COMMENTAIRE DE SAINT GRÉGOIRE LE GRAND
SUR LE LIVRE DE JOB
Le double combat de l'Apôtre
On nous rapporte que les saints entraînés dans le combat des
épreuves combattent simultanément certains de leurs ennemis en
les frappant, et d'autres en les persuadant ; à ceux-ci ils
opposent le bouclier de la patience, contre ceux-là ils
brandissent les javelots de l'enseignement. Et ils réussissent
merveilleusement dans la pratique de ces deux genres de combat.
Au-dedans, ils instruisent sagement ceux qui sont égarés ; au
dehors, ils méprisent, courageusement ceux qui les attaquent.
Ils corrigent ceux-ci par l'enseignement ; ils découragent
ceux-là par la constance. Par la patience, ils peuvent regarder
sans crainte les ennemis menaçants ; mais, par la compassion,
ils amènent au salut leurs concitoyens qui faiblissent. Ils
résistent à ceux-là, pour les empêcher d'entraîner les autres ;
ils craignent que ceux-ci ne s'écartent radicalement de la voie
droite.
Regardons le soldat de l'armée divine se battre des deux côtés.
Il dit : Luttes au-dehors, craintes au-dedans. Il
énumère les guerres qu'il endure au-dehors en disant : Dangers
des fleuves, dangers des bandits, dangers de mes frères de
race, dangers des païens, dangers dans la ville, dangers dans
le désert, dangers sur mer, dangers des faux frères. Dans
cette guerre, il doit ajouter les flèches qu'il lance contre
l'adversaire : Fatigues et peines, veilles fréquentes,
faim, soif ; jeûnes fréquents, froid et dénuement.
Mais alors qu'il est entraîné dans tous ces combats, il va dire
comment il va encore être vigilant pour protéger son camp. Car
il ajoute aussitôt : Sans compter tout le reste, ma
préoccupation quotidienne, le souci de toutes les Églises.
Voilà comment il soutient courageusement les combats et se
dépense avec miséricorde pour protéger ses proches. Il raconte
les maux qu'il souffre, il y ajoute les bienfaits qu'il
dispense.
Comprenons donc quel labeur c'était pour lui de supporter les
assauts au-dehors, et en même temps de protéger la faiblesse du
dedans. Au-dehors, il souffre des combats parce qu'il est
déchiré par les fouets, lié par les chaînes ; au-dedans, il
éprouve la peur : il redoute que ce qu'il souffre ne fasse du
tort, non pas à lui. mais à ses disciples. C'est pourquoi il
écrit à ceux-ci : Que personne ne soit ébranlé au milieu
des épreuves présentes, car vous savez bien que nous y sommes
destinés. Dans sa propre passion, ce qu il craignait,
c'était la chute des autres ; il craignait que ses disciples, en
apprenant qu'il avait été fouetté pour la foi, ne refusent de
professer leur propre foi.
Tendresse d'une infinie charité ! Il méprise sa propre
souffrance, et il veille à ce que ses disciples ne souffrent
dans leur cœur aucun dommage d'une suggestion mauvaise. Il
dédaigne pour lui-même les blessures corporelles, et il remédie
chez les autres aux blessures spirituelles. Les justes se
reconnaissent à cela : accablés de douleurs par l'épreuve, ils
ne cessent pas de se soucier de l'intérêt d'autrui ; alors
qu'ils souffrent des malheurs qui les atteignent eux-mêmes, ils
veillent par leur enseignement à fournir autrui du nécessaire ;
c'est ainsi qu'ils sont de grands médecins tout en étant frappés
par la maladie. Eux-mêmes sont déchirés de blessures, et ils
portent aux autres les remèdes qui leur rendront la santé.
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