grèce, Brésil, Autriche)--
ancien élève à l'Ecole nationale d'administration - Institut d'Etudes politiques Paris - école Saint-Louis de Gonzague Paris --
universitaire, agrégatif science politique droit public --
-- projet de notes et entretiens politiques : de grandes fréquentations - 1964 à nos jours - ou la constellation de Gaulle
réalité . . .
bibliothèque brochée de ma mère (années 1930 à 1960), mes 20.000 livres : histoire, fiction -- journal manuscrit depuis l'été de 1964 jusqu'en 1976, carnets de terrain : plus de 420 de 1975 à 2015 journaux dactylographiés intimes & publics quotidiens : 1973 à 1992, informatisés depuis 1992 : 300ème fichier ouvert 20 Mars 2015 - inédits romanesques : 10 ; poésie : 3 ; essais philosophiques : 1
--- publié par Le Monde 1972 à 1982 & La Croix 1972 à 1997 - Le Calame depuis Mai 2007