La lettre
est envoyée par « Jacques, serviteur de Dieu et de Jésus
Christ, aux douze tribus de la Dispersion » (Jc
1,1). La tradition l'a attribuée à Jacques
le Mineur1,
qui est selon André
Paul le « frère
de Jésus »,
à la tête de l'Église
de Jérusalem. La majorité des historiens
contemporains distinguent désormais Jacques le Mineur et le frère
de Jésus, Jacques
le Juste, juif pieux et dirigeant de la
communauté judéo-chrétienne
hiérosolymitaine.[réf. nécessaire]
Plusieurs personnages se prénomment en effet Jacques dans le
Nouveau Testament : Jacques
de Zébédée, également nommé Jacques le
Majeur, l'un des Douze,
frère de l'apôtre
Jean ; Jacques
d'Alphée, un autre des Douze, souvent mis en
rapport avec Thaddée
et surnommé Jacques le Mineur dans la tradition romaine ; un
autre Jacques, faisant lui aussi partie des Douze, et qui serait le
père ou le frère de l'apôtre Jude
(mais il reste quasiment inconnu et la tradition ne l'a pas
étudié) ; enfin, Jacques
le Juste, frère (ou, selon l'Église
latine, cousin) de Jésus, qui joue un rôle
considérable dans l'Église
de Jérusalem2.
Toutefois, l'attribution pseudonymique de l'Épître de Jacques à
l'un ou l'autre de ces personnages n'a plus cours aujourd'hui parmi
les spécialistes : le rédacteur de l'épître semble plutôt
être un « chrétien cultivé d'origine païenne de la
deuxième ou de la troisième génération chrétienne », le
texte datant de la fin du Ier siècle
ou du premier tiers du IIe siècle3.
Il est écrit en un grec de bonne qualité, par un auteur
s'exprimant avec autorité4.
Eusèbe
de Césarée contestait déjà cette
attribution :
- « On dit qu'il
[Jacques, frère du Seigneur] est l'auteur de la première des
épîtres appelées catholiques. Mais il faut savoir qu'elle n'est
pas authentique : en tout cas peu des anciens en ont fait
mention... Cependant nous savons que ces lettres sont lues
publiquement avec les autres, dans un très grand nombre
d'églises. » (Histoire
ecclésiastique, II, 23, 24).
-
« Parmi les livres contestés, mais reçus pourtant par le
plus grand nombre, il y a l'épître attribuée à Jacques... »
(Ibid., III, 25, 3).
Résumé
L'épître
contient quelques énoncés clairs concernant l'application pratique
de la religion, notamment le conseil important du chapitre 1 que si
quelqu'un manque de sagesse, il demande l'aide de Dieu (Ja 1:5–6).
Le chapitre 2 parle de la foi et des œuvres. Les chapitres 3 et 4
parlent de la nécessité de surveiller sa langue et exhortent les
saints à ne pas médire les uns des autres. Le chapitre 5 dénonce
les riches; il encourage les saints à faire preuve de patience et à
appeler les anciens pour avoir une bénédiction
quand ils sont malades ; il enseigne
aussi les bénédictions que l'on a lorsque l'on contribue à la
conversion d'autres personnes.[réf. nécessaire]
Contenu
Les
tentations de la vie ne peuvent pas venir de Dieu (Jc 1:13) :
chaque tentation vient de notre propre convoitise. Le culte qu'on
lui rend doit comporter des actes de démonstration de sa foi.
Une attitude préférentielle pour les choses courantes du monde
(matérialisme, égoïsme, etc.) entrave les relations que l'on peut
avoir avec Dieu.
Dans les
premier et troisième chapitres, Jacques met en garde contre les
dangers de la parole. Il exhorte les chrétiens à écouter les
autres plus que vouloir parler. Il leur conseille également de ne
pas avoir comme but de devenir prêcheurs ou enseignants, car
quiconque prêche a la responsabilité de l'enseignement qu'il donne
à ses élèves. Il met l'accent sur les dangers du péché par
omission,
le bien qu'on pourrait faire et qu'on ne fait pas. Son enseignement
se base sur la pratique, prône la foi authentique, la prière de la
foi. Gagner des âmes.
Outre la vive critique des pratiques pauliniennes,
éloignées des synagogues, les mentions proprement chrétiennes
demeurent discrètes (seulement deux mentions de Jésus-Christ,
en dehors de celles au Seigneur qui peuvent se référer à YHWH) ;
le texte, à la christologie
limitée et aisément compréhensible d'un juif, peut être vu comme
un midrash
chrétien, une « encyclique »
présentant le message du Christ comme la forme la plus parfaite du
judaïsme.
Peut-être le bref écrit est-il un des flambeaux sauvegardé d'une
« contre-offensive chrétienne » (ou plutôt
judéo-chrétienne) à l'égard d'un judaïsme fortement ébranlé
par la destruction
du Temple et non encore regroupé sous
l'orthodoxie pharisienne
4?
Qu'elle soit écrite par un païen ou un juif hellénophone, la
lettre semble pour de nombreux spécialistes destinées à des
judéo-chrétiens, voire des juifs de la Diaspora5.
Analyse
Selon Luther, une « épître de paille »
Article connexe : en:Luther's
canon#Hebrews, James, Jude and Revelation.
Luther
qualifiait l'Épître de Jacques d'« épître de paille »
pour signifier sa réserve à son égard (« stroern
Epistel »6),
car elle lui paraissait refuser la théologie de l’apôtre Paul
de la justification par la foi3
(« une Épître de paille car elle n'a pas la manière de
l'Évangile », Préface au Nouveau Testament en
Allemand, Luther, 15226).
Il va même jusqu'à écrire dans la Préface aux épîtres de
saint Jacques et de saint Jude : « Mais pour en dire
ma pensée, et sans vouloir blesser personne, je ne la [l'épître
de Jacques] tiens pas pour l'œuvre d'un Apôtre »7
Le
développement :
- (Jc
2,14-26) « À quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu'un
dise : " J'ai la foi ", s'il n'a pas les œuvres ?
La foi peut-elle le sauver ? [...] Vous voyez que l'homme est
justifié par les œuvres, et non par la foi seulement. [...] Comme
le corps sans l'âme est mort, de même la foi sans les œuvres
est-elle morte. »
semble s'opposer à la doctrine du salut par la foi sans les œuvres
de la Loi, exposée par Paul dans :
- (Rm 10,4) « Car
la fin de la Loi, c'est le Christ pour la justification de tout
croyant. »
-
et
-
(Ga 2,16) « sachant que l'homme n'est pas justifié par la
pratique de la Loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ,
nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus, afin d'obtenir la
justification par la foi au Christ et non par la pratique de la
Loi, puisque par la pratique de la Loi personne ne sera justifié. »
Philippe
Melanchthon, disciple de Martin Luther,
défendit l'épître dans son Apologie, n'y voyant pas cette
contradiction qui rebutait Luther. Ce que Luther lui reprocha
(Propos de table ch. XLVI éd. Sauzin). Il faut dire que
l'Épître de Jacques était utilisée par les adversaires
catholiques de Luther pour critiquer sa théorie de la justification
par la foi seule (Jean Eck, disputatio de Leipzig, 1519).
Dans le dernier Commentaire sur la Genèse, écrit à la fin
de sa vie, Luther s'exclame : "Que nos adversaires nous
laissent donc en paix avec ce Jacques qu'ils nous opposent
toujours !" (Gen. 22, Ex. V).
La TOB
précise que les Protestants ont renoncé à traiter l'épître de
Jacques d'épître de paille et à lui reprocher ses
insuffisances christologiques.
Les Catholique, pour leur part, ont renoncé à ne s'en servir
uniquement pour justifier (à partir de Jacques 5, 14-15) le
sacrement
des malades, ou pour argumenter (en s'appuyant
sur Jacques 2, 14-26) contre la conception protestante du seul
salut par la foi8.
Analyse de Claude Simon Mimouni
Pour Claude
Simon Mimouni, reprenant l'expression de
Luther,
c'est surtout du fait que cette lettre ne « montre pas le
Christ,
contrairement à l'épître
aux Romains et l'Évangile
selon Jean, qu'elle est qualifiée « de
paille » ». Selon lui, cette épître pour laquelle rien
ne s'oppose à l'attribution à Jacques, le « Frère du
Seigneur », n'est de paille que relativement à ces deux
textes. Au contraire, il relève que cette lettre pose « un
large regard sur certains aspects de la vie des communautés
chrétiennes ». Il souligne que le grec de la lettre est
considéré comme l'un des meilleurs de tous les écrits incorporés
dans le Nouveau Testament. Son vocabulaire, toujours précis, est
riche en hapax
legomena : il en dénombre 63, dont
45 dérivent de la Septante
(ou LXX), 18 sont inédits, 4 sont absents de tous les écrits de la
koinè.
Le style est excellent, tant du point de vue de la grammaire que de
la syntaxe. Selon Claude Simon Mimouni, ce texte « doit être
considéré comme un témoin important de la pensée du « Frère
du Seigneur » et aussi de la communauté chrétienne d'origine
judéenne de Jérusalem »9.
Sur le plan de la prédication morale, Claude Simon Mimouni
considère que la lettre entretient des relations avec les écrits
grecs stoïciens
et la morale grecque (Sénèque
et Epictète).
Les affinités avec les écrits judéens orientent vers les textes
sapientiaux. L'auteur de l'épître utilise ces derniers pour en
tirer des leçons de morale pratique, mais il dépend aussi des
enseignements de Jésus de Nazareth. Pour Mimouni : « On
y retrouve, en effet, sans cesse la pensée du Messie
Jésus, moins par mode de citations expresses tirées d'une
tradition écrite que par utilisation d'une tradition orale. (...)
L'auteur de cette lettre apparaît comme un sage plutôt chrétien
d'origine judéenne (...) qui repense de façon originale les
maximes de la sagesse judéenne traditionnelle en fonction de
l'accomplissement messianique représenté par Jésus, et ce selon
une perspective apocalyptique. »9
La lettre manifeste une grande connaissance de la Bible
dans sa version grecque (Septante). L'épître entretient des liens
avec les écrits pauliniens pour lesquels Claude Simon Mimouni
pointe 10 cas dans lesquels il y a confrontation. Il relève en
revanche des affinités avec l’Évangile
selon Matthieu : ce sont des
ressemblances qui, dans 23 cas au moins, portent avant tout sur les
thèmes abordés plutôt que sur les termes utilisés. Mimouni pense
donc à l'utilisation comme document commun de la Source
Q, plutôt qu'a une dépendance directe entre
les deux écrits (surtout en ce qui concerne le Sermon
sur la montagne). Plus généralement,
« l'argumentation de l'épître tend à s'opposer à une
compréhension de la doctrine chrétienne qui entend distinguer la
croyance des œuvres. (...) À partir d'une prédication morale,
l'auteur veut aborder des questions théologiques qui touchent la
compréhension chrétienne de la Loi. » Ainsi, Mimouni pointe
que la prédication morale de l'épître « porte
essentiellement sur les rapports sociaux entre les riches et les
pauvres dans les communautés chrétiennes ». Les questions
théologiques, elles, « ne sont traitées que par
affleurement, comme justification de la prédication morale ».
Mimouni observe que « pour l'auteur, il n'y a qu'un seul dieu
et Jésus est son messie, le Sauveur dont le nom est invoqué sur
les croyants et les malades. La compréhension de la Loi avancée
par l'auteur dans sa lettre est un refus de la justification par la
croyance aux seuls dépens des œuvres : l'accomplissement
total de la Loi (croyance + œuvres) permet d'accéder au salut - on
est très proche de la perspective que l'on rencontre en Mt 5, 17
(« N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les
Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir
»). »9
Notes et références
« On a parfois été jusqu'à dire que l'épître était un
document juif, à peine christianisé par deux mentions du
"Seigneur Jésus-Christ" ». Étienne Trocmé,
op.cit. Outre la justification par la foi, seule, le professeur
remarque d'autres signes anti-pauliniens : critique contre
« les riches » qui ont pu soutenir les communautés
pauliniennes en dehors des synagogues ; désapprobation des
prises de paroles collectives en assemblée (Jc, 3, 1-18),
intolérables pour un auteur habitué aux règles des synagogues.
« La conception de Dieu [y est] entièrement juive. Il n'est
nulle part question du Saint -Esprit ». En outre, Trocmé
postule une « date [d']à peu près 80 de notre ère ».
Nouveau Testament. TOB. Introduction à l'Epitre de Saint
Jacques, Paris, Cerf et Les Bergers et les Mages, 1975, p.
699.
Claude Simon Mimouni, Jacques le Juste, frère de Jésus,
Paris, Bayard,
2005, 200 p. (ISBN 978-2-7470-6140-7,
lire
en ligne [archive]),
chap. IX (« Les Epîtres canoniques de Jacques et de
Jude - L'Epître apocryphe de Jacques »)
Bibliographie
Jacqueline
Assaël et Élian
Cuvillier, L'Épître de Jacques,
Labor
et Fides, 2013.
Albert
Vanhoye, Édouard
Cothenet et Michèle Morgen, Les Dernières
Épîtres : Hébreux, Jacques, Pierre, Jean, Jude,
éditions Bayard, 1997.
Claude
Simon Mimouni, Jacques le Juste, frère de
Jésus, éditions Bayard, 2015.
James Tabor, La véritable
histoire de Jésus, éditions Robert Laffont, 2014.
Voir
aussi
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connexes
Lien
externe