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trisomie 13 et foi en Dieu
Victoria
Lynn
23
juillet 1999
Plusieurs
raisons nous amènent à vouloir publier l’histoire de notre fille
Victoria sur Internet. Premièrement, nous espérons qu’elle aidera
d'autres parents à qui on a annoncé que leur enfant à naître sera
atteint de trisomie 13 ou d’un autre problème chromosomique. Puis,
nous espérons que notre histoire pourra aussi aider les familles et
amis de ces parents à mieux comprendre les problèmes et sentiments
auxquels ils seront confrontés. Peut-être que certains seront
inspirés par la force que nous avons trouvée en Dieu. Nous espérons
que ce témoignage sera un hommage à notre fille Victoria qui a
touché tant de vies dans sa courte existence.
En
1996 nous avons décidé de fonder une famille. Nous étions tout
excités, au mois de décembre, de découvrir que j’étais
enceinte. Mais le 7 février 1997, j’ai fait une fausse-couche.
Cela nous a porté un coup terrible. Nous savions que cette épreuve
faisait partie du plan de Dieu, mais en tant qu'humain, nous ne
comprenions pas pourquoi cela nous était arrivé. Pendant une année
et demie, nous avons tout essayé, mais nous avons dû réaliser que
même avec les meilleurs traitements contre l’infertilité, sans
l’intervention de Dieu, je ne pouvais tomber enceinte. C’est
frustrant pour nous, humains impatients, quand notre planning ne
correspond pas à celui de Dieu. Nous avons sans cesse dû nous
rappeler que lorsque nous attendrons un enfant, ce sera selon le plan
parfait de Dieu.
Au mois de novembre 1998, je suis
finalement tombée enceinte. Je ne peux exprimer la joie que nous
ressentions en voyant pour la première fois les battements de cœur
de notre fille à l’échographie. Nous savions que nous allions
enfin être la famille dont nous rêvions depuis si longtemps et que
nous allions fêter Noël prochain à trois.
Au mois
de mars, le test d’AFP (alpha-féto-protéine, un test sanguin qui
établit des probabilités pour la trisomie 21 et les anomalies du
tube neural) indiquait un risque légèrement élevé pour la
trisomie 21 (1 chance sur 135). Notre gynécologue nous a conseillé
une échographie performante suivie d’une amniocentèse. On était
tiraillé de faire une amniocentèse ou non. On ne voulait pas
risquer de fausse-couche causée par l’amniocentèse. Mais d’un
autre côté, nous voulions être préparés si notre enfant devait
avoir la trisomie 21. On a décidé de faire l’échographie à
haute résolution, qui parfois peut montrer des signes
caractéristiques de cette anomalie chromosomique, sans être décidé
pour l’amniocentèse. Pendant que nous attendions devant la salle
d’examen, je priais que Dieu me guide.
L’échographie
a montré que notre bébé avait plusieurs problèmes : un
omphalocele (les organes abdominaux se trouvent dans un sac à
l’extérieur du corps), une anomalie cardiaque, et la clarté
nucale était plus large que d’habitude (signe souvent associé à
une anomalie chromosomique). Le périnatologue nous a dit qu’il
était désormais certain que notre enfant souffrait d’une anomalie
chromosomique et que nous devions faire l’amniocentèse pour
déterminer de laquelle il s’agissait. Il nous a expliqué que dans
le cas d’une trisomie 21 notre bébé pourrait vivre et avoir une
plus ou moins bonne qualité de vie. L’omphalocele et la
malformation cardiaque pourraient être opérés après la naissance,
mais cette intervention comporte de grands risques. Il nous a aussi
dit qu’il pourrait s’agir d’une trisomie 13 ou 18, des
affections très rares "incompatibles avec la vie". Il n’y
avait plus de doute, on devait faire cette amniocentèse. Mon mari et
moi étions trop choqués pour dire quoi que ce soit. Les larmes
coulaient sur mes joues en attendant que le médecin ait terminé
l’amniocentèse. On nous a dit que nous aurions les résultats une
semaine plus tard. Avant de partir, le périnatologue m’a pris la
main et nous a dit: "Dans des moments comme ça, on doit compter
les bénédictions." J’étais assise là, incapable de
comprendre tout ce qu’on venait de nous dire. Abasourdis, nous
sommes rentrés à la maison, muets de douleur.
Peu
après notre retour à la maison, une amie nous a appelé pour
demander comment le rendez-vous s’était passé. Quand je le lui ai
dit, elle est devenue furieuse: "Comment Dieu peut-il vous faire
cela, après tout ce que vous avez déjà vécu?" Je lui ai dit
que je n'étais pas fâchée, que c’était le plan de Dieu. Elle
nous a dit qu’elle allait prier pour nous. C’est à ce moment-là
que je me suis effondrée et que j’ai commencé à pleurer. Je lui
ai dit que je ne savais même pas pour quel sujet il fallait prier.
Que nous ne pouvions qu’espérer que le bébé survivra aux
opérations et qu’il ne sera pas trop atteint par la trisomie
21.
Rob a téléphoné à ses parents pour leur
annoncer la mauvaise nouvelle. Ils ont offert de venir chez nous pour
essayer de nous consoler, mais nous avions vraiment besoin d’être
seuls pour trier nos pensées. Ils sont venus le lendemain. Je ne
pensais pas que je voulais être avec qui que ce soit, mais leur
présence nous a vraiment aidés. Ils nous ont consolés et ont
pleuré avec nous. Après tout, ce n’était pas seulement notre
bébé, mais aussi leur petit enfant. Je n’arrivais pas appeler ma
propre famille pour l’avertir. Comment annoncer que mon bébé à
naître avait de graves problèmes?
La semaine
suivante a passé dans une sorte de brouillard. Rob est retourné au
travail. Mes beaux-parents essayaient de me tenir occupée, pour que
je ne reste pas assise à réfléchir. Après une semaine, nous avons
finalement reçu les résultats: notre bébé avait la trisomie 13.
On n’arrivait pas à le croire. Comment cela pouvait-il nous
arriver?
On a commencé à faire des recherches sur
Internet. Nous avons appris que la trisomie 13 était vraiment rare,
n’atteignant qu’une naissance sur 5’000. Cette statistique peut
cependant induire en erreur, car la plupart des bébés avec cette
anomalie partent lors de fausse-couches pendant le premier trimestre
de la grossesse, et beaucoup de parents décident d’avorter de leur
bébé atteint de trisomie 13. Nous avons aussi appris que la plupart
des enfants qui survivent l’accouchement décède durant les trois
premiers mois de vie. Seul 5 % vivent plus d’une année. La durée
de survie dépend de la sévérité des malformations associées à
la trisomie 13. Les malformations typiques sont des anomalies du
cœur, du cerveau, du cuir chevelu, des yeux, une fente palatale et
labiale, des doigts ou orteils supplémentaires, un petit poids de
naissance, une spina bifida, des oreilles anormales avec surdité et
un retard mental prononcé. Les enfants qui vivent plus longtemps ont
des apnées, des crises, des retards de croissance et des difficultés
à être nourris. Ces informations nous ont brisé le
cœur.
Quelques jours plus tard, nous avons
rencontré le périnatologue. Il a confirmé nos informations
trouvées. Il a dit qu’il était inhabituel que notre enfant ait
vécu si longtemps et qu’il ne pensait pas que j’irai au-delà de
la 30e semaine
de grossesse (à ce moment-là, j’en étais à la 17e).
Si notre fille devait naître vivante, elle ne devrait pas vivre plus
de quelques jours. Il nous a dit que notre seule option était
d’interrompre la grossesse. On lui a répondu que nous ne pouvions
pas concevoir cela. Il a répliqué que ce serait extrêmement
difficile pour moi de continuer la grossesse. Je lui ai demandé si
cette grossesse mettait ma vie en danger et il nous a répondu qu’il
n’y avait pas plus de risques pour moi que lors d’une grossesse
normale. Le seul problème physique que je pourrais rencontrer serait
une trop grande production de liquide amniotique dûe à
l’omphalocele. Mais qu’il serait facile d’y remedier.
Quand
je regarde en arrière, je réalise que Rob et moi n’avions jamais
discuté de la possibilité d’un avortement. Ce n’était tout
simplement pas une solution pour nous. Nous ressentions que Dieu
avait crée notre bébé et qu’il le reprendrait quand il sera
prêt. Je suis reconnaissante que nous avions les deux la même
vision. Il aurait été beaucoup plus difficile si l’un de nous
n’avait pas été convaincu à 100% de poursuivre la
grossesse.
Peu enthousiaste, le périnatologue a
accepté notre décision et nous a encouragé de nous rendre chez le
gynécologue chaque semaine pour contrôler les battements du cœur
du bébé. Si celui-ci survivrait, il nous déconseillerait d’opérer
l’omphalocele ou le problème cardiaque, car l’intervention
serait trop traumatisante et douloureuse pour notre bébé. Il nous a
recommandé de juste lui donner des " soins compatissants ".
Cela sonnait bien, malheureusement, nous avions oublié de lui
demander ce que cela signifiait.
Nous avons été
bénis d’avoir des gynécologues compatissants et bienveillants.
Ils respectaient notre décision de continuer la grossesse et nous
aidaient comme ils le pouvaient. Il était important d’avoir un bon
contact avec eux puisque nous allions les voir chaque semaine pour
contrôler le cœur. A chaque fois, nous retenions notre souffle en
attendant qu’ils trouvent les battements. Les docteurs nous
disaient que le travail pouvait se déclencher à tout moment. C’est
pourquoi Rob portait avec lui un bip et que nos familles avaient
annulé tous leurs plans de voyage. Ils voulaient être présents
quand notre bébé allait naître.
On priait tous
les jours que Dieu nous donne la force de traverser cette épreuve et
qu’il ne permette pas que notre bébé souffre. Au départ, une
partie de moi souhaitait que Dieu mette fin rapidement à cette
grossesse, car je savais que plus je portais ce bébé, plus je
m’attachais à lui. Même si nous savions que nous allions être
séparés lors de son décès, nous aimions ce bébé de tout l’amour
que peut donner chaque parent.
Plus le temps
passait, moins je redoutais le jour où elle nous sera ôtée.
J’étais tellement heureuse lorsqu’elle bougeait. Ces petits
coups de pieds étaient précieux pour moi, car je savais qu’elle
ne bougerait probablement plus une fois sortie de mon ventre. Nous
étions reconnaissants pour chaque expérience faite avec notre
fille. Lorsque Rob jouait de la guitare pour elle, elle bougeait
comme si elle dansait. Cela nous réjouissait beaucoup, car on nous
avait dit que la plupart des enfants atteints de la trisomie 13 était
sourd. D’innombrables fois, je faisais mes "aurevoirs" à
ma fille parce que je ne savais pas si elle allait encore être avec
nous le lendemain.
Nous avons demandé à toutes nos
connaissances de prier pour notre bébé. Je n’arrive pas à
compter tous ceux qui ont prié pour elle. Il y avait des gens de
tout notre pays, des gens que nous ne connaissions même pas (des
amis d’amis). Le fait que tous ces gens se souciaient de nous, au
point de prier pour nous, nous a beaucoup touchés et nous a donné
des forces.
Nous n’étions vraiment pas laissés à
nous-mêmes. Nos familles et nos amis nous ont soutenus. Ce qui nous
a le plus aidé, c’est qu’ils essayaient sans cesse de nous
changer les idées. Ma belle-mère et ma belle-sœur m’ont prise
pour faire des courses ou pour aller manger au restaurant. Ils nous
ont souvent invités à manger une pizza ou des hamburgers. C’était
important pour nous d’être entouré de gens qui nous aimaient et
prenaient soin de nous. Nous étions reconnaissants de chaque répit
nous éloignant du souci constant pour notre bébé. Le frère de Rob
nous a même proposé de nous accompagner lors des visites médicales,
car il savait combien ces rendez-vous étaient durs pour nous.
Beaucoup d’amis nous ont envoyé des cartes ou téléphoné pour
prendre de nos nouvelles, pour nous encourager. D’autres, par
contre, semblaient nous éviter, peut-être parce qu'ils étaient
dépassés par la situation et ne savaient pas comment réagir. Au
lieu de nous plaindre de ceux qui nous décevaient, nous avons décidé
de nous réjouir pour ceux qui nous apportaient un énorme soutien.
Dieu nous a bénis avec une famille et des amis merveilleux.
Les
jours devenaient des semaines et les semaines des mois. Le
périnatologue nous avait dit que notre bébé allait probablement
décéder autour de la 30e semaine de grossesse. Lorsqu'au contrôle
de la 30esemaine
les battements du cœur étaient toujours forts, nous avons pensé
que notre fille allait peut-être vivre. Deux semaines plus tard,
j’ai commencé à avoir mal au ventre. Je ne pensais pas que
c’étaient des contractions, car la douleur était constante. Le
gynécologue nous a conseillé d’aller à l’hôpital. J’ai
alors réalisé que j’étais en travail. Le monitoring confirmait
que j’avais de fortes contractions. L’infirmière a commencé à
préparer la naissance. Elle me posait des tas de questions sur la
prise en charge que nous voulions pour notre bébé après sa
naissance. Le périnatologue nous avait recommandé des "soins
de comfort", mais nous n’avions aucune idée de ce que cela
signifiait. On était cruellement pris au dépourvu. Comment prendre
des décisions destinées à sauver la vie de notre fille? Est-ce
qu’il fallait la réanimer si elle ne respirait pas ? Est-ce que
nous étions d’accord pour qu’elle soit intubée si elle ne
respirait pas suffisament ? Est-ce que nous voulions la garder avec
nous ou bien la laisser au service des prématurés ?
Malgré
les contractions qui devenaient toujours plus fortes et régulières,
le col de mon utérus ne se dilatait pas. Le lendemain matin, le
gynécologue nous a donné trois options: provoquer l’accouchement
à l’aide de médicaments, arrêter les contractions à l’aide de
médicaments ou bien ne rien faire. Durant toute la grossesse, Rob et
moi avions fait confiance à Dieu qu’il prendrait notre fille
lorsqu’il l’aurait décidé. Par conséquent, nous avons choisi
de ne pas prendre de médicaments, ni pour provoquer ni pour arrêter
les contractions. Le docteur était embarassé. Il n’avait jamais
rencontré une situation où les parents avaient laissé faire la
nature (c’est-à-dire Dieu). Ils continuaient à enregistrer les
contractions mais puisque mon col ne se dilatait toujours pas, le
gynécologue m’a laissée rentrer chez nous la nuit suivante. Il
m’a conseillé de me reposer aussi souvent que possible. A la
maison, les contractions devenaient toujours moins fortes et moins
régulières.
Cette "répétition à froid"
nous a fait réaliser que nous n'étions pas prêts pour la naissance
de notre bébé. Nous avons pris rendez-vous avec le néonatologue Dr
Kupke qui prendrait soin de notre enfant s’il naissait vivant. Il
nous impressionnait, car il était non seulement très compétent,
mais aussi très compatissant. Il était la première personne que
nous rencontrions qui avait de l’expérience avec les enfants
atteints de trisomie 13. Une des premières choses qu’il nous a
demandée était si nous avions déjà choisi un pédiatre. Je le
regardais perplexe. Bien sûr que non. Tout ce que nous avions lu,
tout ce qu’on nous avait dit jusqu'à présent nous avait laissé
croire que notre enfant ne vivrait pas assez longtemps pour avoir
besoin d’un pédiatre. Il nous disait que nous devions être
préparé à la possibilité, si infime soit-elle, que notre fille
allait vivre. Dr Kupke nous disait aussi qu’il était dans le
domaine du possible de même pouvoir prendre notre bébé à la
maison. L’anomalie cardiaque et l’omphalocele ne devraient pas
nous en empêcher. Il ne voulait pas nous donner de faux espoirs,
mais en même temps, il disait qu’il avait souvent à faire à des
parents à qui on avait dit que leur enfant ne vivrait pas, et
lorsqu’ils pouvaient le prendre à la maison, ils n’y étaient
pas préparés du tout. Dans ma tête, tout a commencé à se
bousculer. Et si nous pouvions prendre notre bébé à la maison?
Notre enfant aura des besoins spécifiques, est-ce que nous serions
capables d’y répondre? Dr Kupke nous assurait qu’on ne nous
laisserait pas rentrer à la maison avant de s’être assuré que
nous serions aptes à nous occuper de notre bébé (changer les
pansements de l’omphalocele, le nourrir artificiellement, etc.).
"Est-ce que je devais préparer une chambre de bébé?"
ai-je demandé au médecin. Il m’a dit d'attendre, car avant de
pouvoir prendre notre fille à la maison, elle devait de toute façon
rester deux semaines à l’hôpital, ce qui me donnerait le temps de
préparer le nécessaire. Rob a demandé combien de temps notre fille
allait vivre. "Cela dépend de l’étendu des anomalies, mais
le bébé atteint de trisomie 13 le plus âgé que nous ayons suivi
ici a vécu 6 mois." Nous avons ensuite discutés des soins qui
allaient être prodigués à notre enfant. La chose la plus
importante pour nous était de réduire au maximum ses douleurs. On
ne voulait pas lui causer ou prolonger des souffrances pour la raison
égoïste de l’avoir plus longtemps avec nous. Le docteur nous
comprenait et nous a assuré qu’il serait possible de répondre à
nos attentes. Il nous a recommandé de la nourrir par intraveineuse
(les enfants atteints de trisomie 13 ne peuvent généralement pas
manger seuls) et de lui donner des antibiotiques si elle développait
une infection (commune avec les omphalocele). Il ressentait que notre
bébé ne devait pas être opéré, ni pour fermer l’omphalocele,
ni pour corriger l’anomalie cardiaque, parce que ces opérations
seraient très douloureuses pour elle et pourraient même la tuer. Il
était aussi contre une réanimation si notre fille arrêtait de
respirer, car pour ce faire, il faut presser très fort sur la
poitrine ce qui est douloureux. Les tubes d’oxygène aussi seraient
une source de souffrance pour un tout petit.
Au
moins, nous avions maintenant un plan de soins de base, si notre bébé
naissait vivant. C’était réconfortant de savoir que notre bébé
serait entre les mains d’un docteur compatissant qui comprenait
notre désir de réduire ses souffrances.
Je me
souviens qu’en rentrant de chez le Dr Kupke, en pensant à la
possibilité de prendre notre bébé à la maison. Et si nous
n’arrivions pas à nous occuper de lui? Et si nous faisions une
faute comme tirer sur l’omphalocele pendant que nous la changions?
J’ai été apaisée en réalisant que si Dieu permettait qu’on
puisse prendre notre enfant à la maison, il nous rendrait aussi
capables d’en prendre soin.
Je ne me souciais pas
du trousseau de bébé, car lorsque j’avais dit à mes amis qu’il
y avait une chance que nous puissions prendre notre fille à la
maison, ils se sont offerts d’organiser tout cela pour nous.
Même
si cette possibilité était minime, nous en étions très
excités.
Alors que nous discutions de cela, une
amie nous a rendu attentifs à l’importance d’avoir une bonne
assurance maladie. Notre bébé aurait besoin de beaucoup de soins
médicaux très coûteux. Malgré notre bonne couverture, ça
risquerait quand même de nous coûter cher. Nous en avions déjà
discuté, Rob et moi. Nous étions arrivés à la conclusion que si
Dieu nous demandait de donner toutes nos économies pour les soins de
notre bébé, nous le ferions avec joie. Après tout, ce serait un
meilleur investissement que d’acheter une nouvelle voiture ou de
couvrir un autre besoin matériel.
Il était très
difficile de ne pas savoir ce que l’avenir nous réservait.
Est-ce
que le travail commencerait demain? Est-ce que la semaine prochaine,
nous entendrions toujours les battements de coeur?
Est-ce que
notre bébé naîtra vivant?
Quelle sera l’étendue des
malformations?
Est-ce que nous pourrions prendre notre
fille à la maison?
Combien de temps
vivra-t-elle?
Pendant tout ce temps, nous étions
conscients que nous n’avions pas le contrôle de la situation. Seul
Dieu l’avait. Nous devions vivre un jour après l’autre et faire
confiance à Dieu que tout se passerait bien.
Nous
savions que nous devions nous préparer à sa mort, même si elle
naissait vivante. Nous avons demandé aux parents de Rob de prendre
contact avec les pompes funèbres et avec le prêtre. Comme ça, nous
ne devrions pas nous en occuper après la mort de notre enfant. J’ai
demandé à ma belle-mère et à ma belle-sœur d’acheter une robe
pour l’enterrement ou pour le baptême si Victoria vivait assez
longtemps. C’était très important pour moi qu'elle ait un joli
habit, mais c’était trop dur d’aller l’acheter moi-même. Je
voulais que quelqu’un qui l’aime le choisisse pour elle.
A
36 semaines de grossesse, à notre grande surprise, le gynécologue
pensait que je tiendrais jusqu'à 40 semaines. Tout semblait bien
aller, l’utérus ne s’était toujours pas dilaté, et nous
discutions même de ce qui arriverait si je dépassais le terme.
La
semaine d’après, j’ai remarqué que je ne sentais plus bouger
mon bébé depuis un moment. Je me suis dit que c’était normal.
Lorsque nous sommes allés chez le gynécologue à la 37e semaine,
il ne trouvait pas les battements de cœur. L’échographie a
confirmé que le cœur avait arrêté de battre. Ce que nous avions
craint pendant 22 semaines était finalement arrivé. Le docteur nous
dit de nous rendre à l’hôpital pour provoquer
l’accouchement.
Nous ne parlions pas beaucoup en
rentrant à la maison pour chercher nos affaires. Tous deux, nous
essayions de mettre de l’ordre dans nos émotions. Nous étions
très tristes et dévastés par le deuil, mais en même temps
soulagés. Soulagés que notre enfant n’ait pas souffert et
soulagés de connaître enfin l’issue. Plus besoin de s’inquiéter
du lendemain. Nous nous sentions coupables de ce sentiment, mais quel
parent voudrait que son enfant souffre ? Quelle mère souhaite suivre
chaque respiration de son enfant en craignant que ce soit la
dernière? Il est assez difficile de se soucier de l’avenir de son
enfant, mais c’est encore plus dur lorsqu'on sait qu’il ne vivra
pas longtemps. Nous aurions tout donné pour qu’elle soit en bonne
santé, mais elle ne l’était pas. Nous étions reconnaissants
qu’au moins elle n’ait pas souffert.
A
l’hôpital, ils m’ont donné une chambre dans la partie ancienne
de l’établissement. Je trouvais cela bizarre, car ils venaient
tout juste d’inaugurer une nouvelle maternité. Plus tard, j’ai
réalisé qu’ils m’ont intentionnellement mise à l’écart des
autres bébés.
On ne savait pas ce qui nous
attendrait, car nous n’avions pas pu nous résoudre à participer
aux cours de préparation à l’accouchement. Mais je ne
m’inquiétais pas. Dieu m’avait amenée si loin, il prendrait
aussi soin de moi durant l’accouchement.
A 17
heures, l’infirmière a commencé la provocation. Le médecin nous
avait prévenus que le travail pouvait durer très longtemps. Lorsque
le Dr Long a contrôlé à 18 heures, mon col était déjà
partiellement dilaté. Il nous a dit que j’allais probablement
accoucher vers 10 heures le lendemain matin. La famille de Rob est
venue à l’hôpital pour nous soutenir. Lors du contrôle de
minuit, le Dr Long nous a dit que ça avançait beaucoup plus vite
que prévu et que j’allais accoucher autour de 2 heures du
matin.
Notre fille Victoria Lynn est née le 23
juillet 1999, à 2:20 h du matin.
L’infirmière a
enveloppé Victoria et me l’a donnée. Elle était tellement
merveilleuse. Elle ressemblait à Rob, avec ses cheveux foncés, son
nez en trompette et son menton. Nous avions lu que beaucoup de bébés
atteints de trisomie 13 avaient une fente labiale et palatale, des
doigts et orteils supplémentaires, des oreilles anormales et
d’autres malformations externes. Notre fille n’avait rien de tout
cela. Dieu l’avait embrassée. Elle avait l’air d’un bébé
tout à fait normal.
Nous avons vraiment apprécié
la compassion et la sensibilité du Dr Long. Il nous a dit combien
Victoria était belle et il a caressé sa joue. Lorsqu’il est sorti
vers notre famille pour leur dire que j’allais bien, il avait les
larmes aux yeux. Cela m’a vraiment touchée, car le Dr Long avait
plus de 70 ans et avait délivré des milliers de bébés. Il était
là, à pleurer notre bébé. C’était un médecin bienveillant qui
n’avait pas oublié le facteur humain de sa profession.
Becki,
notre infirmière, était très sensible à nos sentiments. Elle
traitait notre bébé comme tous les autres bébés et non comme un
bébé décédé qui ne compte pas. Elle nous disait combien Victoria
était belle. Nous avons choisi un petit habit que Becki lui a mis
après lui avoir coupé une mèche de cheveux et pris les empreintes
des mains et des pieds.
Becki nous a dit que nous
pouvions garder Victoria avec nous aussi longtemps que nous le
désirions. Cela nous a vraiment aidés de pouvoir passer du temps
avec elle, de pouvoir la tenir dans nos bras. Nous l’avons gardé
avec nous pendant tout mon séjour à l’hôpital. Elle avait l’air
si paisible, comme si elle dormait. Pour nous, sa mort in utero était
la meilleure issue. Nous aurions beaucoup aimé pouvoir la tenir
vivante dans nos bras, mais nous savions qu’elle aurait souffert et
aurait dû se battre pour chaque respiration. Nous avons réalisé
que si c’était dur d’avoir un bébé mort-né, il aurait été
encore plus dur pour nous de voir mourir notre bébé. Encore une
fois, les plans de Dieu pour nous étaient parfaits.
Nous
avons pris beaucoup de photos de notre fille chérie. Il peut
paraître étrange de photographier un bébé qui ne vit plus, mais
nous sommes si contents de les avoir fait, car ce sont les seuls
souvenirs tangibles que nous ayons de Victoria.
Le
lendemain matin, le Dr Long m’a permis de quitter l’hôpital
quand je le voulais. On a décidé qu’émotionellement, il serait
plus facile pour nous d’être à la maison. On est rentré dans
l’après-midi. Nous étions épuisés et avions besoin de dormir.
Les jours suivants, nous avons beaucoup pleuré dans les bras l’un
de l’autre.
Trois jours plus tard avait lieu
l’enterrement. Le prêtre qui nous avait mariés sept ans plus tôt
a organisé le service. On avait demandé que seule la famille proche
soit présente, on n’aurait pas pu faire face à une foule.
Victoria a été ensevelie dans la robe de baptême acheté par ma
belle-mère et ma belle-sœur. Sur la tombe, nous avons lâché un
ballon rose. Comme le ballon, nous avons lâché Victoria pour
qu’elle rejoigne le ciel. Ensevelir notre fille était la chose la
plus difficile que Rob et moi avons du vivre.
On
aurait voulu que Victoria naisse en bonne santé. Même si l'issue
n'a pas été comme nous l’aurions souhaité, Dieu nous a portés
durant toute la grossesse. Dieu nous a donné la force dont nous
avions besoin pour traverser cette expérience. Il nous a aussi donné
des médecins compatissants, ainsi que l’avertissement de l’état
de notre bébé pour que nous puissions nous préparer à sa mort.
Dieu nous a donné une famille et des amis qui nous ont soutenu. J’ai
eu un accouchement facile. Le plus important c’est que nous n’avons
pas dû voir souffrir ou mourir notre enfant. Dieu l’a pris avant
qu'il n’ait pu expérimenter la douleur.
Pourquoi
cela est-il arrivé ? Nous ne connaissons pas la réponse, mais nous
savons que tout fait partie du plan de Dieu. En tant qu’être
humain, nous ne pouvons pas toujours comprendre son plan, mais nous
devons lui faire confiance et croire qu’il a un plan parfait pour
nous. Sans vouloir dire que nous comprenons les raisons de Dieu, nous
avons déjà pu voir des bonnes choses qui sont nées de cette
épreuve. Elle a renforcé notre caractère, notre mariage et notre
foi. Elle nous a rapproché de notre famille. Nous savons également
que beaucoup ont été touché par la vie de Victoria, et elle
continuera sûrement à toucher d'autres vies pour bien des années à
venir.
Porter Victoria jusqu'à la fin de la
grossesse n’a pas été un fardeau comme le périnatologue nous
l’avait prédit, mais un privilège.
Source: benotafraid.net
Dernière
mise à jour de cette page: 29.01.2010
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